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Entretien préalable à un licenciement : les frais de déplacement pour assistance d’un salarié sont-ils pris en charge par l’employeur ?

Publié le 27/02/2024
Licenciement, travail, solidarité,
Magnus Møller/AdobeStock

Un salarié qui en assiste d’autres dans le cadre d’entretiens préalables aux licenciements peut obtenir de l’employeur le remboursement de frais de déplacement qu’il a engagés pour assister des salariés lors d’entretiens préalables.

Un salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de remboursement de frais de déplacement engagés pour assister des salariés lors d’entretiens préalables. Cette demande a été accordée par le conseil de prud’hommes, décision contre laquelle l’employeur a formé un pourvoi. La décision du conseil de prud’hommes faisait droit à la demande du salarié sur le principe du remboursement de ses frais, en se basant pour leur estimation sur la réglementation fiscale des indemnités kilométriques. La société estime qu’en statuant ainsi, sans tenir compte de l’accord existant dans l’entreprise pour la prise en charge par l’employeur des frais avancés par les instances uniques des représentants du personnel (IRP), le conseil des prud’hommes a violé la liberté d’entreprendre constitutionnellement protégée.

Ceci pose la question de l’assistance des parties (I) lors des entretiens préalables au licenciement et/ou mesure disciplinaire et celle de la prise en charge par l’employeur des frais du salarié assistant (II) s’il n’est ni membre de l’instance unique des représentants du personnel ni conseiller du salarié.

L’employeur a souhaité ne pas prendre en charge les frais exposés par ce salarié en assistant d’autres, en mettant en avant l’existence dans l’entreprise d’un accord relatif à la prise en charge par l’employeur des frais des IRP pour l’exercice de leurs missions. Selon l’employeur, celle-ci ne s’appliquait qu’aux IRP et non aux autres salariés. La Cour de cassation a rejeté ce raisonnement en expliquant que les frais de transport exposés par un salarié afin d’assister d’autres salariés de l’entreprise convoqués à un entretien préalable au licenciement doivent être remboursés. Elle estime que juger autrement serait de nature à remettre en cause le principe de la possibilité d’assistance par un autre salarié de ceux qui ont à faire à des entretiens préalables au licenciement ou autres mesures disciplinaires.

La Cour juge que le droit reconnu au salarié de se faire assister par un autre salarié de l’entreprise1, lors de l’entretien préalable au licenciement ou à une sanction susceptible d’avoir une incidence sur sa présence dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération, implique que ce dernier ne doit, du fait de l’assistance qu’il prête, subir aucune perte de rémunération.

Pour cette juridiction, sous couvert de violation de la loi, les griefs du moyen ne tendent qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par les juges du fond quant aux frais de déplacement exposés par le salarié afin d’assister d’autres salariés de l’entreprise convoqués à un entretien préalable au licenciement ou à une sanction disciplinaire. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

I – L’assistance des parties lors des entretiens préalables au licenciement et/ou mesure disciplinaire

Lorsque l’employeur envisage une sanction disciplinaire2 ou un licenciement3, il est obligatoire d’organiser un entretien préalable4 avec le salarié concerné.

La procédure, relative à la rupture du contrat de travail, est strictement individuelle et ne peut être menée collectivement. Un simple entretien visant uniquement à respecter la procédure sans permettre une défense du salarié sera considéré comme invalide.

Les nombre d’acteurs présents à l’entretien préalable est limité. Il s’agit du salarié, sa présence n’étant pas obligatoire car l’entretien n’existe que dans son intérêt et il ne peut être sanctionné pour son refus de comparaître, ou de son représentant s’il a lieu d’être, de l’employeur ou de son représentant. Lors de cet entretien préalable, le salarié peut se faire assister, notamment par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Le choix de la personne appelée à l’assister appartient au salarié.

II – Prise en charge par l’employeur des frais du salarié assistant un autre salarié

Lorsque la mission d’assistance est assurée par un représentant du personnel ou un conseiller du salarié5, l’employeur doit assurer le maintien de sa rémunération pendant la durée de celle-ci, sans pouvoir déduire cette durée indemnisée du crédit d’heures de délégation dont il dispose. Si le représentant du personnel engage des frais exceptionnels pour se rendre au lieu de l’entretien préalable, l’employeur doit également lui rembourser l’intégralité de ces frais. Le refus réitéré d’un employeur de régler les frais de déplacement des IRP, lorsque les réunions sont organisées à son initiative, a pour effet de restreindre la mobilité de ces personnes et l’exercice de leurs missions, ce qui caractérise le délit d’entrave aux fonctions des représentants des salariés6. On peut donc estimer que tous les frais du représentant du personnel qui assiste un autre salarié à un entretien préalable doivent être pris en charge par l’employeur même si les distances sont considérables (billets de train ou d’avion, frais de voiture, notes de restaurant ou d’hôtel, etc.), en sus de son salaire. À notre sens, la solution devrait être la même, droit de la défense oblige, dans le cas d’assistance par un autre salarié sans mandat, la présente décision semblant aller en ce sens.

Comme cela vient d’être rappelé dans la présente espèce, l’employeur doit donc donner suite à une demande de remboursement de frais de déplacement engagés par un salarié, non-représentant du personnel, pour assister des collègues lors d’entretiens préalables.

Conclusion

Une telle décision est de nature à permettre l’assistance par un autre salarié de salariés lors d’entretiens préalables au licenciement ou disciplinaire.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. trav., art. L. 1232-4 et C. trav., art. L. 1332-2.
  • 2.
    C. trav., art. L. 1331-1 à C. trav., art. L. 1331-2 : sanction (définition légale).
  • 3.
    J. Coudert et C. Doleux, Licenciement, tous vos droits, 2023, Prat éditions ; F. Nassiri Amini, S. Limou et F. Lefrançois, Le licenciement pour motif personnel – Comprendre la procédure et les sanctions applicables, 2021, Liaisons.
  • 4.
    S. Rioche, « L’entretien préalable au licenciement », GPL 4 mai 2021, n° GPL421m3.
  • 5.
    C. Berlaud, « Mission d’assistance des salariés : condition du maintien du salaire », obs. sous Cass. soc., 23 juin 2021, n° 19-23847, Sté Maubrac c/ M. X et a., F-P, GPL 27 juill. 2021, n° GPL424p8.
  • 6.
    Cass. crim., 22 nov. 2005, n° 04-87451 : Dr. soc. 2006, p. 388, note F. Duquesne ; RJS 2/06, n° 224.
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