Paris (75)

Télétravail : « Nous avons dû intégrer de nouvelles façons de faire »

Publié le 31/08/2021

Jonathan Astruc est le cofondateur de Digitevent, une PME parisienne qui aide les entreprises à organiser leurs événements physiques ou virtuels. Le début de la crise de la Covid a marqué un coup d’arrêt dans le développement de l’entreprise, aussi implantée au Brésil. Aujourd’hui, « nous réalisons 90 % de notre chiffre d’affaires avec des clients que nous n’avions pas avant la crise », explique Jonathan Astruc. Retour d’expérience sur un an et demi incomparable.

Actu-juridique : Comment s’organise le travail dans votre entreprise ? Le télétravail est-il toujours prédominant ?

Jonathan Astruc : Digitevent emploie entre 20 et 25 personnes sur Paris et cinq collaborateurs au Brésil. Historiquement, nous faisions très peu de télétravail. En mars 2020, comme tout un chacun, nous sommes passés très brusquement à 100 % de travail à distance, et aujourd’hui 90 % des salariés sont revenus physiquement dans nos locaux – à plein temps – et une petite minorité poursuit le télétravail. Certains d’entre eux nous ont même demandé de partir travailler au Brésil.

AJ : Ce retour massif au présentiel, était-ce une volonté de votre part ou celle de vos employés ?

J.A. : Nous n’avons jamais demandé à nos collaborateurs de revenir à plein temps sur leur lieu de travail. La seule contrainte que nous « imposions » était un jour de travail en présentiel pour permettre aux équipes de se rencontrer. Mais de fait, ce sont les salariés eux-mêmes qui ont exprimé leur désir de revenir tous les jours dans les bureaux. Nous sommes une jeune entreprise, avec une moyenne d’âge d’environ 25, 26 ans. Pour ces jeunes salariés il est important d’avoir du contact, de ressentir le travail et l’esprit d’équipe. Ils sont bien plus que des collègues de bureau. C’est davantage motivant pour eux d’être ensemble que de rester tous les jours à domicile, dans des appartements pas nécessairement très confortables.

AJ : A contrario, que vous disent les salariés qui veulent rester en télétravail et/ou partir à l’étranger ?

J.A. : Pour une partie d’entre eux, cette volonté exprime le désir de faire face à de nouveaux challenges. Du point de vue psychologique, les confinements n’ont pas été faciles et un manque de motivation a pu en découler. Nous sommes donc à l’écoute de chacun des projets. Nous devons faire la différence entre ceux qui expriment un désir sincère d’expatriation ou de développer une nouvelle méthode de travail et ceux pour qui l’on perçoit surtout un désir de passer à autre chose qui ne s’inscrit pas forcément dans l’aventure Digitevent.

AJ : À titre personnel, quel bilan tirez-vous de cette année et demi si particulière ? Notamment, quel est désormais votre regard sur le télétravail ?

J.A. : Au début de la crise, comme beaucoup d’autres entreprises de notre taille, nous avons dû faire face à de nombreuses difficultés. Nous n’étions pas prêts à passer à 100 % de télétravail, en l’espace de quelques heures seulement. L’organisation, le management, la communication, les process, nous avons été surpris par l’actualité et nous n’étions tout simplement pas au point. Dès lors, tout s’est mis en place progressivement, par la force des choses, avec de la patience et la volonté de toute l’équipe. C’est aussi sûrement cela qui a motivé des collaborateurs à vouloir rester en distanciel ou partir à l’étranger. Aujourd’hui, nous avons acquis un savoir-faire. La crise sanitaire a été source de nouveaux apprentissages pour l’entreprise, d’innovations aussi. Les collaborateurs quant à eux se sont découverts de nouvelles compétences, ils ont acquis notamment une plus grande autonomie dans leurs tâches. Ils ont gagné aussi en responsabilité et c’est évidemment quelque chose de valorisable et appréciable pour eux.

AJ : Et qu’en est-il du management, de la direction ?

J.A. : Là aussi, nous sommes partis de loin. Contrairement à d’autres structures, nous avons bâti notre organisation sur un fonctionnement horizontal, sans plusieurs niveaux de hiérarchie. Le travail à distance a donc été frustrant pour nous, nous n’étions pas au contact des équipes comme nous avions l’habitude de l’être. Nous avons dû intégrer de nouvelles façons de faire, de nouveaux outils, ce qui s’est révélé en réalité très motivant après les difficultés du début. Comme nos collaborateurs, nous avons beaucoup appris durant ces mois écoulés. Le stress paralysant du début s’est transformé progressivement en innovation. Aujourd’hui, preuve de notre adaptation réussie, nous avons ouvert plusieurs postes à des recrutements 100 % distanciel. Chose que nous n’avions jamais envisagée auparavant.

AJ : L’événementiel a été l’une des victimes collatérales de la Covid. Où en êtes-vous aujourd’hui ? Les perspectives sont-elles bonnes pour votre activité ?

J.A. : Initialement, Digitevent est un outil pour gérer les inscriptions, les invitations ou les contrôles d’accès des événements en présentiel qu’organisent nos clients. De fait, tout cela s’est arrêté avec la crise sanitaire. Nous nous sommes donc réinventés et passés d’une boîte à outil pour des événements physiques (séminaires, assemblées générales, rencontres clients, etc.) à une boîte à outils pour des événements en distanciel. En réalité, la seconde n’a pas remplacé la première mais l’a complétée. Aujourd’hui, nous réalisons 90 % de notre chiffre d’affaires avec des clients que nous n’avions pas avant la crise. Notre typologie de clients a évolué, les demandes d’événements ayant elles-mêmes changées. Notre clientèle historique n’est pas, pour autant, en reste puisque nous sommes à nouveau sollicités pour des rencontres en présentiel. Nous avons donc élargi notre portefeuille client. Les perspectives, pour Digitevent, vous l’aurez compris, sont plutôt positives. Nous pourrions multiplier par deux notre chiffre d’affaires cette année.

AJ : Pensez-vous, à termes, que les vieilles habitudes reprendront leurs droits dans le secteur de l’événementiel ou la tendance de la visioconférence perdurera ?

J.A. : Il est difficile de vous donner une réponse arrêtée à ce propos. Ma conviction, c’est qu’il n’est pas impossible de faire qu’avec du virtuel, ou une formule hybride (mi-présentiel, mi-digital). Cela se conçoit, d’après moi, pour les événements où le contenu prime avant tout. Je pense, par exemple, à une conférence sur un sujet bien précis, qu’il soit économique, social ou scientifique. Ou encore un événement interne pour une entreprise où il s’agit d’abord de diffuser une information. Avec l’expérience acquise, nous savons aujourd’hui proposer des rencontres à distance de très bonne qualité. Nos clients, pour des raisons évidentes, éviteront désormais de faire venir des collaborateurs des quatre coins de la France pour une réunion de quelques heures. En revanche, pour des événements où c’est surtout le relationnel qui domine, le présentiel perdurera. Il est toujours plus facile de fidéliser des clients, trouver de nouveaux partenaires ou vendre de nouveaux produits en rencontrant les personnes concernées. Dans ce cas-là, l’expérience numérique ne remplacera jamais le contact humain. Par ailleurs, la visioconférence a été tellement banalisée qu’elle ne permet plus de solenniser autant un événement.

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