Immobilier en IDF : « Une surchauffe du marché de l’immobilier surtout dans la Grande Couronne »
La situation du marché de l’immobilier est très dynamique en 2021. Les ventes sont très élevées et les prix ne cessent d’augmenter. D’après les chiffres ADSN-BIEN – Notaires du Grand Paris, les volumes des logements vendus sont supérieurs de 20 % par rapport à la moyenne des dix dernières années. L’activité a rebondi de 45 % de manière plus importantes en Petite et Grande Couronne, avec un léger décalage avec la conjoncture du marché à Paris. Entre l’effet de rattrapage par rapport à 2020, les taux d’intérêts faibles et les changements sociétaux en faveur des maisons individuelles. Olivier Tyl, président de la chambre interdépartementale des notaires de Versailles, décrypte pour Actu-Juridique la conjoncture immobilière francilienne.
Actu-Juridique : Comment caractérisez-vous la conjoncture du marché de l’immobilier actuellement en Île-de-France ?
Olivier Tyl : Nous constatons, depuis quelques mois, un phénomène de surchauffe du marché de l’immobilier surtout dans la Grande Couronne parisienne. C’est un emballement du marché sur ces territoires autour de Paris et notamment dans le département des Yvelines. Un emballement sur les volumes. C’est une certitude. Concernant les prix, c’est trop tôt pour se projeter sur le long terme. Nous assistons à un phénomène d’accélération sur les derniers mois notamment sur l’habitat individuel. Les évolutions dans Paris et dans la petite et la grande couronne sont différentes depuis quelques mois.
AJ : Sur la même période en un an entre février et avril 2020 et 2021, les volumes de vente de logements anciens ont augmenté de 45 %, en Île-de-France. C’est le signe du dynamisme du marché francilien ?
O. T. : Le marché est très dynamique. Mais, il faut pondérer cette augmentation avec la diminution sur la même période l’année dernière. Sur les volumes de ventes de 2020, il y a eu un phénomène dépressionnaire extrêmement violent, du fait de l’état d’urgence sanitaire. Au printemps 2020, nous avions une chute de 40 % des volumes. Cette baisse s’expliquait par le gel complet de toutes les procédures administratives, dont nous avions besoin pour rédiger nos actes. Nous ne pouvions pas faire de rédaction d’actes en dehors même de la volonté des vendeurs et des acquéreurs. Le marché s’est arrêté de force car plus aucune mairie ne nous répondait sur le droit de préemption, les permis de construire étaient bloqués. Après, effectivement, nous faisons le constat d’une accélération rapide sur le marché. Par exemple, dans la Grande Couronne, nous connaissons une augmentation de 49 % des volumes. C’est au moins de cet ordre-là dans les Yvelines.
AJ : Quel est le niveau des prix actuels sur le marché de l’immobilier ?
O. T. : Si je prends dans mon département, les Yvelines, concernant les appartements nous sommes sur une projection de progression des prix de 5 % sur une année. Pour les maisons individuelles, nous sommes sur une augmentation des prix aux alentours de 8 %. C’est très sensible.
« Au début de l’année, dans les Yvelines, le prix moyen d’une maison était à 405 000 € »
Et sur les dix dernières années, quand on regarde l’évolution des prix pour les maisons anciennes, nous avons connu un pic en 2011, puis nous avons connu une stabilisation, voire une diminution. Depuis un an, nous rencontrons un phénomène d’augmentation des prix sur l’habitat individuel. D’ailleurs, le pic de 2011 a été battu, lors du premier confinement de 2020. Il n’a eu de cesse d’augmenter et de manière sensible sur ces derniers mois. Une hausse expliquée par la diminution des stocks. Aujourd’hui, il y a très peu de maisons à vendre. Au début de l’année, dans les Yvelines, le prix moyen d’une maison était à 405 000 €. Pour l’année 2021, nous sommes sur une projection moyenne de 426 000 €. Nous n’avons pas vu cette forme de courbe en hausse depuis très longtemps.
AJ : Les maisons individuelles sont donc les types de biens les plus recherchés ?
O. T. : Tous les types de produits sont recherchés aujourd’hui. En Grande Couronne, c’est particulièrement la maison individuelle.
« Quand vous dépassez les grandes villes de la Grande couronne, la demande se tourne principalement vers la maison individuelle »
Mais, nous nous apercevons qu’il y a une grande tension sur les prix des appartements. Surtout dans des villes comme Versailles ou Saint-Germain-en-Laye. Les prix sur Versailles sont au plus haut tous type de biens confondus. Pour un très bel appartement, dans les quartiers centraux, vous pouvez atteindre les 10 000 €/m2. Après, dès que vous quittez les grandes villes de la Grande Couronne, la demande se tourne principalement vers la maison individuelle.
AJ : Quels sont les profils des acquéreurs et des vendeurs sur le marché de l’immobilier ?
O. T. : Pour l’acquéreur, nous avons beaucoup de familles, souvent des couples âgés entre 35 et 40 ans. Malheureusement, dans les Yvelines, nous avons très peu de jeunes couples, primo-accédants car le prix moyen d’accession à la propriété pour une maison individuelle est assez élevé. Concernant les vendeurs, nous avons surtout des mutations de confort, c’est-à-dire l’achat d’un bien immobilier plus grand. Puis, vous avez aussi des retraités.
AJ : Quels sont les facteurs explicatifs de la conjoncture en Île-de-France ?
O. T. : Il y a une conjonction de plusieurs facteurs explicatifs. D’abord, dans des périodes d’incertitudes sociétales et économiques, la pierre rassure car c’est une valeur refuge. C’est un investissement tangible. Ensuite, les taux d’intérêts sont historiquement bas. C’est la possibilité d’emprunter sur 20 à 25 ans avec des taux inférieurs à 1,5 %, ce phénomène permet d’absorber la hausse du foncier. Puis, il y a la volonté d’avoir une maison individuelle avec un espace vert, compte tenu des changements qui s’opèrent aujourd’hui. Il y a notamment le développement du télétravail. C’est difficile de mesurer ce facteur, un an après le début de la crise sanitaire. Il va falloir regarder s’il s’inscrit dans la durée.
AJ : Peut-on parler aujourd’hui d’un exode de Paris vers la Grande Couronne ?
O. T. : L’exode s’est toujours fait. Mais, il a été souvent contraint pour des raisons économiques. Le prix médian à Paris est supérieur à 10 000 €/m2, vingt arrondissements confondus. Pour un appartement de 90 m2, il faut sortir 900 000 €. L’exode était forcé déjà de ce point de vue. Ce phénomène existe sans doute pour les petites surfaces.
Après ce n’est pas un raz-de-marée. Puis, avant la crise, beaucoup de personnes avaient un projet d’acquisition en Grande Couronne dans une maison. Parfois, ce sont des projets qui se sont accélérés notamment avec le confinement. Mais, l’exode fait partie de la conjonction des facteurs qui entraîne la surchauffe du marché de l’immobilier en Île-de-France.
AJ : Concernant les projets immobiliers neufs en Île-de-France, observez-vous des changements dans la conception ?
O. T. : D’abord, l’immobilier neuf a pâti de la baisse des permis de construire au moment des échéances municipales. C’est un phénomène régulier. L’année dernière, les élections sont tombées au même moment que l’état d’urgence sanitaire. Le nombre de mis en chantier a été fortement freiné. Néanmoins, nous observons une appétence des futurs acquéreurs et du coup, des promoteurs et des aménageurs de concevoir des projets avec des extérieurs. C’est l’élément essentiel des cahiers des charges des programmes immobiliers neufs. Avoir une terrasse ou un balcon va s’s’inscrire dans la durée. Après, il y a la tendance environnementale avec des normes toujours plus strictes. Le coût de construction a tendance à augmenter, avec actuellement des difficultés d’approvisionnement en matières premières. La mise en chantier et la production de logements neufs ne va pas atteindre des chiffres en volume extraordinaires.
AJ : Les programmes immobiliers dans le neuf rendent-ils attractifs la banlieue et les zones urbaines d’Île-de-France ?
O. T. : Aujourd’hui, le développement urbain doit se faire dans un périmètre contraint. La loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) a réformé la vision de l’urbanisme, il y a déjà plusieurs années. Les programmes de construction neufs doivent s’inscrire dans des zones déjà urbanisées. Le législateur lutte depuis longtemps contre l’étalement urbain ou l’urbanisation horizontale. La plupart des programmes neufs actuels sont dans des zones déjà urbanisés ou d’anciennes friches industrielles. Normalement, pour des raisons environnementales, on ne construit plus sur des zones agricoles ou rurales. Vous avez aussi beaucoup de programmes dans des cœurs de ville. Des aménagements réalisés comme à Saint-Cyr-l’École dans les Yvelines. Les constructions ont été réalisées sur des zones où il y avait une activité autre que l’agriculture. Beaucoup de programmes se font aussi en centre-ville. Des projets où il y a démolition de l’habitat existant, souvent des maisons ou des pavillons, pour y construire à la place des immeubles collectifs.
AJ : Quelles sont les perspectives du marché de l’immobilier pour les mois à venir ?
O. T. : Quand nous connaissons des phénomènes d’emballement sur les volumes et les prix, nous restons assez prudents.
« Tant que les taux d’intérêt sont bas et l’économie générale ne connaît pas une crise majeure, l’emballement risque de se calmer mais le marché devrait rester dynamique »
Aujourd’hui, sur le marché de la Petite et de la Grande Couronne, nous avons une pénurie de produits. Nous avons donc mécaniquement une tension sur les prix. Tant que les taux d’intérêt sont bas et l’économie générale ne connaît pas une crise majeure, l’emballement risque de se calmer mais le marché devrait rester dynamique. Mais nous ne sommes pas à l’abri d’un marché de l’immobilier grippé par un phénomène conjoncturel économique de crise ou d’une hausse des taux d’intérêt. L’année prochaine sera plus propice à avoir un recul du marché, car en 2021, nous avons connu un phénomène de rattrapage. Après, il faudra voir si sur le long terme le marché reste dynamique.
Référence : AJU235404