Le Conseil d’État au cœur des rapports de systèmes constitutionnel et européens (suite et fin)

Publié le 30/07/2018

Le Conseil d’État s’avère être un acteur majeur des rapports de systèmes constitutionnel et européens : il résout les difficultés auxquelles il est confronté en la matière avec autonomie et habileté, en fonction de sa propre conception des rapports que doivent entretenir entre elles les entités normatives et procédurales interférentes. Bien qu’elles participent à l’émergence d’une vision pacifiée des rapports de systèmes, les solutions retenues laissent encore la jurisprudence administrative suprême dans un état transitoire, et semblent avoir atteint, sous cet angle, les limites de la satisfaction. S’ensuit la question de savoir si le Conseil d’État saisira l’occasion de s’imposer comme l’un des grands architectes d’un véritable système de rapports, notamment en participant à l’élaboration d’une authentique méthode de résolution des conflits de normes et de systèmes se situant en dehors de la logique de hiérarchie pure.

I – Le Conseil d’État, acteur ingénieux des rapports de systèmes constitutionnel et européens

A – La gestion des conflits normatifs

B – L’articulation des procédures

II – Les difficultés du Conseil d’État à composer avec certains aspects protectionnistes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel

A – Les incertitudes relatives au contentieux des actes-miroir

B – Les défauts et incertitudes entourant la gestion des moyens imbriquant les contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité

Dans l’affaire Jacob, le choix du Conseil d’État en faveur de la solution adoptée pour résoudre la situation née de l’imbrication matérielle des contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité, s’explique avant tout par son souci de respecter le refus du Conseil constitutionnel d’opérer le second. Si le rejet de l’option consistant en une transmission sèche de la QPC au Conseil constitutionnel, laissant à ce dernier le soin de s’adresser à la Cour de justice, pouvait également tirer argument du respect des exigences communautaires relatives au renvoi préjudiciel1, seule l’approche rigoriste du « pré-carré constitutionnel » défendu par le juge constitutionnel constitue un obstacle dirimant2 à une saisine simultanée des juridictions de la rue Montpensier et du plateau de Kirchberg. Un tel renvoi concomitant de la QPC et de la question préjudicielle aurait en effet été respectueux, à la fois du caractère prioritaire de la première3 et des exigences que le droit de l’Union européenne attache à la seconde. Il faut en revanche bien admettre que transférer au Conseil constitutionnel le soin de saisir la Cour de justice et de tirer les conséquences de sa décision sur la disposition législative en cause, serait allé directement à l’encontre la jurisprudence IVG. Par sa décision Metro Holding4, le Conseil constitutionnel, rappelant qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur la conventionnalité de la loi avait d’ailleurs posé le contrôle de conventionnalité du juge ordinaire comme un préalable indispensable à une censure d’une méconnaissance du principe d’égalité5. Il semble donc que le souci de tirer les conséquences du refus du juge constitutionnel d’opérer un contrôle de conventionnalité a guidé le choix du juge administratif suprême en faveur d’une solution consistant à rejeter la QPC en l’état, pour défaut de caractère sérieux.

Cette solution ne va pourtant pas sans poser certaines difficultés théoriques et pratiques d’inégale importance, que la doctrine n’a pas manqué de relever. Au-delà du « pointillisme de cette solution, qui revient exactement au même, dans le déroulement de la procédure, que surseoir à statuer sur la QPC » 6, on peut trouver « relativement incohérent de juger tout à la fois la question de conventionnalité suffisamment sérieuse pour en saisir la Cour de justice et le doute sur le sérieux de la question de constitutionnalité insuffisamment sérieux pour la renvoyer au Conseil constitutionnel, alors que les deux questions portent exactement sur le même problème juridique »7. On peut encore trouver « critiquable de déclarer que c’est le constat par la Cour de justice de l’inconventionnalité de la loi qui entraîne l’inapplicabilité de cette dernière, alors que ce constat est purement recognitif »8. On peut enfin s’étonner de « l’auto-limitation de son office par le Conseil d’État en tant que juge de la transmission des questions prioritaires de constitutionnalité, qui se prononce sur cette transmission sans exploiter toutes les voies de droit à sa disposition »9. Par ailleurs et surtout, le raisonnement tenu présente le regrettable inconvénient de « couper l’herbe sous le pied » du Conseil constitutionnel, en le privant d’une occasion de faire évoluer sa jurisprudence. Le cas de figure de l’affaire Jacob, marqué par une interpénétration inédite des contrôles de conventionnalité et constitutionnalité de la loi, constituait en effet une occasion privilégiée, que le juge constitutionnel aurait pu vouloir saisir, d’apporter une nouvelle brèche, plus ou moins importante, dans sa jurisprudence IVG. Comme le souligne Baptiste Bonnet dans son commentaire de l’arrêt, au moins dans ce cas particulier, il aurait été « judicieux et cohérent de laisser l’opportunité au seul juge (le juge constitutionnel) en capacité de fusionner les contrôles (au moins dans ce cas particulier) de le faire »10.

La solution retenue dans la décision Jacob interroge d’autant plus qu’elle deviendra impraticable dès lors que la QPC comportera, en sus du moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité du fait de l’inconventionnalité alléguée de la loi, d’autres moyens. Dans une telle hypothèse, si le Conseil d’État estime ces moyens sérieux ou nouveaux, il devra transmettre la question au Conseil constitutionnel qui se trouvera conduit à l’examiner dans sa totalité, y compris le moyen tiré de l’existence d’une discrimination à rebours. La question du sort de la solution Jacob, dans l’hypothèse où le Conseil d’État ne serait que juge du filtre, se pose également de manière prégnante.

Finalement, dans sa décision du 31 mai 2016, le juge suprême semble résoudre les difficultés d’articulation entre QPC et question préjudicielle en conciliant les obligations qui lui incombent en tant que juge du filtre de la QPC, celles qui résultent de son office de juge européen de droit commun, le tout en cohérence avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elle laisse néanmoins en suspens de nombreuses interrogations que le Conseil d’État a, de nouveau, soigneusement évité de trancher quand l’occasion lui a pourtant été donnée de le faire11.

En dépit de son apparente ouverture au droit de l’Union européenne, la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative aux rapports de systèmes constitutionnel et communautaire semble essentiellement guidée par le souci d’imperméabiliser les frontières entre le contrôle de constitutionnalité des lois, d’une part, et les questions d’« euro-compatibilité » des lois, d’autre part. Sous cet angle, elle fait peser sur le Conseil d’État une force de contrainte supplémentaire qui aboutit, en matière d’articulation de la procédure de QPC avec celle de renvoi préjudiciel à la Cour de justice, à transformer une équation complexe en équation insoluble. Pour autant, on peut s’interroger sur le fatalisme de la juridiction suprême, qui pour être fidèle à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, prive finalement celle-ci d’occasions d’évoluer. Comme le notait un auteur, la question préjudicielle posée par le Conseil constitutionnel le 4 avril 201312 porte « la démonstration qu’en matière de rapports entre ordres juridiques il faut employer l’adverbe « jamais » avec prudence et que la force concentrique de ces rapports épuise bien des résistances, ou est à l’origine par l’énergie qu’elle insuffle, d’une multiplication des possibles »13. Paradoxalement, le Conseil d’État fait lui-même « perdurer les circonstances qui accentuent le dilemme auquel il est confronté »14, se condamnant de la sorte à adopter des solutions de compromis immédiates qui laissent sa jurisprudence dans un état transitoire.

Par ailleurs, s’arrêtant en quelque sorte au milieu du guet, le juge du Palais Royal s’en tient, lorsqu’il est confronté à des conflits entre normes constitutionnelles et normes européennes, à une stratégie d’évitement de la logique hiérarchique qui nous semble avoir atteint les limites de la satisfaction.

III – Une stratégie d’évitement de la logique hiérarchique ayant atteint les limites de la satisfaction

Le Conseil d’État opte pour des techniques de règlement des conflits de normes et de systèmes qui, du point de vue de leur raison d’être, semblent avoir atteint les limites de la satisfaction. Un tel constat conduit à envisager la participation du juge suprême à l’émergence d’une authentique méthode de résolution des conflits de normes qui se situe, en adéquation avec l’objectif de pacification des rapports de systèmes, en dehors de la logique hiérarchique.

A – Les limites des techniques de règlement des conflits de normes et de systèmes

Les limites des techniques de règlement des conflits de normes et de systèmes à l’œuvre dans la jurisprudence du Conseil d’État apparaissent sous un double angle de vue. Du point de vue du raisonnement d’abord, ces techniques ne suffisent pas à résoudre définitivement l’impasse de la logique de hiérarchie, qui réapparaît au contraire, au moins implicitement, au sein des décisions du juge suprême. D’un point de vue pragmatique ensuite, c’est l’efficacité même de ces techniques pour résoudre les conflits de normes et de systèmes qui paraît limitée.

1. L’analyse de la jurisprudence du Conseil d’État montre que l’ouverture croissante de la juridiction suprême à l’égard des autres ordres juridiques s’est accompagnée de l’émergence d’un mouvement de pacification des rapports de systèmes, se traduisant par un évitement des règles de hiérarchie, qui pouvaient paraître contraires à cet objectif. Force est d’admettre toutefois, que la jurisprudence administrative n’est, sur ce point, pas encore tout à fait aboutie. Dans le traitement qu’il fait des conflits entre Constitution et norme internationale, la logique de hiérarchie ressurgit au contraire dans le raisonnement du juge, démontrant que « c’est un prisme dont il est difficile de se défaire »15.

Si l’arrêt Sarran comme l’arrêt Déprez et Baillard présentent le mérite d’éviter, par un raisonnement axé sur la logique de compétence, « le piège de la primauté constitutionnelle »16, le fait que cette compétence soit recherchée exclusivement dans la norme constitutionnelle, ramène à un raisonnement de type hiérarchique.

L’arrêt Arcelor est encore plus symptomatique de cette situation. En dépit d’un engagement novateur en faveur d’une lecture pacifiée des rapports de systèmes17, la décision démontre la permanence de la fidélité du Conseil d’État à la norme constitutionnelle. Pour reprendre les conclusions de Matthias Guyomar, intégralement suivies par la juridiction suprême, le raisonnement « tient tout entier dans la suprématie absolue des règles et principes de valeur constitutionnelle ». En particulier, l’opérance du moyen tiré de l’inconstitutionnalité de l’acte de transposition contesté est justifiée par le fait que les normes du bloc de constitutionnalité « sont situées, dans notre hiérarchie, au-dessus des directives ». Les modalités particulières du contrôle de constitutionnalité « trouvent leur fondement dans la participation de la France aux communautés et à l’Union européenne qui est consacrée constitutionnellement par l’article 88-1 ». Dès lors, si la directive s’impose à la Constitution, elle ne le doit qu’à la Constitution elle-même. Celle-ci ne cède devant le droit communautaire que parce qu’elle y consent, en vertu de son article 88-1. À quoi il faut ajouter que l’effacement du contrôle de constitutionnalité qui résulte de la translation normative n’est que formel. Dans l’esprit du Conseil d’État, en effet, la considération du caractère spécifique ou non de la norme constitutionnelle n’affecte en rien l’opérance du grief d’inconstitutionnalité à l’encontre de l’acte réglementaire attaqué. La juridiction ne prendra en compte cette spécificité que dans un second temps, afin de déterminer les modalités applicables à l’examen de ce grief. En ce sens Jérôme Roux note que « le Conseil d’État présente le contrôle de conventionnalité comme un simple détour, opéré par le biais d’une requalification du moyen, au service du contrôle de sa constitutionnalité, c’est-à-dire de la garantie de la primauté sans réserve de la Constitution sur la directive transposée »18. La tournure employée dans l’arrêt Arcelor est d’ailleurs saisissante, la juridiction suprême affirmant qu’« il y a lieu pour le juge administratif, afin de s’assurer de la constitutionnalité du décret, de rechercher si la directive que ce décret transpose est conforme à cette règle ou à ce principe général du droit communautaire ». Enfin et surtout, comme le souligne Baptiste Bonnet, en cas d’activation de la réserve de constitutionnalité, « c’est bien à une vision classique, bien qu’inappropriée, de la hiérarchie des normes que l’on en revient pour affirmer le cas échant, la primauté constitutionnelle »19.

Du point de vue de leur efficacité également, les techniques employées par le Conseil d’État pour résoudre les conflits de normes et de systèmes présentent des limites.

Lorsqu’il est confronté à des conflits de normes constitutionnelle et internationale, le juge administratif, en situant son raisonnement dans une logique de compétence et notamment en insistant sur l’importance du titre de compétence en vertu duquel il appréhende de tels conflits, « rappelle sa place et son rôle dans les rapports de systèmes : il ne se pose pas en censeur du droit international »20, mais règle le conflit qui se présente à lui, dans l’ordre interne, en fonction du titre de compétence en vertu duquel il agit. Comme le souligne Baptiste Bonnet, visiblement, en adoptant ce raisonnement, le juge administratif, qui est particulièrement exposé à l’égard des juges internationaux, et notamment à l’égard de la Cour européenne des droits de l’Homme (Cour EDH), « choisit le “contournement” plutôt que le conflit dans l’aménagement de la hiérarchie interne des normes »21. En tout état de cause, le conflit systémique n’est évité que de manière théorique, dès lors que, du point de vue du système externe, ce qui importe est que la primauté de ses normes se concrétise au plan contentieux par leur prévalence sur les normes internes, y compris de nature constitutionnelle. L’évitement ou la résolution du conflit normatif entre norme constitutionnelle et CEDH ne sont d’ailleurs que temporaires. Ce dernier ne manquera pas, en effet, de ressurgir devant la Cour EDH. Du point de vue cette dernière, il ne présentera alors pas de réelle spécificité par rapport au reste du contentieux, et s’apparentera strictement à une violation imputable à l’État français22. Si de telles décisions participent au mouvement de pacification à l’œuvre dans les rapports de systèmes, elles s’inscrivent donc cependant dans le cadre d’une gestion immédiate et casuistique des conflits normatifs et systémiques.

Dans ce contexte, la jurisprudence Arcelor, qui a vocation à régir les rapports entre Constitution et droit de l’Union européenne se démarque. Elle se présente comme une tentative vertueuse et particulièrement aboutie d’évitement des conflits, non seulement de normes, mais également de systèmes. La translation normative permet ainsi d’éviter définitivement le conflit entre norme constitutionnelle et directive européenne, en le déplaçant dans l’ordre juridique communautaire et en le transformant en un conflit entre normes communautaires. Le recours à protection équivalente, à la fois comme raison et comme condition de la translation normative, est pour sa part destiné à éviter le conflit de nature systémique.

En dépit de son ingéniosité, la démarche du Conseil d’État présente certaines faiblesses qui font obstacle à sa transformation en succès accompli. Certaines de ces faiblesses trouvent leur origine, intrinsèquement dans la notion de protection équivalente, tandis que d’autres découlent de l’application qui est faite par la juridiction suprême de la technique de translation normative.

Une première série de défauts résulte du champ d’application limité de la technique de translation normative fondée sur l’équivalence de protection.

Soulignons d’emblée que, en considération de sa raison d’être – réduire les hypothèses de conflits systémiques entre Constitution et droit de l’Union européenne –, le champ d’application de la protection équivalente, par définition limité aux droits fondamentaux, constitue un premier défaut. En effet, si les droits fondamentaux ont pris une place prépondérante dans les constitutions nationales et, par suite, dans le contentieux constitutionnel, ils n’épuisent cependant pas les hypothèses de conflits entre droit constitutionnel et droit de l’Union.

En outre, les modalités d’application de la translation normative retenues par le Conseil d’État sont trop restrictives. Au terme de la jurisprudence Arcelor, seuls « les actes assurant la transposition de dispositions inconditionnelles et précises de directives communautaires » méritent, en cas d’équivalence des protections, une translation du raisonnement et du contrôle en droit de l’Union européenne. Coexistent, au sein de cette incise, deux conditions à l’application de la translation normative : l’acte doit avoir pour objet d’assurer la transposition de la directive, et les dispositions transposées doivent être inconditionnelles et précises. Si ces deux conditions sont remplies, le contenu de l’acte de transposition devrait épouser exactement celui de la directive transposée. Dès lors, le débat contentieux porte, sous couvert de la contestation de l’acte interne, en réalité sur la substance même de l’acte communautaire. Les critères retenus ont donc pour fonction bien précise d’identifier la véritable source du conflit, son imputabilité. Sous cet angle, leur pertinence peut cependant être discutée.

On comprend mal d’abord, pourquoi limiter l’application de la translation normative aux actes ayant pour objet de transposer une directive. Comme le souligne justement François Brunet, « pour n’être qu’un reflet, la norme interne n’a pas besoin d’être toujours une norme de transposition : il suffit qu’elle réitère tel principe ou telle norme trouvant sa source dans ladite directive. Que le reflet soit plus évident et plus fréquent lorsque l’acte interne a spécialement pour objet de transposer la directive n’enlève rien au fait qu’un autre acte interne peut tout autant refléter une directive »23.

Le critère des dispositions inconditionnelles et précises, emprunté expressis verbis à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, pourrait tout autant manquer sa cible. Nous admettrons en effet que l’existence d’un conflit indirect entre directive et Constitution n’est pas uniquement conditionnée par le degré de précision ou le caractère inconditionnel de la directive. Un décret peut très bien reprendre mot pour mot les termes d’une directive qui ne sont ni précis ni inconditionnels ; leur confrontation avec une disposition constitutionnelle n’en révélerait pas moins un conflit entre le droit communautaire et la Constitution. Comme le souligne Xavier Magnon, « ce qu’il est important de savoir, ce n’est pas tant le degré de précision de l’énoncé des directives que le lien existant entre le décret et la directive »24. Pour François Brunet, « L’analyse devrait reposer exclusivement sur un critère substantiel : le droit créé par l’acte de transposition est-il matériellement nouveau au regard du droit issu de la directive ? La question de savoir si l’État était tenu ou non de retranscrire telle quelle la directive n’est généralement qu’un indice pour répondre à cette question. Comme en matière de loi-écran, le regard doit être avant tout rétrospectif et contextuel. C’est pourquoi il est permis de s’interroger sur l’opportunité de maintenir, dans la jurisprudence sur la directive-écran, une référence à l’inconditionnalité et à la précision de cette directive »25.

Dans un tel contexte, la décision du 3 octobre 2016 mérite une attention particulière, en ce que le Conseil d’État y abandonne le critère des dispositions précises et inconditionnelles en visant désormais « le cas où le contenu de ces actes découle nécessairement des obligations prévues par les directives, sans que le pouvoir réglementaire ne dispose de pouvoir d’appréciation »26. Certes, on peut relativiser l’impact de ce changement de terminologie dès lors que « la capacité du contenu de l’acte réglementaire de transposition à découler nécessairement des obligations prévues par la directive gravite autour du caractère précis des dispositions de cette dernière, et que l’inexistence d’un quelconque pouvoir d’appréciation pour le pouvoir réglementaire s’apparente à son caractère inconditionnel »27. Pour autant, cette nouvelle formulation n’opère sans doute « pas qu’une clarification sémantique »28. En effet, si la marge d’appréciation dont dispose une autorité nationale pour transposer une directive peut classiquement dépendre du degré de précision ou de conditionnalité de cette dernière, elle peut également dépendre du « degré d’harmonisation de la matière » dans laquelle la directive transposée a été adoptée. Ainsi, dans une matière complètement harmonisée, les États membres sont privés de marge d’appréciation pour la régir de leur propre initiative29 ; dans une matière partiellement harmonisée en revanche, la directive ne vise que des seuils minimaux de réglementation et les États conservent une marge d’appréciation. Comme le soulignent des auteurs, « la détermination du point de savoir si une directive opère une harmonisation exhaustive ou simplement partielle, voire minimale, des législations nationales, est une question délicate qui, le plus souvent, nécessite une prise de position de la Cour de justice pour aboutir à une solution certaine »30. Ce fut d’ailleurs le cas en l’espèce, le Conseil d’État décidant par suite d’interroger la juridiction luxembourgeoise sur ce point. Dans l’hypothèse où la Cour considérerait qu’il existe bien une marge de manœuvre au profit des autorités nationales, le juge administratif pourrait in fine directement contrôler la constitutionnalité des dispositions contestées, en application de sa jurisprudence Arcelor.

Cette nouvelle formulation n’évite pas les écueils de la précédente. Si l’on peut en effet admettre que dans le cas d’une harmonisation complète, l’action normative des États membres trouve sa source dans le droit de l’Union, justifiant ainsi la translation normative, il n’est pas certain, à l’inverse, que la simple absence d’harmonisation complète – donc la présence d’une marge de manœuvre –, suffise à écarter toute imbrication entre la directive et la mesure de transposition. Comme le souligne François Brunet, « Il importe peu à cet égard qu’un État ait bénéficié d’une marge de manœuvre : il faut se demander si, même en exerçant cette marge, son action peut trouver sa source substantielle en droit de l’Union »31.

On le comprend, l’identification d’un conflit entre normes constitutionnelle et communautaire constitue « une opération délicate, impliquant toujours un raisonnement circonstancié, consistant à rechercher, au cas par cas, la source juridique du point de droit en discussion »32. Dans cette perspective, les critères énoncés par le Conseil d’État, axés sur les seules caractéristiques de la directive, bien qu’ils en constituent des indices précieux, sont insuffisants pour permettre de déceler l’existence d’un conflit indirect entre directive et Constitution. Leur utilisation exclusive, en dehors d’un raisonnement circonstancié, risque de laisser en dehors du champ d’application de la translation normative fondée sur l’équivalence de protection, des conflits normatifs que cette dernière a précisément pour vocation d’éviter.

Par ailleurs, pour remplir sa fonction de réduction des conflits systémiques, l’équivalence de protection devrait induire l’application de la translation normative dès lors qu’existe un lien tel, entre un acte national et une norme de droit dérivé de l’Union européenne, que contrôler la constitutionnalité du premier équivaudrait à contrôler la constitutionnalité de la seconde. De ce point de vue encore une fois, la différenciation dans le traitement contentieux des « normes-reflet » du droit dérivé de l’Union européenne, et notamment entre les actes de transposition des dispositions inconditionnelles et précises des directives et les actes tirant les conséquences nécessaires de règlements communautaires, est problématique. Elle limite les bienfaits de la translation normative et de la protection équivalente aux conflits entre Constitution et directives, laissant entière la question du sort des conflits entre Constitution et règlements communautaires.

Si la protection équivalente, n’est susceptible – en soi et en raison des conditions trop restrictives auxquelles le Conseil d’État soumet l’application de la translation normative – de jouer qu’à l’égard d’un nombre limité de conflits de normatifs, il n’est même pas certain, par ailleurs, qu’elle parvienne véritablement à éviter les conflits de systèmes.

On relèvera en effet, avec François-Xavier Millet, qu’en insistant sur le niveau de protection des droits fondamentaux, le critère de protection équivalente raisonne uniquement à l’aune de l’individu « sans égard ni pour l’intérêt général et les droits et devoirs liés à la société (conception républicaine33), ni pour l’enracinement d’un droit dans une communauté donnée (conception communautarienne34) »35. Or, loin d’affirmer le primat absolu des droits fondamentaux sur les exigences inhérentes à la construction économique européenne, la Cour de justice considère au contraire de manière constante que la protection des droits fondamentaux est assurée dans le respect des objectifs de la communauté. Dans ces conditions, la réserve de protection équivalente, qui conduit le juge à faire obstacle à la primauté de la norme européenne dès lors que la norme constitutionnelle confère une protection supérieure aux droits fondamentaux, ne paraît pas admissible du point de vue de l’Union européenne.

Les risques de voir la primauté du droit de l’Union européenne entrer en collision avec les droits constitutionnels français sont en outre augmentés par la méthode d’évaluation de l’équivalence des protections, particulièrement vigilante, retenue par le Conseil d’État. Dans la lignée de la jurisprudence Fragd de la Cour constitutionnelle italienne36 – dont la solution avait été vivement approuvée par le président Bruno Genevois, et contrairement à la Cour constitutionnelle allemande37 et à la Cour EDH38, qui incluent certes la « portée » jurisprudentielle dans leur comparaison, mais à un niveau général et non norme par norme, réduisant là les risques de divergences, le juge administratif suprême retient en effet une méthode « concrète et systématique »39 qui combine l’appréciation norme par norme à l’incorporation de la portée jurisprudentielle. Cette méthode, particulièrement circonstanciée et minutieuse, doit cependant être approuvée. Comme le souligne François Brunet, « Sauf à être dupe des affichages politiques et formels en termes de respect des droits fondamentaux, le raisonnement ne devrait notamment pas céder à la facilité d’une interprétation conciliante par principe, au nom par exemple d’un certain “dialogue des juges”. Les évaluations en termes d’équivalence méritent de véritables analyses juridiques comparatives. (…) Telle devrait être la rançon d’un raisonnement proprement systémique »40

Dans l’espèce Arcelor toutefois, le Conseil d’État peine à convaincre lorsqu’il considère comme équivalents les principes d’égalité constitutionnel et européen, alors que la jurisprudence administrative confirme au contraire l’existence de divergences entre ces principes41. Pour Bertrand Brunessen, « En admettant ainsi une équivalence des normes, même non entièrement démontrée, le juge recourt (…) à une forme de présomption d’équivalence [qui lui] permet (…) de sortir de l’impasse dans lequel il se trouve et de parvenir à une solution respectueuse du droit européen »42. Certes, cette « présomption implicite »43 d’équivalence de protection hypothèque largement les probabilités d’activation du contrôle de constitutionnalité classique, et donc celles d’un conflit de systèmes ; elle est cependant fort peu satisfaisante. En termes de méthode d’abord, elle semble finalement en rester à la surface des choses, et trancher ainsi avec « l’exigence d’une analyse circonstanciée et concrète des rapports entre deux normes appartenant chacune à l’un de ces deux systèmes »44. Par son caractère implicite et donc non assumé ensuite, elle risque finalement de manquer la raison d’être de la « démarche générale fondée sur la figure de la présomption »45, qui est de faciliter les raisonnements, tout autant que celle de la démarche spécifique fondée sur la figure de la présomption d’équivalence en matière de rapports normatifs avec le système de l’Union européenne, qui est sans doute d’apaiser certaines tensions sur le plan politique, par l’affichage ostensible de la confiance placée en celui-ci. Au-delà, il faut bien admettre que la façon de procéder du Conseil d’État brouille considérablement les pistes, en laissant entière la question, pourtant majeure, de savoir comment s’opère concrètement la comparaison des niveaux de protection.

En somme, il semble qu’en raison des faiblesses dont elle est affectée, la mobilisation par le Conseil d’État de la protection équivalente est susceptible de manquer son objectif de pacification des rapports entre l’Union et ses États membres. Si l’on oriente alors la réflexion sur les voies qui permettraient de satisfaire un tel objectif, on est conduit à envisager la participation du Conseil d’État à l’émergence d’une authentique méthode de résolution des conflits de normes, également admissible des points de vue constitutionnel et européen.

B – Les voies d’une participation à l’émergence d’une authentique méthode de résolution des conflits de normes et de systèmes

Pour parvenir à l’émergence d’une authentique méthode de résolution des conflits de normes et de systèmes qui se situe, en adéquation avec la conception pacifiée des rapports de systèmes à laquelle souscrit le Conseil d’État, en dehors du prisme de la logique hiérarchique, le concept de prévalence s’impose naturellement. Le Conseil d’État pourrait alors pousser la logique de la prévalence fondée sur le titre de compétence jusqu’à son terme, et admettre, le cas échéant, qu’il est habilité à faire prévaloir les normes européennes sur la Constitution. En outre, l’identité constitutionnelle, qui s’impose comme un concept clef de l’articulation des systèmes constitutionnel et européens, devrait être mobilisée comme cause de prévalence.

1. Il résulte des quelques travaux doctrinaux s’étant penchés sur le concept de « prévalence » les éléments suivants. D’abord la prévalence se présente comme un mode de résolution des conflits. Sa fonction est en effet claire : « désigner ou bien décider, notamment par une juridiction, lorsqu’elle traduit une qualité ou une qualification, qui va l’emporter »46. Ensuite, la prévalence doit être dissociée du raisonnement hiérarchique47. Elle est un « effet, une conséquence qu’on ne devra jamais confondre avec la cause ; car, si l’effet est unique, les causes sont plurielles »48. Dans cette perspective, si la supériorité est une cause possible de la prévalence – la prévalence est alors le pendant de la primauté –, elle n’est pas la seule cause possible – « si primauté implique prévalence, prévalence n’implique pas primauté », les deux termes ne sont pas synonymes et « avoir deux mots permet d’associer à chacun un sens »49. Il existe donc d’autres causes à la prévalence que la supériorité, à l’instar de la spécialité et de la postériorité, qui permettent depuis des siècles de résoudre les conflits de normes supra-législatives50.

En ce qui concerne les rapports entre systèmes constitutionnel et européens, le Conseil d’État a déjà recours au concept de prévalence, notamment à dessein d’articuler les procédures de contrôle de constitutionnalité sur QPC et de conventionnalité. De manière concordante avec son voisin de l’aile Montpensier, la juridiction suprême s’est en effet attachée à vider de sa dimension hiérarchique le mécanisme de priorité de la QPC pour en faire une simple règle d’articulation temporelle des moyens d’inconstitutionnalité et d’inconventionnalité. Dans cette entreprise, affirmer la priorité de la procédure de la QPC n’implique rien d’autre que la prévalence temporelle de l’examen des moyens tirés de l’inconstitutionnalité d’une loi sur ceux tirés de son inconventionnalité.

L’idée de prévalence est également présente dans la jurisprudence administrative suprême relative aux conflits normatifs, notamment dans l’arrêt Déprez et Baillard, qui insiste sur la soumission du juge administratif au titre de compétence en vertu duquel il règle le conflit normatif. Il en résulte en effet, qu’en vertu d’un tel titre de compétence, le juge résout le conflit de normes en faisant prévaloir une norme sur l’autre, sans pour autant que l’octroi d’une telle priorité d’application n’implique la supériorité hiérarchique de la norme qui en bénéficie – ici la Constitution –, sur la norme écartée – ici la norme internationale.

En l’état actuel des choses, les conflits normatifs sont cependant toujours réglés par la non-application de la norme internationale en conflit avec la norme constitutionnelle. Il faut comprendre que le juge administratif suprême, qui tire son existence et son statut de la Constitution, est, si l’on peut dire, ontologiquement dans l’obligation de reconnaître et tirer les conséquences de la suprématie de la Constitution. En l’absence de titre de compétence pour faire prévaloir les normes internationales sur la Constitution, il sera donc immanquablement conduit, en cas de confrontation entre norme constitutionnelle et internationale, à écarter l’application de la seconde. La logique du titre de compétence pourrait cependant bien conduire le Conseil d’État, s’il s’estime habilité à le faire, à admettre la prévalence du droit externe sur la Constitution. Dans une telle hypothèse, le juge administratif pourrait être amené à donner la priorité d’application à la norme européenne, et ainsi à écarter la norme constitutionnelle.

La valorisation de l’article 88-1 de la Constitution recèle, de ce point de vue, d’intéressantes potentialités. Si en effet le juge administratif admettait de trouver dans l’article 88-1 un titre de compétence l’habilitant à faire prévaloir le droit de l’Union européenne sur le droit interne, y compris sur la norme constitutionnelle, alors il pourrait être amené à appliquer, en vertu de ce titre, le droit de l’Union au détriment de la Constitution, sans pour autant remettre en cause la suprématie de cette dernière. Une telle hypothèse ne paraît pas impensable à l’aune de la décision Fédération Sud Santé Sociaux51. Le Conseil d’État a ainsi affirmé, que « le respect [du droit de l’Union européenne] constitue une obligation, tant en vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qu’en application de l’article 88-1 de la Constitution ». Par cette incise, le juge suprême semble donc interpréter l’article 88-1 de la Constitution, comme n’énonçant pas qu’une exigence constitutionnelle de transposition des directives, mais comme impliquant bel et bien, de manière plus générale, le respect du droit de l’Union.

Cette décision conduit par ailleurs à envisager une hypothèse qu’on aurait pu penser exclue quelques années auparavant, tant le postulat selon lequel c’est dans la Constitution et elle seule que le Conseil d’État doit rechercher les fondements de son investiture et donc le titre de compétence en vertu duquel il est habilité à régler les conflits entre normes constitutionnelles et droit de l’Union européenne, semble constituer une vérité juridique. Dans la décision du 23 mars 2012, une seconde innovation tient en effet à ce que le Conseil d’État fonde l’exigence de transposition et celle d’effectivité du droit de l’Union sur les traités communautaires, autrement dit sur une source autonome et non plus seulement constitutionnelle. On pourrait alors imaginer que le juge suprême admette de trouver, dans le droit de l’Union européenne lui-même, un tel titre de compétence l’habilitant à faire prévaloir les normes européennes sur la Constitution. La Cour de justice, en exigeant des juridictions nationales qu’elles fassent prévaloir le droit communautaire sur le droit interne, même de nature constitutionnelle, directement et sans recours quelconque à la cour constitutionnelle nationale, a de manière prétorienne, donné au juge ordinaire, en tant que juge communautaire de droit commun, la compétence pour écarter une norme constitutionnelle52.

Il convient évidemment de rester prudent. Dans la décision de 2012, le juge administratif n’était pas confronté à un quelconque conflit normatif entre Constitution et droit de l’Union. En outre, la référence à l’article 88-1 n’a pas disparu. Il n’en reste pas moins que le Conseil d’État brise l’exclusivité du « lien fondationnel »53 entre la Constitution et l’autorité du droit de l’Union qui résultait, en harmonie avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de la décision Arcelor. Cette position est d’autant moins anodine qu’elle n’est pas, de ce point de vue, totalement isolée, et s’inscrit au contraire dans la continuité d’autres décisions allant dans le sens d’une remise en cause du rattachement exclusif de l’autorité du droit de l’Union européenne à la Constitution. Déjà dans l’arrêt Perreux, le Conseil d’État avait jugé que l’obligation de transposition d’une directive résultait d’une obligation constitutionnelle ou du traité sur l’Union européenne lui-même. On remarquera également que dans l’arrêt Rujovic, le juge administratif, affirme pour la première fois qu’il est juge de droit commun du droit de l’Union européenne sans s’appuyer sur la norme constitutionnelle pour justifier ce titre, et procède à une interprétation conforme au droit de l’Union européenne de la loi organique et plus spécifiquement du mécanisme de priorité de la question de constitutionnalité qu’elle met en place.

Que le Conseil d’État admette, à l’avenir de régler les conflits entre Constitution et droit de l’Union européenne en faisant prévaloir le second sur le premier en vertu d’un titre de compétence qu’il trouverait dans l’article 88-1 de la Constitution, dans le droit de l’Union européenne lui-même, ou dans ces deux fondements à la fois, paraît donc envisageable. Cette position permettrait de résoudre efficacement et durablement les conflits de systèmes. D’une part la suprématie de la Constitution française ne serait pas mise en cause dès lors que la priorité d’application conférée au droit de l’Union n’établirait aucun rapport de supériorité du second sur la première. D’autre part, cette solution serait tout à fait admissible du point de vue du droit de l’Union européenne. Certes, une parfaite concordance avec ce dernier requiert la solution consistant à se fonder, pour faire prévaloir la norme européenne, sur un titre de compétence conféré par le droit de l’Union européenne lui-même. La Cour de justice considère en effet que la primauté du droit de l’Union, y compris sur les normes constitutionnelles, est une exigence existentielle du droit de l’Union européenne et invoque la « nature spécifique originale » de la construction communautaire afin de justifier la primauté absolue du droit européen. Cependant, la différence de justification ne semble pas problématique si elle n’entraîne pas de régime contentieux distinct. La question reste en effet théorique tant que la juridiction interne accepte la traduction contentieuse de la primauté du droit de l’Union européenne en faisant prévaloir ce dernier sur la norme constitutionnelle. Afin de s’extraire au maximum de la logique de hiérarchie, il conviendrait cependant que le Conseil d’État ne recherche pas, ou pas exclusivement, dans la Constitution son titre de compétence.

Au vu de ces quelques analyses concernant les rapports entre normes constitutionnelles et normes issues du droit de l’Union européenne, la question se pose de savoir si le juge administratif pourrait s’estimer habilité à faire prévaloir les normes internationales, et la CEDH en particulier, sur la Constitution. Il semble peu probable, que le Conseil d’État accepte de découvrir un tel titre de compétence dans l’article 55 de la Constitution, dès lors que c’est précisément en sens inverse, qu’avec une remarquable constance, il interprète cette disposition. Pour autant, un tel revirement ne saurait être tenu pour impossible. Comme le souligne le professeur Jean-François Lachaume, « Jamais est un adverbe à manier avec précaution dans le monde du droit. Il est probable que si le soir du 1er mars 1968, jour où fut rendu par le Conseil d’État l’arrêt dit Des semoules, on avait indiqué aux membres de la section du contentieux que 21 ans et 7 mois plus tard interviendrait la décision Nicolo (…) certains membres auraient peut être répondu et de très bonne fois jamais… Et pourtant… »54.

C’est en effet, rappelons-le, le même article 55 qui a servi de norme de référence dans ces deux arrêts, d’abord pour neutraliser la primauté des traités ou accords internationaux sur les lois, puis pour l’appliquer. Ce changement spectaculaire dans l’interprétation de l’article 55 s’explique alors par la seule volonté du juge administratif de « relire la disposition constitutionnelle à la lumière d’éléments nouveaux »55.

On peut imaginer que, si le Conseil d’État acceptait de faire prévaloir le droit de l’Union européenne sur la Constitution, il pourrait être tenté de faire prévaloir également la CEDH sur la Constitution. Certes, la jurisprudence administrative suprême va dans le sens de l’octroi d’un régime spécifique au droit de l’Union européenne par rapport au droit international classique, y compris par rapport à la CEDH. En outre, l’Union européenne n’étant pas, pour l’heure, partie à la CEDH, l’exercice de son office de juge communautaire ne saurait fournir au juge national de titre de compétence spécifique pour faire prévaloir la CEDH sur la Constitution. Nous rappellerons cependant que, sur le fondement de l’article 6-2 TUE dont il résulte que la CEDH constitue une source d’inspiration privilégiée pour les principes généraux du droit communautaire, le Conseil d’État a admis, dans son arrêt CNB56, d’assimiler les moyens invoquant la méconnaissance de la CEDH, à des moyens tirés du non-respect du droit de l’Union. Cette requalification des moyens invoqués se fonde sur l’interchangeabilité matérielle de la CEDH et des normes de droit de l’Union européenne, qui se justifie par le statut particulier conféré à la CEDH en droit de l’Union. On ne saurait en conclure, bien sûr, que le juge administratif, s’il acceptait de reconnaître la prévalence du droit de l’Union européenne sur la Constitution, serait conduit, par assimilation de la CEDH au droit de l’Union européenne, à accepter aussi la prévalence de celle-ci sur la Constitution. Néanmoins, que le juge décide de traiter de façon identique, dans ce cas décidément très particulier, les moyens tirés de l’incommunautarité et ceux tirés de la contrariété à la CEDH, laisse penser que le fait d’accepter la prévalence du droit de l’Union européenne sur la Constitution pourrait contribuer à ce qu’il ré-envisage son refus de faire prévaloir la CEDH sur la Constitution. À quoi il faut ajouter que, dans l’hypothèse certes désormais peu probable, où l’Union européenne viendrait à adhérer à la CEDH, cette dernière deviendrait une source formelle de droits fondamentaux communautaires et devrait indiscutablement se voir conférer un traitement identique au droit communautaire primaire. Dans ces conditions, si le juge suprême estimait disposer d’un titre de compétence pour faire prévaloir le droit de l’Union européenne sur la Constitution, ce titre de compétence l’autoriserait également à faire prévaloir la CEDH sur la Constitution.

On le voit, la possibilité que le Conseil d’État accepte un jour de se trouver habilité à faire prévaloir les normes européennes sur la Constitution ne saurait être exclue. Une telle orientation jurisprudentielle permettrait de résoudre définitivement les conflits de normes, tout en évitant les conflits de systèmes, à condition toutefois que l’existence même de la Constitution ne soit pas mise en péril par cette opération. Dans cette perspective, le Conseil d’État pourrait recourir à la réserve de l’identité constitutionnelle. Si l’on refuse l’idée de supra-constitutionnalité des règles et principes inhérents à l’identité constitutionnelle, de sorte que l’explication hiérarchique est exclue, il faut bien voir en effet dans la réserve des « principes et règles inhérents à l’identité constitutionnelle » l’expression du concept de prévalence fondée sur le respect de l’identité constitutionnelle57.

2. Si le recours à la réserve de l’identité constitutionnelle nous paraît indiqué c’est parce que cette notion présente des avantages du point de vue des rapports de systèmes, que ne présente pas la notion de protection équivalente.

Grâce à sa double fonction de « norme de résistance » et « de norme de convergence »58, l’identité constitutionnelle s’impose comme une véritable clef de l’articulation des ordres juridiques. Comme le souligne Laurence Burgorgue Larsen, « Si la notion d’identité constitutionnelle renvoie originellement à un critère formel dont la fonctionnalité première réside dans la défense de la souveraineté d’un ordre juridique ; appréhendée de manière dynamique, elle révèle cependant une deuxième fonction, sous-jacente, celle d’ouverture, caractéristique du pluralisme, qu’elle permet d’ordonner »59

En effet, dans la mesure où l’identité constitutionnelle bénéficie d’un ancrage en droit l’Union européenne, l’emploi de cette notion par les juridictions nationales démontre leur ouverture au droit de l’Union et leur choix opéré en faveur d’un critère qui, en quelque sorte, a reçu la légitimation de celui-ci.

Au-delà de sa consécration au sein du droit primaire de l’Union européenne, l’identité constitutionnelle est d’ailleurs l’objet d’une déférence marquée de la part des deux cours européennes. L’observation de la jurisprudence luxembourgeoise révèle à cet égard que, chaque fois que la Cour de justice a été confrontée à des normes inhérentes à l’identité constitutionnelle d’un État membre, elle a fait usage de techniques et méthodes d’évitement du conflit ayant potentiellement pour effet de neutraliser le principe de primauté du droit de l’Union. Dans les affaires Grogan et Arcelor60, le juge luxembourgeois a ainsi choisi de faire « diversion »61 afin d’ignorer le conflit constitutionnel noué entre le droit de l’Union et l’identité constitutionnelle. Dans les affaires Omega et Sayn Wittengstein62, c’est encore l’identité constitutionnelle qui était au cœur du conflit normatif soumis à l’office de la Cour. Incontestablement, ce mouvement de légitimation des contre-limites à la primauté du droit de l’Union européenne, semble en plein essor. La jurisprudence récente de la Cour de justice, qui va dans le sens d’une explicitation de la prise en compte de l’identité constitutionnelle des États membres, permet même d’envisager la reconnaissance, à court ou moyen terme, d’un véritable « principe structurel » de respect de l’identité constitutionnelle des États membres en droit de l’Union, qui serait opposable63. En ce sens déjà, l’avocat général Yves Bot, dans ses conclusions sous l’arrêt Melloni64, semblait considérer qu’un État membre pourrait invoquer, à l’encontre d’un acte de droit dérivé de l’Union européenne, le principe de respect de l’identité nationale des États membres – dont l’identité constitutionnelle fait assurément partie65 –, posé à l’article 4, § 2 du TUE66. La mobilisation, par la Cour de justice, dans son arrêt Kadi67, de la logique d’identité constitutionnelle, dans sa fonction de fermeture, dans la gestion qu’elle fait des rapports entre le droit de l’Union européenne et le droit international, participe également au mouvement de légitimation de cette contre-limite normative68.

La Cour EDH semble elle aussi assumer, bien que non explicitement, la nécessité dans laquelle elle se trouve de respecter l’identité constitutionnelle des États parties à la CEDH. Plusieurs arrêts de la grande chambre, basés sur des raisonnements dont la rigueur juridique ne semble pas toujours être la principale qualité, peuvent ainsi être compris comme ayant essentiellement vocation à permettre le respect de l’identité constitutionnelle des États mis à l’index. Il en va ainsi notamment du désormais célèbre arrêt Lautsi 269, dans lequel le maniement contestable de la notion de consensus européen – qui voit ici son diagnostic orienté – a in fine permis l’octroi d’une ample marge d’appréciation que l’Italie a pu mettre à profit pour préserver de la censure strasbourgeoise un élément de son identité constitutionnelle, à savoir la présence de crucifix dans les salles de classe.

Dès lors, si on met en perspective les faiblesses de la réserve de protection équivalente avec les avantages du recours à la réserve d’identité constitutionnelle du point de vue des rapports de systèmes, la substitution, par le Conseil d’État, de la première par la seconde paraît tout indiquée70.

Pour que la notion d’identité constitutionnelle constitue une cause opérationnelle de prévalence, et donc un véritable instrument de résolution des conflits normatifs intersystémiques, elle devra toutefois nécessairement faire l’objet d’une réhabilitation dans la jurisprudence française. Telle qu’employée par le Conseil constitutionnel, sa nature, vaporeuse et indéterminée, rend en effet l’identité constitutionnelle bien fragile et peu efficace. L’« anéantissement jurisprudentiel »71 dont souffre cette notion touche aussi bien son contenu, que sa portée. Ainsi, depuis qu’il a employé la notion d’identité constitutionnelle, le juge de Montpensier, n’y a fait référence qu’épisodiquement72, et toujours en excluant les pistes envisagées pour lui donner une substance opératoire73. Dans une telle perspective, on peut penser que cette notion n’est, au final, qu’un « alibi rhétorique du Conseil constitutionnel pour s’exonérer du reproche qui pouvait lui être adressé de refuser l’exercice du contrôle de constitutionnalité des lois de transposition des directives communautaires »74. Plaide en ce sens le fait que l’« impuissance substantielle »75 de la notion d’identité constitutionnelle se double d’une « impuissance procédurale »76. Le Conseil estime en effet que, dans l’hypothèse où il empêcherait la transposition d’une directive au motif qu’elle serait contraire à un principe inhérent à l’identité constitutionnelle, il pourrait différer dans le temps l’effet de cette déclaration d’inconstitutionnalité afin de permettre au constituant de supprimer le principe qui fait obstacle à la transposition de la directive77. Certes, ce laps de temps pourrait également permettre la saisine de la Cour de justice afin de lui demander si la contradiction entre Constitution et droit de l’Union est avérée, et, le cas échéant, d’invalider la directive. Néanmoins, eu égard au refus de principe du Conseil constitutionnel de s’adresser au juge de Luxembourg, il y a tout lieu de penser que c’est le principe inhérent à l’identité constitutionnelle qui cédera. Contrairement à ce qui se rencontre en Allemagne, où la Cour constitutionnelle a posé l’identité constitutionnelle comme un obstacle insurmontable à l’intégration européenne78, car insusceptible d’être surmonté par une révision de la Constitution, le Conseil constitutionnel énonce en effet que le constituant peut consentir à l’atteinte aux principes inhérents à l’identité constitutionnelle pour permettre la transposition en droit interne de directives européennes79, ce qui, au demeurant, bien que parfaitement logique au vu du refus du Conseil constitutionnel de contrôler les lois de révision constitutionnelle80, paraît hautement contestable81. Les propos précédemment émis démontrent que Conseil d’État lui-même participe au délitement de la notion d’identité constitutionnelle dans sa jurisprudence relative au filtrage des demandes de QPC portant des lois transposant les dispositions inconditionnelles et précises de directives communautaires.

On le comprend aisément, en l’état actuel des choses, l’identité constitutionnelle ne saurait, en France, constituer une cause opératoire de prévalence et permettre de résoudre les conflits entre normes constitutionnelles et européennes. S’impose au préalable une nécessaire réhabilitation du concept dans laquelle le Conseil d’État a un rôle majeur à jouer. Certes, le Conseil constitutionnel demeure sans aucun doute l’interprète authentique de la norme constitutionnelle, et possède donc un pouvoir de dernier mot en ce qui concerne, notamment, l’identification des normes et principes constitutionnels rattachables à l’identité constitutionnelle française. Rien n’empêche cependant le juge administratif suprême, comme il l’a fait à plusieurs reprises par le passé, d’assumer pleinement son rôle de juge d’application de la Constitution, en s’érigeant, en la matière, comme une force de proposition. Le dialogue dont il prendrait l’initiative aurait alors vocation à s’installer, non seulement avec le Conseil constitutionnel, mais également avec les cours européennes ; car pour que la prévalence pour cause d’identité constitutionnelle puisse remplir efficacement sa fonction de résolution des conflits normatifs, et surtout systémiques, elle doit être appréhendée dans une logique coopérative impliquant l’ensemble des acteurs juridictionnels des rapports de systèmes. En tant que « concept passerelle »82 entre les systèmes constitutionnel et européens l’identité constitutionnelle devrait donc être conjointement définie par les juges nationaux et européens au cours d’un dialogue plus ou moins institutionnalisé83. En particulier, le Conseil d’État pourrait saisir la Cour de justice d’un renvoi préjudiciel à l’occasion d’un contrôle portant sur un acte de transposition d’une directive mettant en cause des règles et principes inhérents à l’identité constitutionnelle française ; il lui serait alors possible de mettre en avant dans sa question, l’ensemble des éléments qui prouveraient que telle ou telle règle ou principe relève de l’identité constitutionnelle de la France. De cette manière, le juge suprême pourrait participer au développement de la jurisprudence luxembourgeoise sur les aspects susceptibles d’être reconnus comme des éléments de l’identité constitutionnelle nationale admissibles par la perspective européenne. Le rôle du Conseil d’État paraît d’autant plus important que, pour l’heure, le Conseil constitutionnel ne semble pas enclin à s’engager dans une telle voie d’un dialogue institutionnalisé avec la juridiction de Luxembourg. Il lui serait cependant possible de mêler le Conseil constitutionnel au dialogue en renvoyant, simultanément, une QPC à ce dernier. Quant au dialogue avec la Cour de Strasbourg, il pourrait emprunter le canal institutionnel de la demande d’avis consultatif prévue par le protocole n° 16 à la CEDH, dont un projet de loi, soumis au Conseil des ministres le 20 décembre 2017, prévoit la ratification.

Ce dialogue, qu’on peut donc très bien imaginer à l’initiative du Conseil d’État, donnerait en tout cas l’occasion aux cours européennes de poursuivre le mouvement de légitimation de l’invocation par les juridictions nationales du respect de leur identité constitutionnelle à l’encontre de l’application du droit européen. Du point de vue de l’Union européenne, l’évolution, déjà largement entamée, pourrait, sans qu’il ne soit nécessaire d’en modifier la trajectoire, mener à l’émergence d’un véritable principe opposable de respect de l’identité constitutionnelle. L’Union européenne, « suffisamment enracinée pour supporter une certaine différenciation »84, y aurait d’autant plus intérêt que la reconnaissance explicite d’un principe de respect de l’identité constitutionnelle devrait, paradoxalement, avoir pour effet de renforcer l’intégration dans l’Union européenne. La Cour de justice, à qui il appartiendra de préciser les modalités de cette opposabilité, en conservera d’ailleurs largement la maîtrise. La Cour EDH, dont l’autorité fait, ces dernières années, l’objet de contestations inédites à la fois par leur fréquence, leur virulence et leur caractère assumé, trouverait également un bénéfice certain à s’engager dans un mouvement de reconnaissance explicite de la nécessité dans laquelle elle se trouve de respecter l’identité constitutionnelle des États parties. Cette reconnaissance, aujourd’hui encore embryonnaire et peu lisible, pourrait emprunter différents canaux, à l’instar de l’affirmation jurisprudentielle de l’impact de la mise en cause de l’identité constitutionnelle en faveur de l’octroi d’une ample marge d’appréciation aux États partie, et/ou de l’érection du respect de l’identité constitutionnelle comme motif légitime de limitation par l’État partie des droits garantis par la CEDH. Il en résulterait un message d’apaisement susceptible de ramener à de meilleurs sentiments les États parties enclins à faire prévaloir des raisonnements souverainistes sur l’autorité de la jurisprudence strasbourgeoise, et également le retour à une certaine rigueur juridique qui fait aujourd’hui parfois défaut aux raisonnements de la Cour EDH, et constitue pourtant, à n’en pas douter, une condition essentielle de son autorité.

Dans la gestion qu’il fait des conflits normatifs, comme de l’articulation des procédures, le juge suprême cherche, non sans mal, la moins mauvaise solution à l’égard des exigences consacrées par chaque système, tout en étant soumis aux contraintes qui pèsent sur son office et à la pression exercée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Sous cette dimension, les solutions du Conseil d’État, pour ingénieuses qu’elles soient, ont atteint les limites de la satisfaction et révèlent l’état transitoire dans lequel se trouve la jurisprudence administrative suprême relative aux rapports de systèmes constitutionnel et européens. Si les rapports de systèmes sont aujourd’hui entrés dans une nouvelle ère, le juge du Palais Royal a certainement un rôle majeur à jouer dans la définition de la grammaire qui devra leur présider. Dans cette perspective, les diverses techniques d’évitement de la logique de hiérarchie doivent, a minima, être perfectionnées. Le Conseil pourrait sinon admettre de participer à l’émergence d’une véritable méthode de résolution des conflits de normes et de systèmes qui se situe en dehors de la logique de hiérarchie pure. Il y a là une opportunité qu’il pourrait saisir de s’imposer comme un des grands architectes d’un système de rapports abouti. À cette fin, les raisonnements doivent être poussés jusqu’à leur terme, ce qui impliquera sans doute la remise en cause de certains postulats, à l’instar du primat constitutionnel ou du « lien fondationnel » entre autorité du droit externe et Constitution. Il conviendrait également que le juge suprême se saisisse du concept d’identité constitutionnelle, qui s’impose naturellement comme une clé de l’articulation des ordres juridiques.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Une transmission sèche aurait porté atteinte d’une double manière aux exigences de la procédure de renvoi préjudiciel. D’abord le Conseil d’État, en tant que juridiction dont les décisions sont insusceptibles de recours, est tenu d’opérer un renvoi préjudiciel à la Cour de justice. Ensuite celle-ci exige que les juridictions restent libres de la saisir à tout moment de la procédure qu’elles jugent approprié.
  • 2.
    Il est vrai que cette voie présentait certains inconvénients. En particulier, le Conseil constitutionnel n’aurait pas été en mesure de respecter le délai de 3 mois qui lui est imparti pour traiter une QPC. Ce premier obstacle est cependant facilement surmontable dès lors que ce délai n’est pas imposé par la Constitution. D’ailleurs dans l’affaire Jérémy F., il a sursis à statuer pour renvoyer lui-même une question préjudicielle à la CJUE. La difficulté résultant de ce que, dans le système de mécanisme préjudiciel, la juridiction amenée à tirer les conséquences de la réponse de la CJUE aurait été distincte de la juridiction ayant posé la question, ne semble pas non plus dirimante.
  • 3.
    Ce qui n’était pas le cas de la solution consistant à surseoir à statuer en attendant la réponse de la CJUE, ni de celle consistant à d’abord renvoyer la question préjudicielle à la CJUE et ensuite à rejeter la QPC en l’état.
  • 4.
    Cons. const., 3 févr. 2016, n° 2015-520 QPC, Sté Metro Holding France, op. cit.
  • 5.
    Dutheillet de Lamothe L. et Odinet G., « QPC et question préjudicielle : la logique et ses impasses », AJDA 2016, p. 1392.
  • 6.
    Eveillard G., « Rapport entre constitutionnalité et conventionnalité – Question prioritaire de constitutionnalité et question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne devant le juge administratif », DA 2016, n° 10, comm. 51.
  • 7.
    Idem.
  • 8.
    Idem.
  • 9.
    Idem.
  • 10.
    Bonnet B., « Procédures fiscales – Quand le caractère sérieux de la QPC dépend de l’interprétation du droit de l’Union européenne par la Cour de justice de l’Union européenne : la boucle est bouclée ! », JCP G 2016, n° 26, p. 759.
  • 11.
    V. not. CE, 27 juin 2016, n° 398585, Sté APSIS : Rec. T. – CE, 27 juin 2016, n° 399024, assoc. fr. des entreprises privées (AFEP) et a.
  • 12.
    Cons. const., 4 avr. 2013, n° 2013-314 P, M. Jérémy F., op. cit.
  • 13.
    Bonnet B., « Le paradoxe apparent d’une question prioritaire de constitutionnalité instrument de l’avènement des rapports de systèmes… », RDP sept.-oct. 2013, p. 1229 et s.
  • 14.
    Marti G., « Contrôle de conventionnalité et question prioritaire de constitutionnalité en droit des étrangers », JCP A 2011, n° 30, p. 2263 et s.
  • 15.
    Bonnet B., Repenser les rapports entre ordres juridiques, op. cit., spéc. p. 83.
  • 16.
    Idem.
  • 17.
    V. Supra.
  • 18.
    Roux J., « La transposition des directives communautaires à l’épreuve de la Constitution », préc., spéc. p. 1049.
  • 19.
    Bonnet B., Repenser les rapports entre ordres juridiques, op. cit., spéc. p. 114.
  • 20.
    Bonnet B., « Le Conseil d’État, la Constitution et la norme internationale », préc.
  • 21.
    Idem.
  • 22.
    Platon S., « La coexistence des droits fondamentaux constitutionnels et européens dans l’ordre juridique français », préc., spéc. p. 512.
  • 23.
    Brunet F., « La norme-reflet – Réflexions sur les rapports spéculaires entre normes juridiques », préc.
  • 24.
    Magnon X., « Constitution et transposition des directives communautaires – La sanction de la primauté de la Constitution sur le droit communautaire par le Conseil d’État », RFDA 2007, p. 578 et s.
  • 25.
    Brunet F., « La norme-reflet – Réflexions sur les rapports spéculaires entre normes juridiques », préc.
  • 26.
    CE, 3 oct. 2016, conf. paysanne et a., op. cit., spéc. cons. 16.
  • 27.
    Charite M., « Première application positive de la jurisprudence Arcelor », http://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2016/11/01/premiere-application-positive-de-la-jurisprudence-arcelor/
  • 28.
    Tarlet F. et Leonard G., « Mutations génétiques et juridiques autour de la décision Arcelor », AJDA 2017, p. 288.
  • 29.
    V. par ex. CJCE, 8 mai 2003, n° C-14/02, Sté Astral c/ Belgique, pts 44 et 45 : Rec. I-443.
  • 30.
    V. sur ce point, Dintilhac F., Rép. eur., v° Rapprochement des législations, nos 200 et s. et Tarlet F. et Leonard G., « Mutations génétiques et juridiques autour de la décision Arcelor », préc.
  • 31.
    Brunet F., « La norme-reflet – Réflexions sur les rapports spéculaires entre normes juridiques », préc.
  • 32.
    Idem.
  • 33.
    Sur la distinction entre républicains et libéraux et sur les conséquences de la nature sociale de l’homme en termes de droits et de devoirs, v. Nicolet C., L’idée républicaine en France (1789/1924), 1982, rééd. 1994, Gallimard, Tel, p. 342 et s. ; et Schnapper D., Qu’est-ce que la citoyenneté ?, 2000, Gallimard, Folio Actuel.
  • 34.
    V. not. Taylor C., Multiculturalisme. Différence et démocratie, 1999, Flammarion, Champs.
  • 35.
    Millet F.-X., « Réflexions sur la notion de protection équivalente des droits fondamentaux », RFDA 2012, p. 307 et s.
  • 36.
    CCI, 13 avril 1989, n° 232/1989, Sté Fragd.
  • 37.
    TCA, 22 oct. 1986, Lanier E. R. dite Solange II, BVerfGE 73, p. 339, AUTEXIER Ch., AIJC, 1987, p. 419 s.
  • 38.
    CJCE, 30 juill. 1996, Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret AS c. Minister for Transport, Energy and Communications e. a., aff. C-84/95, Rec., p. I-3953.
  • 39.
    Concl. M. Guyomar, op. cit.
  • 40.
    Brunet F., « La norme-reflet – Réflexions sur les rapports spéculaires entre normes juridiques », préc.
  • 41.
    CE, ass., 28 mars 1997, n° 179049, Sté Baxter : Rec., p. 114.
  • 42.
    Brunessen B., « “La systématique des présomptions” », RFDA 2016, p. 331.
  • 43.
    Idem.
  • 44.
    Brunet F., « La norme-reflet – Réflexions sur les rapports spéculaires entre normes juridiques », préc.
  • 45.
    Selon les termes de l’opinion concordante des juges Rozakis, Tulkens, Traja, Botoucharova et Zagrebelsky dans l’affaire Bosphorus (p. 53).
  • 46.
    V. en ce sens Mouzet P., « La prévalence, note sur un outil juridique émergent et sur le conflit de normes horizontal », RDP 2014, n° 1, p. 137.
  • 47.
    Idem. Sur cette idée de dissociation entre prévalence et raisonnement hiérarchique voir également : Mathieu B. et Verpeaux M., Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, 2002, Paris, LGDJ, spéc. p. 131 et 134 ; Roblot-Troizier A., in Verpeaux M. et al., Droit constitutionnel, Les grandes décisions de la jurisprudence, Paris, PUF, 2011, spéc. p. 278-279 ; Mathieu B., « Les décisions du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’Homme : Coexistence-Autorité-Conflits-Régulation », Nouveaux Cahiers du CC, 2011, n° 32, p. 64 ; Carcassonne G et Duhamel A., « QPC la question prioritaire de constitutionnalité », Paris, Dalloz, 2011, spéc. p. 71.
  • 48.
    Mouzet P., préc.
  • 49.
    Idem.
  • 50.
    Idem.
  • 51.
    CE, sect., 23 mars 2012, n° 331805, Féd. Sud Santé Sociaux : Rec., p. 102.
  • 52.
    V. en ce sens Bonnet B., Repenser les rapports entre ordres juridiques, op. cit., spéc. p. 86 et égal. Olson T. et Cassia P., Le droit international, le droit européen et la hiérarchie des normes, 2006, Paris, Puf, spéc. p. 33.
  • 53.
    Brami C., La hiérarchie des normes en droit constitutionnel français. Essai d’analyse systémique, thèse, 2008, univ. Cergy-Pontoise, spéc. p. 129.
  • 54.
    Lachaume J.-F., note sur CE, ass., 5 mars 2003, n° 242860, Aggoun, RFDA, p. 1228.
  • 55.
    Bonnet B., « Le Conseil d’État, la Constitution et la norme internationale », préc.
  • 56.
    CE, 10 avr. 2008, n° 296845, Conseil national des barreaux dit CNB : Rec., p. 129.
  • 57.
    V. en ce sens Mouzet P., « La prévalence, note sur un outil juridique émergent et sur le conflit de normes horizontal », préc.
  • 58.
    Burgorgue-Larsen L., « L’identité constitutionnelle en question(s) », in Burgorgue-Larsen L. (dir.), L’identité constitutionnelle saisie par les juges en Europe, 2011, Paris, Pédone, spéc. p. 151. V. égal. en ce sens Millet F.-X., L’Union européenne et l’identité constitutionnelle des États membres, thèse, 2013, LGDJ.
  • 59.
    Burgorgue-Larsen L., « L’identité constitutionnelle en question (s) », préc.
  • 60.
    CJCE, 4 oct. 1991, n° C-159/90, The Society for the protection of Unborn Children Ireland Ltd c/ Stephen Grogan e. a. : Rec., p. I-4685 ; CJCE, gr. ch., 16 déc. 2008, n° C-127/07, Sté Arcelor Atlantique et Lorraine et a. ; D. 2009, p. 232, obs. Trébulle F. ; AJDA 2009, p. 245, chron. Broussy E., Donnat F. et Lambert C.
  • 61.
    Canivet G., « Constitution nationale et ordre juridique communautaire. Contre-éloge de la tragédie », in L’Union de droit. Union des droits. Mélanges en l’honneur de Philippe Manin, 2010, Paris, Pédone, p. 611 et s., spéc. p. 621.
  • 62.
    CJCE, 14 oct. 2004, n° C-36/02, Omega Spielhallen-und Automatenaufstellungs-GmbH : Rec., p. I-0609. ; CJUE, 22 déc. 2010, n° C-208/09, Ilonka Sayn-Wittgenstein c/ Landeshauptmann von Wien : Rec., p. I-13693.
  • 63.
    V. en ce sens Millet F.-X., L’Union européenne et l’identité constitutionnelle des États membres, op. cit.
  • 64.
    CJUE, 26 févr. 2013, n° C-399/11, Stefano Melloni c/ ministerio fiscal.
  • 65.
    V. not. à ce sujet Simon D., « L’identité constitutionnelle dans la jurisprudence de l’Union européenne », in Burgorgue-Larsen L. (dir.), L’identité constitutionnelle saisie par les juges en Europe, op. cit., spéc. p. 27 ; Constantinesco V., « La confrontation entre identité constitutionnelle européenne et identités constitutionnelles nationales, convergence ou contradiction ? Contrepoint ou hiérarchie ? », in L’Union européenne : Union de droit, Union des droits. Mélanges en l’honneur de Philippe Manin, op. cit., spéc. p. 79, et, dans ce même ouvrage, Mouton J.-D., « Réflexions sur la prise en considération de l’identité constitutionnelle des États membres de l’Union européenne », spéc. p. 145.
  • 66.
    Spéc. pts 137 et s. des conclusions.
  • 67.
    CJCE, 3 sept. 2008, nos 402/05 P et C 415-05 P, Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation c/ Conseil de l’Union européenne et Commission des communautés européennes : Rec., p. I-6351.
  • 68.
    Ce qui n’a pas échappé à la Cour constitutionnelle allemande dans son arrêt Lisbonne VerfGE, 30 juin 2009, traité de Lisbonne.
  • 69.
    CEDH, gr. ch., 18 mars 2011, n° 30814/06, Lautsi et a. c/ Italie : Rec., 2011.
  • 70.
    En ce sens, v. Millet F.-X., L’Union européenne et l’identité constitutionnelle des État membres, op. cit. Pour une approche contraire, v. Malhiere F., « Le contrôle de l’équivalence des protections des droits fondamentaux : les juges et les rapports de systèmes », RDP 2013, n° 6, p. 1523 et s. : « Par son caractère potentiellement infini, cette réserve alimente une logique de fermeture de chaque système sur lui-même. Au contraire, la notion de protection équivalente relève d’une démarche d’ouverture favorisant un cercle vertueux visant au rehaussement global du niveau de protection des droits fondamentaux qui constituent le point de convergence des différents systèmes. Mais surtout la substitution de cette notion, potentiellement plus étroite que celle de droits fondamentaux, risque de conduire à un abaissement du niveau de protection des droits fondamentaux. En témoigne l’arrêt Melloni rendu par la Cour de justice de l’Union européenne qui refuse l’application de standards nationaux plus favorables en raison du risque de porter atteinte à l’application uniforme du droit de l’Union. Cette approche rigoriste des rapports normatifs laisse seulement entrouverte la lucarne de l’identité constitutionnelle ».
  • 71.
    Rousseau D., « L’identité constitutionnelle, bouclier de l’identité nationale ou branche de l’étoile européenne », in Burgorgue-Larsen L. (dir.), L’identité constitutionnelle saisie par les juges en Europe, op. cit., spéc. p. 96.
  • 72.
    Pour la première utilisation v. Cons. const., 27 juill. 2006, n° 2006-540 DC, loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information : JORF, 3 août 2006, p. 11541 ; Rec., p. 88. Pour une référence récente, peu appropriée, v. Cons. const., 31 juill. 2017, n° 2017-749 DC, accord économique et commercial global entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part : JORF, 11 août 2017, texte 1.
  • 73.
    Par ex., dans sa décision du 30 novembre 2006, il juge que les services publics à la française – en l’espèce EDF – ne sont pas caractéristiques de l’identité constitutionnelle de la France et ne permettent pas en conséquence de s’opposer à la transposition de la directive privatisant le secteur de l’énergie (Cons. const., 30 nov. 2006, n° 2006-543 DC, loi relative au secteur de l’énergie : JORF, 8 déc. 2006, p. 18544 ; Rec., p. 120).
  • 74.
    V. Simon D., « L’identité constitutionnelle dans la jurisprudence de l’Union européenne », préc., spéc. p. 38.
  • 75.
    Rousseau D., « L’identité constitutionnelle, bouclier de l’identité nationale ou branche de l’étoile européenne », préc., spéc. p. 96.
  • 76.
    Idem.
  • 77.
    Cons. const., 19 juin 2008, n° 2008-564 DC, loi relative aux organismes génétiquement modifiés : JORF, 26 juin 2008, p. 10228 ; Rec., p. 313.
  • 78.
    V. en ce sens Mayer F., « L’identité constitutionnelle dans la jurisprudence constitutionnelle allemande », in Burgorgue-Larsen L. (dir.), L’identité constitutionnelle saisie par les juges en Europe, op. cit., p. 64 et s.
  • 79.
    Cons. const., 27 juill. 2006, n° 2006-540 DC, loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, op. cit.
  • 80.
    Cons. const., 26 mars 2003, n° 2003-469 DC, loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République : JORF, 29 mars 2003, p. 5570 ; Rec., p. 293.
  • 81.
    V. sur ce point Gaïa P., « Le Conseil constitutionnel et le droit de l’Union européenne », in XXIVe cours international de justice constitutionnelle. Constitutions et mécanismes d’intégration régionale, interaction et régulation des rapports entre le droit constitutionnel et le droit européen par les cours constitutionnelles et les cours européennes, 12 et 13 sept. 2012, Aix-en-Provence, AIJC, 2012.
  • 82.
    Burgorgue-Larsen L., « L’identité constitutionnelle en question (s) », préc., spéc. p. 167.
  • 83.
    V. en ce sens Millet F.-X., « L’Union européenne et l’identité constitutionnelle des États membres », préc., spéc. p. 281.
  • 84.
    Ibid., spéc. p. 269.
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