Le cadre urbanistique des travaux sur existants

Publié le 14/10/2016

Pendant longtemps, le droit de l’urbanisme a entendu favoriser l’étalement urbain et décourager la densification. Cependant, depuis la loi SRU, le législateur est revenu sur cette conception et a souhaité au contraire favoriser la densification, la reconstruction de la ville sur elle-même dans le but d’éviter l’artificialisation des sols. Dans ce contexte, les travaux sur existants présentent un grand intérêt, en étant de nature à favoriser cette densification. Mais, plus généralement, les travaux sur existants vont permettre d’adapter les constructions à de nouveaux besoins ou à de nouvelles normes. Elles sont très fréquentes dans la pratique. On estime que près de 60 % du volume des travaux entrepris dans le secteur de l’habitation est constitué par l’intervention d’entreprises sur des existants. Ils méritent donc d’être étudiés de près.

Le Code de l’urbanisme mentionne à de nombreuses reprises les constructions existantes sans vraiment préciser cette notion. Du point de vue de l’urbanisme, une construction existante est une construction dont la structure et le gros œuvre du bâtiment existent.

Les existants peuvent être définis comme les parties anciennes de la construction présentes avant l’ouverture du chantier et sur, sous ou dans lesquelles seront exécutés les travaux neufs. Les travaux sur existants concernent toute une série de travaux divers en nature et en importance. Il peut s’agir de travaux :

  • de rénovation (amélioration générale de l’ouvrage) ;

  • de réhabilitation (mise en conformité de l’ouvrage avec les normes en vigueur) ;

  • de restauration (remise de l’ouvrage dans son état d’origine) ;

  • d’extension (agrandissement de la surface d’un ouvrage) ;

  • de réparation (reprise d’un ouvrage affecté par des désordres).

Comme on a pu le souligner, il existe un droit au maintien de constructions existantes. La « règle d’urbanisme ne saurait avoir pour effet d’interdire les travaux d’adaptation sur ces constructions »1. Pour autant seuls ceux relevant du hors permis2 sont dispensés de toute formalité. Les autres, en fonction de leur importance, relèvent soit de la déclaration préalable soit du permis de construire. Rappelons que la déclaration préalable concerne les constructions de faible importance comme par exemple les constructions de 20 m2 maximum ou 40 m2 maximum si le total de la construction ne dépasse pas 170 m2 ou encore une antenne relais. Dans un arrêt du 30 avril 2014 Société française de radiotéléphone (SFR)3, le Conseil d’État estime qu’une antenne relais s’analyse comme des travaux sur existants et relève de la déclaration préalable car la hauteur maximum de 12 m à ne pas dépasser ne doit pas tenir compte de la construction existante.

Le régime des travaux sur construction existante s’articule autour de deux critères qui sont la régularité et la conformité de la construction. Il nous faudra donc distinguer les travaux sur construction régulière (I) de ceux qui sont faits sur une construction irrégulière (II).

I – Les travaux sur construction régulière

La construction peut être régulière et conforme aux règles d’urbanisme applicables (A), mais elle peut avoir été régulière à l’origine et être devenue non conforme en raison de l’évolution des règles d’urbanisme (B).

A – Une construction existante régulière et conforme aux règles d’urbanisme applicables

L’existant peut être une construction régulière pour plusieurs raisons.

D’abord, il se peut qu’au moment de son édification elle ait été dispensée de permis. C’est le cas si elle a été bâtie avant la généralisation du permis de construire. Il faut en effet rappeler que c’est la loi du 15 juin 1943 annulée et remplacée par l’ordonnance du 27 octobre 1945 qui a rendu le permis de construire obligatoire pour toutes les opérations de construction. La jurisprudence4 a jugé que la régularité du bâtiment ne peut être remise en cause si la construction a été réalisée avant 1943. De son côté, l’Administration retient cette même date5.

Ensuite, il est possible que la construction initiale n’ait pas été soumise à autorisation à la date à laquelle elle a eu lieu. C’est par exemple le cas d’un chenil étendu sans autorisation en 1960 parce qu’à cette époque il n’y avait pas besoin d’autorisation6.

Si la construction initiale avait été faite sur la base d’un permis illégal, cela n’a pas de conséquence sur la régularité de la construction, du moins tant qu’il n’est ni suspendu ni annulé. L’existant doit correspondre au permis initial ainsi qu’aux diverses autorisations d’urbanisme qui auraient pu être obtenues par la suite. La jurisprudence a pu parfois accepter de menues différences en matière de certificat de conformité, ce qui semble donc transposable ici.

Les pièces justificatives concernant le permis initial peuvent être dans les mains du service instructeur. En cas de recours contentieux, le propriétaire pourra être appelé à justifier de l’existence des autorisations requises. De plus, elles peuvent être demandées dans le délai d’instruction de l’autorisation de construire sur existants. En cas d’absence, l’autorisation sera refusée7.

D’autre part, l’immeuble peut avoir changé de destination. On rappellera que l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme fixait neuf destinations : habitation, hébergement hôtelier, bureau, commerce, artisanat, industrie, exploitation agricole ou forestière, entrepôt, installations nécessaires au service public. Depuis le 1er janvier 2016, les articles R. 51-27 à R. 151-29 du Code de l’urbanisme prévoient cinq destinations : exploitation agricole et forestière, habitation, commerce et activités de service, équipements d’intérêt collectif et services publics, autres activités du secteur secondaire ou tertiaire. Ces destinations étant elles-mêmes subdivisées en sous-destinations. En application de l’article R. 421-17 du Code de l’urbanisme, lorsqu’ils ne sont pas soumis à permis de construire, les changements de destination d’un bâtiment existant sont soumis à déclaration préalable.

Dans un premier temps, par un arrêt Gigoult du 30 mars 19948, le Conseil d’État a estimé qu’il « appartenait au pétitionnaire de présenter une demande de permis de construire portant sur l’ensemble des travaux qui ont eu ou qui devaient avoir pour effet la destination de son local ». Par la suite, le Conseil d’État a assoupli sa jurisprudence avec l’arrêt Fernandez du 12 janvier 20079. Il a jugé qu’un changement de destination réalisé « il y a plusieurs années » dans un bâtiment d’habitation sans autorisation d’urbanisme est sans incidence sur la légalité d’une décision de non-opposition à déclaration portant sur des travaux exempts de permis de construire. Mais par la suite le Conseil d’État, dans un arrêt du 27 juillet 2009 SCI La Paix10, a estimé qu’il « incombait au pétitionnaire de présenter une demande de permis de construire portant sur l’ensemble des travaux qui ont eu pour effet de modifier la destination du sous-sol de son immeuble, et non seulement, comme il l’avait fait, une déclaration de travaux ».

De ces différents arrêts, il convient de retenir que le principe est qu’il faut obtenir un permis de construire pour l’ensemble des travaux, et qu’il y a une exception quand les constructions sont anciennes. Il reste alors à savoir quelle est la durée d’ancienneté requise.

Pour apprécier la conformité d’un projet d’extension d’un bâtiment existant aux dispositions du PLU, il appartient à l’Administration et, le cas échéant, au juge de se « référer à la destination de la construction faisant l’objet de l’extension litigieuse et non de se fonder sur l’usage auquel devaient être affectés les locaux abrités par cette extension »11.

Par ailleurs, l’Administration doit étudier spontanément si le permis de construire qui lui est demandé peut bénéficier, en application de l’article L. 123-1-9 du Code de l’urbanisme (devenu L. 152-3 depuis le 1er janvier 2016), d’adaptations mineures des règles définies par le PLU. C’est ce qu’a décidé le Conseil d’État dans un arrêt du 11 février 2015 à propos d’un permis de construire en vue de l’agrandissement d’une maison et de la modification de sa toiture12.

Signalons aussi que le premier alinéa de l’article L. 111-15 du Code de l’urbanisme autorise la reconstruction à l’identique des bâtiments détruits ou démolis depuis moins de dix ans, nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le PLU ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu’il a été régulièrement édifié. Il doit s’agir d’une reconstruction à l’identique. Ce dispositif ne peut bénéficier qu’aux bâtiments régulièrement édifiés. Si les conditions sont réunies, la reconstruction est un droit mais ne dispense aucunement le propriétaire de demander un permis de construire.

Il existe une seconde situation où la construction est régulière, c’est celle où elle est non conforme aux règles en vigueur.

B – Une construction régulière devenue non conforme du fait de l’évolution des règles d’urbanisme

Il faut d’abord qu’il y ait un réel bâtiment existant et ensuite que les travaux n’aboutissent pas, en réalité, à une reconstruction.

Une construction existante peut être tellement dégradée qu’en réalité elle constitue une ruine. Cela sera le cas notamment si elle a cessé d’être imposée au titre des propriétés bâties13 ou encore si elle ne comporte plus que les murs extérieurs, sans toiture ni surface de plancher14. Ensuite, elle peut être trop peu avancée lorsque, par exemple, les travaux entrepris « n’ont consisté qu’à l’élévation partielle des murs principaux, sans même assurer le clos et le couvert » 15.

Dans ces différentes hypothèses, la demande de permis de construire doit porter sur toute la construction. La construction envisagée doit alors être en conformité avec les règles d’urbanisme en vigueur au moment de la décision.

Il existe toutefois une exception. En effet, le second alinéa de l’article L. 111-23 permet d’autoriser, sauf dispositions contraires des documents d’urbanisme et sous réserves des dispositions de l’article L. 421-5 (constructions dispensées de permis), la restauration de bâtiments dont il reste l’essentiel des murs porteurs. Il faut que son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien. La restauration doit respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment.

En revanche, une construction dont l’état est simplement dégradé ne remet pas en cause son caractère existant. C’est le cas notamment d’une toiture qui est seulement en très mauvais état. Il faut un toit et des murs mais des huisseries sur les portes et fenêtres ne sont pas exigées.

De même une construction dont l’avancement est suffisant ne remet pas non plus en cause son caractère existant. L’avancement d’une construction a pu être jugé suffisant quand « le bâtiment comprend l’ensemble des murs et se trouve dans un bon état apparent et doit dès lors être regardé non comme une ruine mais comme une construction inachevée existante »16. Comme on a pu le remarquer, « tel n’est toutefois pas le cas lorsque le permis de construire initial est en cours de validité à la date de la décision prise sur la demande d’autorisation d’urbanisme »17. Quand les travaux envisagés portent sur une construction dont le permis est en cours de validité, il faut alors demander un permis modificatif, même pour des travaux qui, par eux-mêmes, ne relèveraient que de la déclaration préalable. Bien entendu, si le projet change de fond en comble, il faut un nouveau permis. Le permis modificatif pourra être délivré même si la construction n’est plus conforme aux règles d’urbanisme. Toutefois, ces travaux ne devront pas porter une atteinte supplémentaire à ces règles.

D’autre part, les travaux envisagés sur la construction existante ne devront pas être trop importants, au point de constituer en réalité une véritable reconstruction. S’il s’agit d’une reconstruction, la demande d’autorisation devra concerner la totalité de la construction et être conforme aux règles d’urbanisme applicables. La jurisprudence a ainsi pu estimer que valaient reconstruction des travaux de reprise du gros œuvre de bâtiment existant dont il est apparu en cours de travaux « que les murs devaient être arasés à un mètre de hauteur »18. À l’inverse, ne seront pas considérés comme une reconstruction, par exemple, « les travaux réalisés qui laissent en place les façades ainsi que les murs de soutènement et le sol de chacun des niveaux et n’affectent pas la structure »19.

Ensuite, une construction régulière à l’origine peut ne plus l’être par la suite de l’évolution des règles d’urbanisme applicables postérieurement à la réalisation en toute régularité de la construction. Bien entendu, la demande d’autorisation ne doit pas porter sur la totalité de la construction puisque celle-ci était régulière à l’origine. L’autorisation pour de nouveaux travaux n’a donc pas à être subordonnée à une quelconque régularisation. Toutefois la jurisprudence a été amenée à mettre certaines limites.

Elle a d’abord exigé que les nouveaux travaux ne soient autorisés que dans la mesure où ils rendraient la construction plus conforme aux règles d’urbanisme existantes20. Par la suite, dans l’importante jurisprudence Sekler du 27 mai 198821, le Conseil d’État a apporté un certain nombre de précisions. Il a posé la règle que lorsque des travaux sont prévus sur un bâtiment devenu non conforme aux dispositions d’urbanisme en vigueur, les travaux peuvent être autorisés à la condition « qu’ils soient de nature à rendre la construction plus conforme à la règle d’urbanisme, ou qu’ils soient étrangers à la règle que la construction ne respecte pas ». La jurisprudence Sekler admet donc un deuxième cas de délivrance d’un permis : des travaux nouveaux étrangers à la règle méconnue.

Par la suite, la jurisprudence Sekler a pu être appliquée avec une certaine rigueur. C’est ainsi que le juge a estimé que des travaux de surélévation d’une toiture n’étaient pas sans influence sur l’implantation irrégulière du bâtiment par rapport aux limites séparatives22.

Cette jurisprudence va s’appliquer sauf si les documents d’urbanisme en vigueur comportent des règles propres aux travaux sur construction existante. Il est possible que les règles soient plus sévères. Mais il arrive, plus fréquemment semble-t-il, que les règles soient au contraire plus permissives et permettent une meilleure constructibilité.

Par exemple, au moment de la révision du plan d’urbanisme parisien en 2006, on a constaté que le POS alors en vigueur empêchait de nombreuses opérations sur construction existante d’une manière trop souvent injustifiée. C’est pourquoi le nouveau PLU parisien autorise des travaux qui, même s’ils ne rendent pas l’immeuble davantage conforme, n’aggravent pas sa non-conformité. Le PLU de Paris autorise même, à certaines conditions, de faire des travaux qui peuvent aggraver la méconnaissance des règles en application. Il s’agit d’abord de travaux visant exclusivement à assurer la mise aux normes des constructions en matière d’accessibilité, d’hygiène, d’isolation phonique ou thermique ou de sécurité. Il s’agit ensuite de secteurs ou règles spécifiques des travaux d’amélioration des conditions d’habitabilité d’immeubles ou de logements existants.

Récemment, une étude23 de l’Atelier parisien d’urbanisme a recensé près de 11 000 immeubles dans la capitale susceptibles de gagner un à cinq étages. Soit 8,2 % des bâtiments parisiens. Au total, « le potentiel serait de 40 000 nouveaux appartements familiaux de 50 à 70 mètres carrés ». Le problème est une candidature pour un classement au patrimoine mondial de l’Unesco des toits de Paris qui risquerait d’empêcher de telles extensions.

Mais il existe une autre situation moins favorable, c’est celle où les travaux doivent se faire sur construction irrégulière.

II – Les travaux sur construction irrégulière

L’irrégularité peut d’abord provenir de l’absence de permis alors que celui-ci était requis. Le permis peut aussi avoir été annulé ou retiré.

En effet, la construction initiale sur laquelle va s’adosser le projet doit correspondre à l’autorisation initiale qui avait été donnée. Les modifications doivent avoir été autorisés sauf si elles relevaient du hors permis ou présentaient des différences très mineures. À défaut la construction est irrégulière.

Deux situations peuvent dès lors se présenter. Soit la construction irrégulière est conforme aux règles en vigueur (A), soit elle ne l’est pas (B).

A – La construction irrégulière est conforme aux règles en vigueur

La jurisprudence a été amenée à distinguer selon que la construction est irrégulière depuis l’origine ou bien qu’elle est devenue irrégulière. La première est alors qualifiée d’illégale et la seconde de non conforme.

En principe, quand des travaux sont sur des constructions existantes illégales, il convient de déposer une demande de permis de construire pour la totalité de la construction existante24 et les travaux envisagés. Le permis aura alors pour effet de régulariser toute la construction. Bien entendu, ce permis ne pourra être délivré que si la demande est conforme aux règles d’urbanisme en vigueur au moment de la demande de permis. Cette règle est posée par l’importante jurisprudence du Conseil d’État du 9 juillet 1986, Thalamy25. Dans cet arrêt, le Conseil d’État s’est prononcé sur le sort des travaux opérés sur des constructions en partie irrégulières. En l’espèce, après la construction de la maison on avait ajouté, sans permis, en surélévation la terrasse que desservait un escalier. Il était demandé un permis pour le seul escalier. Les juges ont considéré que même si les documents, et notamment le plan fourni à l’appui de la demande de permis, faisaient apparaître l’existence de cette terrasse, il appartenait au propriétaire de présenter une demande portant sur l’ensemble des éléments de construction qui ont eu ou qui auront pour effet de transformer le bâtiment tel qu’il avait été autorisé par le permis primitif. La maire ne pouvait légalement accorder un permis portant uniquement sur un élément de construction nouveau prenant appui sur une partie du bâtiment construite sans autorisation.

Par la suite, cette jurisprudence Thalamy a été élargi par un arrêt du Conseil d’État du 13 décembre 2013, Carn26. Dans cet arrêt, le Conseil d’État a étendu l’application du principe posé par la jurisprudence Thalamy à l’hypothèse où les travaux envisagés ne portent pas directement sur une partie du bâtiment construite irrégulièrement. Il a précisé que l’obligation de régulariser l’ensemble de la construction irrégulière doit s’appliquer « même dans le cas où les éléments de construction résultant des travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation ».

Cependant, comme on a pu le relever, « la portée pratique de cette décision doit toutefois être relativisée dès lors que, le plus souvent, les travaux envisagés prennent directement appui sur sa partie irrégulière »27.

Si la construction irrégulière est conforme aux règles d’urbanisme en vigueur, la demande d’autorisation d’urbanisme ne devrait en principe pas poser de problèmes pour la régularisation.

Jusqu’en 2006, l’obligation de déposer un permis de construire s’appliquait sans limite dans le temps alors même que les constructions irrégulières bénéficiaient d’une prescription pénale de trois ans et d’une prescription civile de dix ans. C’est pourquoi le législateur, avec la loi « Engagement national pour le logement », dite loi ENL, du 13 juillet 2006, a institué une prescription administrative. Désormais, l’article L. 421-9 du Code de l’urbanisme prévoit que « lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux (désormais déclaration préalable) ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme… ».

Toutefois, cette prescription connaît un certain nombre d’exceptions : construction de nature à exposer ses usagers ou des tiers à un risque de mort ou de blessure, lorsqu’une action en démolition a été engagée, quand la construction est située dans un site classé ou bien se trouve sur le domaine public et enfin dans les zones de danger des plans de prévention des risques. L’exception la plus importante est la construction sans permis de construire qui, elle non plus, ne peut faire l’objet de l’oubli des dix ans.

On relèvera que le premier alinéa de l’article L. 421-9 précise que la prescription ne s’applique qu’en cas d’« irrégularité de la construction initiale ». Il se pose alors la question de savoir si des travaux réalisés postérieurement à la construction d’origine peuvent entrer dans le champ de la prescription.

En tout cas, cette prescription est sans incidence sur la jurisprudence Thalamy qui est applicable aux constructions illégales dans toute sa rigueur. Si la construction et les travaux sur existants sont conforme aux règles d’urbanisme en vigueur, cela ne devrait pas poser problème.

Quant à la jurisprudence Sekler, elle ne s’applique plus que pendant les dix premières années à compter de l’achèvement des travaux. On observera que si les travaux prévus sont divisibles, c’est-à-dire dissociables de la construction irrégulière, les jurisprudences Thalamy et Sekler ne s’appliquent pas sous réserve de la jurisprudence Carn. Par exemple, une maison est construite de façon illégale. Si, par la suite, ses propriétaires veulent construire une piscine dissociable de la maison, cela relèvera de la déclaration préalable et non pas du permis de construire modificatif28.

Relevons que le permis de régularisation peut même être obtenu en cas de poursuites judiciaires ayant donné lieu à une condamnation définitive. Le Conseil d’État a ainsi jugé qu’il appartient à l’autorité compétente d’ « apprécier l’opportunité de délivrer un permis de régularisation, compte tenu de la nature et de la gravité de l’infraction relevée par le juge pénal, des caractéristiques du projet et des règles d’urbanisme applicables »29. L’éventuelle régularisation n’enlève pas rétroactivement l’infraction ni au pénal ni au civil mais « le permis correspondant aux travaux réalisés ou autorisant des modifications destinées à rendre la construction conforme aux règles en vigueur, permet d’éviter l’obligation de mise en conformité au permis initial ou, lorsque celle-ci est impossible, la démolition de la construction »30.

Reste enfin la dernière hypothèse, celle de la construction irrégulière non conforme.

B – La construction irrégulière n’est pas conforme aux règles d’urbanisme en vigueur

Il faut d’abord rappeler que la demande ne devra pas porter seulement sur les travaux projetés mais aussi sur l’ensemble de la construction. Bien entendu, une pareille demande ne peut qu’être refusée puisque les règles d’urbanisme en vigueur s’y opposent. De la même façon, en principe, une régularisation ne sera pas permise.

Toutefois, la jurisprudence du Conseil d’État pourra admettre des travaux très limités. Des conditions sont posées. La demande devra porter sur la totalité de la construction.

C’est ainsi que l’arrêt du Conseil d’État du 3 mai 2011 a admis que « dans l’hypothèse où l’autorité administrative envisage de refuser le permis sollicité parce que la construction dans son entier ne peut être autorisée au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date de la décision, elle a la faculté, dans l’hypothèse d‘une construction ancienne, à l’égard de laquelle aucune action pénale ou civile n’est plus possible, après avoir apprécié les différents intérêts publics et privés en présence au vu de cette demande, d’autoriser, parmi les travaux demandés, ceux qui sont nécessaires à sa préservation et au respect des normes, alors même que son édification ne pourrait plus être régularisée au regard des règles d’urbanisme applicables »31. On le constate, les conditions sont sévères. Il ne devrait s’agir que de cas exceptionnels. C’est l’exception qui confirme la règle.

Bien entendu, les choses peuvent se compliquer encore pour les immeubles adossés aux monuments historiques. Un décret du 31 octobre entré en vigueur le 5 novembre 2014 vise à clarifier le régime des travaux situés aux abords des édifices protégés. Les dispositions du Code de l’urbanisme et du Code du patrimoine sont harmonisées. Ainsi, la demande d’autorisation prévue par l’article L. 621-31 du Code du patrimoine tient lieu de la déclaration exigée lorsqu’elle ne concerne pas des travaux pour lesquels le permis de construire, de démolir, d’aménager ou une déclaration préalable est nécessaire au titre du Code de l’urbanisme. Le décret détaille les éléments du dossier. L’ABF dispose d’un délai d’un mois à compter de sa saisine pour faire connaître son avis au préfet. À défaut, il est réputé avoir émis un avis favorable.

Naturellement il n’y a pas que l’urbanisme qui est concerné. Souvent, en ville, les travaux sur existants nécessitent l’accord de la copropriété. Signalons qu’après la loi Alur, « la surélévation ou la construction de bâtiments aux fins de créer de nouveaux locaux à usage privatifs ne peut être réalisé par les soins du syndicat que si la décision est prise aux deux tiers de ses membres ». Les copropriétaires du dernier étage disposent alors d’un droit de priorité d’achat sur les nouveaux lots.

La copropriété peut également décider de vendre le droit de surélever à un promoteur. Les copropriétaires qui subissent des travaux ont droit à une indemnité à la charge de l’ensemble des copropriétaires.

Enfin, pour les immeubles situés sur le territoire d’une collectivité, qui dans le cadre d’un POS ou d’un PLU ont établi un périmètre au sein duquel le DPU peut être exercé, la décision d’aliénation à un tiers des droits de surélévation d’un bâtiment est désormais décidée à la majorité des voix de tous les copropriétaires de l’article 25 de la loi de 1965.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Hocreitère P., « L’adaptation et la réfection des constructions existence, leur régime en droit de l’urbanisme, Droit administratif », JCP G juill. 1998, p. 7.
  • 2.
    Constructions de très faible importance comme par exemple piscine de 10 m2 maximum.
  • 3.
    CE, 30 avr. 2014, n° 366712, Société française de radiotéléphone.
  • 4.
    CAA Marseille, 23 nov. 2006, n° 04PA01369.
  • 5.
    Rép. min. n° 65052 : BJDU 2002, p. 73.
  • 6.
    CE, 15 mars 2006, n° 266238.
  • 7.
    Polizzi F. : « Composition du dossier d’urbanisme : comment sortir de l’ambiguïté actuelle ? » : BJDU 4/2011 p. 261.
  • 8.
    CE, 30 mars 1994, n° 137881, Gigoult.
  • 9.
    CE, 12 janv. 2007, n° 274632, Fernandez.
  • 10.
    CE, 27 juill. 2009, n° 305920, SCI La Paix.
  • 11.
    CE, 11 févr. 2015, n° 366809.
  • 12.
    CE, 11 févr. 2015, n° 367414.
  • 13.
    CE, 13 mai 1992, n° 107914.
  • 14.
    CE, 1er juin 1988, n° 54433.
  • 15.
    CAA Marseille, 11 déc. 2008, n° 06MA03324.
  • 16.
    CAA Bordeaux, 17 nov. 2005, n° 02MA01240.
  • 17.
    Polizzi F., « Le régime des travaux sur construction existante en droit de l’urbanisme », préc., sept. 2014, p. 9.
  • 18.
    CE, 27 oct. 1978, n° 05244.
  • 19.
    CAA Paris, 21 mars 2003, n° 01PA04009.
  • 20.
    CE, 23 déc. 1976, Casseau : Lebon, p. 579.
  • 21.
    CE, sect., 27 mai 1988, Sekler : Lebon, p. 223.
  • 22.
    CE, 15 mai 1992, Stalhy et Delchet : Lebon, p. 214.
  • 23.
    « L’avenir des toits de Paris divise les partis politiques » : Le Particulier 16 févr. 2015.
  • 24.
    Bien entendu, cela aura pour conséquence l’exigibilité des participations d’urbanisme, comme par exemple la taxe d’aménagement, et cela entraînera une révision des impôts locaux et notamment de la taxe foncière sur les propriétés bâties, avec rappel sur des années antérieures et pénalités de retard.
  • 25.
    CE, 9 juill. 1986, n° 51172,Thalamy.
  • 26.
    CE, 13 déc. 2013, n° 349081, Carn.
  • 27.
    Polizzi F., « Le régime des travaux sur construction existante en droit de l’urbanisme », préc. p. 4.
  • 28.
    CE, 9 janv. 2009, n° 307265, Ville de Toulouse.
  • 29.
    CE, 8 juill. 1996, n° 123437.
  • 30.
    Polizzi F., préc. p. 16.
  • 31.
    CE, 3 mai 2011, n° 320545.
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