Covid-19 : le grippage des loyers commerciaux
La situation exceptionnelle créée par le Covid-19 met sous tension les relations entre bailleurs et preneurs de locaux commerciaux. La notion de force majeure évoquée par le gouvernement est au cœur du débat. Est-elle de facto en faveur du locataire, lui permettant de s’exempter de ses obligations ? Le bailleur dispose-t-il de moyens juridiques afin de répondre à ces revendications ? Cette actualisation nous éclaire sur la question.
Le 16 mars 2020, le président de la République annonçait aux Français que « s’agissant des entreprises, pour les plus petites d’entre elles et tant que la situation durera, celles qui font face à des difficultés n’auront rien à débourser, ni pour les impôts, ni pour les cotisations sociales. Les factures d’eau, de gaz et d’électricité ainsi que les loyers devront être suspendus ».
Se voulant rassurants, ces quatre derniers mots sont pourtant aujourd’hui sources d’incertitudes et d’inquiétudes pour de nombreuses entreprises ayant à charge le paiement d’un bail commercial, mais également pour leurs propriétaires bailleurs, opérant à l’aveugle dans les concessions susceptibles d’être octroyées à leurs locataires commerciaux.
Alors que certaines fédérations représentatives des bailleurs et associations ont notamment indiqué que, pour les TPE et les PME appartenant à l’un des secteurs affectés par une suspension d’activité, les loyers et charges feront l’objet de différés de paiement ou d’étalements sans pénalités lorsque l’activité reprendra, alors que certains groupes financiers libèrent complètement, mais temporairement, leurs locataires de leurs obligations, quelles sont aujourd’hui les options juridiques à la disposition de chacune des parties, relatives au paiement des loyers et charges commerciaux ?
I – Les mesures adoptées par le gouvernement
Les affirmations de principe du président de la République et du gouvernement ont déjà fait l’objet de nombreuses précisions depuis leurs annonces.
Ainsi, après les arrêtés des 15 et 16 mars 2020, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, dite « loi d’urgence », a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances, dans un délai de 3 mois, toutes mesures pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation.
S’agissant des loyers commerciaux, une disposition leur a été dédiée à l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 (§ g du 1°), selon laquelle le gouvernement est habilité à prendre toute mesure : « permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures au bénéfice des micro-entreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ».
Ce faisant, le 25 mars 2020, le ministère de l’Économie et des Finances a adopté l’ordonnance n° 2020-316 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19.
Aux termes de cette ordonnance, publiée au Journal officiel du 26 mars 2020, peuvent désormais faire l’objet d’un échelonnement dans le temps, quant à leur paiement, sans pénalités, les factures concernant la fourniture d’électricité, de gaz et d’eau et ce, pour les très petites entreprises telles que visées par les textes. À aucun moment n’est envisagée leur annulation.
En ce qui concerne les loyers commerciaux, loin également d’une annulation, c’est uniquement l’interdiction d’application de pénalités financières, de dommages et intérêts, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents aux locaux professionnels et commerciaux nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du Code de commerce, qui est aujourd’hui mise en place par le gouvernement en réponse au Covid-19.
Ces dispositions s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de 2 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020.
En d’autres termes, en application de ces textes, l’exigibilité des loyers et charges commerciaux subsiste et pourrait en principe être le sujet d’actions en paiement, sous réserve d’une part de la réouverture des tribunaux et d’autre part, de l’impossibilité temporaire d’appliquer à une certaine catégorie d’entreprises « les pénalités » habituellement associées.
Cette exemption de « pénalités » – sujette, il faut le noter, à de récents ajustements – est cependant restreinte, car : (1) elle est réservée aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique susceptible de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 et, au vu de la communication d’une attestation de l’un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert la procédure, celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ; (2) les critères d’éligibilité au fonds de solidarité viennent d’être spécifiés lors de la parution du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 et du décret n° 2020-378 du 31 mars 20201, aux termes desquels :
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Les personnes physiques et morales doivent avoir commencé leur activité avant le 1er février 2020 ;
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Leur effectif est inférieur ou égal à dix salariés. Ce seuil est calculé selon les modalités prévues par le I de l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale ;
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Le montant du chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d’euros. Pour les entreprises n’ayant pas encore clos d’exercice, le chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83 333 € ;
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Elles ne sont pas contrôlées par une société commerciale au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce ;
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Lorsqu’elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d’affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils fixés aux 3°, 4° et 5° ;
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Elles ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou elles ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 par rapport à la même période de l’année précédente ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020, ou, pour les personnes physiques ayant bénéficié d’un congé pour maladie, accident du travail ou maternité durant la période comprise entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019, ou pour les personnes morales dont le dirigeant a bénéficié d’un tel congé pendant cette période, par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre le 1er avril 2019 et le 29 février 2020.
Par conséquent, à l’heure actuelle, il n’existe aucune disposition gouvernementale visant à annuler l’obligation de paiement de loyers commerciaux à échéance pour la période du Covid-19.
La question de l’éventuelle suspension de l’obligation de paiement des loyers et charges demeure donc entière et doit être traitée par les outils existants en droit des contrats.
II – Sur l’invocation de la force majeure
La question principale devant se présenter prochainement devant nos juridictions sera celle de déterminer si l’épidémie de Covid-19 peut constituer le fait générateur de la suspension, voire de l’annulation des loyers et charges commerciaux, en revêtant la qualification de force majeure.
À titre préliminaire, il est nécessaire de préciser que les parties à un contrat sont libres, lors de sa conclusion ou de son éventuelle modification, d’aménager contractuellement les conditions et les effets de la force majeure, notamment par énumération des caractéristiques et évènements qu’elles considèrent comme constitutifs d’une telle dénomination. Cependant, nombreux sont les contrats n’ayant envisagé que de façon sommaire cette notion.
Il convient alors de se référer à la définition juridique et supplétive de la force majeure tel qu’en dispose l’article 1218 du Code civil.
En vertu de cet article, tout événement empêchant une partie à un contrat d’exécuter ses obligations peut être qualifié de force majeure lorsque s’y identifient les trois caractéristiques suivantes :
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L’événement échappe au contrôle du débiteur ;
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Il n’a pas pu être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat ;
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Les effets de cet événement ne peuvent être évités par des mesures appropriées. Étant précisé que cette irrésistibilité doit confronter l’exécution de l’obligation de son débiteur à une impossibilité absolue et non pas s’avérer seulement plus onéreuse ou plus compliquée.
Si ces critères cumulatifs sont caractérisés par le juge, l’événement peut alors revêtir la qualification de force majeure et légitimement empêcher l’exécution de son obligation par le débiteur.
Toutefois, la légitimité de cette inexécution est sujet de la temporalité de cet empêchement :
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Si l’exécution de l’obligation d’une des parties est empêchée de manière temporaire, elle sera suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat ;
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Ce n’est qu’en cas d’empêchement définitif, que le contrat sera résolu de plein droit et que les parties seront libérées de leurs obligations.
Cette qualification de force majeure reste, en cas de contentieux, soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond et il ne peut être affirmé, à ce stade, que le Covid-19 et ses conséquences bénéficieront de cette qualification par nos juridictions.
En effet, ce qualificatif n’a, à ce jour, été reconnu spécifiquement pour le Covid-19 qu’à deux reprises, et ce, en matière de droit des étrangers : une première fois pour l’absence d’un appelant, « n’ayant pu être conduit à l’audience à la cour d’appel, en raison des circonstances exceptionnelles et insurmontables, revêtant le caractère de la force majeure, liées à l’épidémie en cours de Covid-19 »2, et ensuite à propos d’une annulation de vol aérien, la cour d’appel ayant conclu que « les circonstances de l’annulation du vol caractérisent la force majeure et ne sont pas imputables à un défaut de diligences des services de la préfecture B. »3.
Au contraire, pour d’autres phénomènes d’épidémies, la jurisprudence française a pu témoigner d’un rejet fréquent de la qualification de force majeure.
Ainsi, nos juridictions ont refusé d’identifier une force majeure lors des épidémies du bacille de la peste, de grippe H1N1 de 2009, du virus de la dengue ou du virus Ebola.
Dans chacune des espèces, c’est une étude approfondie qui a été effectuée quant aux circonstances ayant entouré l’épidémie, pour justifier les éventuels refus de caractérisation d’une force majeure. À titre d’exemple :
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Il a été considéré que l’épidémie de grippe H1N1 en 2009 ne pouvait être qualifiée de force majeure pour justifier la résiliation d’un contrat de fournitures, ces dernières pouvant être remplacées, ce qui rendait l’événement empêchant la fourniture non irrésistible. De surcroît, la cour d’appel considéra que l’épidémie avait été largement annoncée et prévue, et ce, avant même la mise en place de la réglementation sanitaire derrière laquelle se retranchait le débiteur4 ;
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Quatre ans plus tôt, la cour d’appel de Nancy jugeait, à propos de l’épidémie de Dengue en 2007, que cette dernière n’était pas imprévisible en raison de sa réapparition régulière et de la possibilité, pour chaque individu, d’adopter des mesures de protections contre les piqûres de moustiques, ce qui rendait l’événement non irrésistible. La force majeure ne pouvait donc pas y être caractérisée pour exonérer le voyageur de l’obligation de payer son voyage5 ;
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En ce qui concerne un bail rural, la cour d’appel de Toulouse a considéré que l’épidémie de grippe aviaire et les mesures de confinement en résultant ne présentaient pas une irrésistibilité susceptible de constituer un cas de force majeure justifiant le non-paiement de loyers6 ;
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Concernant l’épidémie de virus Ebola, bien que le caractère de force majeure n’ait pas été écarté a priori, il n’a pas été suivi d’effet concernant le non-paiement de cotisations URSSAF lié à la baisse de trésorerie, aucun bilan n’ayant été produit au soutien de l’affirmation du débiteur d’un événement irrésistible et l’épidémie ne suffisant pas à établir ipso facto la baisse ou l’absence de trésorerie invoquée par la société appelante7 ;
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Enfin, il a été jugé que la survenance de l’épidémie de peste, dans une région proche d’une escale de croisière, n’était pas suffisamment certaine ou grave pour justifier de l’annulation par des voyageurs de leur réservation de croisière pour force majeure, aucune instruction n’ayant été donnée aux compagnies aériennes ou aux agences de voyages pour éviter la région en cause, et qu’en outre, une protection contre le risque de contagion pouvait être assurée par la prise d’un traitement antibiotique préventif8.
Aujourd’hui, l’ampleur inédite et mondiale de l’épidémie de Covid-19, les déclarations de l’OMS caractérisant le Covid-19 comme une « pandémie », l’absence de traitement… pourraient constituer des arguments au soutien de la qualification de force majeure. Surtout, l’appellation de force majeure pourrait se manifester moins par les spécificités de l’épidémie du Covid-19 elle-même que par les mesures, sans précédents, adoptées par les autorités internationales et le gouvernement français pour paralyser la propagation du virus.
Néanmoins, il est important de noter qu’outre une qualification objective de force majeure, il appartiendra au débiteur invoquant un événement en vue d’une exonération de son obligation d’établir le lien de causalité entre l’événement argué de force majeure et son impossibilité d’exécuter son obligation.
Cette qualification sera donc toujours soumise à l’appréciation souveraine des juges au regard des circonstances de l’espèce et il appartiendra donc aux parties, pour que la force majeure produise ses effets les concernant, de démontrer et se ménager la preuve des conséquences de cette épidémie et des mesures adoptées sur l’exécution de leurs obligations, à la date de leur exigibilité.
Ainsi, dans le cas particulier du bail commercial, il appartiendra au locataire commercial, en cas de contentieux, de prouver que cette épidémie et les mesures prises en réponse par le gouvernement sont irrésistibles et insurmontables dans leurs effets quant au paiement des loyers ou quant à l’obligation de délivrance pesant sur le bailleur.
A – Sur les obligations du preneur
Pour rappel, la jurisprudence française impose, pour octroyer une libération du débiteur de ses obligations, que l’événement qu’il invoque pour s’en justifier, ait créé « une impossibilité absolue » dans l’exécution de son obligation ou ait imposé la violation d’une obligation lui incombant9.
Or la jurisprudence française admet difficilement la possibilité d’invoquer la force majeure comme justification par le débiteur de l’inexécution d’une obligation monétaire pesant sur lui. La Cour de cassation a ainsi pu juger que la maladie du débiteur ne rendait pas impossible le paiement du créancier, le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne pouvant s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure10.
Ainsi, s’il n’est pas contestable que l’épidémie a, sur un plan économique, eu des conséquences irrésistibles expliquant un éventuel différé d’exécution de ses obligations monétaires, l’appréciation souveraine des juges du fond ne fera sans doute pas fi des potentielles mesures de soutien octroyées aux entreprises par le gouvernement, qui pourraient, dans certaines espèces, être susceptibles d’ôter à l’obligation de paiement son caractère impossible et irrésistible.
Enfin, bien qu’une autre obligation puisse peser sur le locataire, tenant à une obligation d’exploiter son commerce dans les locaux loués, cette dernière supposera une clause explicite en ce sens pour être invoquée. En effet, faute de clause en ce sens, l’obligation d’exploiter est une condition d’application du statut des baux commerciaux, mais son inexécution ne peut entraîner la résiliation du bail, en l’absence d’une clause imposant l’exploitation effective et continue du fonds dans les lieux loués11.
B – Sur les obligations du bailleur
Une seconde option pourrait alors se présenter aux locataires commerciaux. Il s’agirait, non plus pour le preneur d’exciper d’une inexécution du paiement du loyer sur la période en raison de sa situation économique mais d’invoquer l’article 1220 du Code civil, en raison des manquements du bailleur empêché de satisfaire à ses obligations de délivrance et de jouissance paisible.
En effet, en vertu de l’article 1719 du Code civil, le bailleur est tenu à une obligation de délivrance, aux termes de laquelle il lui appartient de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
Certes, par une lecture sommaire de ces dispositions, pourrait y être perçue l’obligation du bailleur de mettre à la disposition de son preneur un local apte à l’exercice de l’activité telle qu’autorisée dans le contrat de bail, et par conséquent, une impossibilité d’y satisfaire en conséquence des décrets relatifs à la fermeture des commerces non indispensables ainsi que des mesures de confinement ordonnées par le gouvernement.
Il conviendrait alors pour le preneur, d’arguer que les effets du Covid-19 conduisant à une impossibilité d’exploiter, cette dernière peut caractériser une exception d’inexécution et ainsi conduire à une suspension de la dette locative durant cette période d’impossibilité.
Néanmoins, il est important de noter à ce sujet, un arrêt du 29 avril 2009 aux termes duquel la Cour de cassation a jugé que « l’obligation du bailleur d’assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée ne cesse qu’en cas de force majeure »12.
En toute hypothèse, si cette force majeure venait à être reconnue, elle n’aurait, en principe, pour effet que la suspension de l’exécution de l’obligation empêchée et ce, de manière temporaire, durant la période d’empêchement13. Ce n’est que dans certaines circonstances, particulières et réduites, que la résolution du contrat comme réponse à cette force majeure pourra être envisagée.
III – Sur la renégociation du contrat
Enfin, nombreuses seraient les tentations d’évocation de l’article 1195 du Code civil tel qu’issu de la réforme du droit des obligations de 2016.
Or bien qu’en vertu de cette disposition, les parties puissent renégocier leur contrat lorsqu’un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion de ce dernier rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie, cette renégociation n’est applicable qu’aux baux commerciaux conclus ou renouvelés postérieurement à la réforme du droit des obligations de 2016 et en l’absence de clauses contraires stipulées dans le contrat.
Ainsi, afin d’être prospère, une demande de révision supposera la démonstration, documentée, que l’exécution du contrat est devenue excessivement onéreuse, créant un véritable déséquilibre économique irrésistible.
De surcroît, il est important de noter que lors de cette renégociation, chaque partie continue d’exécuter ses obligations telles que stipulées dans le contrat initial, et donc le paiement des loyers commerciaux.
Ce n’est que faute d’accord entre les parties que le juge pourra être saisi afin de réviser le contrat ou y mettre fin, aux conditions qu’il fixera.
IV – Conclusion
En conclusion, à ce stade et au vu de l’ensemble de ces éléments, devrait primer entre les parties au contrat, le principe de négociation.
Dans tout échange, il conviendra de respecter particulièrement le formalisme tel que prévu au contrat, notamment relatif aux éventuelles notifications.
En second lieu, il nous semble indispensable de veiller à documenter et collationner le plus complètement possible les éléments comptables et financiers quel que soit le côté duquel on se place.
Car en l’état actuel de la situation, aucune décision de principe ne pouvant être revendiquée, l’absence d’accord amiable entre le bailleur et le preneur (et un éventuel contentieux) conduira à une appréciation souveraine des juges sur les arguments des parties et les faits de l’espèce.
Notes de bas de pages
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1.
Version en vigueur au 17 avril 2020.
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2.
CA Colmar, 12 mars 2020, n° 20/01098.
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3.
CA Douai, 4 mars 2020, n° 20/00395.
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4.
CA Besançon, 2e ch., 8 janv. 2014, n° 12/02291.
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5.
CA Nancy, 1re ch. civ., 22 nov. 2010, n° 09/00003.
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6.
CA Toulouse, 3 oct. 2019, n° 19/01579.
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7.
CA Paris, 17 mars 2016, n° 15/04263.
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8.
CA Paris, 25 sept. 1998, n° 98/024244.
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9.
Cass. 1re civ., 19 déc. 2000, n° 98-14141.
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10.
Cass. com., 16 sept. 2014, n° 13-20306.
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11.
Cass. 3e civ., 13 janv. 2015, n° 13-25197.
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12.
Cass. 3e civ., 29 avr. 2009, n° 08-12261.
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13.
Cass. 3e civ., 13 juin 2007, n° 06-12283.