Activité de la Cour de cassation en droit de la concurrence(Juillet à septembre 2017)

Publié le 10/01/2018

La présente étude porte sur les arrêts rendus par la Cour de cassation en droit de la concurrence au sens du livre IV du Code de commerce. Plusieurs domaines sont théoriquement concernés. La Cour de cassation se prononce d’abord sur les arrêts que la cour d’appel de Paris rend lorsqu’elle est saisie d’un recours contre les décisions de l’Autorité de la concurrence ; elle est également saisie des arrêts rendus par les cours d’appel en matière de « transparence », « pratiques restrictives de concurrence » et « autres pratiques prohibées », au sens du titre IV du livre IV du Code de commerce ; elle est aussi compétente en matière de visite et de saisies opérées sur le fondement de l’article L. 450-4 du Code de commerce ; enfin, elle se prononce sur les décisions rendues dans le cadre de litiges entre opérateurs économiques. L’étude porte sur la période de juillet à septembre 2017. Les points suivants ont plus particulièrement retenu l’attention : Constitutionnalité des dispositions relatives opérations de visites et saisies (I) ; Compétence judiciaire pour connaître d’une action en responsabilité dirigée contre des sites internet opérant à l’étranger en violation d’un contrat de distribution sélective (II) ; Distribution par le biais de plates-formes en ligne de produits cosmétiques commercialisés dans le cadre de réseaux de distribution sélective (III) ; Date à laquelle s’apprécie la rupture brutale d’une relation commerciale (IV) ; Réparation du dommage concurrentiel  – affaire des câbliers (V) ; Réitération (VI).

I – Constitutionnalité des dispositions relatives aux opérations de visites et saisies

Faisant suite à des opérations de visite et saisies réalisées dans ses locaux par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l’entreprise de presse Free Mobile a, dans deux arrêts rendus le 26 juillet 20171, posé une série de trois questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la constitutionnalité de l’article L. 450-4 du Code de commerce relatif aux enquêtes lourdes.

Dans les trois cas, les dispositions contestées, pour certaines d’entre elles au moins, n’ont pas déjà été déclarées conformes à la constitution par le Conseil constitutionnel. En revanche, les questions ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application ne sont pas nouvelles. Elles ne présentent pas non plus un caractère sérieux. La chambre criminelle refuse en conséquence leur renvoi au Conseil constitutionnel.

Par la première question, Free Mobile demandait si le fait que l’article L. 450-4 n’impose pas la présence du juge qui a autorisé une visite domiciliaire au sein d’une entreprise de presse, en ce qu’il ne prévoit, pendant la visite qu’un éventuel contrôle du juge des libertés ne contrevient pas à l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la liberté de la presse définie par les articles 11 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et au principe du droit au respect de la vie privée et à l’article 66 de la constitution selon lequel l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle.

La chambre criminelle répond en se bornant à rappeler que les dispositions contestées de l’article L. 450-4 assurent un contrôle effectif par le juge de la nécessité de chaque visite et lui donne les pouvoirs d’en suivre effectivement le cours, de régler les éventuels incidents et, le cas échéant, de mettre fin à la visite à tout moment. Et d’ajouter que les droits dont la méconnaissance est invoquée sont garantis, tout au long de la procédure, par l’intervention d’un juge judiciaire dont les décisions motivées sont soumises à un recours effectif et à qui il appartient d’assurer la conciliation entre les droits et libertés visés dans la question et les nécessités de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

La deuxième question portait sur la variété des garanties offertes par diverses dispositions, notamment l’article L. 450-4, pour assurer la liberté de la presse lors des visites domiciliaires effectuées auprès des entreprises de presse. Free Mobile a fait valoir que ces garanties varient en fonction soit de la nature de l’autorité pour le compte de laquelle l’opération est menée, soit de l’objet des recherches entreprises, alors que l’indépendance de la presse, notamment le libre choix de la ligne éditoriale de chaque publication, se trouve potentiellement concernée de la même manière par toute intrusion des agents de la puissance publique indépendamment du motif qui leur est fourni. Et de se demander si lesdites dispositions respectent les exigences d’intelligibilité de la loi et d’égalité devant celle-ci tels qu’ils découlent des articles 34 de la constitution, 4, 5, 6, 11 et 16 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.

Pour la chambre criminelle, le principe d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui impose d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, ne peut, en lui-même, être invoqué à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité.

S’agissant, d’autre part, du principe d’égalité devant la loi, la haute juridiction observe que si ce principe interdit qu’à des situations semblables soient appliquées des règles différentes, il ne fait nullement obstacle à ce que, en fonction des objectifs poursuivis, des règles différentes soient appliquées à des situations différentes ; que tel est le cas lorsque les infractions recherchées sanctionnent la violation de règles qui n’ont pas le même objet.

Par la troisième question, Free Mobile demandait si l’article L. 450-4, alinéa 8, et l’article 56 du Code de procédure pénale, en ce qu’ils permettent aux agents de la puissance publique de refuser à l’occupant des lieux de prendre une connaissance préalable des pièces et documents notamment informatiques avant leur saisie du seul fait qu’une copie est établie et délivrée à celui-ci à la fin de la visite pour lui permettre d’identifier ultérieurement les pièces emportées, ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de la défense.

Une fois encore, la Cour de cassation répond par la négative. Elle souligne que les dispositions de l’article L. 450-4 assurent un contrôle effectif par le juge de la nécessité de chaque visite, lui donnent les moyens d’en suivre effectivement le cours, de régler les éventuels incidents, de mettre fin à la visite à tout moment et, le cas échéant, de statuer sur la régularité de la visite et des saisies. La remise par les enquêteurs à l’occupant des lieux, à l’issue de la visite, d’une copie de l’ensemble des fichiers et des documents saisis, met celui-ci en mesure d’en prendre connaissance et de contester ensuite devant le premier président de la cour d’appel, sous le contrôle de la Cour de cassation, le bien-fondé des saisies.

Dès lors, le fait de ne pas pouvoir identifier ces documents préalablement à leur saisie n’a pas pour effet de causer à l’occupant des lieux une atteinte aux droits de la défense et au respect de la vie privée.

II – Compétence judiciaire pour connaître d’une action en responsabilité dirigée contre des sites internet opérant à l’étranger en violation d’un contrat de distribution sélective

À l’origine de cette affaire, la société Concurrence, qui exerce une activité de vente au détail de produits électroniques grand public par le biais d’un magasin situé à Paris et de son site de vente en ligne sous le nom de domaine « concurrence.fr », a conclu avec la société Samsung Electronics France (la société Samsung) un contrat de distribution sélective portant notamment sur des produits de la gamme Elite, produits haut de gamme de la marque Samsung. La société Samsung ayant reproché à la société Concurrence, en commercialisant des produits via une place de marché, de violer la clause du contrat qui le lui interdisait, et lui ayant notifié la fin de leur relation commerciale, la société Concurrence l’a assignée afin d’obtenir la livraison de ces produits sans être tenue de respecter cette clause, qu’elle estimait appliquée de manière discriminatoire. La société Concurrence a également assigné la société Amazon services Europe, établie au Luxembourg, pour obtenir de celle-ci le retrait de toute offre en place de marché portant sur des produits Samsung sur ses sites « amazon.fr », « amazon.de », « amazon.co.uk », « amazon.es » et « amazon.it ».

Saisie d’un doute sur la juridiction compétente pour connaître de ce litige, la chambre commerciale a saisi la Cour de justice de l’Union d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000. Celle-ci y a répondu par un arrêt du 21 décembre 20162, en énonçant que l’article 5, point 3 doit être interprété, aux fins d’attribuer la compétence judiciaire conférée par cette disposition pour connaître d’une action en responsabilité pour violation de l’interdiction de vente en dehors d’un réseau de distribution sélective résultant de l’offre, sur des sites internet opérant dans différents États membres, de produits faisant l’objet dudit réseau, en ce sens que le lieu où le dommage s’est produit doit être considéré comme étant le territoire de l’État membre qui protège ladite interdiction de vente au moyen de l’action en question, territoire sur lequel le demandeur prétend avoir subi une réduction de ses ventes.

Ainsi éclairée, la Cour de cassation censure les juges du fond qui se sont déclarés incompétents : « Attendu que pour dire les juridictions françaises incompétentes pour connaître des demandes relatives aux sites de la société Amazon services Europe à l’étranger, l’arrêt retient que le juge français n’est compétent pour connaître des litiges liés à la vente sur internet que si le site sur lequel la distribution est assurée vise le public de France et que dès lors, c’est à bon droit que le premier juge s’est déclaré incompétent pour ce qui concerne les “sites d’Amazon à l’étranger”, en l’occurrence amazon.de, amazon.co.uk, amazon.es et amazon.it ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé (Règl. (CE) n° 44/2001, art. 3, pt 3) »3.

III – Distribution par le biais de plates-formes en ligne de produits cosmétiques commercialisés dans le cadre de réseaux de distribution sélective

La chambre commerciale censure la solution retenue par la cour d’appel de Paris dans un litige concernant la distribution en ligne de produits cosmétiques commercialisés au sein de réseaux de distribution sélective.

On se souvient que le contentieux avait été initié par la SAS Caudalie qui a pour activité la fabrication et la distribution de produits cosmétiques, via un réseau de pharmacies et de parapharmacies avec lesquelles elle a mis en place un réseau de distribution sélective soit en point de vente soit par internet, faisant chacun l’objet d’un type de contrat spécifique.

L’entreprise avait saisi le juge des référés des agissements de la SAS eNOVA Santé qui fédère un certain nombre de pharmacies et leur propose une plate-forme internet leur permettant de vendre leurs produits par ce moyen de diffusion.

La société Caudalie prétendait que ce service contrevenait aux principes de son réseau de distribution sélective et était donc prohibé en application de l’article L. 442-6, I, 6°, du Code de commerce qui interdit la violation d’un réseau de distribution sélective4.

Le juge des référés avait partiellement fait droit à la demande en enjoignant notamment à la société eNOVA de cesser toute commercialisation des gammes de produits de marque Caudalie et de supprimer toute référence à ces produits sur le site internet5.

L’ordonnance avait été infirmée sur ce point. Pour la cour d’appel de Paris, il résulte notamment des deux décisions de l’Autorité de la concurrence des 23 juillet 2014 et 24 juin 2015, concernant le réseau de distribution sélective Samsung interdisant la vente en ligne par le biais de plates-formes internet, et du communiqué de presse de cette Autorité du 18 novembre 2015 dans une affaire Adidas similaire, un faisceau d’indices sérieux et concordants tendant à établir avec l’évidence requise en référé que cette interdiction de principe du recours pour les distributeurs des produits Caudalie, pour l’essentiel pharmaciens d’officine, à une plate-forme en ligne quelles qu’en soient les caractéristiques est susceptible de constituer, sauf justification objective, une restriction de concurrence caractérisée exclue du bénéfice de l’exemption communautaire individuelle visée à l’article L. 442-6, I, 6°.

La cour d’appel en avait conclu que cette éventualité privait le trouble allégué par Caudalie, résultant de la violation de son réseau de distribution sélective via la plate-forme6 proposée aux pharmaciens par la société eNOVA, de tout caractère manifestement illicite7.

La Cour de cassation ne partage pas cette analyse : « en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi les décisions auxquelles elle se référait étaient de nature à écarter l’existence d’un trouble manifestement illicite résultant de l’atteinte au réseau de distribution sélective de la société Caudalie dont la licéité avait été admise par la décision n° 07-D-07 du 8 mars 2007 du Conseil de la concurrence, qui n’avait pas fait l’objet de révision, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

Elle casse et annule en conséquence l’arrêt attaqué en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de la société Caudalie aux fins d’injonction. Elle remet sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt attaqué et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée8.

IV – Date à laquelle s’apprécie la rupture brutale d’une relation commerciale

Un litige sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce offre l’occasion à la chambre commerciale de rappeler que l’appréciation de la brutalité d’une relation commerciale établie ne peut tenir compte des éléments postérieurs à la notification de la rupture.

Ce contentieux a été initié par la société Carotrans qui, à partir de 1995, s’est vue confier des prestations de commissionnaire de transport par la société Cargo Lines. En 2012, celle-ci a notifié à la première la fin de leurs relations à l’expiration du délai de préavis d’un mois stipulé au contrat. La société Cargo Lines a réagi par une assignation en réparation de ses préjudices.

La cour d’appel a estimé qu’il n’y avait pas de rupture brutale d’une relation commerciale établie et a rejeté les demandes de la société Cargo Lines après avoir retenu que « si la durée du préavis s’apprécie au moment de la rupture, il n’en demeure pas moins que dès lors que la rupture a été notifiée par un écrit et avec un préavis, il appartient au juge d’apprécier si celui-ci est suffisant en ce qu’il est destiné à permettre à la société victime de la rupture de se réorganiser, de sorte que la réalité de cette réorganisation est un élément à prendre en compte ».

Or en l’espèce, elle a constaté que la société Cargo Lines avait, dès la rupture, noué une relation commerciale avec un nouveau partenaire ; elle avait également constaté que le résultat de la société Cargo Lines en 2012, soit l’année de la rupture, avait progressé ; elle en a déduit que le préavis d’un mois dont avait bénéficié la société Cargo Lines était suffisant.

Cette analyse est rejetée par la chambre commerciale qui énonce « qu’en statuant ainsi, alors que la brutalité de la rupture d’une relation commerciale établie s’apprécie à la date de la notification de cette rupture, la cour d’appel, qui s’est fondée sur des éléments postérieurs à celle-ci, a violé l’article L. 442-6, I, 5° »9.

V – Réparation du dommage concurrentiel – affaire des câbliers

À l’origine de l’affaire des câbliers, la société EDF a, en 2000, lancé un appel d’offres pour la fourniture de câbles ; le marché a été ensuite attribué aux sociétés Nexans et Prysmian. En 2007, le Conseil de la concurrence a condamné diverses entreprises du secteur, y compris les sociétés Nexans et Prysmian, après avoir constaté qu’elles s’étaient entendues sur le montant de leurs offres à EDF.

En 2011, EDF et sa filiale ERDF ont assigné les deux sociétés aux fins d’obtenir l’annulation des marchés passés avec elles, la restitution des sommes qui leur avaient été versées et, subsidiairement, leur condamnation au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice que les pratiques anticoncurrentielles sanctionnées par le Conseil de la concurrence leur avaient causées.

Déboutées par le tribunal de commerce de Paris, elles ont interjeté appel mais sans plus de succès, la cour ayant confirmé le jugement de première instance.

La Cour de cassation, à son tour, rejette les pourvois principaux formés par EDF et ERDF (ainsi que les pourvois incidents de la société Nexans). Ce faisant, elle précise, dans un attendu de principe, quels sont les engagements qui encourent l’annulation lorsque des concurrents se sont livrés à un échange d’information préalablement au dépôt d’offres. La nullité n’affecte que l’échange d’information, à l’exclusion des contrats passés postérieurement à cet échange : « Mais attendu que seuls encourent l’annulation, sur le fondement des articles L. 420-3 du Code de commerce et 101, 1 et 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), les engagements, accords ou décisions constituant des pratiques anticoncurrentielles au sens de ces textes ; que l’arrêt retient exactement (…) que les engagements qui peuvent être annulés en application de ces textes sont seulement ceux qui ont caractérisé les échanges d’informations sanctionnés par l’Autorité de la concurrence et que les contrats de fourniture passés postérieurement par la société EDF ne sont pas, par eux-mêmes, des accords interdits, dès lors qu’ils ne correspondent pas aux pratiques anti-concurrentielles sanctionnées et n’en ont pas été les instruments ; que le moyen, qui postule le contraire, n’est pas fondé »10.

Ce refus de prononcer la nullité des contrats de fourniture passés postérieurement à l’entente n’a pas été épargnée par la critique qui s’est notamment prévalue de la lettre des textes pertinents : « La mise en perspective de l’attendu de principe avec l’article L. 420-3 du Code de commerce aux termes duquel « est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles L. 420-1 et L. 420-2 » est (…) révélatrice de l’interprétation très stricte adoptée par la Cour de cassation, laquelle pourrait apparaître en décalage avec la lettre de cette disposition. Là où l’adjectif indéfini « tout » figurant dans la disposition légale véhicule plutôt l’idée d’une généralité, d’une absence d’exception, l’adjectif « seul » utilisé par l’arrêt paraît plutôt traduire l’idée contraire d’une application restrictive. Par ailleurs, il est permis de penser que la rédaction du texte, employant le verbe « se rapporter » (c’est-à-dire « avoir un rapport avec quelque chose »), la rédaction du texte, se prête à une application de la nullité au-delà des seuls engagements « constituant des pratiques anticoncurrentielles » pour reprendre la terminologie utilisée dans l’arrêt, même si l’on y intègre, comme le fait la décision, les actes qui en sont « les instruments »11.

VI – Réitération

La chambre commerciale censure l’analyse de la cour d’appel de Paris sur la réitération dans l’affaire des pratiques mises en œuvre par EDF dans le secteur des services destinés à la production d’électricité photovoltaïque ; ce faisant, elle rappelle que la qualification de réitération n’exige pas une identité quant à la pratique mise en œuvre ou quant au marché concerné.

On se souvient que, dans cette affaire, l’Autorité a estimé qu’EDF se trouvait dans une situation de réitération justifiant, dans les circonstances de l’espèce, une majoration de 25 % de sa sanction, en se référant à un constat antérieur d’infraction résultant d’une décision du Conseil de la concurrence du 22 novembre 2000 l’ayant sanctionnée pour avoir enfreint les dispositions de l’article L. 420-2 du Code de commerce.

Devant la cour d’appel de Paris, EDF a soutenu que les conditions permettant à l’Autorité de constater la réitération n’étaient pas réunies en l’espèce, dès lors que les pratiques en cause dans la décision du 22 novembre 2000 étaient radicalement différentes de celles visées dans la présente affaire.

La cour d’appel a accueilli le moyen. Pour elle, la réitération devait être écartée car si, dans les deux affaires, des pratiques d’éviction étaient reprochées à EDF, cette circonstance ne permettait pas de conclure que les pratiques étaient identiques ou similaires. La Cour de cassation fait à cet égard la lecture suivante de l’arrêt attaqué : « Attendu que pour écarter la circonstance aggravante tirée de la réitération et dire qu’il n’y a pas lieu de procéder, de ce chef, à une majoration de la sanction infligée au titre du premier grief, l’arrêt retient que les pratiques mises en œuvre, par leur combinaison et leur ampleur, ont permis à la société EDF ENR d’acquérir très rapidement une position significative sur le marché grâce à des moyens que ne pouvaient répliquer ses concurrents, faussant ainsi la concurrence par les mérites, de sorte qu’elles ne sont ni identiques ni similaires, par leur objet ou leur effet, à celles pour lesquelles la société EDF avait été précédemment sanctionnée pour avoir proposé, dans le cadre de l’obtention de la concession de la distribution d’électricité de la ville de Tourcoing, une offre concernant l’éclairage public de la ville à un prix particulièrement bas ; qu’il ajoute que la ville a été dissuadée de procéder à un appel d’offres et que la société EDF a emporté ce marché ; qu’il relève encore que cette dernière a été sanctionnée pour avoir, en outre, conclu avec des communes, pour l’entretien et la maintenance de leur éclairage public, des conventions d’une durée excessive par rapport à l’importance des prestations en cause et des investissements concernés et qui comportaient des clauses de dénonciation, rendant le recours à un autre prestataire plus difficile ».

Pour la haute juridiction, « en statuant ainsi, après avoir constaté que la société EDF avait été sanctionnée par une décision n° 00-D-47 du 22 novembre 2000 pour avoir enfreint les dispositions de l’article L. 420-2 du Code de commerce au titre de pratiques ayant, également, eu pour effet de permettre à un opérateur dominant d’évincer des concurrents d’un marché, la cour d’appel a violé (C. com., art. L. 464-2) »12.

Cette censure de la cour d’appel de Paris n’est pas vraiment une surprise, la haute juridiction ayant déjà, dans l’affaire du fret ferroviaire, condamné l’application restrictive de la réitération faite par la cour d’appel de Paris13.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. crim., 26 juill. 2017, n° 16-87189 ; Cass. crim., 26 juill. 2017, n° 16-87193.
  • 2.
    CJUE, 21 déc. 2016, n° C-618/15.
  • 3.
    Cass. com., 5 juill. 2017, n° 14-16737.
  • 4.
    C. com., art. L 442-6, I, 6° : « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : … 6° De participer directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ».
  • 5.
    http://www.1001pharmacies.com/.
  • 6.
    Ibid.
  • 7.
    CA Paris, 2 févr. 2016, SAS eNOVA Santé c/ SAS Caudalie, Creda concurrence.
  • 8.
    Cass. com., 13 sept. 2017, n° 16-15067.
  • 9.
    Cass. com., 5 juill. 2017, n° 16-14201.
  • 10.
    Cass. com., 13 sept. 2017, nos 15-22837 et 15-23070.
  • 11.
    Chagny M., « Ni nullité ni dommages et intérêts pour la victime d’une pratique d’entente à l’occasion d’un appel d’offres », Actu-concurrence n° 40/2017, 16 oct. 2017.
  • 12.
    Cass. com., 27 sept. 2017, nos 15-20087 et 15-20291.
  • 13.
    Cass. com., 22 nov. 2016, nos 14-28224 et 14-28862.
X