Bien préparer l’assemblée générale ordinaire de son entreprise
Préparer l’assemblée générale ordinaire annuelle de son entreprise relève souvent du casse-tête pour le chef d’entreprise. La commission Corporate et M&A de l’AFJE, représentée par Nathalie Besombes, directrice Droit des sociétés et boursier, secrétaire du conseil et déontologue, au sein d’Hermès International, Lydie Boussard, directrice Droit des sociétés et Compliance, au sein d’Euro Disney SCA, et Mayeul Fournier de Saint Jean, juriste au sein du groupe Rubis, reviennent pour les Petites Affiches sur les différentes démarches préalables à faire pour convoquer les associés à l’AG, ainsi que sur les nouveaux éléments à prendre en compte depuis l’ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 et le décret n° 2017-1174 du 18 juillet 2017.
Les Petites Affiches
Dans le cadre d’une convocation à l’assemblée générale ordinaire annuelle, quelles sont les premières démarches à effectuer au sein du groupe et les éléments à rassembler ?
Nathalie Besombes, Lydie Boussard et Mayeul Fournier de Saint Jean
De manière générale, quelques mois avant l’assemblée générale ordinaire, il est indispensable d’établir un rétro-planning, définissant les différentes actions à mener et les différents documents à établir en vue de cette assemblée, les différents acteurs et intervenants (qui est responsable ? qui est contributeur ? qui est informé ? etc.) en fonction de l’organisation de la société ou du groupe, de sa forme juridique, de son statut de société cotée ou non, etc. Ce rétro-planning doit préciser les dates d’échéance pour mener à bien ces actions et ces documents, en tenant compte non seulement des délais légaux impératifs mais également des délais de préparation et de revue interne nécessaires, et sans oublier aussi les délais de relecture, d’impression et de routage des documents.
Il est en outre nécessaire, tout au long de l’année, de procéder à une veille juridique, pour intégrer plus aisément les dernières évolutions législatives ou réglementaires (« hard law ») et en matière de « soft law » intervenues depuis l’exercice précédent.
LPA
Quelles sont les dispositions indispensables à prendre avant de convoquer l’AG et dans quels délais ?
N.B., L.B. et M.F. de S.J.
Les actionnaires convoqués à une assemblée générale ordinaire bénéficient d’un droit d’information portant sur plusieurs sujets comptables, financiers et extra-financiers relatifs à l’exercice clos. Il convient donc de préparer en amont la documentation (états financiers, rapport de gestion, etc.) devant leur être mise à disposition.
Le rapport de gestion, établi par le conseil d’administration ou de surveillance (dans une SA) ou par le gérant (dans une SARL ou une SCA), inclut notamment un rapport d’activité retraçant, de manière objective, l’évolution des affaires, des résultats et de la situation financière de la société. Cette partie est généralement préparée par la direction financière de la société. Le rapport de gestion comprend, en outre, une description des principaux risques et incertitudes auxquels la société est confrontée ainsi que des procédures de contrôle interne et de gestion des risques mises en place. L’élaboration de cette partie, couvrant des domaines transversaux, requiert un travail conjoint des responsables de la gestion des risques, de la conformité, du contrôle interne, ainsi que des responsables juridiques et financiers. Elle nécessite également une cartographie des principaux risques afférant aux activités de la société et le cas échéant de ses filiales. Enfin, le rapport de gestion inclut des indications sur les risques financiers liés aux effets du changement climatique et présente les mesures que prend la société pour les réduire. Cette obligation se traduira plus largement à partir de 2019, pour les sociétés dépassant des seuils de bilan, de chiffres d’affaires et de nombre de salariés définis à l’article R. 225-104 du Code de commerce, par une déclaration de performance extra-financière. L’élaboration de cette partie implique souvent l’intervention conjointe des responsables de la RSE, ainsi que de différentes autres directions selon l’organisation de la société ou du groupe (HSE, risques, ressources humaines, Compliance, juridique, etc.).
Par ailleurs, un rapport sur le gouvernement d’entreprise, établi par le conseil d’administration ou de surveillance (SA et SCA), doit être joint au rapport de gestion. Ce rapport regroupe des informations relatives aux mandats et fonctions exercés par chaque mandataire social, aux conventions réglementées, aux délégations en cours de validité accordées par l’assemblée générale extraordinaire dans le domaine des augmentations de capital, ainsi qu’au choix de cumuler ou non les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général pour les SA.
Dans les sociétés cotées, le rapport sur le gouvernement d’entreprise doit également inclure des informations relatives à la rémunération des mandataires sociaux, à la composition et au fonctionnement du conseil d’administration ou de surveillance, à la politique de diversité appliquée aux membres du conseil d’administration ou de surveillance, aux éventuelles limitations posées aux pouvoirs du directeur général, à l’application partielle ou l’absence d’application d’un code de gouvernement d’entreprise, aux modalités de participation des actionnaires à l’assemblée générale, ainsi qu’aux éventuels éléments susceptibles d’avoir une incidence en cas d’offre publique d’achat ou d’échange.
L’élaboration du rapport sur le gouvernement d’entreprise nécessite une forte implication du secrétaire du conseil et de la direction juridique en charge des questions de gouvernance au sein de la société.
Il convient donc de définir un calendrier tenant compte du fait que ces documents constituent le plus souvent un travail collectif en interne et qu’ils sont, par ailleurs, revus par les commissaires aux comptes. Les sociétés cotées doivent, en tout état de cause, publier ces documents sur leur site internet au plus tard le 21e jour précédant leur assemblée générale, au même titre que le texte des projets de résolution et d’autres documents listés à l’article R. 225-73-1 du Code de commerce.
LPA
Quels sont les points indispensables à mettre à l’ordre du jour ?
N.B., L.B. et M.F. de S.J.
La fonction essentielle de l’assemblée générale ordinaire est d’approuver les comptes et de déterminer, le cas échéant, le versement d’un dividende.
Afin de fixer les modalités de versement du dividende, les dirigeants mandataires sociaux doivent réfléchir en amont au dividende qui sera proposé aux actionnaires, en tenant compte des résultats de la société mais aussi de leur stratégie en matière de fidélisation des actionnaires, et de préservation de l’attractivité du titre en bourse (lorsque la société est cotée) et de la trésorerie disponible. Une option pour le versement du dividende en actions pourra également être proposée lorsque cela correspond à une forte demande des actionnaires. Cette option, certes potentiellement dilutive pour les actionnaires qui ne l’exerceraient pas, permet à la société de limiter les liquidités qu’elle devra mobiliser pour payer le dividende.
Les comptes et les modalités de versement du dividende doivent avoir été approuvés par le comité d’audit, puis par le conseil d’administration ou de surveillance, préalablement à l’assemblée générale ordinaire.
Outre l’approbation des comptes et du dividende, l’assemblée générale ordinaire prend plusieurs décisions relatives à la gouvernance de la société.
Les résolutions relatives aux questions de gouvernance portent notamment sur le renouvellement du mandat de membres du conseil d’administration ou de surveillance et sur celui des commissaires aux comptes éventuellement. Une réflexion doit dès lors être engagée en amont, par le comité des nominations (si la société en dispose), sur la composition du conseil d’administration ou de surveillance (compétences des membres, taux d’indépendance, parité, diversité de nationalités le cas échéant) afin que les candidatures proposées aux actionnaires soient de nature à préserver ou améliorer la qualité des travaux et la représentativité des actionnaires. Le renouvellement des commissaires aux comptes implique également une étude préalable, diligentée généralement par le comité d’audit, sur leur ancienneté au sein de la société et sur leur indépendance.
L’assemblée générale ordinaire comprend, par ailleurs, des résolutions relatives à l’approbation de la rémunération des dirigeants mandataires sociaux exécutifs et non exécutifs dans les sociétés cotées. L’encadrement de ces rémunérations a été renforcé depuis la loi Sapin 2, les actionnaires des SA devant se prononcer, d’une part, sur les principes et critères de détermination qui leur sont applicables (vote « ex-ante »), et d’autre part, sur les éléments fixes et variables à verser au titre de l’exercice clos (vote « ex-post »). Il convient donc que le comité des rémunérations (si la société en dispose) étudie la politique de rémunération de ces dirigeants et analyse, de manière détaillée, les conditions d’application de cette politique pour l’exercice clos.
L’assemblée générale statue en outre sur l’approbation des conventions et des engagements réglementés, ce qui suppose que la société ait préalablement répertorié précisément les différentes conventions existantes au sein du groupe, que celles-ci aient été approuvées par le conseil d’administration ou de surveillance et qu’elles aient été soumises aux commissaires aux comptes.
Les réunions des comités d’audit, des rémunérations et des nominations, doivent se tenir avant la réunion du conseil d’administration ou de surveillance, ce dernier approuvant l’ensemble des travaux des comités. La réunion du conseil d’administration ou de surveillance doit intervenir suffisamment tôt, afin de laisser à la société la possibilité de modifier ses projets de résolution avant de les publier.
Enfin, l’assemblée générale ordinaire permet d’approuver les modalités de rachat par la société de ses propres actions. Dans cette perspective, une discussion doit être engagée en amont avec les dirigeants mandataires sociaux, dans le but de déterminer la stratégie de la société en matière de rachat d’actions. En effet, dans les sociétés cotées, cette résolution peut n’être approuvée que dans le cadre restreint des contrats de liquidité, ou être étendue à la mise en place, par exemple, de plans de rémunération incitative pour les principaux managers du groupe.
L’assemblée générale ordinaire sera également l’occasion de soumettre aux actionnaires des décisions relevant de la compétence de l’assemblée extraordinaire. L’assemblée sera alors dite « mixte ». Ces décisions pourront concerner par exemples les délégations financières, des opérations sur le capital ou l’émission de valeurs mobilières, ou des décisions impliquant une modification des statuts (objet social, siège social, etc.).
LPA
Quels sont les nouveaux éléments à prendre en compte pour les approbations de comptes 2018 ?
N.B., L.B. et M.F. de S.J.
Il s’agit essentiellement des dispositions de l’ordonnance n° 2017/1162 du 12 juillet 2017 et du décret n° 2017-1174 du 18 juillet 2017.
Le rapport du président du conseil (sur les principes de gouvernement d’entreprise mis en œuvre par la société, et rendant compte de la composition du conseil et de l’application du principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes en son sein, des conditions de préparation et d’organisation des travaux du conseil de surveillance ainsi que des procédures de contrôle interne et de gestion des risques mises en place par la société) est remplacé par un rapport sur le gouvernement d’entreprise établi par le conseil d’administration ou de surveillance lui-même.
Plusieurs informations qui figuraient dans le rapport de gestion basculent dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise :
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la liste des mandats et fonctions exercées dans toute société durant l’exercice écoulé par chaque mandataire social ;
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les conventions conclues entre un dirigeant ou un actionnaire significatif et une filiale ;
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les éléments susceptibles d’avoir une incidence en cas d’offre publique ;
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les informations relatives aux rémunérations des dirigeants ;
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la mention de la suspension et du rétablissement des jetons de présence.
D’autres informations qui doivent actuellement être jointes au rapport de gestion sont intégrées dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise :
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le tableau récapitulatif des délégations de compétence et de pouvoirs en matière d’augmentation de capital ;
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le compte rendu de la composition, ainsi que des conditions de préparation et d’organisation des travaux du conseil ;
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les informations relatives à la rémunération des dirigeants.
Le rapport de gestion doit rendre compte de la mise en œuvre effective d’un plan de vigilance par la société.
Le plan de vigilance recouvre l’identification des risques afin de prévenir les atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité des personnes ainsi qu’à l’environnement, par la mise en place de certains dispositifs : cartographie des risques ; procédures d’évaluation de la situation des filiales, des sous-traitants, fournisseurs ; actions de prévention des atteintes graves ; mécanismes d’alerte ; dispositif de suivi.
Le rapport de gestion décrit les procédures de contrôle interne relatives à l’élaboration et au traitement de l’information comptable et financière.
Le rapport de gestion doit comporter les indicateurs clés de performance de nature financière et non financière (C. com., art. L. 225-100-1, I. 2°).
LPA
Qui convoque l’AG ? Qui convoquer, comment et dans quel délai ?
N.B., L.B. et M.F. de S.J.
Les comptes d’une société devant être approuvés dans les six mois suivant la clôture de l’exercice, l’assemblée générale ordinaire doit se tenir dans ce délai.
Les actionnaires de la société sont convoqués à l’assemblée générale ordinaire par les dirigeants mandataires sociaux, via la publication d’un avis de convocation dans un journal d’annonces légales et, lorsque la société est cotée ou que les actions ne sont pas toutes sous la forme nominative, au Bulletin des annonces légales obligatoires (BALO). Cette publication intervient 15 jours avant l’assemblée générale ordinaire sur première convocation, ou 10 jours avant pour les suivantes. Lorsque toutes les actions d’une société ont la forme nominative, il est possible de déroger à l’obligation de publication dans un journal d’annonces légales en convoquant les actionnaires par lettre simple ou recommandée, ou encore par voie électronique si la société y est autorisée.
L’avis de convocation est précédé, dans les sociétés cotées, d’un avis de réunion publié au BALO 35 jours au moins avant l’assemblée générale ordinaire. Il est néanmoins préférable de ne pas attendre les dates limites pour procéder aux publications car il est important de disposer du temps nécessaire pour relire le projet de parution avant de donner un « Bon à tirer ».
LPA
Que décide-t-on en AG et de combien de voix disposent les associés ou actionnaires ?
N.B., L.B. et M.F. de S.J.
L’assemblée générale est appelée à se prononcer sur les résolutions proposées par le conseil d’administration, le directoire ou la gérance, qui figurent à l’ordre du jour indiqué sur la convocation.
Les décisions à caractère ordinaire requièrent une majorité simple (plus de 50 % des actions représentées à l’assemblée) et les décisions à caractère extraordinaires nécessitent une majorité renforcée (au moins les 2/3 des actions représentées à l’assemblée).
Chaque action confère en principe une voix à l’actionnaire qui la détient sauf dans certains cas particuliers :
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existence d’un droit de vote double dans les statuts après plusieurs années de détention,
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actions sans droit de vote,
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actions privées de droit de vote.
LPA
La visioconférence et le vote par internet sont autorisés pour les assemblées des SARL et des SA afin de permettre aux associés ou actionnaires de suivre et participer aux débats. Quelles sont les conditions à réunir ?
N.B., L.B. et M.F. de S.J.
Dans les SARL et les SA non cotées, les assemblées peuvent se tenir par visioconférence si les statuts le prévoient. Un droit d’opposition à l’utilisation exclusive de la visioconférence est toutefois prévu par la loi. Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social d’une SA peuvent ainsi valablement s’y opposer s’ils notifient leur opposition au moins 25 jours avant la date de la tenue de l’assemblée et, lorsque ce droit d’opposition est exercé après les formalités de convocation, dans un délai de 7 jours suivant la publication de l’avis de convocation.
Le recours à ce moyen de télécommunication doit également assurer, au minimum, la transmission de la voix des participants et satisfaire à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations. Les sociétés utilisant un système de visioconférence doivent, par exemple, aménager un site internet exclusivement dédié au vote des associés ou des actionnaires.
LPA
Quelles sont les grandes lignes du procès-verbal d’AG ?
N.B., L.B. et M.F. de S.J.
Le procès-verbal d’assemblée doit comprendre, principalement, les informations suivantes :
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la date et le lieu de la réunion ;
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les modalités de la convocation (publication dans un journal d’annonces légales, courrier recommandé, etc.) ;
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l’ordre du jour de l’assemblée ;
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la composition du bureau, c’est-à-dire les noms du président de séance de l’assemblée, des deux scrutateurs et du secrétaire de séance ;
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le nombre d’actions représentées (en distinguant le cas échéant le nombre d’actions représentées en assemblée générale ordinaire d’une part et en assemblée générale extraordinaire d’autre part) en intégrant les actionnaires présents, les votes par procuration et les votes à distance ;
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la confirmation que le quorum requis (pour que l’assemblée puisse valablement délibérer) soit 20 % du nombre total d’actions en assemblée générale ordinaire et 25 % en assemblée générale extraordinaire, était atteint ;
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la liste des documents et des rapports soumis à l’assemblée ;
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un résumé des débats comprenant : l’intervention du président et des autres intervenants, les questions (orales ou écrites) des actionnaires et les réponses apportées ;
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le texte des résolutions et le résultat des votes pour chaque résolution en précisant le nombre de voix « pour », « contre » et les « abstentions ».
LPA
Quelles sont les sanctions en cas d’irrégularité ?
N.B., L.B. et M.F. de S.J.
La sanction principale encourue en cas de non-respect des règles de convocation, d’information ou de délibération au sein d’une assemblée générale est la nullité de l’assemblée ou de la résolution litigieuse. Une action en responsabilité à l’encontre du dirigeant mandataire social de la société peut concomitamment être engagée si les circonstances le justifient.