« La crise sanitaire a créé des vocations entrepreneuriales chez certaines personnes en Île-de-France »

Publié le 21/10/2020

Le réseau BGE Paris Île-de-France a continué d’accompagner les créateurs d’entreprises pendant le confinement. Au moment du déconfinement, les projets reportés ont été engagés avec au bout un rebond. Ainsi, selon les données de l’Insee, sur les trois premiers trimestres de 2020, en Île-de-France, le nombre de créations a atteint 175 819 entreprises contre 178 572, sur la même période en 2019, soit une baisse d’environ 1,5 %. La crise sanitaire a créé des vocations chez certaines personnes. Des activités ont été lancées autour des nouveaux usages dans la mobilité et l’environnement. Le décryptage de Danielle Desguées, directrice générale BGE Paris Île-de-France.  

Actu Juridique : Comment avez-vous accompagné les entrepreneurs durant la crise sanitaire et économique ?

Danielle Desguées : Pendant le confinement, nous avons organisé toute notre activité à distance, à travers le numérique ou par téléphone. Cette organisation a bien fonctionné. Nos équipes ont été réactives, professionnelles et attentionnées, à l’image de notre engagement dans l’économie sociale et solidaire. On a mis en place un parcours d’accompagnement individuel de conseil et de formation à distance. On a reconçu nos modèles de formation. Ce format a très bien fonctionné, même si on constate une baisse de notre activité, pendant le confinement, notamment dans les quartiers populaires. La fracture du numérique touche les personnes, qui n’ont pas d’ordinateur, qui n’avaient pas d’accès à des structures sociales comme la mission locale. Ce sont les quartiers politique de la ville de l’Essonne, du Val d’Oise, de Seine-Saint-Denis et même de Seine-et-Marne dans les zones rurales. Par conséquent, cette crise a aussi accentué les inégalités.

A.J. : Quels ont été les sujets d’accompagnement pendant le confinement ?

D.D. : On a été confronté à de nombreux décalages d’activité par rapport à des projets de création. Le sujet, c’était aussi l’opportunité de créer ou pas sa société, quand et comment. Il fallait donc travailler d’abord sur le fond et intégrer les solutions digitales dans certaines activités. Des questions aussi bien pour les créations que pour les entreprises existantes. Par exemple, on a des entrepreneurs qui se sont adaptés à cette situation de crise sanitaire. Un créateur parisien, qui fait du soutien scolaire, a développé des activités en ligne pour accompagner des lycéens avec des fiches techniques. Une sophrologue parisienne a adapté son activité à travers la téléconsultation auprès de sa patientèle. Au moment du déconfinement, un bar en Seine-Saint-Denis s’est appuyé sur ses clients pour organiser des concerts, des animations en terrasse pour faire revenir la clientèle et relancer son chiffre d’affaires. Cette crise a permis des élans de solidarité, une prise de conscience de la consommation de biens et de services auprès des producteurs locaux, qui ont travaillé sur la qualité de leur activité.

A.J. : Des projets ont-ils abouti pendant la crise sanitaire ?

D.D. : Pendant le confinement, on a mené des études de faisabilité, des tests de produits et d’activités sur plusieurs projets. En revanche, nous avons encouragé les entrepreneurs à mener leur création au moment du déconfinement. Nous avons eu un bond d’activité à ce moment-là. Après, tout l’enjeu pour nous, c’était de profiter du confinement pour former ces créateurs, les accompagner sur leur travail autour de leurs idées d’activités ou de produits. On a une liste de formations dans tous les domaines, avec des parcours de six semaines. Un élément essentiel pour notre public c’est la formation commerciale. On a aussi des webinaires sur l’utilisation du numérique et des réseaux sociaux par exemple. Puis nous avons mis en contact des entrepreneurs pour qu’ils puissent travailler ensemble notamment sur le benchmark.

A.J. : Comment a évolué le nombre de créations d’entreprises en Île-de-France depuis le début de l’année 2020 ?

D.D. : Avec les reports de créations d’entreprises, nous constatons une assez faible baisse du nombre de créations entre 2019 et 2020, un écart de près de 1,5 % entre les trois premiers trimestres des deux années. Cela représente une diminution d’un peu moins de 3 000 créations d’entreprises en Île-de-France. Si on prend le troisième trimestre 2020, on constate un véritable rebond avec 67 255 créations contre 53 535 sur la même période en 2019. On est frappé par la grande capacité de résilience de nos entrepreneurs et par leur capacité à saisir cette crise sanitaire comme une opportunité pour réinventer des pratiques et repenser les modèles. Il y a aussi une introspection de leur part, une réflexion profonde par rapport à cette situation avec des questions autour de l’environnement notamment. En 2020, on a beaucoup plus de personnes qui ont cette vocation à se lancer dans l’entreprenariat. Beaucoup plus que durant les années précédentes. Durant cette période, des personnes ont travaillé d’une autre manière, ont repensé le temps « travail », le mode « travail » et le travail en lui-même. Tout cela a créé des vocations d’entrepreneur et ils sont venus nous rencontrer au moment du déconfinement pour se renseigner sur la création d’entreprise.

A.J. : Quels sont les exemples d’activités qui ont été lancés au moment du déconfinement ?

D.D. : On a beaucoup d’exemples dans les commerces de proximité. Ils se sont lancés, après le confinement, notamment autour de la consommation en vrac mais aussi en circuit-court avec des producteurs locaux. On retrouve aussi des créations autour des nouveaux usages, en zone urbaine autour de la mobilité et de l’environnement : le vélo, l’électrification du vélo, les énergies renouvelables, la transformation de l’organisation du bureau à cause du phénomène du télétravail. Il y a un fourmillement d’activités de ce type autour de certaines valeurs de la société.  Il y a des choses comme la fabrication et la livraison de miel, la livraison en triporteur. Je pense à un autre exemple sur une terre agricole de Seine-et-Marne, des entrepreneurs travaillent sur une nouvelle utilisation de céréales pour en faire des isolants écologiques.

A.J. : Quels conseils pouvez-vous donner à une personne qui a actuellement une idée entrepreneuriale ?

D.D. : Une personne, qui a une idée entrepreneuriale, doit d’abord savoir si son projet est « time to market » c’est-à-dire si son idée est bonne ou pas et si elle arrive au bon moment. Quand on est seul avec une idée trop en avance, cela ne fonctionne pas. C’est très compliqué de créer l’entreprise et l’usage du produit ou du service créé. Une idée entrepreneuriale doit se travailler, doit être challengée, discutée et critiquée. Il faut partager cette idée et la confronter, avant de se lancer. Cela permet d’avoir des hypothèses et des approches de marché. Si nous l’accompagnons, on définira une méthode ensemble et on fera tout cela avec bienveillance. Puis ensuite, on transforme l’idée en projet en définissant les compétences, les diplômes, les moyens à avoir. On structure tout cela, on étudie le produit, le marché et l’usage pour déterminer un plan de financement. Parallèlement, à partir d’un bilan de compétences entrepreneuriales, on peut lui proposer des formations par exemple en comptabilité, en communication visuelle, etc. Tout cela toujours dans la confiance et la bienveillance avec le futur entrepreneur et cela a bien fonctionné en visioconférence pendant le confinement.

A.J. : C’est vraiment le moment de se lancer avec la seconde vague de la pandémie de la Covid-19 et le couvre-feu en Île-de-France ?

D.D. : C’est vraiment en fonction de l’activité que l’entrepreneur souhaite lancer. D’abord, on va mesurer avec les entrepreneurs qui arrivent leur maîtrise et leur connaissance du marché. S’ils veulent lancer un produit qui peut se commercialiser en ligne, c’est le moment. On peut aussi leur conseiller de renforcer leur formation. Puis, de notre côté, on va continuer notre fonctionnement en distanciel comme pendant le confinement et en présentiel.

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