L’Île-de-France première région de France en besoin de recrutement avec 477 000 emplois

Publié le 23/06/2021

En Île-de-France, le chômage augmente et pourtant les besoins en main-d’œuvre sont importants. D’un côté, entre le premier trimestre 2020 et le premier trimestre 2021, le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de 12 %. De l’autre, le territoire francilien est la première région en matière de besoin de recrutement avec 477 000 emplois à pourvoir. Cela concerne des métiers en tension dans le domaine du numérique, de la restauration ou de la santé et du service à la personne. Des mesures sont mises en place pour orienter les demandeurs d’emploi vers ces métiers notamment à destination des jeunes à travers le dispositif « 1 jeune, 1 solution ». L’analyse et les explications de Nadine Crinier, directrice régionale de Pôle emploi en Île-de-France.

Actu-Juridique : Quelle est la situation de l’emploi à la fin de ce premier semestre 2021 en Île-de-France ?

Nadine Crinier : La situation de l’emploi en Île-de-France est assez contrastée par rapport aux autres régions. Nous avons subi les conséquences de la crise sanitaire sur plusieurs plans. D’une part, on constate une évolution à la hausse de la demande d’emploi. Entre le premier trimestre 2020 et le premier trimestre 2021, nous avons une augmentation de 12 % du nombre de demandeurs d’emploi dans la région Île-de-France. Nos secteurs économiques sont les plus touchés par la crise notamment le tourisme, l’hôtellerie, la restauration et aussi globalement le transport mais aussi tout le volet des affaires. Quand on regarde le secteur des services aux entreprises comme les activités de sécurité, de nettoyage, il y a eu moins de recours à ces secteurs d’activité à cause du travail à distance.

AJ : Certaines parties du territoire francilien sont-elles plus touchées que d’autres ?

N. C. : Dans les départements les plus touchés, on a Paris et les Hauts-de-Seine fortement impactés par cette évolution. En 2021, les employeurs ont moins confiance en l’avenir et envisagent de moins embaucher sur ces territoires. Pour autant, dans ces deux départements, on retrouve le plus d’intentions d’embauche malgré une baisse par rapport à 2019. À Paris, on constate 147 000 intentions d’embauche, ce qui représente une baisse de 15 % et les Hauts-de-Seine c’est 87 000 projets d’embauche, avec une diminution de 2 %.

« Les Hauts-de-Seine c’est 87 000 projets d’embauche, avec une diminution de 2 % »

Dans ce contexte, la Seine-Saint-Denis se porte plutôt bien. Il y a de nombreux projets d’emploi dans le bâtiment. Ce département est marqué par les chantiers du Grand Paris et des Jeux olympiques de 2024. Vous avez des projets de rénovation et d’infrastructure sur Saint-Denis et Saint-Ouen. Il y a une hausse de 13 % des intentions d’embauche en Seine-Saint-Denis, tirée par le secteur du bâtiment. Au total ce sont 48 000 besoins exprimés par les employeurs. Les territoires sont assez inégaux en Île-de-France. Ils vivent la crise différemment.

AJ : En quoi les besoins en main-d’œuvre des entreprises en Île-de-France sont-ils importants ?

N. C. : L’Île-de-France est en première position au niveau national avec un peu plus de 477 000 besoins de recrutement. C’est en légère baisse (3,1 %) par rapport à 2019. De son côté, le niveau national est en hausse d’environ 1,1 % (soit environ 30 000 intentions d’embauche supplémentaire). Il y a donc un phénomène francilien particulier. Les secteurs, qui ont les plus fortes intentions d’embauche, restent les mêmes. D’abord, l’hôtellerie et la restauration. Ils conservent leurs besoins malgré la crise. Ce sont deux secteurs où il y a du turnover, avec des postes accessibles pour les personnes les moins qualifiées. Ce sont des fonctions basées sur des notions de savoir-être mais très rapidement les personnes embauchées aspirent à des évolutions de leurs conditions de travail, ce qui aboutit à du turnover. Le secteur du numérique est très en pointe dans notre région, avec des entreprises de services qui sont très bien implantées et un important chiffre d’affaires réalisé en Île-de-France. Puis il y a aussi des directions de sécurité informatique. On estime aujourd’hui les besoins à un peu plus de 40 000 dans ce domaine. Et il n’y aura pas assez de jeunes formés qui vont sortir pour satisfaire ces besoins. Nous avons aussi le bâtiment avec des besoins importants. L’intérêt de ce secteur, c’est qu’il offre des contrats pérennes : plus de 9 contrats sur 10 sont en CDI. Cette activité manque d’attractivité mais une fois qu’on le connait et qu’on s’y oriente, il y a des perspectives d’emploi pérennes et des évolutions de carrière intéressantes. L’enjeu c’est donc de lutter contre ce déficit notamment en orientant les jeunes vers ces métiers, avec l’apprentissage qui fonctionne très bien.

L’Île-de-France première région de France en besoin de recrutement avec 477 000 emplois
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AJ : Quelles actions mène Pôle emploi notamment pour orienter les demandeurs d’emploi vers ces métiers dits en tension ?

N. C. : Comme je l’ai déjà indiqué, le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de 12 %. Chez les jeunes, la hausse monte à 17 % entre le premier trimestre 2020 et le premier trimestre 2021. Le rôle de Pôle emploi est multiple. D’une part, il est dans l’identification des besoins des entreprises qui sont territoriaux. Vous pouvez faire une formation à Paris mais si le besoin de l’entreprise se trouve sur Étampes, c’est mieux de former la personne dans cette zone. Il faut une perspective avec une vision annuelle, voire pluriannuelle. Puis il faut porter avec le conseil régional, des achats de formation qui vont permettre de répondre à ces besoins territoriaux en achetant des actions collectives. En 2021, il y a une ambition de 140 000 entrées en formation. C’est inégalé. Ce sont des formations individuelles ou collectives financées par le conseil régional et Pôle emploi pour répondre à ces besoins d’employeurs. Avec la crise sanitaire, les entreprises qui recrutaient hier ne sont pas forcément celles qui recrutent aujourd’hui. Par exemple, la crise a augmenté les besoins dans le domaine du numérique. Le conseiller à l’emploi travaille donc différemment les projets professionnels des demandeurs d’emploi pour les orienter vers les métiers en tension. Cela passe par l’information, des immersions en entreprise ou encore par des rencontres directes avec les employeurs dans nos agences à travers la campagne « Tous mobilisés ». Les dirigeants viennent présenter leur entreprise et parler de leur activité. Ce sont plus de 600 événements par mois organisés en Île-de-France.

AJ : Quelle est la qualité de l’emploi recherchée aujourd’hui par les entreprises en Île-de-France ?

N. C. : Durant le confinement et les différentes phases de la crise sanitaire, il y a eu un arrêt de l’intérim et des contrats précaires. Actuellement, nous sommes plutôt dans une montée en puissance des contrats dits « longs » : plus de 6 mois ou des CDI. C’est un point important qui sera à tempérer en fin d’année avec le retour de l’intérim. Ce qu’on observe dans la région, c’est que le secteur de l’hôtellerie par exemple va reprendre plus progressivement car il y aura moins de touristes cette année. Des congés acquis durant l’année devront être pris, il y aura donc des fermetures d’établissement au mois d’août et donc moins de contrats temporaires. Ensuite, le BTP, le numérique et ces secteurs phares offrent plus de contrats longs, de même dans les domaines de la santé et de l’aide à la personne.

AJ : Pour favoriser l’employabilité des jeunes, le gouvernement a lancé le programme « 1 jeune 1 solution ». Quel rôle Pôle emploi joue-t-il dans la mise en œuvre de ce dispositif gouvernemental ?

N. C. : Nous avons deux volets principaux dans le dispositif « 1 jeune 1 solution ». D’abord renforcer l’accompagnement des jeunes. Il touche à la fois des jeunes diplômés que l’on voyait peu avant puisque le marché du travail leur permettait une insertion rapide et des jeunes à orienter vers de nouveaux besoins des entreprises, suite à la crise sanitaire. Il peut y avoir aussi des difficultés de mobilité. Le télétravail des salariés peut aussi limiter la mobilité de ceux qui ne travaillent pas : moins de covoiturage, moins d’opportunité d’embauche et de déplacement. L’ambition de Pôle emploi en 2021 c’est d’accompagner de manière intensive près de 31 000 jeunes dans le dispositif « Accompagnement intensif Jeunes ». 238 conseillers sont mobilisés pour y parvenir.

« L’ambition de Pôle emploi en 2021 c’est d’accompagner de manière intensive près de 31 000 jeunes dans le dispositif « Accompagnement intensif Jeunes » »

Au mois de mai, on a vu arriver des jeunes alors que d’habitude, ils s’inscrivaient en octobre. Plusieurs explications : pas de stage, arrêt des études, les diplômes ont été décalés pour beaucoup d’entre eux et ils n’ont pas eu de première expérience. Les aides et les mesures visent à compenser auprès de l’entreprise un investissement dans le tutorat, l’apprentissage in situ des gestes professionnels. Vous avez des dispositifs tels que l’allègement de charges, l’emploi franc, le contrat initiative emploi pour les jeunes avec un reste à charge de 700 € pour l’entreprise. C’est une baisse du coût du travail qui permet un accompagnement dans l’emploi et l’investissement durable dans les compétences.

Pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi, nous travaillons sur les parcours emploi/compétence (PEC). Ce sont des jeunes encore plus pénalisés par la crise sanitaire. Nous les aidons donc à prendre des habitudes de travail, développer des savoirs et des compétences transverses. Au sein des collectivités locales d’associations culturelles et sportives, ces jeunes peuvent travailler six mois avant de se retourner vers des emplois marchands concurrentiels. Le programme « 1 jeune 1 solution » est assez complet, il permet de créer des parcours.

AJ : Comment voyez-vous les perspectives d’emploi en Île-de-France dans les prochains mois ?

N. C. : Aujourd’hui, nous sommes dans un pilotage très proche du quotidien. Nous observons actuellement une hausse des offres d’emploi. C’est un premier signe encourageant. Toutefois la situation n’est pas revenue à ce que nous avons connu en 2019. Ce constat s’explique par le caractère progressif de la reprise avec une situation en décalage entre l’Ile-de-France et d’autres régions, en raison du poids important du secteur du tourisme dans l’économie francilienne. Par conséquent, en septembre, la reprise économique sera peut-être plus marquée en région parisienne.

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