Tourisme en Île-de-France : « Les acteurs du marché ont besoin de visibilité et de stabilité »

Publié le 17/06/2020

3 mois de crise liée au Covid-19 et des frontières encore fermées pour les touristes asiatiques et américains laissent présager un retour à la normale très lent pour le secteur du tourisme en Île-de-France. La région, très dépendante de cette clientèle, espère attirer les touristes nationaux cet été. « L’Île-de-France dispose de nombreux atouts », estime Didier Kling, le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France.

Les Petites Affiches : Quel est l’état général du secteur du tourisme en région parisienne ?

Didier Kling : Le tourisme en Île-de-France c’est 50 millions de visiteurs par an, une consommation estimée à 22 milliards d’euros et la première offre d’hébergements marchands en Europe : 2 500 hôtels et 158 000 chambres.

Le secteur est presque totalement à l’arrêt encore aujourd’hui. Quelques hôtels ont redémarré une légère activité, les plus petits musées accueillent de nouveau des visiteurs mais de manière générale le secteur tourne encore très largement au ralenti, si ce n’est pas du tout. Le constat est le même pour la restauration même si les terrasses peuvent désormais accueillir des clients en Île-de-France. À cela s’ajoute le secteur événementiel qui lui reste totalement « confiné » pour le moment.

Comme l’industrie automobile ou l’aéronautique, le marché du tourisme fait partie des secteurs les plus impactés par ces 3 mois de crise. Pour qu’il puisse redémarrer il faut de la confiance évidemment, mais aussi, que la circulation des touristes soit de nouveau facilitée. Or les touristes hors-UE ne reviendront pas rapidement dans la région, nous le savons.

LPA : Comment accueillez-vous le plan de 18 milliards d’euros présenté par le gouvernement mi-mai ?

D. K. : C’est une très bonne étape. Globalement nous saluons cette initiative. Il y a tout de même quelques points qui nous semblent avoir été oubliés. Je pense notamment à la problématique des loyers. C’est une inquiétude qui remonte de la part des restaurateurs et hôteliers. Rien n’est encore acté à ce propos.

À cela s’ajoute la question des reports et allégements de charges qui courent jusqu’à la rentrée. Que se passera-t-il ensuite, quand la période de ces reports et allégements sera terminée ? Nous ne pensons pas que les professionnels seront en mesure d’assumer financièrement leurs charges une fois l’échéance de ces mesures arrivées. De nouvelles discussions seront nécessaires, il me semble, à ce moment-là.

LPA : Quels sont les principaux besoins des professionnels du secteur après deux mois de confinement et ces semaines de reprise très lentes ?

D. K. : Les acteurs du marché touristique ont besoin de visibilité et de stabilité à présent. Pour s’organiser dans les semaines et mois à venir ils ont besoin de savoir clairement ce qui va se passer pour eux. Ils ont besoin d’engagement sur le long terme.

Prenons l’exemple de la rentabilité et des règles de distanciation sociale. Un restaurateur qui fait d’ordinaire 80 couverts et qui ne pourra en faire, maximum, que 40 demain, ne pourra pas être rentable. Les salaires eux ne seront pas divisés par deux, le prix du loyer non plus, le coût des charges également. Ce restaurateur a donc besoin de savoir comment il va pouvoir être aidé pour faire face à moyen terme. L’espace des terrasses en Île-de-France sera-t-il doublé ? Si oui, ça sera un vrai coup de pouce pour le secteur en cette période estivale.

LPA : Les inquiétudes sont-elles plus importantes en Île-de-France qu’ailleurs sur le territoire national du fait du particularisme de la clientèle de la région ? Ce sont d’ordinaire les touristes asiatiques ou nord-américains qui viennent et dépensent en Île-de-France, or ils ne pourront pas revenir avant longtemps.

D. K. : Il est clair que la clientèle américaine ou asiatique ne reviendra pas avant 2021. La clientèle européenne elle ne reviendra que massivement à partir du mois de septembre. Donc durant cet été c’est la clientèle française, avec des attentes différentes, qui va faire vivre le secteur touristique francilien.

Par chance l’Île-de-France est une très belle terre. Il n’y a pas que Paris, la Tour Eiffel et le Château de Versailles en région parisienne. Il y a d’autres circuits touristiques qui peuvent répondre aux attentes des visiteurs nationaux. L’Île-de-France dispose d’atouts qui lui permettent d’être concurrentielle face aux bords de mer et la montagne par exemple. Pensez à Giverny, la Vallée de la Seine, la Vallée de Chevreuse ou encore les nombreux lacs et châteaux. On peut s’y balader, faire du vélo, visiter, découvrir. Il y a un tas d’endroits peu connus qui sont pourtant très beaux dans notre région. Je pense par exemple en Seine-et-Marne à des villes comme Meaux et Provins. Ce sont deux villes superbes. C’est en plus le bon moment, à mon avis, pour découvrir ces sites car il y aura moins de monde sur place.

LPA : Les restaurateurs, hôteliers et autres professionnels du tourisme en Île-de-France seront-ils prêts à accueillir cet été la clientèle ?

D. K. : Non seulement ils sont prêts mais ils sont surtout impatients. Rien n’est pire pour un lieu qui a besoin de convivialité pour vivre qu’être vide. Ils ont en principe les équipements nécessaires pour le retour des clients.

D’après une enquête que nous avons réalisée auprès des professionnels, en coopération avec les chambres des métiers et de l’artisanat et la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), nous considérons que le problème d’équipement en masques et en gel est résolu. Ils sont prêts aussi à nettoyer les lieux qui accueillent du public plusieurs fois par jour.

LPA : Combien de temps, d’après vous, sera-t-il nécessaire pour retrouver un rythme d’activité classique pour le tourisme en Île-de-France ?

D. K. : L’activité touristique ne retrouvera son niveau normal que le jour où il y aura des avions qui pourront circuler librement. Cela veut dire fin 2021. La reprise du secteur va se faire en douceur. Les touristes étrangers ont besoin d’être certains qu’il y a les mêmes conditions sanitaires dans le pays visité que chez eux. Cela suppose qu’ils se sentent protégés dans l’avion, à l’aéroport, dans les transports publics ou encore les musées.

À long terme, je suis plutôt confiant sur notre capacité à relancer la machine touristique.