Accès au logement : les agents immobiliers devront être formés aux non-discriminations
Le contenu obligatoire de la formation continue des professionnels de l’immobilier vient d’être précisé par le décret n° 2020-1259 du 14 octobre 2020, modifiant le décret n° 2016-173 du 18 février 2016 relatif à la formation continue des professionnels de l’immobilier.
D. n° 2020-1259, 14 oct. 2020
L’article 3-1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce prévoit depuis la loi ALUR de 2014 que les professionnels de l’immobilier doivent se soumettre à une formation continue, conditionnant le renouvellement de leur carte, selon des modalités devant être définies par un décret.
Ainsi, le décret n° 2016-173 du 21 février 2016, relatif à la formation continue des professionnels de l’immobilier1, est venu, à compter du 1er avril 2016, déterminer la nature et la durée des activités susceptibles d’être validées au titre de l’obligation de formation continue, fixer la durée de formation et déterminer les organismes, en France ou à l’étranger, auprès desquels les professionnels de l’immobilier accomplissent leur obligation de formation et définir le contenu des justificatifs attendus pour chacune des activités réalisées qui devront être transmis, selon le cas, aux chambres de commerce et d’industrie territoriales et départementales ou aux titulaires de(s) carte(s), chargés du contrôle de l’obligation de formation.
Il est apparu que cette formation devait être élargie. En effet, l’examen de la proposition de loi, dite Nogal, visant à sécuriser les propriétaires-bailleurs et à faciliter l’accès au logement des locataires a été renvoyé aux calendes grecques en raison de la crise sanitaire2, mais l’une des 37 propositions du rapport3 qui l’a précédée vient de recevoir une certaine consécration. En substance, la proposition n° 15 visait, notamment, à porter la durée minimale de l’obligation de formation continue à 15 heures par an ou 45 heures sur 3 ans au titre des formations à la non-discrimination. Cette proposition a partiellement été consacrée par le décret n° 2020-1259 du 14 octobre 2020, modifiant le décret n° 2016-173 du 18 février 2016 relatif à la formation continue des professionnels de l’immobilier4 en rendant obligatoire la formation des professionnels de l’immobilier à la lutte contre les discriminations en complétant et actualisant l’article 3 du décret de 2016. Ce qui nous donne l’occasion de faire le point sur cette obligation de formation.
1. Les destinataires de la formation (D. n° 2016-173, 18 févr. 2016, art. 1). La formation continue prévue par l’article 3-1 de la loi du 2 janvier 1970 est une obligation professionnelle qui assure la mise à jour et le perfectionnement des connaissances et des compétences nécessaires à l’exercice de leur profession par :
1° les titulaires de la carte professionnelle mentionnée à l’article 1er du décret du 20 juillet 1972 d’application de la loi Hoguet, à savoir les agents immobiliers, administrateurs de biens, syndics de copropriété et les marchands de listes, ou, lorsqu’il s’agit de personnes morales, leur représentant légal et statutaire ;
2° les personnes mentionnées au dernier alinéa de l’article 3 de la loi du 2 janvier 1970, à savoir celles qui assurent la direction d’un établissement, d’une succursale, d’une agence ou d’un bureau ;
3° les personnes, salariées ou non, habilitées par le titulaire de la carte professionnelle à négocier, s’entremettre ou s’engager pour le compte de ce dernier.
2. La durée de la formation (D. n° 2016-173, 18 févr. 2016, art. 2). Sur ce point, la proposition du rapport Nogal n’a pas été reprise. En effet, la durée de la formation continue est toujours de 14 heures par an ou de 42 heures au cours de 3 années consécutives d’exercice.
3. La nature et le contenu de la formation (D. n° 2016-173, 18 févr. 2016, art. 3 ; D. n° 2020-1259, 14 oct. 2020, art. 1). L’apport du décret de 2020 se situe ici. En effet, outre l’inclusion de la lutte contre les discriminations dans le contenu de la formation obligatoire, il actualise le renvoi aux activités de formation visées par le Code du travail à la suite de la modification de son article L. 6313-1 par l’article 4 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Ainsi, désormais, les activités validées au titre de l’obligation de formation continue sont :
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la participation aux actions de formation mentionnées non plus aux 2°, 6° et 14° de l’article L. 6313-1 du Code du travail5 mais au 1° de l’article L. 6313-1 du Code du travail, à savoir les actions de formation concourant au développement des compétences qui entrent dans le champ d’application des dispositions relatives à la formation professionnelle ;
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l’assistance à des colloques organisés dans les conditions définies à l’article L. 6353-1 du Code du travail, dans la limite de 2 heures par an. L’article L. 6353-1 du Code du travail prévoit que les actions de formation professionnelle mentionnées à l’article L. 6313-1 du Code du travail sont réalisées conformément à un programme préétabli qui, en fonction d’objectifs déterminés, précise le niveau de connaissances préalables requis pour suivre la formation, les moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement mis en œuvre ainsi que les moyens permettant de suivre son exécution et d’en apprécier les résultats. La formation peut être séquentielle et peut s’effectuer en tout ou partie à distance, le cas échéant en dehors de la présence des personnes chargées de l’encadrement. Dans ce cas, le programme précise la nature des travaux demandés au stagiaire et le temps estimé pour les réaliser, les modalités de suivi et d’évaluation spécifiques aux séquences de formation ouverte ou à distance, ainsi que les moyens d’organisation, d’accompagnement ou d’assistance, pédagogique et technique, mis à la disposition du stagiaire. Et, à l’issue de la formation, le prestataire délivre au stagiaire une attestation mentionnant les objectifs, la nature et la durée de l’action et les résultats de l’évaluation des acquis de la formation ;
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l’enseignement dans la limite de 3 heures par an.
Ces activités doivent toujours avoir trait aux domaines juridique, économique, commercial, à la déontologie ainsi qu’aux domaines techniques relatifs à la construction, l’habitation, l’urbanisme, la transition énergétique. Elles doivent avoir un lien direct avec l’activité professionnelle exercée.
Désormais, le décret de 2020 précise que, au cours de 3 années consécutives d’exercice, la formation continue doit inclure « au moins 2 heures portant sur la non-discrimination à l’accès au logement », outre de comporter toujours au moins 2 heures portant sur la déontologie.
Ainsi, sur la période triennale, les professionnels de l’immobilier devront au moins suivre 4 heures de formation obligatoire, 2 heures sur la non-discrimination et 2 heures sur la déontologie.
4. Les organismes formateurs (D. n° 2016-173, 18 févr. 2016, art. 4). Les activités sont accomplies auprès d’organismes de formation, enregistrés ou ayant déposé une déclaration d’activité en cours d’enregistrement6.
Elles peuvent également être accomplies auprès d’un organisme légalement établi dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Toutefois, lorsqu’elles ont trait au domaine juridique, ces activités ne sont validées que si elles présentent un lien suffisant avec le droit national applicable aux opérations mentionnées à l’article 1er de la loi du 2 janvier 1970.
5. La justification de la formation (D. n° 2016-173, 18 févr. 2016, art. 5). Les organismes de formation délivrent à la personne ayant accompli les activités validées au titre de la formation continue une attestation mentionnant les objectifs, le contenu, la durée et la date de réalisation de l’activité. Lorsqu’il s’agit d’un colloque, ce document doit attester de la présence du professionnel à cette manifestation.
6. Le contrôle de l’accomplissement de la formation (D. n° 2016-173, 18 févr. 2016, art. 6). Pour le contrôle de l’accomplissement effectif de l’obligation de formation continue, les titulaires de la carte professionnelle, les directeurs d’un établissement, d’une succursale, d’une agence ou d’un bureau et les personnes habilitées par le titulaire de la carte professionnelle à négocier, s’entremettre ou s’engager pour le compte de ce dernier transmettent les justificatifs de participation à la formation, selon le cas :
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au président de la chambre de commerce et d’industrie territoriale ou de la chambre départementale d’Île-de-France, après chaque formation ou au plus tard au moment de la demande de renouvellement de leur carte professionnelle (prévue à l’article 80 du décret du 20 juillet 1972) ;
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au titulaire de la carte professionnelle qui est mentionné sur le récépissé de la déclaration préalable d’activité (prévu à l’article 8 du décret du 20 juillet 1972) ou qui les a habilitées, après chaque formation.
7. Progressivité de l’exigibilité de l’obligation de formation continue (D. n° 2016-173, 18 févr. 2016, art. 7). Le décret prévoit que, pour la demande de renouvellement de leur carte, les titulaires de la carte professionnelle expirant :
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entre le 1er avril 2016 et le 31 décembre 2016 ne sont pas tenus de justifier de l’accomplissement de leur obligation de formation continue ;
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entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2017 justifient d’activités de formation continue d’une durée minimale de 14 heures ;
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entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2018 justifient d’activités de formation continue d’une durée minimale de 28 heures.
Il en résulte donc que, pour la demande de renouvellement de leur carte, les titulaires de la carte professionnelle expirant à compter du 1er janvier 2019 devront justifier d’activités de formation continue d’une durée minimale de 42 heures.
8. Entrée en vigueur du nouveau dispositif (D. n° 2020-1259, 14 oct. 2020, articles 2 et 3). Le décret du 14 octobre 2020 devant, selon son article 3, entrer en vigueur le 1er janvier 2021, l’article 3 organise son application dans le temps.
Ainsi, pour la demande de renouvellement de leur carte, les titulaires de la carte professionnelle expirant entre le 1er janvier 2021 et le 31 mars 2021 devront justifier d’activités de formation continue relative à la non-discrimination à l’accès au logement d’une durée minimale d’1 heure.
Notes de bas de pages
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1.
JO n° 0044, 21 févr. 2016, texte n° 10.
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2.
Prop. loi n° 2645, déposée le mardi 4 février 2020 et renvoyée à la Commission des affaires économiques.
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3.
N. Mickaël, « Louer en confiance – 37 propositions pour un développement équilibré et conforme à l’intérêt général du parc locatif privé », rapp. public, 17 juin 2019.
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4.
JO n° 0252, 16 oct. 2020, texte n° 23.
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5.
À savoir alors les actions d’adaptation et de développement des compétences des salariés (C. trav., art. L. 6313-1, 2°), les actions d’acquisition, d’entretien ou de perfectionnement des connaissances (C. trav., art. L. 6313-1, 6 ), ainsi que les actions de formation continue relatives au développement durable et à la transition énergétique (C. trav., art. L. 6313-1, 14°).
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6.
Conformément aux dispositions des articles L. 6351-1, A, à L. 6351-8 et R. 6351-1 à R. 6351-7 du Code du travail.