La notion de domicile fiscal
Le point sur la délicate détermination de la résidence fiscale au regard des évolutions de la jurisprudence administrative sur la notion de centre des intérêts économiques et des précisions apportées par Bercy quant aux conséquences des mesures de confinement sur le foyer fiscal.
Conformément aux termes de l’article 4 A du Code général des impôts (CGI), les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. Sous réserve de l’application des conventions internationales, les contribuables domiciliés en France sont soumis à une obligation fiscale illimitée et sont imposés dans les conditions de droit commun sur l’ensemble de leurs revenus de source française ou étrangère. L’article 4 B du CGI donne une définition précise du domicile fiscal, inspirée de la jurisprudence du Conseil d’État et des critères développés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il définit ainsi cette notion selon des critères d’ordre personnel, professionnel et économique. Un seul de ces critères suffit à déterminer la domiciliation fiscale du contribuable. Sont ainsi considérés comme fiscalement domiciliées en France :
– les personnes qui ont sur le territoire français leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;
– celles qui y exercent une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles n’établissent que cette activité est exercée en France à titre accessoire ;
– celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.
Par exception, sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France, les agents de l’État qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus.
Un foyer fiscal situé en France
Pour l’application de ces dispositions, le foyer s’entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu’il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, le lieu du séjour principal du contribuable ne pouvant déterminer son domicile fiscal que dans l’hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer (CE, 3 nov. 1995, n° 126513).
Le foyer s’entend du lieu où les intéressés habitent normalement, c’est-à-dire du lieu de la résidence habituelle, à condition que cette résidence en France ait un caractère permanent (CE, 27 janv. 2010, n° 294784). Cette résidence habituelle demeure le foyer du contribuable même s’il est amené, en raison des nécessités de sa profession, à séjourner ailleurs temporairement ou pendant la plus grande partie de l’année, dès lors que, normalement, la famille continue d’y habiter et que tous ses membres s’y retrouvent. Ainsi, les salariés détachés provisoirement à l’étranger par leur entreprise sont considérés comme fiscalement domiciliés en France si leur famille est restée en France.
Le centre des intérêts économiques
Le centre des intérêts économiques correspond au lieu où le contribuable a effectué ses principaux investissements, où il possède le siège de ses affaires, au lieu d’où il administre ses biens. Il peut également s’agir du lieu où le contribuable a le centre de ses activités professionnelles d’où il tire la majeure partie de ses revenus. D’ailleurs, lorsque le contribuable a plusieurs activités ou différentes sources de revenus, le juge administratif considère que le centre de ses intérêts se trouve dans le pays dans lequel l’intéressé tire la majeure partie de ses revenus. Lorsqu’une personne dispose d’un patrimoine en France, il y a donc lieu, pour déterminer le centre de ses intérêts économiques au sens du c de l’article 4 B du Code général des impôts, de rechercher si ce patrimoine est productif de revenus et de comparer ceux-ci aux revenus perçus dans les autres pays avec lesquels elle présente des liens. À cet égard, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, la détermination du centre des intérêts économiques du contribuable, au sens du c de l’article 4 B du CGI, procède d’abord de la comparaison entre les revenus perçus respectivement en France et à l’étranger (CE, 11 mars 1964, n° 60503 et CE, 11 mars 1970, n° 69588). La comparaison entre les patrimoines ne peut intervenir qu’à titre subsidiaire (CE, 5 mars 2018, n° 400329). En outre, pour juger qu’un contribuable a le centre de ses intérêts économiques et, par suite, son domicile fiscal en France, il n’est pas possible de se fonder sur la seule circonstance qu’il possède dans cet État des sociétés et des biens immobiliers. Le Conseil d’État a précisé que l’administration fiscale comme le juge administratif ne peuvent se borner à faire ce constat sans rechercher si ce patrimoine était productif de revenus, dans la mesure notamment où le contribuable en cause fait valoir qu’il perçoit la majorité de ses revenus de ses activités professionnelles dans un autre État et que ses revenus de source française ne sont qu’exceptionnels (CE, 7 oct. 2020, n° 426124).
L’incidence des conventions fiscales internationales
Les incidences de cette définition se trouvent atténuées par le jeu des conventions fiscales internationales destinées à éviter les doubles impositions, la règle de droit international prévalant toujours sur la loi interne, en vertu de l’article 55 de la Constitution et de la hiérarchie des normes, conformément au principe de subsidiarité applicable aux conventions fiscales internationales. Si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions peut conduire à écarter la loi fiscale nationale sur tel ou tel point, en vertu de l’article 55 de la Constitution, elle ne peut pas servir directement de base légale à une décision relative à l’imposition. Par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord du point de vue de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie et, dans l’affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale.
Dans un nombre limité d’hypothèses, il peut arriver que le contribuable soit, en application de la législation de deux États, considéré comme ayant son domicile fiscal dans chacun de ces deux États. Il est alors nécessaire de faire application de la convention fiscale bilatérale signée entre ces deux États, laquelle s’imposera. Cette convention comprend généralement plusieurs critères permettant de déterminer la domiciliation du contribuable :
– le foyer d’habitation permanent ;
– le centre des intérêts vitaux ;
– le lieu de séjour habituel ;
– la nationalité.
Le centre des intérêts vitaux du contribuable correspond à l’État avec lequel le contribuable a noué les liens personnels et économiques les plus étroits. Ces critères ne sont pas alternatifs mais doivent être appréciés successivement dans l’ordre dans lequel ils sont énumérés par la convention fiscale bilatérale. Si au regard de cette convention, le contribuable possède la nationalité des deux États, il appartient aux autorités nationales compétentes de ces deux États de se rapprocher pour trancher la question d’un commun accord.
L’impact du confinement
Dans quelle mesure un séjour prolongé en France dans le cadre d’une crise sanitaire et d’un confinement peut-il avoir un impact sur la situation du contribuable habituellement domicilié hors de France et empêché de rentrer chez lui ? L’administration fiscale a précisé dans un communiqué intitulé : « Résidence fiscale et confinement crise Covid », qu’un séjour temporaire au titre du confinement en France ou de restrictions de circulation (« travel ban ») décidées par le pays de résidence, ne pouvait pas être de nature à caractériser une domiciliation fiscale en France au titre de l’article 4 B du Code général des impôts.
Au regard des conventions internationales, il apparaît également que le fait qu’une personne soit retenue provisoirement en France en raison d’un cas de force majeure ne permet pas, pour ce seul motif, de considérer qu’elle y a établi son foyer permanent ou qu’elle y a le centre de ses intérêts vitaux, précise Bercy.