Le loyer du bail renouvelé est le loyer de référence pris en compte pour apprécier la variation de 25 % du loyer révisé par la clause d’échelle mobile
Le loyer de référence, à prendre en compte pour l’action en révision du loyer fondée sur une variation de plus de 25 % en raison du jeu de la clause d’échelle mobile, est le loyer du bail renouvelé et non celui du bail initial.
Cass. 3e civ., 15 déc. 2016, no 15-23069
Un preneur sollicite la révision du loyer pour augmentions de plus d’un quart par le jeu de la clause d’échelle mobile (C. com., art. L. 145-39). Il croit pouvoir prospérer en arguant que le loyer de référence à prendre en compte est celui du bail initial, dès lors que le bail renouvelé, en raison du silence du bailleur à sa demande de renouvellement, se poursuit aux mêmes clauses et conditions que le bail initial. Il n’en est rien. En effet, pour la Cour de cassation, le loyer de référence à considérer est bien celui du nouveau bail renouvelé.
Les parties à un bail commercial peuvent faire évoluer le montant du loyer par le jeu d’une clause d’indexation, c’est-à-dire de décider d’en faire varier le montant à un paramètre évolutif. Si l’article L. 145-39 du Code de commerce autorise implicitement l’indexation du loyer par une clause d’échelle mobile, qui n’est pas sans risque1, il en limite la portée en autorisant la demande en révision en cas de variation du loyer de plus de 25 % résultant du jeu de la clause. Mais, pour qu’il soit fait droit à cette demande, le loyer de référence à prendre en compte est bien celui du nouveau bail renouvelé en cours, comme nous le rappelle la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt en date du 15 décembre 20162, qui aura les honneurs d’une publication au Bulletin.
En l’espèce, les faits sont relativement simples. Un bail est conclu le 20 octobre 1999. Le preneur sollicite le renouvellement de son bail commercial le 29 décembre 2009, demande à laquelle le bailleur ne répond pas. Puis, le preneur, estimant que le loyer a augmenté de plus d’un quart, le 1er juillet 2010, par rapport au prix du loyer fixé au bail initial de 1999 par le jeu de la clause d’échelle mobile figurant au bail expiré, en demande la révision sur le fondement de l’article L. 145-39 du Code de commerce.
La cour d’appel ne fait pourtant pas droit à cette prétention, considérant l’action en révision du loyer irrecevable. En effet, pour la cour d’appel, le « nouveau loyer » de référence à retenir est celui du loyer du bail renouvelé. Elle considère que le bail est renouvelé à la date du 1er janvier 2010, puisque lorsque le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent (C. com., art. L. 145-10), le « nouveau bail » prend effet au premier jour du trimestre civil suivant la demande de renouvellement (C. com., art. L. 145-12). Or, pour la cour d’appel, l’augmentation de plus du quart entre le prix du loyer au 1er janvier 2010 et celui atteint par le jeu de la clause d’échelle mobile au 1er juillet 2010 n’était pas réalisée.
Le preneur forme alors un pourvoi en cassation dans lequel il soutient, en substance, que l’article L. 145-39 du Code de commerce, par dérogation à l’article L. 145-38 du même code, prévoit que si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement, ou par décision de justice et qu’ainsi, à défaut d’accord pour « fixer » le nouveau loyer, le loyer du bail expiré, objet d’augmentations successives, n’était pas le « nouveau loyer », faute d’avoir été fixé contractuellement, et qu’ainsi le loyer de préférence à prendre en considération pour apprécier l’augmentation était bien celui du bail originel.
La question qui se pose alors à la Cour de cassation est donc de savoir si le loyer de référence à prendre en compte pour apprécier la variation de plus d’un quart ouvrant droit à révision est celui du bail initial expiré ou bien celui du bail renouvelé en cours, autrement dit de savoir si, dans le cadre d’un bail commercial renouvelé, faute pour le bailleur de s’être positionné sur la demande de renouvellement adressée par le locataire, aux mêmes clauses et conditions du bail arrivé à expiration, le loyer de référence à retenir est celui du bail initial.
La Cour de cassation, en rejetant le pourvoi, répond par la négative. Elle motive sa décision en retenant que, ayant relevé que la demande de renouvellement notifiée par la locataire, le 24 décembre 2009, avait mis fin au bail du 20 octobre 1999 et qu’un nouveau bail avait pris effet le 1er janvier 2010, définissant un nouveau loyer, même égal au montant du loyer en cours sous le bail précédent, et retenu que le loyer à prendre en considération pour apprécier la variation d’un quart permettant d’exercer l’action en révision de l’article L. 145-39 du Code de commerce était le loyer initial du bail en cours à la date de la demande de révision, la cour a pu en déduire qu’à défaut de variation d’un quart du loyer entre le 1er janvier 2010 et le 1er juillet 2010, la demande de révision était irrecevable.
Ainsi, en statuant comme elle l’a fait, la Cour de cassation confirme que le bail renouvelé, même en raison du silence du bailleur sur la demande de renouvellement, n’est pas la simple continuité du bail initial mais bien un nouveau bail. Ceci a pour conséquence, en la matière, que c’est bien le loyer de ce nouveau bail qui doit servir de référence pour apprécier l’augmentation de plus d’un quart ouvrant droit à la révision du loyer.
Déjà, pour déterminer si le loyer a augmenté de plus de 25 % par le jeu d’une clause d’échelle mobile, la Cour de cassation avait considéré qu’il convient de prendre en considération non le loyer initial mais la dernière modification par avenant ayant précédé la demande de révision3.
Pour déterminer la variation d’un quart, il convient de comparer au dernier prix fixé par l’accord des parties, hors indexation, le prix du loyer tel qu’obtenu par le jeu de la clause contractuelle d’échelle mobile4.
On le sait, l’article L. 145-39 du Code de commerce prévoit que si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. Il s’agit même d’une disposition d’ordre public5, admise comme conforme à la Constitution. En effet, saisi de la constitutionnalité de cet article, la Cour de cassation estime que la question qui lui a été rapportée, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle. De plus, la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que, d’une part, la révision du loyer indexé ne remet pas en cause la libre négociation du loyer initial et ne s’applique que lorsque les parties ont entendu assortir le bail d’une clause d’échelle mobile et, par suite, ne porte atteinte ni au droit de propriété ni à la liberté contractuelle et que, d’autre part, la mise en œuvre de cette révision, qui peut être demandée indifféremment par le bailleur ou le preneur, nécessite que soit atteint un seuil de variation de 25 %, est entourée de garanties procédurales et de fond suffisantes et ne porte atteinte ni au principe d’égalité ni à la garantie des droits. D’où, elle a estimé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité6.
Parfois, la question de la recevabilité de l’action en révision porte sur l’assiette du loyer à prendre en compte. Ainsi, il a été jugé que ne saurait être ajouté, pour le calcul de la variation prévue à l’article L. 145-39 du Code de commerce, au loyer annuel fixé au bail, le montant de la taxe foncière que doit rembourser le locataire au propriétaire au titre d’un transfert conventionnel des charges, la clause d’échelle mobile n’étant pas applicable à cette taxe7.
On rappellera que le succès de la demande de révision par le bailleur, depuis la loi Pinel de 2014, est plafonné. En effet, désormais, pour les contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, la variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente8. Mais quid d’un plafond a minima pour la demande de révision à la baisse du preneur ?
Notes de bas de pages
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1.
de Galembert A., « Les risques pesant sur la validité des clauses d’indexation dans les baux commerciaux », Rev. Loyers 2011/914, n° 1260, p. 46.
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2.
Cass. 3e civ., 15 déc. 2016, n° 15-23069.
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3.
Cass. 3e civ., 17 mars 2016, n° 14-26009.
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4.
Cass. 3e civ., 9 juill. 2014, n° 13-22562.
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5.
C. com., art. L. 145-15.
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6.
Cass. 3e civ., 6 déc. 2012, n° 12-40071, D, rectifié par Cass. 3e civ., 16 janv. 2013, n° 12-40071, D.
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7.
Cass. 3e civ., 3 mai 2012, n° 11-13448, PB.
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8.
C. com., art. L. 145-38, réd. L. n° 2014-626, 18 juin 2014, art. 11, 3°.