L’essentiel de la réforme de la procédure civile en six points

Publié le 17/12/2019

La réforme de la procédure civile entre en application  le 1er janvier 2020, mais le décret s’est fait longtemps attendre. Il est enfin paru le 12 décembre au Journal officiel. Cela laisse peu de temps aux professionnels pour analyser ce volumineux document comportant pas moins de 57 articles.   Etienne Gastebled, associé du cabinet Lussan Société d’avocats, propose une synthèse en six points qui permet d’accéder rapidement à l’essentiel. 

 

Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 pris en application des articles 3, 5, 26 et 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est paru au Journal officiel le 12 décembre. Il concrétise, avec les trois décrets du 30 août 2019 relatifs principalement à la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance, une importante réforme de la procédure civile s’agissant notamment des modes de saisine des juridictions, de l’exécution provisoire des décisions de justice, de la compétence du juge de la mise en état ou encore de la représentation obligatoire par avocat.

Les professionnels du droit sont invités à s’approprier un texte pourtant particulièrement dense et structurant dans un délai très bref dans la mesure où il est applicable aux instances en cours dès le 1er janvier 2020, sauf exception s’agissant de certaines dispositions pour lesquelles l’application a été reportée au 1er septembre 2020.

Ce texte constitue donc un défi supplémentaire imposé au monde judiciaire qui devra rapidement s’adapter sous peine de déconvenues particulièrement désagréables.

I. Simplification des modes de saisine

La demande initiale est formée par assignation ou par requête (le cas échéant conjointe) déposée au greffe (CPC, art. 54). L’introduction de la demande initiale par la présentation volontaire des parties et la déclaration au secrétariat de la juridiction sont supprimées (CPC, art. 54 ancien).

La demande initiale (assignation ou requête) doit comporter, lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative. La mention est prévue à peine de nullité (CPC, art. 54).

II. Simplification des exceptions d’incompétence au sein du tribunal judiciaire

Les questions de compétence soulevées au sein du tribunal judiciaire peuvent être réglées avant la première audience par mention au dossier, à la demande d’une partie ou d’office par le juge (CPC, art. 82-1).

La compétence du juge peut être remise en cause, par l’une des partie ou d’office par le juge, dans un délai de trois mois. Dans cette hypothèse, le juge renvoie l’affaire au président du tribunal judiciaire qui adresse la procédure au juge qu’il désigne.

La compétence du juge ainsi désigné peut être contestée et la décision se prononçant sur la compétence faire l’objet d’un appel.

III. Principe de l’exécution provisoire de droit 

Les décisions de première instance n’étaient, en principe, pas exécutoire sauf à ce que la loi ou la décision rendue en décide autrement. Désormais, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue prévoient que ce n’est pas le cas (CPC, art. 514). Le principe est par conséquent inversé.

Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue d’office ou à la demande d’une partie (CPC, art. 514-1).

En revanche, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit dans les cas suivants :

  • lorsqu’il statue en référé,
  • lorsqu’il prescrit des mesures provisoires,
  • lorsqu’il accorde une provision au créancier en sa qualité de juge de la mise en état.

Le premier président de la Cour d’appel peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Le défendeur doit se montrer particulièrement vigilant. La partie qui n’a pas fait valoir d’observation sur l’exécution provisoire en première instance est en effet irrecevable à saisir le premier président sauf si elle démontre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation ainsi que l’existence de conséquences manifestement excessives apparues postérieurement à la décision de première instance (CPC, art. 514-3).

IV. Dispositions particulières au tribunal judiciaire  

La demande en justice est formée par assignation. Elle peut également l’être par requête lorsque le montant de la demande n’excède pas 5.000 euros. Dans tous les cas, les parties peuvent saisir la juridiction par une requête conjointe (CPC, art. 750). L’hypothèse de la déclaration au greffe est supprimée et le recours à la requête simple est redéfini.

A défaut d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 5 000 euros (CPC, art.750-1).

L’irrecevabilité n’est toutefois pas encourue en cas de motif légitime tenant notamment à l’urgence manifeste ou aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement.

La juridiction est saisie par la remise au greffe d’une copie de l’assignation. Désormais, le demandeur dispose pour le faire d’un délai de 2 mois suivant la communication de la date d’audience par la juridiction – et non plus 4 mois suivant l’assignation –, sous peine de caducité constatée d’office (CPC, art. 754).

V. Constitution d’avocat 

Les parties sont tenues, sauf dispositions contraires, de constituer avocat devant le tribunal judiciaire (CPC, art. 760).

Elles sont toutefois dispensées de le faire notamment dans les cas suivants :

  • devant le juge de l’exécution pour les litiges inférieur ou égal à 10 000 euros,
  • à l’exclusion des matière relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, lorsque la demande est inférieure ou égale à 10 000 euros.

En outre, la représentation obligatoire est étendue :

  • devant le tribunal de commerce pour les litiges d’un montant supérieur à 10 000 euros (CPC, art. 853),
  • devant le Juge de l’exécution, aux instances ayant pour origine une créance ou qui tendent au paiement d’une somme supérieure à 10.000 euros (COJ, art. L. 121-4 et R. 121-6),
  • en matière de baux commerciaux (C. com., art. R. 145-29),
  • en matière familiale dans la procédure de révision de la prestation compensatoire (CPC, art. 1139),
  • aux procédures fiscales devant les juridictions civiles (LPF, art. 202-2),
  • dans les procédures d’expropriation (C. expropriation, art. R. 311-9).

VI. Compétence du juge de la mise en état 

Le juge de la mise en état est désormais compétent pour statuer, jusqu’à son dessaisissement, sur les fins de non-recevoir prévues par l’article 122 du code de procédure civile (défaut de qualité, défaut d’intérêt, prescription, délai préfixe ou chose jugée)(CPC, art. 789).

Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit jugée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question et la fin de non-recevoir, sauf si une partie s’y oppose. Dans ce cas, le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et la fin de non-recevoir.

 

Application du décret dans le temps

– Le décret entre en vigueur le 1er janvier 2020 ; il est applicable aux instances en cours à cette date.

– Par une première dérogation, les dispositions relatives à l’exécution provisoire de droit s’appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020 ; il en va de même des dispositions relatives à la représentation obligatoire, à l’introduction de l’instance par voie d’assignation ou de requête, à l’extension de compétence du juge de la mise en état pour connaître des fins de non-recevoir.

– Par une dérogation à la première dérogation, jusqu’au 1er septembre 2020, dans les procédures soumises, au 31 décembre 2019, à la procédure écrite ordinaire, les articles 56, 752, 757 et 758 demeurent applicables dans leur rédaction antérieure au présent décret à la saisine par assignation de la juridiction et la distribution de l’affaire.

X