La détermination du gardien de l’animal
Le cavalier propriétaire du cheval à l’origine du préjudice subi par un tiers en assume la garde dès lors qu’il exerce sur celui-ci, au moment des faits, les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction. La présence d’un manadier n’emporte pas transfert de la garde à ce dernier.
Cass. 2e civ., 16 juill. 2020, no 19-14678
La responsabilité du fait des animaux constitue un type particulier de responsabilité des choses en raison du caractère spécifique de ces choses qui sont dotées de vie. Elle ne concerne que les animaux domestiques, à l’exclusion du gibier vivant à l’état sauvage. Cette responsabilité est prévue par l’article 1243 du Code civil dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 10 février 2016. Ce texte, qui reprend mot pour mot l’ancien article 1385, dispose que : « Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé » (la proposition de loi du sénat du 29 juillet 2020, portant réforme de la responsabilité civile, ne comprend aucune disposition concernant la responsabilité des animaux). Cette responsabilité repose d’abord sur le propriétaire de l’animal qui est présumé en être le gardien, sauf s’il apporte la preuve du transfert de cette garde à un tiers. Il s’agit d’une responsabilité de plein droit qui ne nécessite donc pas l’existence d’une faute commise par le gardien1. À l’inverse, la faute de la victime peut aboutir à une limitation de son droit à réparation voire à sa suppression s’il s’agit d’une faute imprévisible2. La responsabilité de l’article 1243 susmentionné suppose, d’une part, la preuve du rôle actif de l’animal dans la réalisation du dommage3, et, d’autre part, la détermination du gardien de l’animal incriminé, c’est-à-dire de la personne qui exerce sur lui les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction. Comme le relève expressément une décision de la deuxième chambre civile du 17 mars 19654 : « La responsabilité édictée par [l’article 1385, aujourd’hui article 1243 du Code civil] à l’encontre du propriétaire de l’animal ou de celui qui s’en sert, est fondée sur l’obligation de garde, corrélative aux pouvoirs de direction, de contrôle et d’usage qui la caractérisent »5.
C’est à cette question de détermination du gardien de l’animal qu’a trait un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 16 juillet 20206. En l’espèce, au cours d’une manade organisée par une association, un spectateur est blessé par l’un des chevaux qui s’est emballé. Le gardien de l’animal au moment des faits était-il le cavalier, propriétaire de l’animal, ou en avait-il transféré la garde au manadier chargé de donner au cavalier des instructions sur le déroulement de la manade (place des chevaux dans l’escorte et parcours de l’abrivado) ? On ne peut, pour trancher cette question, considérer que le manadier serait le commettant du cavalier et donc gardien du cheval. En effet, si cette situation est envisageable dans l’hypothèse où le manadier serait le propriétaire de l’animal, elle n’est pas transposable au cas d’espèce où le cheval appartient au cavalier. Il n’existe pas, dans ce cas, de lien de subordination entre le cavalier et le manadier. Pour ce qui est du transfert de la garde, les prérogatives dont dispose le manadier sont insuffisantes pour le considérer comme gardien. La jurisprudence considère en effet que le simple usage ponctuel d’un poney n’est pas de nature à entraîner le transfert de la garde de cet animal7 ou, encore, que celui qui assure l’entretien d’un cheval n’en devient pas non plus le gardien8. Le manadier qui n’a que des fonctions d’organisation du spectacle ne peut donc être considéré comme le gardien de l’animal. Comme le relève l’arrêt commenté pour censurer la décision des juges du fond : « Le seul pouvoir d’instruction du manadier (…) ne permettait pas de caractériser un transfert de garde et qu’il résultait de ses propres constatations que M. T., propriétaire du cheval, en était également le cavalier, ce dont il résultait qu’il avait conservé au moins les pouvoirs d’usage et de contrôle de l’animal, dont la garde ne pouvait pas avoir été transférée ». Cette décision est à rapprocher avec un arrêt rendu par la même formation le 3 juin 20109 qui décide que le transfert de la garde du cheval à son cavalier doit avoir lieu malgré la présence d’un maître de manège.
Notes de bas de pages
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1.
V. CA Bourges, 9 avr. 2020, n° 19/00299.
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2.
Cass. 2e civ., 4 févr. 2010, n° 09-65420 – Cass. 2e civ., 27 mars 2014, n° 13-15528.
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3.
Cette preuve peut s’avérer délicate en cas d’absence de contact entre l’animal et la victime : v. Cass. 2e civ., 17 janv. 2019, n° 17-28861 : Dalloz actualité, 19 févr. 2019, obs. Hacene A. ; D. 2019, p. 126 ; D 2020, p. 40, obs. Brun P., Gout O. et Quézel-Ambrunaz C. ; RTD civ. 2019, p. 351, obs. Jourdain P.
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4.
Cass. 2e civ., 17 mars 1965, n° 62-11860 : Bull. civ. II, n° 282 ; JCP G 1965, II 14436, note Esmein P. ; RTD civ. 1965, p. 656, obs. Rodière R.
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5.
V. dans le même sens : Cass. 2e civ., 8 mars 2012, n° 10-28105.
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6.
Cass. 2e civ., 16 juill. 2020, n° 19-14678 : Dalloz actualité, 3 sept. 2020, obs. Hacene-Kebir A.
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7.
Cass. 2e civ., 21 mai 2015, n° 14-17582.
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8.
Cass. 2e civ., 15 avr. 2010, n° 09-13370 : RCA 2010, n° 170, obs. Moracchini-Zeidenberg S.
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9.
Cass. 2e civ., 3 juin 2010, n° 09-13526.