Chronique de QPC (juillet 2017 – décembre 2017)
La présente chronique porte sur les questions prioritaires de constitutionnalité rendues publiques par le Conseil constitutionnel entre le 1er juillet et le 31 décembre 2017. Cette étude, placée sous l’égide de l’institut de recherche juridique interdisciplinaire (IRJI François-Rabelais – EA 7496) de l’université de Tours, a été écrite par François Fourment, professeur de droit privé et de sciences criminelles, Franck Juredieu et Delphine Thomas-Taillandier, maîtres de conférences en droit privé ainsi que Patrick Mozol et Pierre Mouzet, maîtres de conférences HDR en droit public, lequel en assume la responsabilité.
Introduction
Entre le 1er juillet et le 31 décembre 2017, le Conseil constitutionnel a rendu 42 décisions, dont quatre en matière électorale (après avoir été directement saisi par des candidats ou électeurs aux élections législatives et sénatoriales). C’est à peine plus qu’au semestre précédent et surtout, si ces périodes s’offrent mieux à la comparaison, sensiblement moins que durant la seconde moitié de 2016 (47 décisions) mais un peu plus que durant celle de 2015 (36 décisions) et nettement plus que les secondes moitiés de 2014 (30 décisions) ou 2013 (29) et 2012 (24) – loin, il est vrai, des 52 décisions de 2011 et des 58 de 2010 ! Le flux est variable, assurément, mais le reflux discutable, en tout cas après qu’ont passé les premiers mois d’euphorie…
Au second semestre 2017, sur 38 décisions donc, 24 proviennent d’affaires qui lui ont été transmises par le Conseil d’État et 14 par la Cour de cassation : soit un ratio de près des deux tiers pour l’un (63 % en réalité) et un tiers pour l’autre. Mais, pendant le même semestre, selon le tableau publié sur le site internet du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation rendait 36 arrêts de non-renvoi et le Conseil d’État… 60 : en d’autres termes, la Cour de cassation a pris 29,4 % d’arrêts de renvoi – 14 + 1 (car le Conseil constitutionnel joint parfois plusieurs QPC) sur un total de 51 décisions – et le Conseil d’État (24 + 1, pour la même raison, sur 85)… 29,4 % ! Ces données quantitatives signifient-elles quelque chose ? On ne cherchera pas ici à l’expliquer plus avant : il faudrait mesurer, outre le poids du hasard, celui de la sociologie (ce qui est différent), sinon des juges du moins des requérants (et de leurs avocats) – c’est surtout la saisine des deux juridictions suprêmes qu’il conviendrait de creuser – et, bien sûr, la typologie de la législation en cause… Néanmoins, il est possible de relever un point : selon la valeur retenue, absolue ou relative, on peut tout autant conclure que le Conseil d’État transmet beaucoup plus, ou que la Cour de cassation ne transmet pas moins.
Toutes juridictions confondues, on notera le caractère récent de la plupart des textes mis en cause. Tous datent de 2013 ou au-delà, sauf en matière de prélèvements obligatoires et hormis le contentieux électoral ainsi que seulement trois cas (loi de 2008, relative aux archives dans la QPC n° 655, ordonnance de 2010 modifiant le Code des transports dans la QPC n° 675 et, dans la QPC n° 680, statut de la magistrature de… 1958 !). Surtout, un tiers de nos QPC portent sur des textes de moins de 18 mois, 8 de ces 13 décisions visant même des lois promulguées dans l’année, notamment la loi prorogeant l’état d’urgence du 21 juillet 2016 ou la loi Travail du 8 août 20161 ; 7 mois séparent la modification du Code pénal et la transmission au Conseil constitutionnel dans la QPC n° 682, moins de 5 la promulgation de la loi de finances rectificative de décembre 2016 et l’enregistrement de la QPC de la communauté de communes du pays roussillonnais2. Où l’on voit donc le contrôle a posteriori pallier fortement l’absence de saisine a priori…
Le grand pourvoyeur de QPC reste le régime de la fiscalité lato sensu : c’est une quinzaine de décisions, une petite moitié donc (16 sur 38), qui, durant ces 6 mois, sont rendues par le Conseil constitutionnel en matière de prélèvements obligatoires. On ne saurait évidemment voir pareille source tarir. Ceci se reflète dans l’origine des QPC : tribunaux des affaires de sécurité sociale, tribunaux de grande instance et tribunaux administratifs sont bien plus nombreux que le tribunal correctionnel3 ou la cour d’assises4, seule une demi-douzaine de décisions relevant de la QPC pénale. La cause du procès n’en est pas moins souvent une requête en excès de pouvoir – parfois contre la doctrine du fisc, il est vrai ! – au surplus fréquemment portée devant le Conseil d’État directement ; ce fut singulièrement le cas durant ce semestre en matière de droit du travail5. Aucun de ces recours pour excès de pouvoir, sauf peut-être dans l’affaire de l’indépendance du parquet6, ne semble avoir été artificiellement bâti pour obtenir une sorte de saisine citoyenne du juge constitutionnel…
Le fondement des – 13 – censures (ou même des réserves d’interprétation) est chaque fois on ne peut plus banal maintenant. La place de la Déclaration de 1789 impressionne : toutes s’appuient sur elle seule. Le cliché est irrévérencieux mais il apparaît décidément que c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. On constatera en tout cas ici la force tranquille du principe d’égalité, dont les multiples déclinaisons sont au fondement d’une dizaine d’inconstitutionnalités (censures et réserves confondues). C’est compréhensible : d’une part, les différences de traitement ne sont pas toujours jugées comme étant en rapport avec l’objet de la loi ; d’autre part, les dispositions législatives en vigueur ne sont pas toujours effectivement conformes aux canons jurisprudentiels en la matière. Le reproche pourra, sans doute longtemps encore, se glisser aisément dans les niches des codes et résonner dans les prétoires.
Il serait bon que le Conseil constitutionnel tienne le compte, sur son site internet, non seulement des dispositions déclarées conformes, une pratique que la recevabilité de la QPC rendait nécessaire, mais également de ses censures, une technique qui éclairerait l’analyse de la « performance » de la QPC.
Certains textes ne marchent pas, comme on le dit des bons mots, ou pas encore : l’article 15 de la Déclaration de 1789 – dont la richesse potentielle pourrait être, si on le voulait, presque aussi grande que celle de l’article 16 – selon lequel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son Administration » n’a ainsi encore jamais fondé de déclaration d’inconstitutionnalité. Mais, on y reviendra, il semble décliné d’évidence dans la QPC n° 655, comme s’il était appelé à devenir usuel, activé dans le contrôle a posteriori pour la quatrième fois déjà et, pour la première fois, enfin actif seul… Laissons les avocats chercher encore.
Enfin, disons-le tout net, il n’y aura pas eu de « grande décision » – pour la science constitutionnelle : pour les finances publiques, c’est autre chose, si l’on songe à la décision qui valait 10 milliards7 – durant le second semestre 2017. Ni de celles que l’on avait tant attendues, ni de celles que l’on n’attendait pas. Nulle innovation considérable, point de revirement spectaculaire : au vrai, il eut été fort surprenant que le Conseil constitutionnel jugeât que l’autorité du garde des Sceaux sur les magistrats du parquet violait la constitution ; ou, par exemple encore, de voir apparaître dans ses motifs qu’un arrêt de la CEDH « constitue un changement des circonstances de droit »… Le constat concerne donc autant le procès que la jurisprudence.
I – Le procès constitutionnel
Avant de remonter aux visas, rendons d’abord hommage à Xavier Pottier, qui a cessé son sacerdoce à l’été 2017, après avoir défendu la constitutionnalité de la législation durant près de 500 audiences publiques depuis juillet 2010, et qui a été remplacé à compter de septembre par Philippe Blanc, lui aussi désigné par le Premier ministre.
Les visas des décisions QPC ne comprennent pas que la législation ou, bien sûr, la constitutionnalité. Au chapitre des « textes », avant même la référence au règlement de procédure du 4 février 2010, 9 QPC visent ainsi une décision précédente – ce qui tend à prouver que les sources jurisprudentielles ne sont pas des normes non écrites – à savoir, dans 6 cas8, une décision DC et, dans les trois autres9, une précédente QPC. Le plus souvent, le problème est celui de la déclaration de conformité antérieure et du « changement des circonstances », donc de la recevabilité : on y reviendra. Toutefois, dans la décision David P. du 15 décembre 201710, le problème était différent : le requérant invoquait une méconnaissance de l’autorité de chose jugée par le législateur qui avait à nouveau adopté ce « délit de consultation habituelle de sites internet terroristes » pourtant censuré, avec effet immédiat, le 10 février précédent11 ; habilement, puisque le Parlement avait modifié son texte en s’appuyant sur cette décision et par la grâce de l’économie de moyens, le Conseil constitutionnel ne retient pas le grief, usant de la seule liberté de communication, tout en pointant l’inutilité de ce délit supplémentaire « comme [il] l’a relevé dans sa décision du 10 février 2017 ». Dans la QPC n° 657 du 3 octobre 2017, le Conseil constitutionnel reprend, également, une qualification (le financement de l’allocation de logement par les employeurs est bien une « imposition ») « pour les mêmes motifs que ceux énoncés au considérant 41 de la décision du 18 décembre 2014 mentionnée » dans les textes. Par ailleurs, deux fois le Conseil constitutionnel vise, toujours parmi les « textes », une « décision du Conseil d’État » (l’occasion de mentionner la Cour de cassation ne s’étant pas présentée) : l’une avait « révélé » un défaut de base légale d’un prélèvement fiscal, de sorte que, en suscitant la validation législative querellée, elle n’était que la cause du procès constitutionnel12 ; l’autre constituait cette « jurisprudence constante » formant l’interprétation dont le Conseil constitutionnel a, dès l’automne 2010, fait l’objet de son office13. Passons sur le fait que la décision Kamel Daoudi14 n’est, curieusement (est-ce sa notoriété dans les prétoires ?), pas anonymisée : les requérants sont, comme dans cette affaire-ci, près d’une fois sur deux une personne physique (ou des époux), et même un peu plus si l’on compte les QPC électorales. Sur 38 décisions, on en dénombre 18 au total, contre 20 impulsées par une personne morale dont 2 de droit public15 : 3 décisions QPC proviennent d’une association, 6 d’un syndicat ou d’un comité d’entreprise, 9 d’une (ou plusieurs) entreprise(s). Contrairement aux « QPC personne physique » (5 décisions sur 18), les « QPC personne morale » (12 décisions) font le plus souvent l’objet d’une ou plusieurs interventions. Si les intervenants peuvent être nombreux (les observations atteignent la douzaine, une ville et des EPCI, dans la QPC n° 644), ils ne sont en général qu’entre un et quatre et, surtout, ils sont aussi variés que les requérants : contribuable intéressé, entreprise concernée, syndicat en renfort, association de défense. Dans 6 des décisions du semestre, soit une fois sur trois, une partie intervenante aura ajouté un grief, ou un argument ; parfois sur une disposition non contestée, il est vrai, et toujours en vain… Il n’est pas inintéressant de relever l’activité d’une association dont la QPC aura beaucoup aidé à la notoriété, La Quadrature du Net16 et, bien entendu, celle de la Ligue des droits de l’Homme17 notamment. On pourra s’étonner de voir des décisions mentionner que, lors de l’audience publique, seul l’avocat d’un intervenant, et non celui du requérant (tous deux des syndicats), s’est exprimé18… Notons par ailleurs, qu’il arrive assez fréquemment que le Conseil constitutionnel entende la partie en défense et vise les observations de celle qui, en somme, est accusée d’appliquer une disposition inconstitutionnelle : c’est le cas d’une décision sur cinq durant ce semestre.
Du côté du juge et s’agissant des déports, M. Pinault s’est abstenu de siéger dans les affaires relatives aux pouvoirs de l’AMF19 et dans l’affaire de la déontologie de la juridiction administrative20. Aussi le Conseil constitutionnel a-t-il argué d’un « cas de force majeure » (mais on n’en saura pas plus) pour déroger au quorum (« sept conseillers au moins ») prévu par l’article 14 de l’ordonnance du 7 novembre 1958. La « force majeure » n’est mentionnée que dans le commentaire publié sur son site internet : les décisions sont silencieuses… On se souvient qu’en juillet 2017 les membres nommés n’étaient plus que huit, après le départ de Nicole Belloubet pour la Chancellerie (le chemin inverse de celui suivi jadis par Robert Badinter). En l’absence de tous les anciens présidents de la République, ils n’étaient que sept à siéger pour les QPC de juillet, voire six, donc, pour la QPC n° 646/647, le président Fabius – qui aura régulièrement été suppléé par le second Premier ministre du Conseil, Lionel Jospin – ne revenant qu’en août ; six encore pour les deux QPC du 15 septembre21, celle du 2822 et celle du 2923 ; sept ensuite, jusqu’au 10 novembre (mais six, on l’a dit, pour la QPC n° 666) : Dominique Lottin n’a en effet siégé qu’à partir des QPC électorales du 16 novembre 2017. Il n’y a qu’en décembre, et sauf pour les trois dernières (en l’absence de M. Charasse), que le Conseil constitutionnel aura siégé à neuf, soit quatre décisions au total : une sur dix !
Mais il n’y a pas que les personnes dans le procès constitutionnel, il y a au premier chef les dispositions législatives en cause. La plupart sont issues de lois de finances et de lois ordinaires : on relèvera la rareté des textes gouvernementaux, un décret (de 1981, portant codification en matière d’ISF) et trois ou quatre ordonnances fiscales ainsi que l’ordonnance organique du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature 24. C’est, avant même qu’une question de fond ne se pose, d’un problème de recevabilité qu’il s’agit.
A – Sur la recevabilité
La « recevabilité » n’est formellement isolée dans les décisions QPC du Conseil constitutionnel, via un intertitre souligné, que lorsqu’elle pose une question de droit à trancher. Ce fut le cas dans cinq seulement sur la quarantaine du semestre. Trois sont classiques. Ainsi, une disposition qui n’a pas été déclarée « conforme à la constitution dans le dispositif » d’une précédente décision peut être à nouveau examinée25 ; et, au contraire, un article voire un alinéa contesté26 sera pour cette même raison écarté du procès constitutionnel si lui l’a bien été. Et si l’alinéa querellé a été modifié par le législateur après une précédente déclaration de conformité, la question est bien recevable27. Peut-être est-ce cette logique – l’étendue du brevet de constitutionnalité – qu’il eut fallu préférer à la consécration, dans les trois QPC28 du 7 juillet 2017, d’une nouvelle figure du « changement des circonstances », unique exception à l’irrecevabilité d’une QPC relative à une disposition déjà déclarée conforme. Le Conseil constitutionnel y juge en effet, usant d’une formule vraisemblablement amenée à refleurir, que le changement est constitué par une « difficulté dans la détermination du champ d’application d’une réserve d’interprétation, qui affecte la portée de la disposition législative critiquée », c’est-à-dire lorsqu’est en cause une autre situation que celle ayant suscité la réserve. Quel changement, en vérité ? Le Conseil d’État, lui, avait tout bonnement estimé que les dispositions à contrôler n’avaient pas été déjà déclarées conformes dans les motifs et le dispositif, puisque non couvertes dans leur application présente par la réserve d’interprétation. Ou alors soyons réalistes : si la question est recevable, donc si changement il y a, c’est parce que par ses réserves le Conseil constitutionnel a, dans sa première décision, modifié la loi – sa signification, à défaut de sa rédaction comme le législateur l’eut fait lui-même – y compris dans les cas, hors champ de la réserve d’interprétation, qu’il n’avait pas examinés.
On trouve de sensibles divergences entre les cours, quoique d’importance très variable, à l’endroit du « changement de circonstances ». Ainsi, la Cour de cassation en vit un dans un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme29 dans la QPC n° 670. Le raisonnement du Conseil constitutionnel étant plus simple (quoique d’apparence plus sophistiqué), puisqu’il se contente d’affirmer que les dispositions contestées ont été modifiées par la loi – le commentaire officiel soulignant que le gouvernement avait justement parlé de mise en conformité avec la jurisprudence européenne – après la déclaration de conformité et qu’elles en sont « ainsi différentes »30, il semble que le quai de l’Horloge a voulu affirmer que la décision strasbourgeoise était un changement des circonstances : qu’un arrêt de la CEDH oblige les juges français… De même, dans les deux QPC n° 646 et n° 647 du 21 juillet 2017, la Cour de cassation avait argué d’un changement de circonstances « de fait et de droit », lié notamment à l’évolution des technologies, à une extension législative et à une autre décision du Conseil constitutionnel : est-ce faute d’avoir vu, comme ce dernier le corrigea, que le dispositif de la première décision n’accordait aucun brevet de constitutionnalité ? Ou un désir d’assouplir les conditions organiques de la recevabilité, voire de favoriser des revirements jurisprudentiels ?
L’argument du « changement des circonstances » figure également dans les deux QPC électorales du 16 novembre 2017 : par hypothèse, au vrai, puisque les dispositions querellées étaient issues de la loi organique du 14 avril 2011 relative à l’élection des députés et des sénateurs, qui avait fait comme telle l’objet d’un contrôle a priori obligatoire. Vain dans le premier cas, la modification des conseils de prud’hommes en 2016 ne changeant rien à l’inéligibilité de leurs présidents31, l’argument était vide dans le second32, aucun changement n’étant même mentionné à l’endroit des délais de recours prescrits par les textes. Rappelons en effet une spécificité des « QPC électorales » : elles risquent d’être très vite tardives33 dès lors qu’elles ne peuvent qu’accompagner un recours contre le scrutin, lui-même enfermé dans le strict délai des 10 jours…
Bien sûr, la condition première de la recevabilité des QPC est celle de l’applicabilité au litige. La QPC n° 673 du 24 novembre 2017 ressuscite ainsi la formule apparue dès la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 (en l’identifiant aussi sous l’intitulé « Sur la procédure ») selon laquelle il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de remettre en cause la décision des deux juridictions suprêmes de juger qu’une disposition est ou non applicable au litige ou à la procédure, ou constitue ou non le fondement des poursuites, ce « chacun chez soi » inutile depuis plusieurs années maintenant tant il est connu : le cas est néanmoins original car il lui était demandé, cette fois, non pas de se prononcer sur une disposition qui ne figurait pas dans la question renvoyée mais, par la partie en défense, de ne pas se prononcer sur une disposition qui y figurait… Plus classiquement, nombre de décisions QPC du semestre procèdent toutefois à une requalification de l’objet du procès constitutionnel, ces dispositions applicables au litige que l’arrêt de renvoi ne précise pas toujours, notamment en déterminant elles-mêmes la version à contrôler lorsque la législation a été modifiée. De même, le choix des mots querellés est fonction des griefs allégués. Par ailleurs, on sait là encore depuis l’origine (ou presque34) que tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à la disposition querellée. La prise en compte d’une « jurisprudence constante » peut susciter l’ironie. Sans doute s’agit-il parfois réellement d’une jurisprudence « constante », sans mention d’arrêts particuliers : le Conseil constitutionnel y fait ainsi référence, à propos toutefois d’une question de fond, dans la QPC n° 670 sur l’effacement des données personnelles dans les fichiers des antécédents judiciaires. Mais elle est plus souvent la résultante d’une unique décision, tantôt mentionnée dans les visas, on l’a dit35, tantôt celle procédant justement à la transmission au Conseil constitutionnel36. Ne cédons point à une moquerie déplacée : n’est-ce pas tout l’art du droit que d’être sa propre langue ? Du reste, le procès constitutionnel est familier de la chose : la « jurisprudence », en droit constitutionnel, naît aussi de l’unicité.
Reste la troisième condition de recevabilité – le sérieux ou la nouveauté – des questions. Toutes, durant ce semestre, ont été considérées comme « sérieuses » par la juridiction de renvoi. Toutes, sauf une : à l’endroit de la charte de déontologie de la juridiction administrative37, établie par le vice-président du Conseil d’État et susceptible d’être contestée ou invoquée devant lui ou les membres du collège de déontologie, la haute assemblée avait jugé38 que le moyen tiré de l’article 16 de la Déclaration de 1789 soulevait « une question qui peut être regardée comme nouvelle au sens de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 ». Pourtant, il ne s’agissait pas de l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, selon la formule consacrée, mais des classiques principes d’indépendance et d’impartialité, auxquels l’aile Montpensier répond ici, dans sa décision du 20 octobre 2017, garanties statutaires et obligation de déport. On peut penser que le Conseil d’État a trouvé dans cette subtile nuance (« peut-être regardée… ») la conclusion du dilemme créé par l’inélégance de la non-transmission et l’inconvenance de la qualification de « sérieuse ». Au vrai, la « question nouvelle » n’était donc là qu’un problème de forme, alors que normalement elle constitue déjà, aussi, un problème de fond.
B – Sur le fond
« Sur le fond », comme l’écrit le Conseil constitutionnel lorsqu’il affiche préalablement une question de recevabilité ou ultérieurement une application spécifique de l’article 62 sur les effets de sa déclaration d’inconstitutionnalité, on pourra distinguer la performance des moyens ou des motifs d’inconstitutionnalité, c’est-à-dire le croisement des griefs et des censures, d’une part, des méthodes propres du Conseil, d’autre part.
Un texte constitutionnel est « performant » en QPC quand l’invoquer est jugé pertinent. Cette considération – qui ne concerne que les normes et pas, ici, les juridictions, même s’il est toujours possible par exemple de comparer les nombres de censures et de décisions de renvoi au Conseil constitutionnel39 – est plurielle : la pertinence peut se trouver dans la fréquence des censures, mais elle peut être aussi dans leur proportion ou dans le nombre de fois où le juge s’oblige à y répondre. Il faut raisonner, alors, en prenant des ratios.
Si trois censures isolées – fondées respectivement sur la nécessité des peines de l’article 840, la liberté de communication de l’article 1141 et le principe d’impartialité de l’article 1642 de la Déclaration de 1789 – sont également la mise en œuvre d’un grand classique, l’argument le plus efficace, à considérer les déclarations d’inconstitutionnalité (ce sera encore plus vrai avec les réserves), reste en valeur absolue le principe d’égalité, même si ce semestre, il est (avec cinq décisions de censure chacun) rattrapé par la liberté personnelle, précisément le droit au respect de la vie privée et/ou la liberté d’aller et venir, époque oblige : données de connexion obtenues par l’Autorité des marchés financiers43 ou dans l’entourage d’une personne soupçonnée de terrorisme44, possibilité d’obtenir l’effacement de données personnelles dans le fichier des antécédents judiciaires45, mais aussi maintien dans le temps de l’assignation à résidence46 et contrôles et fouilles dans les zones d’état d’urgence47. Le Conseil constitutionnel utilise ainsi tantôt l’article 2 et tantôt sa combinaison avec l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Au vrai, il en va de même de ses articles 6 et 13, quoique leur logique duale soit différente, qu’ils ne soient mêlés qu’une seule fois48 et, enfin, que l’égalité devant les charges publiques serve sensiblement plus49 que l’égalité devant la loi, a fortiori la loi non fiscale50.
Néanmoins, ce semestre, tandis que la liberté personnelle a toujours été invoquée avec succès, arguer d’une inégalité ne réussit même pas une fois sur deux ! La constitutionnalité de la différence de traitement, quand celle-ci existait (ce qui n’aura souvent pas été le cas51), a ainsi été admise entre certains délégués du personnel52, en matière fiscale53, pour l’étranger en instance d’expulsion assigné à résidence54 ou pour l’outre-mer55 ; et la méconnaissance de l’égalité devant les charges publiques repoussée dans autant d’affaires56. Arme défectueuse ou… mauvaise visée ? De même, on aura remarqué que le droit au recours (joint au principe de responsabilité dans la QPC n° 672), invoqué dans sept décisions du semestre, ne fonde ni censure ni réserve, à l’instar d’une demi-douzaine d’autres droits et libertés attachés à l’article 16. Mais, au vrai, si un texte est moins « performant » en QPC qu’il ne l’a été, n’est-ce pas que ses normes sont mieux respectées ? Donc qu’il est justement « constitutionnellement performant » ? À l’inverse, serait-ce parce que le droit de propriété invoqué trois fois57, ou la liberté d’entreprendre et de contracter58 ne sont ici jamais retenus par le Conseil qu’il faudrait les oublier ? Gardons-nous des statistiques.
Voici en revanche qui vaut d’être relevé : toutes les censures sont fondées sur la seule Déclaration de 1789, on l’a dit d’emblée. Rien ne provient ni du corpus constitutionnel ni des autres références du préambule. L’incompétence négative est repoussée en matière fiscale59 ou financière60 et écartée en matière sociale61, tout comme la méconnaissance de la protection judiciaire de la liberté individuelle rappelée par l’article 66 de la constitution62 et l’on notera que la décision n° 2017-682 QPC ne reprend pas le grief de la violation de l’autorité de chose jugée. Parmi les arguments réfutés par le Conseil constitutionnel, on relèvera la Charte de l’environnement, évoquée dans une seule décision63. Tout juste le préambule de 1946, dont l’alinéa 8 et la participation des travailleurs sont pourtant invoqués deux fois64, affleure-t-il avec le droit à une vie familiale normale consacré par son dixième alinéa, tout proche d’être retenu65, et, surtout, le droit à l’emploi de l’alinéa 5, qui fonde une réserve66 comme l’alinéa 10 combiné.
Les réserves d’interprétation, technique essentielle du Conseil constitutionnel, sont présentes dans sept décisions QPC seulement, et correspondent globalement aux motifs de nos censures : l’égalité fiscale67, le principe d’impartialité68, la liberté d’aller et venir et la vie privée et familiale69. Sans doute est-ce anecdotique mais seule cette dernière, parmi toutes les décisions du second semestre 2017, mêle censure et réserve sur les différentes dispositions en cause, tandis que plusieurs juxtaposent conformité pure et censure ; les décisions concluant à une conformité sous réserve sont presque toutes exclusives de tout autre jugement, une seule associant réserve d’interprétation et constitutionnalité sans réserve70.
Une « réserve », c’est parfois un message adressé non pas aux juges mais aux législateurs : ainsi lorsque le Conseil rappelle qu’une astreinte à domicile de plus de 12 heures par jour constitue une assignation à résidence qui, en tant que mesure privative de liberté, ne peut qu’être soumise au contrôle du juge judiciaire, sauf à violer l’article 66 de la constitution71. Les réserves sont-elles simples d’emploi ? On n’a certainement pas fini d’en discuter, qu’il s’agisse des autorités juridictionnelles ou administratives.
Quelques mots encore sur les méthodes de la rue de Montpensier, pour rappeler, d’abord, que l’application des canons de Strasbourg est désormais bien installée. Lorsqu’il déclare conforme à la constitution la validation législative de la compensation du transfert de la TASCOM72, le Conseil constitutionnel applique ainsi consciencieusement les critères cumulatifs de la CEDH : « un motif impérieux d’intérêt général » (ici mettre un terme à un « important contentieux » et prévenir ses « importantes conséquences financières » pour l’État), avoir « précisément défini et limité la portée de la validation » et respecter « les décisions de justice passées en force de chose jugée ».
On pourra par ailleurs relever la fréquence, qui intéressera notamment plus d’un avocat, avec laquelle le Conseil constitutionnel reprend ce que l’on peut aussi (avec le refus du contrôle de conventionnalité) appeler la jurisprudence IVG, cette formule selon laquelle il « ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement », qu’il utilise en parallèle de la locution « pas manifestement » : c’est au juste le refus de ce que le juge administratif nomme « contrôle d’opportunité », une démarche proche de l’injusticiabilité des questions politiques. Sur la période considérée, elle ne figure – sauf lorsqu’est abordée la question des effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, c’est-à-dire lorsqu’il s’agirait « d’indiquer les modifications qui doivent être retenues pour qu’il soit remédié à l’inconstitutionnalité constatée »73 – que dans la décision n° 2017-665 QPC du 20 octobre 2017 : on ne saurait dire que le Conseil en abuse ou s’y réfugie… Mais sans doute est-ce là l’effet de l’objet des saisines, puisque la moyenne semble de quatre ou cinq fois par an depuis 2010, supérieure donc à notre semestre.
Reste, à cet égard, la question de la date d’abrogation. Sept des treize censures ont fait l’objet d’un report : c’est en effet en raison des « conséquences manifestement excessives » – puisque le juge le dit ! – d’une abrogation immédiate que le Conseil constitutionnel la repousse, de trois mois74, six mois75, sept mois76 voire presque dix-huit mois77. La ligne de partage apparaît ici nettement : les règles inconstitutionnelles relatives aux prélèvements obligatoires78 sont immédiatement abrogées (et applicables à toutes les affaires « non jugées définitivement ») ; pas les mesures de police. Il n’est qu’une exception, ce qui prouve qu’il n’y a pas de règle, durant ce semestre : la QPC n° 669 du 27 octobre 2017 reporte au 1er juillet 2018 la censure de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision79, pour éviter un effet d’aubaine tout en laissant au gouvernement le soin d’initier une loi de finances et d’obtenir l’accord de la Commission européenne ; mais le Conseil constitutionnel exige des juridictions saisies de surseoir à statuer…
II – La jurisprudence
Il faut bien entendu, avant d’en venir aux QPC transmises, d’une part, par la Cour de cassation et, d’autre part, par le Conseil d’État, isoler la jurisprudence électorale, ces décisions issues depuis janvier 2012 d’une auto-habilitation du Conseil constitutionnel (l’article 61-1 de la constitution ne prévoyant pas d’alternative au « renvoi » par les deux juridictions suprêmes) grâce à laquelle il reçoit directement les questions posées pour les candidats ou les électeurs. La décision n° 2017-4977 AN/QPC du 7 août 2017 est ainsi la première mise en œuvre du second alinéa de l’article 16-1 (introduit en 2013, après les quatre premières décisions) du règlement propre au contentieux parlementaire, qui permet au Conseil de rejeter sans instruction contradictoire préalable les questions ni nouvelles ni sérieuses.
Les QPC électorales ne sont pas répertoriées comme telles dans le tableau des « décisions QPC » que le Conseil constitutionnel tient sur son site internet. Toutefois, l’une des deux décisions du 16 novembre 201780 y figure, au rang 595 ; l’autre81 non. La raison en est que celle-ci est incidemment une QPC, puisque principalement une décision de rejet de la requête (irrecevable pour tardiveté) – il en va de même de la décision n° 2017-5267 SEN/QPC du 1er décembre 2017, la tardiveté de la requête (reçue le lendemain de la date limite) dispensant le Conseil de se prononcer sur la constitutionnalité de l’article L. 7211-1 CGCT – tandis que celle-là est exclusivement consacrée au contrôle de constitutionnalité : son dispositif, uniquement non-lieu à statuer sur les QPC présentées et jointes, en témoigne ; et une seconde décision aux mêmes numéros rendue le même jour82, y renvoie pour justifier l’annulation de l’élection de Mme Muller-Quoy, la constitutionnalité de l’inéligibilité de son suppléant n’étant pas discutable. Pour la première fois, le 16 novembre 2017, le dispositif d’une QPC électorale ne comprenait donc pas un rejet de la requête (ou une annulation), contrairement aux neuf autres83. Le compte n’est en tout cas pas bon dans cette rubrique internet : c’était bien 614 décisions QPC et non pas 605 que le Conseil constitutionnel avait rendues au 1er janvier 2018…
Nos quatre décisions QPC du semestre (soit presque autant que depuis l’origine) posent essentiellement, il est vrai, des questions de recevabilité, on l’a vu. Sur le fond, le Conseil constitutionnel ne se prononce pas, de sorte qu’il n’y a ici aucune « jurisprudence », sauf dans la décision n° 2017-4977 AN/QPC du 7 août 2017 – l’électeur (dont c’était d’ailleurs le seul grief contre le scrutin de juin) y mettait en cause rien de moins que le suffrage uninominal majoritaire à deux tours, à la fois exclusion des minorités et captation de la souveraineté par « la plus importante des minorités » — qui répète que, « s’il est loisible au législateur, lorsqu’il fixe des règles électorales, d’arrêter des modalités tendant à favoriser la constitution d’une majorité stable et cohérente, toute règle qui, au regard de cet objectif, affecterait l’égalité entre électeurs ou candidats dans une mesure disproportionnée méconnaîtrait le principe du pluralisme des courants d’idées et d’opinions, lequel est un fondement de la démocratie »84 : ce n’est pas le cas, dit le Conseil, et le scrutin majoritaire ne méconnaît ni l’article 3 ni l’article 4 de la constitution. Si les décisions valent toutes un instant, c’est bien en effet pour l’argumentaire des requérants. Ces arguments n’ont aucune valeur normative : ils ont, si l’on peut dire, une valeur imaginative. Un grief peut parfois être lancé très loin, très haut, très fort, comme un ballon dont on espère qu’il y aura quelqu’un pour l’attraper. Dans la décision du 16 novembre 2017 relative à la 4e circonscription du Vaucluse, le requérant soutenait ainsi que le premier alinéa de l’article 33 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 — qui dispose, rappelons-le, qu’une élection au Parlement ne peut être contestée que jusqu’à dix-huit heures le dixième jour suivant la proclamation des résultats — violerait non seulement le droit au recours ou la bonne administration de la justice mais aussi « les articles 59 et 63 de la constitution » : ce n’est plus un ballon d’essai, c’est une bouteille à la mer…
Pierre Mouzet
A – Les QPC transmises par la Cour de cassation
Sur les quatorze décisions QPC transmises par la Cour de cassation, quatre proviennent d’un arrêt de la chambre criminelle (trois en procédure pénale et une, à nouveau, pour le délit de consultation habituelle sur internet de sites terroristes85), trois en droit du travail, de la chambre sociale, trois de la chambre commerciale, dont une à l’endroit de l’Autorité des marchés financiers86 et les deux autres en matière de fiscalité, tout comme deux des trois arrêts de la deuxième chambre civile (le troisième concernant non des contributions mais des cotisations sociales), un arrêt enfin, de la troisième chambre civile concerne le droit de l’urbanisme (condamnation judiciaire à la démolition87).
Décision n° 2017-646/647 QPC du 21 juillet 2017, M. Alexis K. et autre : droit des enquêteurs de l’AMF d’obtenir la communication des données de connexion
La décision du 21 juillet 2017 constitue une nouvelle illustration de l’importance accrue dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel du droit au respect de la vie privée face à la montée du numérique.
Dans cette affaire, les requérants avaient fait l’objet d’une enquête de la part de l’AMF. À cette occasion, deux ordonnances du juge des libertés et de la détention avaient autorisé la communication des données numériques aux enquêteurs, en application de l’article L. 621-10, premier alinéa, du Code monétaire et financier. Les requérants, à défaut de pouvoir invoquer un principe de protection des données qui ne constitue pas encore un droit constitutionnel88, arguaient d’une atteinte au droit au respect de la vie privée protégé par l’article 2 de la Déclaration de 1789.
Pour déclarer inconstitutionnel l’article L. 621-10, premier alinéa, du Code monétaire et financier, le Conseil constitutionnel procède en deux temps. Tout d’abord, il constate que la communication des données de connexion est de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée de la personne intéressée (§ 8). Le doute n’était pas permis. Certes, les données transmises à l’occasion de l’enquête ne peuvent porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées. Pour autant, ces métadonnées sont susceptibles de concerner l’abonnement de l’émetteur de l’appel ou de son destinataire, la fréquence de connexion ou encore la localisation de l’utilisateur du service de communication, autant d’éléments qui caractérisent une atteinte à la vie privée. Le Conseil constitutionnel relève ensuite que cette communication n’est pas entourée de garanties propres à assurer une conciliation entre le droit au respect de la vie privée et la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, le respect du secret professionnel par les enquêteurs n’apparaissant pas comme un garde-fou suffisant (§ 9).
La teneur de cette décision peut surprendre si on la confronte à celle rendue sur la loi HADOPI89 dans laquelle le Conseil constitutionnel avait refusé de censurer l’article L. 331-21 du Code de la propriété intellectuelle, pourtant proche dans l’esprit de l’article L. 621-10 du Code monétaire et financier : les agents nommés par la haute autorité ne disposent-ils pas pareillement du pouvoir d’obtenir tous les documents y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communication ? C’est qu’entre ces deux décisions, le Conseil constitutionnel a modifié sa jurisprudence dans le sens d’un renforcement de la protection des données personnelles. Le revirement date de la décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 relative à la procédure de communication des données par l’Autorité de la concurrence, dont la motivation retenue est identique à celle de la décision commentée.
Incontestablement, cette évolution jurisprudentielle marque une volonté forte du Conseil constitutionnel de réguler les conséquences des mutations technologiques sur la vie privée90. Il est difficile, par ailleurs, de ne pas voir dans cette évolution du Conseil constitutionnel l’ombre de la Cour de justice de l’Union européenne. Dans une décision en date du 8 avril 201491, précédant donc de peu le revirement de jurisprudence, la Cour a invalidé dans son intégralité la directive n° 2006/24/CE sur la conservation des données traitées dans le cadre de la fourniture de services de communication électroniques, se posant, comme le Conseil constitutionnel, en protectrice de la vie privée. Les deux décisions suivent d’ailleurs une technique de contrôle similaire, bien connue, qui consiste à mettre en balance la protection du droit à la vie privée et d’autres exigences comme ici la défense de l’ordre public. Dans la décision commentée, le juge constitutionnel ne conteste pas l’intérêt de la communication des données pour l’avancée d’une enquête et donc la protection de l’ordre public ; il considère néanmoins que cette communication doit être entourée d’un certain nombre de garde-fous qui n’étaient pas présents dans l’article L. 621-10, premier alinéa.
La décision du 21 juillet 2017 ne fixe pas ces garanties – ce n’est pas le rôle du Conseil constitutionnel – mais on peut s’en faire une idée à la lecture de la décision plus ancienne n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, relative à la loi sur le renseignement. À l’inverse de la décision commentée, les dispositions instaurant une procédure de réquisition administrative des données de connexion ont été jugées conformes à la constitution dans la mesure où elles étaient assorties d’un nombre suffisant de garde-fous, parmi lesquelles figurent notamment la limitation de la procédure aux finalités restrictivement énumérées par la loi, l’autorisation du Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ou encore la limitation dans le temps des réquisitions et une durée de conservation limitée.
Le Parlement dispose de quelques mois pour concevoir ces garanties puisque le Conseil constitutionnel a différé la date d’abrogation de l’article au 31 décembre 2018. La décision précise, dans une formule laconique (le commentaire officiel de la décision l’est presque autant, se limitant à évoquer « les conséquences qu’une abrogation immédiate de la disposition serait susceptible d’avoir sur les procédures en cours »), que la suppression immédiate des dispositions contestées aurait des « conséquences manifestement excessives » (§ 12). Sans doute, comme pour d’autres décisions du Conseil constitutionnel92, l’abrogation immédiate était-elle de nature à porter atteinte aux objectifs de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions. On ne peut s’empêcher néanmoins de trouver ce report particulièrement sévère pour le requérant qui aura fait œuvre utile sans pouvoir bénéficier des fruits de la procédure. Ainsi que le souligne Olivier Dutheillet de Lamothe93, « le Conseil constitutionnel doit veiller à ce que le succès [de la QPC] ne soit pas compromis par un trop faible effet de cette voie contentieuse sur la situation du requérant ». À titre de comparaison, la décision Digital Rights Ireland précitée avait, elle aussi, des conséquences particulièrement importantes sur les instances en cours, ce qui n’a pas empêché la Cour de justice de l’Union européenne d’invalider la directive sans reporter les effets de sa décision.
Franck Juredieu
Décision n° 2017-670 QPC du 27 octobre 2017, M. Mikhail P. : Effacement anticipé des données à caractère personnel inscrites dans un fichier de traitement d’antécédents judiciaires
Les fichiers de police en général, et les fichiers d’antécédents en particulier94, sont de puissants outils d’aide aux enquêtes. En application des articles 230-6 et 230-7 du Code de procédure pénale, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel recueillies au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou au cours des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit et certaines contraventions de la cinquième classe, relativement à des informations sur les personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission de ces infractions. Les données enregistrées sont les éléments d’état civil, la profession, la situation familiale, une photographie permettant de recourir à un dispositif de reconnaissance faciale95. Elles sont conservées pendant une durée comprise entre cinq ans et quarante ans selon l’âge de l’individu et la nature de l’infraction96. Aux termes de l’article 230-8 du Code de procédure pénale, le traitement de ces données est placé sous le contrôle du procureur de la République. Elles ne peuvent être effacées qu’à l’égard des personnes ayant bénéficié d’une décision de relaxe ou d’acquittement, de non-lieu ou de classement sans suite.
À l’occasion d’un pourvoi en cassation97 contre une décision rendue par une chambre de l’instruction rejetant une demande d’effacement de données personnelles du fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ), un justiciable soutient qu’en excluant les personnes déclarées coupables d’une infraction mais dispensées de peine du bénéfice de cette mesure, les dispositions de l’article 230-8 du Code de procédure pénale porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
Dans sa décision QPC n° 670 du 27 octobre 201798, le Conseil, reprenant sa jurisprudence sur le droit au respect de la vie privée fondé sur la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration de 1789, rappelle que « la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif »99.
Eu égard à la particulière sensibilité des données recueillies, au grand nombre de personnes concernées par cette collecte et à la durée de conservation de ces informations, le Conseil conclut que, « en privant les personnes mises en cause dans une procédure pénale, autres que celles ayant fait l’objet d’une décision d’acquittement, de relaxe, de non-lieu ou de classement sans suite, de toute possibilité d’obtenir l’effacement de leurs données personnelles inscrites dans le fichier des antécédents judiciaires, les dispositions contestées portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée » (§ 14). En conséquence, il a déclaré le premier alinéa de l’article 230-8 du Code de procédure pénale contraire à la constitution. Toutefois, dans la mesure où l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait eu pour effet de priver l’ensemble des personnes inscrites dans un fichier d’antécédents judiciaires ayant bénéficié d’un acquittement, d’une relaxe, d’un non-lieu ou d’un classement sans suite, de la possibilité d’obtenir l’effacement de leurs données personnelles, le Conseil a reporté l’abrogation de ces dispositions à la date du 1er mai 2018.
Cette décision appelle une série d’observations. Dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011100, le Conseil constitutionnel avait validé l’article 230-8 pris dans sa rédaction originelle, alors que les conditions d’effacement anticipé pour cause de classement sans suite étaient plus strictes : il fallait que ledit classement ait été décidé pour insuffisance de charges. La loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 a modifié sur ce point le premier alinéa de l’article 230-8 du Code de procédure pénale, de sorte que le Conseil a opportunément pu relever que « les dispositions contestées étant différentes de celles ayant fait l’objet de la déclaration de conformité, la question prioritaire de constitutionnalité est recevable » (§ 6). Avec Mme Oudoul, il doit bien être considéré que « 6 ans après avoir déclaré l’article 230-8, alinéa premier, conforme à la constitution, le Conseil revient sur sa position initiale »101.
La raison en est, en particulier, que la Cour européenne des droits de l’Homme, dans son arrêt Aycaguer c/ France rendu le 22 juin 2017 (soit un mois avant la décision de renvoi de la chambre criminelle), relativement au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), a jugé que « les personnes condamnées devraient également se voir offrir une possibilité concrète de présenter une requête en effacement des données mémorisées, et ce, comme elle l’a rappelé précédemment, afin que la durée de conservation soit proportionnée à la nature des infractions et aux buts des restrictions »102. Le Conseil constitutionnel se devait donc de faire évoluer sa jurisprudence…
Au 1er mai 2018, les dispositions de l’alinéa premier, de l’article 230-8 du Code de procédure pénale ont été sèchement abrogées par l’effet de la décision QPC du Conseil constitutionnel, faute de disposition législative nouvelle en tirant les enseignements. Le projet de loi relatif à la protection des données personnelles, définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 14 mai 2018, objet d’une saisine du Conseil constitutionnel, parmi ses dispositions diverses et finales, modifie l’article 230-8 du CPP dans le sens de cette décision QPC (art. 36).
François Fourment
Décision n° 2017-671 QPC du 10 novembre 2017, M. Antoine L. : saisine d’office du juge de l’application des peines
Le juge de l’application et le tribunal de l’application des peines, juridictions de l’application des peines du premier degré, sont chargés de fixer les principales modalités d’application de l’exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté103. À cet égard, l’article 712-4 du Code de procédure pénale prévoit : « Les mesures relevant de la compétence du juge de l’application des peines sont accordées, modifiées, ajournées, refusées, retirées ou révoquées par ordonnance ou jugement motivé de ce magistrat agissant d’office, sur la demande du condamné ou sur réquisitions du procureur de la République. »
En l’espèce, un juge de l’application des peines (JAP), qui s’était saisi d’office de la situation d’un condamné, avait partiellement révoqué, après débat contradictoire, les deux condamnations à des peines d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve le concernant, ordonnant leur exécution.
Soulevée devant la cour d’appel, renvoyée au Conseil constitutionnel par la chambre criminelle de la Cour de cassation104, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soutenait que ces dispositions du Code de procédure pénale, en ce qu’elles permettent au JAP de se saisir d’office dans le cadre du suivi d’une mesure de sursis avec mise à l’épreuve et, le cas échéant, de révoquer en tout ou partie ce sursis, seraient contraires au principe d’impartialité des juridictions et au principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement.
Dans sa décision n° 2017-671 QPC du 10 novembre 2017105, le Conseil constitutionnel rappelle sa jurisprudence relative au principe d’impartialité. Il résulte de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et est « indissociable de l’exercice de fonctions juridictionnelles » (§ 5). Toutefois, si « une juridiction ne saurait, en principe, disposer de la faculté d’introduire spontanément une instance au terme de laquelle elle prononce une décision revêtue de la chose jugée [la] constitution ne confère pas à cette interdiction un caractère général et absolu, sauf si la procédure a pour objet le prononcé de sanctions ayant le caractère d’une punition. Dans les autres cas, la saisine d’office d’une juridiction ne peut trouver de justification qu’à la condition qu’elle soit fondée sur un motif d’intérêt général et que soient instituées par la loi des garanties propres à assurer le respect du principe d’impartialité106 ». En l’occurrence, autour des objectifs de protection de la société et de réinsertion de la personne condamnée, le motif d’intérêt général n’est pas contesté.
En revanche, le Conseil constitutionnel, dans une réserve d’interprétation, retient que le JAP « ne saurait, sans méconnaître le principe d’impartialité, prononcer une mesure défavorable dans le cadre d’une saisine d’office sans que la personne condamnée ait été mise en mesure de présenter ses observations » (§ 13). Or, nombreuses sont les ordonnances du JAP, le cas échéant défavorables au condamné, adoptées sans débat contradictoire.
Ces décisions et réserve appellent trois remarques. D’abord, cette décision s’inscrit dans une lecture contestable des modalités d’intervention du JAP dans la chaîne pénale. Le Conseil constitutionnel considère que, lorsque le JAP se saisit d’office, il n’introduit pas une nouvelle « instance »107. Ensuite, le Conseil confond impartialité et principe du contradictoire. Enfin, la réserve ne porte que dans l’hypothèse d’une saisine d’office du JAP, et non sur demande du condamné ou réquisitions du procureur de la République108.
François Fourment
B – Les QPC transmises par le Conseil d’État
Si, sur les 24 décisions QPC transmises par le Conseil d’État, près de la moitié (11) concerne le droit fiscal et deux le droit des finances locales109, on retiendra l’extrême variété des questions soumises au Conseil constitutionnel : propriété intellectuelle (QPC n° 649), droit du travail110, droit des étrangers111, antiterrorisme112, ainsi que divers problèmes intéressant spécialement le droit public, comme la déontologie de la juridiction administrative113 ou les autorités administratives indépendantes114 : on reviendra ci-dessous, dans quelques observations, sur les QPC relatives aux archives de l’exécutif115 et à l’indépendance du parquet116, après celles relatives aux questions pénales et aux finances locales.
Décision n° 2017-648 QPC du 4 août 2017, La Quadrature du Net et autres : accès administratif en temps réel aux données de connexion
Saisi de l’examen de l’article L. 851-2 du Code de la sécurité intérieure après modification par la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016117, le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer sur la nouvelle procédure administrative de recueil des données de connexion.
Le dispositif a été expressément pensé par le législateur dans un objectif de prévention du terrorisme. Créé par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement et à l’époque déclaré conforme à la constitution118, il permet donc à l’Administration de recueillir les données de connexion en temps réel. Mais cette technique de surveillance a fait l’objet d’importantes modifications dans la loi du 21 juillet 2016 pour tenter de la rendre plus effective. Le législateur a notamment élargi le champ des personnes susceptibles d’être concernées par la mesure. Ainsi, peuvent être visées par cette autorisation administrative « toute personne identifiée susceptible d’être en lien avec une menace » ainsi que toute personne de son entourage susceptible de pouvoir fournir des renseignements. Les conditions de mise en œuvre sont ensuite détaillées dans d’autres dispositions dudit code119.
Plusieurs associations (la Quadrature du Net, French Data Network et la Fédération française de fournisseurs d’accès à internet associatifs) contestent l’atteinte portée par cette disposition au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances120. Elles s’appuient essentiellement sur le fait que le champ des personnes susceptibles d’être concernées par le recueil des données de connexion est trop vaste et que la durée de l’autorisation est disproportionnée (la durée de l’autorisation de collecte étant passée de 2 à 4 mois renouvelable).
Le Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d’État le 23 mai 2017, a décidé de n’examiner que le paragraphe I de cette disposition vu les griefs soulevés par les requérants. D’abord, concernant l’atteinte au secret des correspondances, il exclut de jurisprudence constante un quelconque grief en matière de données de connexion121. Ensuite, concernant l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée, le Conseil constitutionnel raisonne alors en deux temps. En effet, il ne s’oppose pas à la première phrase du paragraphe I de l’article prévoyant la possibilité de recueillir les données de connexion d’une personne susceptible d’être directement en lien avec une menace terroriste. En revanche, il déclare inconstitutionnelle la seconde phrase permettant de mettre en place cette même procédure de surveillance à l’égard de l’entourage de la personne sous autorisation. Le Conseil constitutionnel estime que le lien trop indirect avec une menace potentielle de terrorisme ne justifie pas une telle immixtion dans la vie privée, faute pour le législateur d’avoir prévu une limite au nombre d’autorisations susceptibles d’être prononcées simultanément. La deuxième partie de l’article L. 851-2 I du Code de la sécurité intérieure jugée disproportionnée par le Conseil constitutionnel est donc déclarée non conforme à la constitution et abrogée à compter du 1er novembre 2017.
Par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, le législateur a réécrit en partie l’article L. 851-2 du Code de la sécurité intérieure. Plus précisément, il a maintenu dans son premier paragraphe la possibilité d’accorder le recueil de données de connexion des personnes proches de la personne initialement visée par l’autorisation. En revanche, il a ajouté un « I bis » prévoyant que le nombre maximal d’autorisations doit être fixé par arrêté du Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Delphine Thomas-Taillandier
Décision n° 2017-674 QPC du 30 novembre 2017, M. Kamel D. : assignation à résidence de l’étranger faisant l’objet d’une interdiction de territoire ou d’un arrêté d’expulsion
Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État de l’examen de la dernière phrase du huitième alinéa et de la troisième phrase du neuvième alinéa de l’article L. 561-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile après modification par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016. Il a donc examiné la procédure d’assignation à résidence prononcée par les autorités administratives à l’égard d’étrangers en attente d’une mesure d’éloignement du territoire. Cette procédure a été érigée dès 2011122 comme une véritable alternative au placement en rétention lorsqu’il n’y a vraisemblablement pas de perspective d’éloignement de l’individu étranger à court terme.
Or, cette disposition légale prévoit un régime exceptionnel pour les personnes étrangères faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion ou d’une interdiction judiciaire du territoire123.
Précisément dans cette dernière hypothèse, le requérant soulevait l’incompatibilité de la mesure d’assignation avec la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée, le droit à une vie familiale normale. Les associations GISTI et la Ligue des droits de l’Homme, en qualité de parties intervenantes, se sont jointes à l’action intentée pour évoquer en sus une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif. Ils contestent le fait que, dans ce régime particulier, l’assignation à résidence ne soit pas limitée dans le temps, que les modalités d’exécution soient discrétionnairement décidées par l’Administration et que la mesure ne soit pas susceptible d’être réévaluée et contestée.
D’abord, le Conseil constitutionnel écarte un certain nombre de ces griefs, en apposant deux réserves d’interprétation. En effet, il ne remet pas en cause le fait que l’Administration puisse déterminer le périmètre de l’assignation à résidence et il observe que le cas particulier de l’assignation à résidence sans limite de durée n’empêche pas l’exercice d’un recours de droit commun pour solliciter la levée de la mesure ou sa révision. Ensuite, il écarte le grief tiré de l’atteinte à la vie familiale, sous réserve toutefois que la mesure soit prononcée par l’Administration en tenant compte des liens familiaux et personnels que l’intéressé aurait pu tisser (§ 11). De même, il n’assimile pas l’assignation à résidence à une mesure privative de liberté, sous réserve encore que l’assignation n’excède pas 12 heures par jour sans quoi il y aurait méconnaissance de l’article 66 de la constitution faute d’intervention du juge judiciaire (§ 15).
En revanche, le Conseil constitutionnel censure partiellement l’article L. 561-1 du CESEDA en reprochant au législateur de ne pas faire état du moment à partir duquel l’Administration aurait à justifier du maintien de l’assignation à résidence lorsqu’elle est prononcée après une condamnation à l’interdiction du territoire français (dans le cas prévu au 5° dudit article). Alors que la durée de l’assignation peut se justifier par les circonstances ayant motivé l’arrêté d’expulsion d’un étranger, il en va différemment de l’individu qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire. Le Conseil constitutionnel estime que, dans ce cas, la mise en place d’une mesure d’assignation à résidence ne peut se justifier sur le long terme par la seule volonté de faire exécuter une décision judiciaire. S’il n’est pas possible d’éloigner l’individu du territoire français, la mesure d’assignation à résidence doit finir par être motivée par des circonstances particulières (dangerosité de l’individu, garantie de représentation en justice, etc.), faute de quoi la mesure deviendrait attentatoire à la liberté d’aller et de venir.
Cette inconstitutionnalité partielle entraînant l’abrogation des mots « au 5° du présent article » à compter du 30 juin 2018 aura alors permis une réécriture de l’article L. 561-1 du CESEDA par la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d’asile européen. En effet, le législateur s’adapte en maintenant expressément les aménagements exceptionnels de l’assignation à résidence. Mais, lorsqu’il s’agit d’un étranger faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire, le législateur ajoute qu’« au-delà d’une durée de 5 ans, le maintien sous assignation à résidence fait l’objet d’une décision spécialement motivée faisant état des circonstances particulières justifiant cette prolongation au regard, notamment, de l’absence de garanties suffisantes de représentation de l’étranger ou si sa présence constitue une menace grave pour l’ordre public. »
Delphine Thomas-Taillandier
Décision n° 2017-677 QPC du 1er décembre 2017, Ligue des droits de l’Homme : contrôles d’identité, fouilles de bagages et visites de véhicules dans le cadre de l’état d’urgence
De nouveau, le Conseil constitutionnel a été saisi de l’examen d’une des mesures exceptionnelles que permet l’état d’urgence. En l’occurrence, est concerné le nouvel article 8-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, inséré par la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 portant renforcement de la lutte antiterroriste.
Cette nouvelle disposition permet aux préfets d’autoriser dans le cadre de l’état d’urgence la réalisation de contrôles d’identité124, d’inspections visuelles ou de fouilles de bagages et de visites de véhicules par les officiers de police judiciaire ou, sous leur responsabilité, par certains agents de police judiciaire ou agents de police judiciaire adjoints. Le législateur ajoute que lesdits contrôles ne peuvent être autorisés que pour certains lieux spécifiquement précisés dans l’autorisation préfectorale et pour une durée maximale de 24 heures. En d’autres termes, la loi du 21 juillet 2016 a créé une mesure de police administrative conférant de nouveaux pouvoirs au préfet, là où en temps normal il s’agit de prérogatives appartenant au procureur de la République. Sans surprise, cette mesure a été immédiatement appliquée, ce que confirment par ailleurs les statistiques communiquées par le ministère de l’Intérieur : entre le 22 juillet 2016 et le 21 décembre 2016, 1 974 contrôles d’identité et fouilles de bagages et de véhicules ont été prononcés en application de l’article 8-1 de la loi de 1955 contre 23 interdictions de manifestation ou restrictions de circulation et 22 zones de protection et de sécurité125.
C’est ainsi que, par arrêté du 6 avril 2017, le préfet de police de Paris autorisait des contrôles d’identité et des fouilles de bagages à destination des voyageurs dans les transports en commun sur les voies ferrées de Paris. Une demande en annulation pour excès de pouvoir dudit arrêté était déposée par la Ligue des droits de l’Homme, à laquelle était également jointe une QPC évoquant une violation de la liberté d’aller et de venir, du droit au respect de la vie privée, du principe d’égalité devant la loi et du droit à un recours juridictionnel effectif. Le Conseil constitutionnel a alors eu à examiner cette nouvelle QPC sur renvoi du Conseil d’État le 22 septembre 2017.
La Ligue des droits de l’Homme contestait essentiellement ce nouveau mode de contrôle autorisé par le préfet et réalisé par la police judiciaire pour deux raisons. D’une part, le contrôle n’a pas à être motivé par des circonstances ou des menaces particulières. Il apparaît, en effet, que le législateur a jugé suffisant le seul fait d’être en état d’urgence, de préciser le lieu exact du contrôle et de limiter la durée de celui-ci. Pourtant, lors des discussions parlementaires, il avait été question que ce type de contrôle soit limité aux cas de menace terroriste. Finalement, le contrôle n’a pas à être spécialement motivé, contrairement d’ailleurs à ce qui se fait déjà en matière de contrôle de police judiciaire. D’autre part, la mesure ne semblait faire l’objet d’aucun contrôle juridictionnel effectif. Le législateur semblait, en effet, se satisfaire de la simple transmission sans délai de la décision préfectorale au procureur de la République.
Saisi de cette question de conformité à la constitution, le Conseil constitutionnel ne néglige pas les garanties légales encadrant la mise en application de cette mesure. Mais il retient surtout que le contrôle est rendu possible quel que soit le comportement de l’individu et sans qu’il soit nécessaire qu’il y consente pour y procéder. Or, de jurisprudence constante126, le Conseil constitutionnel n’admet ce type de contrôle que si des circonstances particulières établissent un risque d’atteinte à l’ordre public. Il s’oppose donc à la systématisation de ces contrôles bien qu’il s’agisse de zones en état d’urgence.
Or le législateur n’ayant exigé aucune motivation particulière, il est possible que ces autorisations préfectorales se généralisent de manière discrétionnaire. Le Conseil constitutionnel juge donc ce type de contrôle incompatible avec la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée127, ce qui suffit par ailleurs à déclarer l’inconstitutionnalité de la mesure sans avoir à analyser les autres griefs (§ 7).
Enfin, le Conseil constitutionnel décide de reporter l’abrogation de la disposition litigieuse au 30 juin 2018 pour ne pas priver brutalement les autorités préfectorales de ce pouvoir décisionnaire.
Delphine Thomas-Taillandier
Décision n° 2017-644 QPC du 21 juillet 2017 : validation du transfert de la TASCOM aux communes et aux EPCI à fiscalité propre
Nouvelle application sur fond de finances locales des principes et des conditions subordonnant la constitutionnalité des lois de validation, la décision n° 2017-644 QPC du 21 juillet 2017 a été l’occasion pour le Conseil constitutionnel de s’inscrire dans la continuité d’une jurisprudence qu’il a progressivement étendue et durcie sur la question depuis sa consécration initiale avec la décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980.
À l’origine de cette décision figurait la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) dont le produit, jusque-là perçu par l’État, fut transféré « à compter du 1er janvier 2011 » aux communes et aux établissements public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre par la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 afin de compenser la perte de recettes à venir qu’allait engendrer pour lesdites collectivités et groupements le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale (CET) issue du même texte. Celui-ci avait parallèlement prévu en son même article 77 un mécanisme de neutralisation financière pour l’État d’un tel transfert via la diminution, « en 2011 », des montants respectifs de la compensation part salaire (CPS) des communes128 et de la dotation de compensation des EPCI129, à hauteur du montant de la TASCOM perçu en 2010 par l’État. Ce dispositif fut néanmoins reconduit pour les 3 années suivantes par une circulaire du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre de l’Intérieur en date du 28 mars 2012, sur le fondement de laquelle plusieurs arrêtés préfectoraux furent adoptés. Nombre de communes et d’EPCI virent ainsi les montants de leurs dotations de compensation diminués à due concurrence de celui du produit de la TASCOM, perçu par l’autorité centrale en 2010 sur leurs territoires respectifs. Saisi par la communauté de communes du Val de Sèvres d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’État annula ladite circulaire par un arrêt rendu le 16 juillet 2014130. Sa solution reposait sur la double considération que, d’une part, le système de compensation du transfert du produit de la TASCOM vers les EPCI n’était applicable qu’au titre de la seule année 2011, tant au regard des dispositions législatives l’ayant institué que de celles du Code général des collectivités territoriales ou de tout autre texte et que, d’autre part, en prévoyant que dans l’hypothèse où le montant de la dotation de compensation versée aux EPCI viendrait à être insuffisant pour assurer la minoration de celui-ci, la circulaire litigieuse avait ajouté au droit issu des dispositions législatives applicables et présentait ainsi un caractère impératif. À la suite de cette décision, toute référence à « l’année 2011 » fut supprimée à l’article 77 de la loi de finances pour 2010 et à l’article L. 2334-7 du Code général des collectivités territoriales par la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances 2015, qui donna ainsi une base légale à la compensation du transfert du produit de la TASCOM pour les années à venir (art. 1114). De son côté, l’article 133 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 procéda à la validation rétroactive de la compensation du transfert du produit de la TASCOM pour les exercices 2012 à 2014 et, notamment, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, des arrêtés préfectoraux pris au titre desdits exercices et constatant le prélèvement opéré sur le montant de la CPS des communes et sur celui de la dotation de compensation des EPCI. Sur le fondement de ces dispositions, la communauté de communes du pays roussillonnais se vit opposer un refus de la part du préfet de l’Isère à sa demande de remboursement des prélèvements opérés sur sa dotation de compensation pour les années 2012 à 2014. Elle obtint néanmoins gain de cause devant le tribunal administratif de Grenoble mais le jugement de ce dernier en date du 23 juin 2015 fut annulé par un arrêt de la cour administrative de Lyon rendu le 27 septembre 2016131 contre lequel il fut alors formé devant le Conseil d’État un pourvoi en cassation. C’est à cette occasion que l’EPCI requérant souleva une question prioritaire de constitutionnalité à l’encontre de l’article 133 de la loi de finances rectificative pour 2016, qu’il estimait attentatoire tout à la fois au principe de la garantie des droits proclamé à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et à celui de la libre administration des collectivités territoriales protégé par l’article 72 de la constitution. Après avoir conclu à l’applicabilité de la disposition législative incriminée au litige porté devant elle et au caractère à la fois inédit et sérieux de la question ainsi soulevée, la haute juridiction administrative renvoya celle-ci au Conseil constitutionnel132 qui se borna à appliquer, sans y apporter d’évolution ou d’infléchissement notable, sa jurisprudence relative aux lois de validation.
Selon le juge en effet, il résulte des dispositions de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 relatif à la garantie des droits et à la séparation des pouvoirs, que le législateur ne peut valider un acte administratif ou de droit privé que sous la réserve de cinq conditions distinctes (contre trois initialement) avec le respect par toute loi de validation des décisions de justice ayant force de chose jugée ainsi que du principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions, l’absence de méconnaissance de toute règle ou principe de valeur constitutionnelle, la stricte délimitation de la portée de la validation et l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général susceptible de justifier l’atteinte aux droits des parties résultant de ladite validation. C’est d’ailleurs sur la satisfaction de cette dernière exigence, qui a remplacé celle relative à « un intérêt général suffisant » depuis sa décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2013, que le Conseil constitutionnel s’interroge en premier. Si le motif impérieux d’intérêt général peut résider dans la présence d’enjeux financiers dès lors que ceux-ci se révèlent d’un montant (suffisamment) important, ce n’est pas ici la seule considération sur laquelle s’est fondé le juge pour conclure en l’espèce à l’existence d’un tel motif. Conformément à l’article 77 de la loi précitée du 30 décembre 2009, le transfert du produit de la TASCOM de l’État vers les communes et les EPCI, prévu à compter du 1er janvier 2011, devait être accompagné d’un dispositif de compensation dudit transfert applicable selon le Conseil d’État uniquement en 2011, nonobstant la reconduction de celui-ci par voie de circulaire (ici illégale) pour les trois années suivantes. Pour autant, le Conseil constitutionnel estime que, lors de l’adoption initiale de cet article 77, l’intention du législateur était bel et bien d’assurer de manière pérenne la neutralité du transfert du produit de la TASCOM. Dans ces conditions, l’article 133 contesté de la loi de finances rectificative pour 2016 n’avait pour autre objet que de remédier, pour les années 2012 à 2014, au défaut de base légale de la compensation dudit transfert. La validation par cette disposition des arrêtés préfectoraux adoptés au titre des exercices 2012, 2013 et 2014 en vue de constater le prélèvement opéré sur le montant de la compensation des communes ou de la dotation de compensation des EPCI, était commandée par la double nécessité pour le législateur de mettre un terme à l’important contentieux fondé sur la malfaçon législative révélée par la décision précitée du Conseil d’État du 16 juillet 2014 et de prévenir en outre les importantes conséquences financières qui en auraient résulté pour l’État. Elle était dès lors fondée sur un motif impérieux d’intérêt général susceptible de justifier l’atteinte portée aux droits des communes et des EPCI ayant fait l’objet, de 2012 à 2014, du mécanisme de compensation prévu dans le cadre du transfert du produit de la TASCOM. Par ailleurs, relevant que les arrêtés préfectoraux validés par les dispositions législatives litigieuses ne l’ont été qu’en tant que leur légalité serait contestée par le moyen de ce qu’il aurait été fait application, au-delà de 2011, de l’article 77 paragraphe 1.2.4.2 de la loi du 30 décembre 2009 et de l’article L. 2334-7 du CGCT, dans leur rédaction antérieure à la loi de finances pour 2015, le Conseil constitutionnel en conclut que le législateur a suffisamment défini et limité la portée de la validation opérée. Enfin, après avoir admis sans autre développement que la condition portant sur la réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée était réunie (sans doute parce que cette condition était expressément formulée dans le texte même de l’article 133 de la loi de finances rectificative pour 2016), le juge estime de manière tout aussi expéditive que les arrêtés préfectoraux validés, qui avaient pour objet d’appliquer la règle de la compensation financière du transfert de la TASCOM aux communes et aux EPCI, ne méconnaissaient aucun des principes ou des règles de valeur constitutionnelle, au rang desquels figurent la libre administration et l’autonomie financière des collectivités territoriales.
Sur ce dernier point, l’absence de toute précision de la part du juge n’est pas surprenante dans la mesure où celui-ci avait déjà jugé dans sa décision précitée n° 2013-335 QPC que le dispositif de compensation du transfert du produit de la TASCOM, défini à l’article 77 de la loi de finances pour 2010, ne portait aucune atteinte à la libre administration des communes et n’avait pas plus pour effet de réduire les ressources propres de certaines municipalités dans des proportions telles que serait méconnue leur autonomie financière. Ce faisant, le Conseil constitutionnel déclare l’article 133 de la loi du 29 décembre 2016 conforme à la constitution en ce que cette disposition ne méconnaît ni l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, ni aucun droit ou liberté que la constitution garantit.
Patrick Mozol
Décision n° 2017-678 QPC du 8 décembre 2017 : Fonds exceptionnel à destination des collectivités territoriales connaissant une situation particulièrement dégradée
En dépit du principe constitutionnel de compensation financière, certaines collectivités territoriales éprouvent les plus grandes difficultés à faire face aux charges résultant pour elles de l’exercice de compétences transférées de l’État en leur direction. Cette réalité est particulièrement visible dans le domaine de l’aide et de l’action sociales qui, constituant un poste budgétaire de plus en plus lourd pour les départements, rend impérieuse l’intervention de l’autorité centrale pour soutenir ceux dont l’état des finances se révèle des plus préoccupants.
C’est pourquoi, afin de permettre aux départements de supporter en toute(s) circonstance(s) les dépenses liées au versement du revenu de solidarité active (RSA), de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH), la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 avait, en son article 131, institué un fonds exceptionnel à destination des collectivités territoriales connaissant une situation financière particulièrement dégradée. Celui-ci était composé de deux enveloppes destinées, pour l’une, aux départements de la métropole et à la métropole de Lyon et, pour l’autre, aux départements d’outre-mer et à certaines collectivités d’outre-mer (Guyane, Martinique, Mayotte, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon). Le législateur avait par ailleurs renvoyé au pouvoir exécutif le soin de fixer par décret les montants respectifs desdites enveloppes, ici répartis au sein de chacune d’entre elles en trois parts distinctes mais cumulables, sur la base de critères d’éligibilité au fonds et de ventilation des crédits correspondants avec, pour chaque collectivité potentiellement bénéficiaire de l’aide financière, sa population, le nombre de bénéficiaires du RSA, de l’APA et de la PCH sur son territoire, son taux d’épargne brute, le montant et le taux de ses dépenses sociales, ainsi que le reste à charge lié à l’exercice de sa compétence au titre du RSA. Pour la première enveloppe, réservée aux collectivités territoriales disposant d’un potentiel financier par habitant inférieur d’au moins 1,3 fois au potentiel financier moyen par habitant des départements de métropole, étaient éligibles à la première part celles présentant un taux d’épargne brute inférieur à 7,5 % et un taux des droits de mutation en deçà de 4,50 % au 1er janvier 2016 (la quote-part attribuée à chaque collectivité étant déterminée en fonction du rapport entre la population de chaque collectivité éligible et son taux d’épargne brute). De son côté, la deuxième part bénéficiait aux collectivités territoriales justifiant d’un taux d’épargne brute inférieur à 11 % et d’un taux de dépenses sociales supérieur à la moyenne des taux des départements de la métropole, la quote-part étant ici définie en fonction du rapport entre le nombre total des bénéficiaires du RSA, de l’APA et de la PCH et la population de la collectivité. Enfin, pour pouvoir prétendre à la troisième part, la collectivité devait également établir l’existence d’un taux d’épargne brute inférieur à 11 % et présenter, au titre du service du RSA, un reste à charge par habitant supérieur à la moyenne de l’ensemble des départements de la métropole, sachant qu’aucun des départements bénéficiaires ne pouvait percevoir plus de 20 % du montant total de ladite part. En ce qui concerne la seconde enveloppe, ici dédiée aux départements et à certaines collectivités d’outre-mer, les mêmes critères d’éligibilité et d’attribution s’appliquaient, à ceci près qu’une part « prestation supplémentaire », l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), était prise en compte pour le calcul de la deuxième part et que le montant de l’aide susceptible d’être accordée à une seule et même collectivité au titre de la troisième part n’était pas plafonné à 20 % du montant global de celle-ci. Par l’adoption du décret n° 2017-615 du 24 avril 2017, il fut déterminé les montants des deux enveloppes constitutives du fonds et de leurs parts respectives mais le département de la Réunion sollicita l’annulation de ce texte via l’introduction d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État. À l’appui de sa requête, la collectivité requérante souleva la question de la conformité aux droits et aux libertés garantis par la constitution de l’article 131 de la loi de finances rectificative pour 2016 sur le fondement de laquelle avait été adopté le décret litigieux.
Elle arguait tout d’abord de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi au motif que la scission du fonds en deux enveloppes distinctes à destination des collectivités de la métropole pour l’une et de celles d’outre-mer pour l’autre, relevait d’une différence de traitement qui, reposant sur un critère géographique, était arbitraire et sans rapport avec l’objet de la loi, à savoir soutenir les collectivités territoriales connaissant une situation fortement dégradée. Elle soutenait en outre qu’en laissant au pouvoir réglementaire le soin de déterminer discrétionnairement le montant de chaque enveloppe, le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence, dans des conditions de nature à affecter les principes d’égalité devant la loi et les charges publiques. La disposition législative incriminée ayant été jugée applicable au litige porté devant lui et n’ayant pas été jusque-là déclarée conforme à la constitution, le Conseil d’État renvoya la question prioritaire de constitutionnalité, dont il conclut au caractère sérieux, par une décision en date du 22 septembre 2017133. Au regard des griefs formulés par le département de la Réunion, le Conseil constitutionnel ainsi saisi considère que ladite question porte sur les trois derniers alinéas du § I, de l’article 131, de la loi de finances rectificative pour 2016.
Sur le moyen tiré de la prétendue violation du principe d’égalité, le juge rappelle, dans la droite ligne de sa jurisprudence traditionnelle, qu’un tel principe « ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». En l’occurrence, l’institution à hauteur de 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement d’un fonds exceptionnel visait à soutenir les collectivités territoriales connaissant une situation financière particulièrement dégradée, tout particulièrement dans le financement, pour l’année 2016, des dépenses sociales résultant du versement des allocations individuelles de solidarité. À cette fin, la création de deux enveloppes distinctes s’adressant respectivement aux collectivités de la métropole et à celles d’outre-mer témoignait de la volonté ayant animé le législateur de tenir compte de la situation particulière de certaines d’entre elles et des charges spécifiques auxquelles elles devaient faire face en raison de leur contexte économique et social et du poids de leurs dépenses liées aux allocations individuelles de solidarité. Dans ces conditions, la différence de traitement ici opérée entre deux catégories de collectivités territoriales, celles de la métropole et celles d’outre-mer, apparaissait pour le juge pleinement justifiée par un motif d’intérêt général et en rapport avec l’objet susmentionné de la loi. Sur la prétendue méconnaissance par le législateur de sa propre compétence dans des conditions ayant affecté le principe d’égalité devant la loi et devant les charges publiques, la solution retenue par le Conseil constitutionnel s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence constante articulée autour du principe selon lequel une telle méconnaissance ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où elle affecte par elle-même un droit ou une liberté garanti par la constitution. À ce propos, le juge estime que, en dépit de l’article 34 de la constitution qui réserve à la loi la compétence pour déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et leurs ressources, le législateur n’était tenu par une telle disposition ou par toute autre de nature constitutionnelle ni de fixer lui-même le montant des enveloppes composant le fonds exceptionnel institué par la loi contestée, ni de définir le montant global dudit fonds entre ces deux enveloppes. Le critère tiré de l’incompétence négative du législateur est par conséquent écarté sur ce seul fondement par le Conseil constitutionnel sans qu’il soit donc besoin pour celui-ci de s’interroger sur l’éventuelle affectation du principe d’égalité devant la loi et les charges publiques. Concluant ainsi à l’absence d’une quelconque méconnaissance d’un droit ou d’une liberté constitutionnellement garanti, le juge déclare, dans une décision finalement peu surprenante car très classique dans ses motifs et son dispositif, conforme à la constitution le § I, de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.
Patrick Mozol
Décision n° 2017-655 QPC du 15 septembre 2017 : l’affaire des archives publiques, ou l’éclosion d’un droit fondamental
La QPC n° 655 fait partie de ces décisions sur lesquelles le regard sera nécessairement différent selon que l’on considère le litige initial qui l’a engendré, sa cause profonde en quelque sorte, ou bien la solution constitutionnelle du juge et la signification qu’elle-même peut générer quant à l’interprétation de la constitution. Nulle part, isolement de la QPC oblige, le Conseil constitutionnel ne rappelle dans cette décision du 15 septembre 2017 que l’affaire trouve son origine dans une demande de consultation des archives de l’Élysée à l’époque du génocide au Rwanda : le contentieux constitutionnel est parfois petit face à l’Histoire. On peut pourtant en percevoir le reflet dans la structure de la décision, qui met d’abord en exergue « le grief tiré de la méconnaissance de l’article 15 de la Déclaration de 1789 » – le seul qui nous retiendra, tant il est d’importance pour la science constitutionnelle – avant d’écarter beaucoup plus rapidement « les autres griefs », l’atteinte à l’article 11, parce que non constituée, et l’atteinte à l’article 16, la loi ne privant en rien du droit de contester un refus de consultation devant le juge.
C’est semble-t-il la dixième fois que le Conseil constitutionnel se réfère lui-même à l’article 15 de la Déclaration de 1789 (« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration »), cette quatrième QPC succédant à six décisions prises sur le fondement des articles 61 et 54 de la constitution. Il l’avait d’abord combiné et, pour ainsi dire, presque effacé : dans la décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, à propos de la fixation par le pouvoir réglementaire des modalités d’indemnisation des conseillers prud’hommes, il avait seulement évoqué « l’intérêt du bon emploi des deniers publics et d’une bonne administration de la justice, qui découlent des articles 14 et 15 de la Déclaration de 1789 » ; puis « l’intérêt du bon emploi des deniers publics, exigence de valeur constitutionnelle qui découle des articles 14 et 15 de la Déclaration de 1789 », à l’endroit des contrats de la commande publique, dans les décisions n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008 et n° 2009-575 DC du 12 février 2009. Parallèlement, toujours en l’associant à l’article 14, le Conseil inventait un nouveau rattachement à la sincérité financière publique, en jugeant « que les ressources et les charges de l’État doivent être présentées de façon sincère » dans la décision n° 2006-538 DC du 13 juillet 2006, puis dans la décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012 (sur le TSCG). Entre-temps, le Conseil constitutionnel s’était contenté de l’affirmation laconique « qu’en transférant, des chambres régionales des comptes aux autorités administratives de l’État, la compétence pour l’apurement de certains comptes publics, le législateur n’a pas méconnu cette disposition »134, puisqu’il avait bien fallu répondre au moyen invoqué : au moins l’article 15 était-il enfin seul !
En QPC, après un épisode où l’article 15 se vit fiché entre les articles 12 et 16 pour justifier l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice135, la première immixtion de l’article 15 à nouveau pris isolément avait été une fin de non-recevoir. Dans la décision NKM n° 2015-471 QPC du 29 mai 2015, le Conseil constitutionnel avait en effet jugé que « les exigences qui découlent de l’article 15 de la Déclaration de 1789 ne sont pas susceptibles de s’appliquer aux règles d’organisation d’un scrutin », en l’espèce le processus de vote au sein des conseils municipaux : au moins l’article 15 était-il bien, enfin, porteur en soi de « droits et libertés que la constitution garantit » !
La troisième décision QPC, plus accueillante en la forme, n’avait guère été plus probante. Invocable, certes, le texte fut écarté d’un revers de main, à propos des justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière, dans la décision n° 2016-599 QPC du 2 décembre 2016 : pour le Conseil constitutionnel, « compte tenu des contrôles ou des obligations politiques, administratives ou pénales pesant par ailleurs sur les membres du gouvernement et les élus locaux pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, le législateur n’a pas méconnu l’article 15 de la Déclaration de 1789 en les exemptant, sauf dans les cas prévus à l’article L. 312-2 du [Code des juridictions financières], des poursuites devant cette cour pour manquements aux règles des finances publiques ». Dont acte : au moins l’article 15 est-il bien, comme dans l’esprit de ses rédacteurs, applicable aux élus et aux membres de l’exécutif !
Il manquait donc une première concrétisation réelle, qui ne soit plus le simple abondement d’un simple objectif, qui ne soit pas la simple application d’une simple lecture littérale. La voici et elle est, si l’on ose dire, tout aussi évidente, alors même qu’il n’en avait pas été question dans la décision n° 2008-566 DC du 9 juillet 2008 relative aux archives… du Conseil constitutionnel : c’est le principe du « droit d’accès aux documents d’archives publiques ». Il manque encore son jumeau, qu’on espère pour bientôt : ce sera le « devoir de dépôt aux archives publiques ». Si « la société » jouit d’un droit, le « droit de demander », c’est qu’une obligation pèse sur l’agent public, l’obligation de rendre compte. Et l’on attend avec gourmandise que le Conseil constitutionnel donne sa propre définition de ce qu’est une archive « publique », lorsqu’il sera interrogé sur la portée aussi bien matérielle qu’institutionnelle de ce principe.
L’article 15 pourrait également devenir le support du devoir de transparence des élus, voire des candidats. Après tout, rendre compte, c’est d’abord lorsque l’on est encore en vie. Bien sûr, la transparence pourra connaître, exactement comme aujourd’hui le droit d’accès aux archives publiques, des limitations apportées par le législateur en vertu de considérations d’intérêt général ou en application d’exigences constitutionnelles spécifiques. Il suffit de songer au secret de la défense nationale ou au respect de la vie privée.
Et puis le juge n’est-il pas lui-même un agent public ? Le Conseil constitutionnel par exemple est ainsi assurément soumis au principe du droit d’accès aux archives publiques – nul ne songera évidemment qu’il ne le respecterait pas ! – et il le sera certainement à toutes les déclinaisons futures de l’article 15. « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée » !
Pierre Mouzet
Décision n° 2017-680 du 8 décembre 2017, Union syndicale des magistrats : la portée constitutionnelle de l’indépendance du parquet
La QPC n° 680 peut avoir déçu en ce qu’elle conclut (quoiqu’une méchante langue y verrait un a priori) que sont conformes à la constitution les mots « et sous l’autorité du garde des Sceaux, ministre de la Justice » figurant à l’article 5 de l’ordonnance organique n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relatif à la direction et au contrôle des magistrats du parquet. Provoquée par un recours pour excès de pouvoir de l’Union syndicale des magistrats (ici soutenu en intervention par le syndicat de la magistrature et FO Magistrats) à l’encontre du décret n° 2017-634 du 25 avril 2017, la solution, attendue, importe pourtant moins que la motivation retenue.
Il est possible d’appréhender la décision du 8 décembre 2017 de plusieurs manières. La première est son environnement, ce fameux « dialogue des juges » dont il arrive parfois que la portée normative – on devrait dire normatrice – soit niée dans quelque cénacle. Un coup de tonnerre, la censure d’un dispositif originel, eut sans doute plu à Strasbourg : on sait que l’indépendance des parquetiers français est la dernière véritable pierre d’achoppement entre les deux juridictions suprêmes. Mais la solution de la rue de Montpensier n’aura évidemment pas été d’aller à Canossa : la dignité d’une Cour est dans sa constance. Elle consiste en une invitation à la rejoindre sur un terrain d’entente : l’indépendance du parquet est certes différente, elle n’en est pas moins suffisante. En d’autres termes, le Conseil constitutionnel, ici, ne concilie pas tant indépendance du judiciaire et prérogatives du gouvernement qu’il ne prétend concilier sa propre jurisprudence et celle de la Cour européenne des droits de l’Homme, située au demeurant sur un autre plan.
Une deuxième manière est la logique formelle que présente la QPC n° 680. La décision du 8 décembre 2017 adopte un anti-formalisme bienvenu en ne retenant pas seulement le syllogisme pourtant présent dans ses arguments : les magistrats du parquet « appartiennent » à l’autorité judiciaire ; or « l’indépendance » du judiciaire est garantie par la constitution ; donc « l’autorité du garde des Sceaux » ne la méconnaît pas (§ 6). Sa motivation va heureusement au-delà. Certes, le silence du Conseil constitutionnel sur le reproche central des syndicats – les parquetiers devraient bénéficier au titre de leur appartenance « autant que les magistrats du siège » de « la » garantie constitutionnelle de cette indépendance – est éloquent : il n’y répond pas, car écrire que l’indépendance des magistrats du parquet « n’est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège » (§ 9), c’est se placer sur le terrain de la nature, non de l’intensité, et l’on peut voir un sophisme dans cette esquive consistant à n’affirmer ni qu’elles équivalent, bien sûr, ni qu’elles n’équivalent pas. Mais sans doute faut-il se féliciter que le Conseil constitutionnel n’ait pas choisi de se réfugier derrière le pouvoir politique d’appréciation du Parlement (ce qui, il est vrai, eut été savoureux s’agissant d’une ordonnance du gouvernement de Gaulle) et retenu un argumentaire assez fort, qui n’est pas seulement fondé sur la conduite de la politique nationale par le gouvernement.
La QPC n° 680 semble en effet comprendre un discret message à l’intention du législateur, du législateur organique s’entend, voire du législateur constitutionnel. Il y a dans cette décision comme un parfum de « désindividualisation » de l’autorité ministérielle. D’abord, en privilégiant un article 20 placé à la hauteur de l’article 64, le Conseil constitutionnel mentionne autant l’institution collective, le gouvernement, que le ministre de la Justice et l’exposé des « normes de référence » ne vise guère le rôle du président de la République, d’ailleurs bien moindre qu’en 1958 ou même en 1993, le Conseil ne citant que des alinéas de l’article 65 où il ne figure pas, tandis que la fin de l’article 64 importe manifestement plus que son début. Ensuite, et c’est là l’essentiel, on peut lire dans cette jurisprudence une discrète constitutionnalisation de la prohibition des instructions individuelles, à la manière dont le Conseil a par exemple constitutionnalisé la progressivité de l’impôt sur le revenu en cristallisant ce qui n’était qu’un choix du législateur ordinaire. Car le fait – et la règle – que le ministre ne puisse adresser aux parquets « aucune instruction dans les affaires individuelles » participe évidemment de cette « conciliation équilibrée », si bien qu’abroger l’article 30, troisième alinéa, du Code de procédure pénale serait la rompre et, partant, méconnaître le principe d’indépendance comme, sans doute, la séparation des pouvoirs… Le Conseil constitutionnel aurait pu d’ailleurs aller plus loin encore, en signalant lui-même que les avis du Conseil supérieur de la magistrature en matière de sanction et, surtout, en matière de nomination des parquetiers sont désormais suivis, depuis 2011 et 2010 ; mais il est vrai que constitutionnaliser une convention, fragile et récente, eut été osé !
La construction même de l’argumentation du Conseil en quatre paragraphes, les deux idées fondamentales encadrant d’une ligne leurs déclinaisons respectives, est révélatrice : d’un côté, « l’autorité du garde des Sceaux » (§ 10), certes, qui se manifeste par ses pouvoirs de nommer et de sanctionner les magistrats du parquet et de leur adresser « des instructions générales de politique pénale » (§ 11) ; de l’autre, l’impartialité et surtout la liberté du ministère public, dont celle de l’opportunité des poursuites (§ 12). L’idée est trois fois répétée dans la décision : « devant toute juridiction, la parole des magistrats du parquet à l’audience est libre » (§ 13). Pour témoigner de l’indépendance du parquet, en effet, le Conseil constitutionnel cite aussi la seconde phrase de l’article 33 du Code de procédure pénale (selon laquelle le ministère public « développe librement les observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice »), d’ailleurs sans reprendre la première (« Il est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données (…) »), après avoir brandi d’emblée, dès le § 6 (c’est-à-dire les normes de référence), le « principe » formellement consacré par la décision n° 2016-555 QPC du 22 juillet 2016 (mais pour les seules juridictions pénales) qui veut que « le ministère public exerce librement, en recherchant la protection des intérêts de la société, son action devant les juridictions ». Sans doute reçoit-il ces fameuses « instructions générales » : mais c’est la nécessité, incontestable, « d’assurer sur tout le territoire de la République l’égalité des citoyens devant la loi » qui est mise en avant…
On aura enfin remarqué, revenons à l’Europe, que le Conseil constitutionnel n’utilise plus la riche formule « conception française de la séparation des pouvoirs » forgée jadis par le doyen Vedel pour la décision Conseil de la concurrence du 23 janvier 1987136, qu’il répéta six autres fois mais qui, paradoxalement, ne servit jamais expressément à justifier la situation du parquet. Il est vrai que l’expression, si elle apparut encore en 2011, ne figure dans aucune décision QPC. C’est donc aussi par comparaison avec la décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 – qui jugea déjà que, si l’article 5 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 place les magistrats du parquet sous l’autorité du ministre de la Justice, « l’article 30 nouveau du Code de procédure pénale, qui définit et limite les conditions dans lesquelles s’exerce cette autorité, ne méconnaît ni la conception française de la séparation des pouvoirs, ni le principe selon lequel l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet, ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle », ce qui valait assurément validation implicite de l’article 5 de l’ordonnance lui-même – que la motivation du 8 décembre 2017 est passionnante. Tout ramasser dans un simple « la séparation des pouvoirs » signifie à la fois beaucoup et fort peu. Faire comme si la « conciliation équilibrée » impliquait l’absence de méconnaissance de la séparation des pouvoirs, c’est tout à la fois répondre et ne pas répondre à la question.
Pierre Mouzet
Notes de bas de pages
-
1.
V. Cons. const., 15 sept. 2017, n° 2017-653 QPC ; Cons. const., 13 oct. 2017, n° 2017-662 QPC ; Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-664 QPC ; Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-665 QPC.
-
2.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-644 QPC.
-
3.
Cons. const., 15 déc. 2017, n° 2017-682 QPC.
-
4.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-645 QPC.
-
5.
Cons. const., 15 sept. 2017, n° 2017-653 QPC ; Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-664 QPC ; Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-665 QPC.
-
6.
Cons. const., 8 déc. 2017, n° 2017-680 QPC.
-
7.
La censure de la taxe de 3 % sur les dividendes : Cons. const., 6 oct. 2017, n° 2017-660 QPC.
-
8.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-646 QPC ; Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-647 QPC ; Cons. const., 15 sept. 2017, n° 2017-653 QPC ; Cons. const., 3 oct. 2017, n° 2017-657 QPC ; Cons. const., 27 oct. 2017, n° 2017-670 QPC ; et les deux QPC électorales : Cons. const., 16 nov. 2017, n° 2017-4999/5007/5078 AN/QPC et Cons. const., 16 nov. 2017, n° 2017-5256 AN/QPC.
-
9.
Cons. const., 7 juill. 2017, n° 2017-642 QPC ; Cons. const., 7 juill. 2017, n° 2017-643 QPC ; Cons. const., 7 juill. 2017, n° 2017-650 QPC ; Cons. const., 15 déc. 2017, n° 2017-682 QPC.
-
10.
Cons. const., 15 déc. 2017, n° 2017-682 QPC.
-
11.
Cons. const., 10 fév. 2017, n° 2017-611 QPC.
-
12.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-644 QPC.
-
13.
Cons. const., 27 oct. 2017, n° 2017-668 QPC.
-
14.
Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-674 QPC.
-
15.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-644 QPC : une communauté de communes ; Cons. const., 8 déc. 2017, n° 2017-678 QPC : un département.
-
16.
Une requête, Cons. const., 4 août 2017, n° 2017-648 QPC, et une intervention.
-
17.
Une requête, Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-677 QPC, et trois interventions.
-
18.
Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-664 QPC ; Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-665 QPC.
-
19.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-646 QPC ; Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-647 QPC.
-
20.
Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-666 QPC.
-
21.
Cons. const., 15 sept. 2017, n° 2017-653 QPC ; Cons. const., 15 sept. 2017, n° 2017-655 QPC.
-
22.
Cons. const., 28 sept. 2017, n° 2017-654 QPC.
-
23.
Cons. const., 29 sept. 2017, n° 2017-656 QPC.
-
24.
V. Cons. const., 8 déc. 2017, n° 2017-680 QPC.
-
25.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-646 QPC ; Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-647 QPC.
-
26.
Cons. const., 15 sept. 2017, n° 2017-653 QPC.
-
27.
Cons. const., 27 oct. 2017, n° 2017-670 QPC.
-
28.
Cons. const., 7 juill. 2017, n° 2017-642 QPC ; Cons. const., 7 juill. 2017, n° 2017-643 QPC ; Cons. const., 7 juill. 2017, n° 2017-650 QPC.
-
29.
L’affaire Brunet c./ France du 18 septembre 2014
-
30.
Cf. Cons. const., 13 déc. 2013, n° 2013-359 QPC.
-
31.
Cons. const., 16 nov. 2017, n° 2017-4999/5007/5078 AN/QPC, Mme Muller-Quoy et a.
-
32.
Cons. const., 16 nov. 2017, n° 2017-5256 AN/QPC, AN Vaucluse [4e circ.].
-
33.
Ainsi, Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-5267 SEN/QPC.
-
34.
Cons. const., 6 oct. 2010, n° 2010-39 QPC.
-
35.
Cons. const., 27 oct. 2017, n° 2017-668 QPC.
-
36.
Cons. const., 28 sept. 2017, n° 2017-654 QPC ; Cons. const., 6 oct. 2017, n° 2017-660 QPC.
-
37.
Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-666 QPC.
-
38.
CE, 4e-5e ch. réunies, 19 juill. 2017, n° 411070.
-
39.
4 sur 15 pour la Cour de cassation, 9 sur 25 pour le Conseil d’État ; et 6 des 7 décisions QPC concluant à une réserve proviennent du Palais Royal.
-
40.
Cons. const., 27 oct. 2017, n° 2017-667 QPC.
-
41.
Cons. const., 15 déc. 2017, n° 2017-682 QPC.
-
42.
Cons. const., 24 nov. 2017, n° 2017-675 QPC.
-
43.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-646 QPC ; Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-647 QPC.
-
44.
Cons. const., 4 août 2017, n° 2017-648 QPC.
-
45.
Cons. const., 27 oct. 2017, n° 2017-670 QPC.
-
46.
Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-674 QPC.
-
47.
Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-677 QPC.
-
48.
Cons. const., 6 oct. 2017, n° 2017-660 QPC.
-
49.
Cons. const., 3 oct. 2017, n° 2017-657 QPC ; Cons. const., 19 oct. 2017, n° 2017-663 QPC ; Cons. const., 27 oct. 2017, n° 2017-669 QPC.
-
50.
Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-664 QPC.
-
51.
Cons. const., 4 août 2017, n° 2017-652 QPC ; Cons. const., 15 sept. 2017, n° 2017-653 QPC ; Cons. const., 28 sept. 2017, n° 2017-654 QPC ; Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-665 QPC.
-
52.
Cons. const., 13 oct. 2017, n° 2017-661 QPC.
-
53.
Cons. const., 27 oct. 2017, n° 2017-668 QPC ; Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-676 QPC ; Cons. const., 15 déc. 2017, n° 2017-681 QPC.
-
54.
Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-674 QPC.
-
55.
Cons. const., 8 déc. 2017, n° 2017-678 QPC.
-
56.
Cons. const., 28 sept. 2017, n° 2017-654 QPC ; Cons. const., 3 oct. 2017, n° 2017-658 QPC ; Cons. const., 27 oct. 2017, n° 2017-668 QPC ; Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-676 QPC ; Cons. const., 15 déc. 2017, n° 2017-681 QPC.
-
57.
Cons. const., 4 août 2017, n° 2017-649 QPC ; Cons. const., 28 sept. 2017, n° 2017-654 QPC ; Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-676 QPC.
-
58.
Cons. const., 4 août 2017, n° 2017-649 QPC.
-
59.
Cons. const., 3 oct. 2017, n° 2017-657 QPC.
-
60.
Cons. const., 8 déc. 2017, n° 2017-678 QPC.
-
61.
Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-664 QPC ; Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-665 QPC.
-
62.
Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-674 QPC.
-
63.
Cons. const., 10 nov. 2017, n° 2017-672 QPC.
-
64.
Cons. const., 4 août 2017, n° 2017-652 QPC ; Cons. const., 13 oct. 2017, n° 2017-661 QPC.
-
65.
Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-674 QPC.
-
66.
Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-665 QPC.
-
67.
Cons. const., 7 juill. 2017, n° 2017-642 QPC ; Cons. const., 7 juill. 2017, n° 2017-643 QPC ; Cons. const., 7 juill. 2017, n° 2017-650 QPC ; Cons. const., 6 oct. 2017, n° 2017-659 QPC ; Cons. const., 15 déc. 2017, n° 2017-679 QPC.
-
68.
Cons. const., 10 nov. 2017, n° 2017-671 QPC.
-
69.
Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-674 QPC, Kamel Daoudi.
-
70.
Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-665 QPC.
-
71.
Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-674 QPC, § 15.
-
72.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-644 QPC.
-
73.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-646 QPC ; Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-647 QPC ; Cons. const., 27 oct. 2017, n° 2017-670 QPC.
-
74.
Cons. const., 4 août 2017, n° 2017-648 QPC, sur la réquisition des données de connexion.
-
75.
Cons. const., 27 oct. 2017, n° 2017-670 QPC, pour le fichier d’antécédents judiciaires.
-
76.
Cons. const., 24 nov. 2017, n° 2017-675 QPC, pour les sanctions de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires ; Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-674 QPC ; Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-677 QPC, sur l’assignation à résidence et sur les contrôles en zone d’état d’urgence.
-
77.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-646 QPC ; Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-647 QPC, sur les enquêtes de l’AMF.
-
78.
Ainsi qu’au rôle des syndicats dans la QPC n° 664.
-
79.
Déjà censurée dans les décisions n° 684 DC de décembre 2013 et n° 362 QPC de février 2014, outre l’affaire voisine de la QPC n° 620, du 30 mars 2017.
-
80.
Cons. const., 16 nov. 2017, n° 2017-4999/5007/5078 AN/QPC.
-
81.
Cons. const., 16 nov. 2017, n° 2017-5256 AN/QPC.
-
82.
Cons. const., 16 nov. 2017, n° 2017-4999/5007/5078 AN.
-
83.
Les nôtres et la décision Bidalou n° 2017-166 PDR, du 23 mars 2017, deux décisions relatives au Sénat de janvier 2015 et janvier 2012, ainsi qu’une décision relative à l’Assemblée nationale de février 2013 et deux d’octobre 2012.
-
84.
Cons. const., 2 févr. 2004, n° 2004-490 DC ; Cons. const., 6 déc. 2004, n° 2007-559 DC.
-
85.
Cons. const., 15 déc. 2017, n° 2017-682 QPC.
-
86.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-646 QPC ; Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-647 QPC : deux arrêts.
-
87.
Cons. const., 15 déc. 2017, n° 2017-679 QPC.
-
88.
Cf. Geffray E., « Droits fondamentaux et innovation, quelle régulation à l’ère numérique ? », N3C n°52, juin 2016 p. 7.
-
89.
Cons. const., 10 juin 2009, n° 2009-580 DC.
-
90.
Cf. commentaire officiel de la décision, p. 14.
-
91.
CJUE, 8 avr. 2014, n° C-293/12, Digital Rights Ireland and Seitlinger e.a.
-
92.
Par exemple, Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC.
-
93.
« L’effet dans le temps des décisions rendues en matière de QPC – Les enseignements de l’affaire Foot Locker », JCP G 2018, doctr. 89.
-
94.
CPP, art. 230-6 et s.
-
95.
CPP, art. R. 40-26.
-
96.
CPP, art. R. 40-27.
-
97.
Cass. crim., 26 juill. 2017, n° 16-87749, D.
-
98.
AJ pénal 2017, p. 546, obs. Oudoul A. ; Procédures 2017, comm. 321, obs. Buisson J. ; JCP G 2018, 110, note Jacquinot N.
-
99.
§ 7 ; pour mémoire : Cons. const., 22 mars 2012, n° 2012-652 DC, loi relative à la protection de l’identité, cons. 8.
-
100.
Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
-
101.
Note préc.
-
102.
CEDH, sect. V, 22 juin 2017, n° 8806/12, Aycaguer c/ France, § 44.
-
103.
CPP, art. 712-1.
-
104.
Cass. crim., 9 août 2017, n° 17-90014, D.
-
105.
D. 2017, p. 2523, note Tzutzuiano C. ; AJ pénal 2017, p. 538, note Herzog-Evans M. ; Procédures 2018, comm. 25, obs. Buisson J.
-
106.
§ 6 ; pour mémoire : Cons. const., 1er juill. 2016, n° 2016-548 QPC, Société Famille Michaud Apiculteurs SA et autre [Saisine d’office du président du tribunal de commerce pour ordonner le dépôt des comptes annuels sous astreinte], § 3.
-
107.
§ 8 ; contra, Herzog-Evans M., note préc.
-
108.
Tzutzuiano C., not préc.
-
109.
Cons. const., 21 juill. 2017, n° 2017-644 QPC ; Cons. const., 8 déc. 2017, n° 2017-678 QPC.
-
110.
Cons. const., 15 sept. 2017, n° 2017-653 QPC ; Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-664 QPC ; Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-665 QPC.
-
111.
Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-674 QPC.
-
112.
Cons. const., 4 août 2017, n° 2017-648 QPC ; Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-677 QPC.
-
113.
Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-666 QPC.
-
114.
Cons. const., 24 nov. 2017, n° 2017-675 QPC.
-
115.
Cons. const., 15 sept. 2017, n° 2017-655 QPC.
-
116.
Cons. const., 8 déc. 2017, n° 2017-680 QPC.
-
117.
Prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.
-
118.
Cons. const., 23 juill. 2015, n° 2015-713 DC.
-
119.
Chapitre I, titre II, livre VIII.
-
120.
DDHC, art. 2.
-
121.
Cons. const., 24 juill. 2015, n° 2015-478 QPC, Association French Data Network et a. [Accès administratif aux données de connexion], cons. 17.
-
122.
L. n° 2011-672, 16 juin 2011, relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
-
123.
Mesures susceptibles d’être prononcées à l’égard de personnes constituant une menace grave pour l’ordre public : CESEDA, art. L 521-1 ; CPP, art. 131-30.
-
124.
En vertu de CPP, art. 78-2, al 8.
-
125.
Source : http://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-des-lois/controle-parlementaire-de-l-etat-d-urgence/controle-parlementaire-de-l-etat-d-urgence/donnees-chiffrees/du-22-juillet-au-21-decembre-2016/synthese-des-mesures-administratives-prises-en-application-de-la-loi-du-3-avril-1955
-
126.
Cons. const., 5 août 1993, n° 93-323 DC, loi relative aux contrôles et vérifications d’identité, ou encore Cons. const., 24 janv. 2017, n° 2016-606 QPC et Cons. const., 24 janv. 2017, n° 2016-607 QPC, M. Ahmed M. et a., Contrôles d’identité sur réquisitions du procureur de la République.
-
127.
DDHC, art. 2 ; DDHC, art. 4.
-
128.
L. n° 98-1266, 30 déc. 1998, art. 44, loi de finances pour 1999.
-
129.
CGCT, art. L. 5211-28-1.
-
130.
CE, 16 juill. 2014, n° 369736.
-
131.
CAA Lyon, 27 sept. 2016, n° 15LY04084.
-
132.
CE, 12 mai 2017, n° 405355.
-
133.
CE, 22 sept. 2017, n° 411858.
-
134.
Cons. const., 8 déc. 2011, n° 2011-641 DC.
-
135.
Cons. const., 20 avr. 2012, n° 2012-235 QPC.
-
136.
Cons. const., 23 janv. 1987, n° 86-224 DC.