Découvrons le Titien

Publié le 05/07/2021

Georges Lafenestre (1837-1919) était autant poète qu’historien et critique d’art. Conservateur au musée du Louvre, il fut élu à l’Académie des Beaux-Arts, le 6 février 1892, au fauteuil de Jean Alphand. Lié avec José-Maria de Heredia, il fréquenta Essarts, Sully Prudhomme, Henri de Régnier, Barrès, Colette, Henry Gauthier-Villars, et Pierre Louÿs. Il a laissé une trentaine d’ouvrages, des recueils de poèmes et des essais critques, notamment Artistes et amateurs, publié en 1899 par la Société d’Édition Artistique. Dans cet ouvrage, Georges Lafenestre décrit le Titien et les princes de son temps.

La Vénus du Titien.

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« L’étude des relations des artistes avec les amateurs sera toujours l’un des chapitres les plus instructifs et les plus amusants de l’histoire de l’art. Non seulement on y suit, de près, cette influence fatale du goût des protecteurs sur l’inspiration des producteurs, mais on y voit à plein se développer le caractère personnel des uns et des autres dans une situation délicate où leurs intérêts sont engagés en même temps que leurs amours-propres. Il est fâcheux que, trop souvent, on ait apporté, dans cette étude des préjugés de caste ou des besoins de théories qui faussaient la vision des réalités. […] Tous les protecteurs des artistes n’ont pas été des mécènes désintéressés et infaillibles, comme la littérature officielle des siècles derniers faisait profession de l’enseigner ; tous n’ont pas été des despotes imbéciles et capricieux comme la légende romantique s’amusait à le croire. Tous les grands artistes n’ont pas été, non plus, ainsi qu’on aime trop à se l’imaginer, des êtres exceptionnels, tantôt absolument parfaits, tantôt absolument pervers. Depuis qu’on regarde le passé avec plus de sang-froid, on s’aperçoit que les artistes, comme les autres hommes, ne sont ni anges, ni démons […]. Leur caractère, comme celui de leurs protecteurs, n’est qu’un mélange infiniment variable de qualités et de défauts; cette variété même qui est la source de leurs talents est aussi, presque toujours, la cause de leur propre destinée. Aucune époque n’est plus favorable à des constatations de ce genre que le XVIe siècle en Italie, car nulle part, dans aucun temps, la passion pour les arts ne fut à la fois si générale et si profonde, nulle part elle ne s’est manifestée avec plus d’ardeur dans un milieu social plus coloré et plus sensible. Grâce aux récentes découvertes de l’érudition, l’un des maîtres de la Renaissance qu’on peut aujourd’hui le mieux étudier dans sa vie et dans ses rapports avec ses contemporains est l’illustre chef de l’école vénitienne, Tiziano Vecellio, celui que nous appelons familièrement, le Titien. La quantité de documents extraits des archives de Venise, de Mantoue, de Parme, de Modène, de Simancas, nous permet désormais de suivre avec autant de clarté sa carrière que celles de Raphaël et de Michel-Ange ». (À suivre)