Les portraits de Paul Cézanne

Publié le 20/09/2017

Musée d’Orsay

Les nombreuses expositions de cet artiste, présentées depuis des décennies en France et dans le monde, proposent principalement des paysages qui ont fait sa renommée mais aucune d’elles n’a été consacrée au portrait, cependant il en a exécuté près de 200. Pour la première fois le musée d’Orsay réunit 60 tableaux et parmi eux 26, autoportraits.

De son enfance avec un père dominateur qui souhaitait lui faire étudier le droit (ce qu’il a fait durant 2 ans) il a conservé agressivité et violence ; on les retrouve dans ses premiers portraits à la matière épaisse, maçonnée, posée au couteau.

Dans les années 1870, Cézanne prend sa famille pour modèles, en particulier son oncle Dominique. Quelques années plus tard ce sera sa femme Hortense, admirablement patiente. Il peint son oncle en noir et blanc heurtés, s’attache à la vérité du visage qui parfois semble de pierre tant apparaît la dureté de cette peinture aux touches vigoureuses.

« L’aboutissement de l’art, c’est la figure », confie-t-il au célèbre marchand Ambroise Vollard. Au cours de cette période ce ne sont pas moins de 10 autoportraits : Cézanne se scrute.

Durant ces mêmes années, il réalise le portrait de son ami Achille Emperaire, il le présente chétif, ce qu’il était, dans sa robe de chambre, assis dans un grand fauteuil qui semble l’écraser, le regard baissé, pathétique. De grands aplats, une palette réduite pour l’une de ses plus belles compositions de cette période « couillarde » comme il disait.

Cézanne mène une vie plutôt solitaire malgré sa relation avec Hortense Fiquet, la mère de son fils Paul et qu’il n’épousera que 15 ans plus tard. Souvent amer, il souffre d’un manque de reconnaissance.

Dans son premier autoportrait le regard est fixe, tendu, il est alors en crise face à son père. Au cours des années 1870, il peint de nouveaux autoportraits, ainsi mesure-t-il sans doute l’évolution de son travail. L’un d’eux impressionne, réalisé dans l’atelier d’Armand Guillaumin sur fond de paysage exécuté par son ami, avec ses cheveux épars, son regard un peu farouche ; plus tard, il affinera encore son écriture et entre 1882 et 1895, la couleur va jouer un rôle essentiel.

« Je peins comme je vois, comme je sens et j’ai des sensations très fortes », cette phrase résume bien le travail de l’artiste, sincère, sans compromis. Quant à Hortense, c’est une femme résignée qui se prête aux multiples séances de pose cependant fatigantes. Cézanne a réalisé d’elle 27 portraits. Quatre versions de Madame Cézanne en robe rouge réunies pour la première fois la présentent avec un regard un peu vague, comme embarrassée par ses mains qu’elle met toujours à plat sur sa robe ; le peintre affirme une intéressante évolution dans sa technique. Dans chacune des versions, Hortense apparaît hiératique, un peu indifférente, parfois une rose à la main. C’est encore Hortense en bleu à la cafetière toujours assise, à l’imposante présence, presque monumentale.

Il semble que l’artiste ait été proche de son fils, en 1883 alors qu’il a 10 ans, il le représente de trois quarts en gros plan, le visage délicatement modelé. Émouvante, l’une de ses dernières œuvres, le Portrait de Vallier (1906), son jardinier vieillissant.

Paul Cézanne a toujours suivi son instinct et a laissé une œuvre forte, de recherche et les portraits sont une partie importante de sa création.

LPA 20 Sep. 2017, n° 129v4, p.23

Référence : LPA 20 Sep. 2017, n° 129v4, p.23

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