Nous pour un moment

Publié le 03/12/2019

Nous pour un moment

Élisabeth Carecchio

Arne Lygre est un auteur norvégien prolifique, dont les premières pièces ont été créées dans son pays à partir de 1998, puis souvent jouées sur les scènes européennes. Claude Regy le fit connaître en France en mettant en scène L’homme sans but en 2007 à l’Odéon. Ses romans ne sont pas encore traduits en français.

Stéphane Braunschweig a succombé au charme de cette écriture singulière en montant trois pièces – parfois en première mondiale – comme Je disparais et Rien de moi au théâtre la Colline, en 2014.

Nous pour un moment a été créé à Oslo en 2016, avec un titre que l’on peut préférer : Laissez-nous être, et par la suite publié en France dans une traduction à laquelle le metteur en scène a participé.

Beaucoup de contrastes et de singularités pour représenter l’éternelle difficulté de vivre et vivre avec autrui. Contraste entre la rigueur de la construction en six scènes bien distinctes mais qui perdent peu à peu leur identité pour un enchaînement de plus en plus rapide ; contraste entre une écriture épurée, le langage simple du quotidien et des sentiments on ne peut plus tourmentés.

Singularité dans les personnages qui possèdent une étiquette : l’ami, la connaissance, une personne, un inconnu changent d’identités et de sexe, la femme une fois morte devient son mari, la jeune suicidaire devient l’ambulancier qui la secourt, la femme âgée devient son jeune agresseur…

Contraste entre des situations dramatiques, des sentiments violents d’amour, haine et trahison et un langage précis, ascétique, presque léger.

L’esthétique épurée de la mise en scène de Stéphane Braunschweig est le cadre qui convient à cette cérémonie, à la fois barbare et maîtrisée.

Il a choisi comme décor un vaste bassin empli d’eau qui, le plus souvent, se referme grâce à un mur pour rendre plus intime l’espace.

L’éclairage est lumineux, les eaux où naviguent les comédiens sont claires, les seuls éléments du décor sont des chaises de jardin.

Un art consommé de la mise en scène.

Les comédiens se sortent fort bien d’un exercice qui demande une application toute particulière, celle qui est aussi demandée aux spectateurs qui ne sont pas venus pour se distraire mais pour se mesurer à la création contemporaine.

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