Une soirée à l’Opéra

Publié le 28/12/2017

Bernd Uhlig / Opéra national de Paris

Il est des expériences à vivre au moins une fois dans sa vie. Celle de passer une soirée à l’opéra est de celle-là…

L’image de l’opéra avec ses sopranos, ses ténors, ses cantatrices, ses musiciens, ses somptueux décors, ses chefs d’orchestres mondialement connu et son répertoire, du plus connu au plus select, concourt à créer l’illusion d’un événement mondain ou au moins à destination d’un public averti.

Or rien n’est plus faux et l’opéra souhaite profondément s’ouvrir au plus grand nombre et offrir aux amateurs la découverte de cet univers, si intimidant parfois, mais qui, une fois monté les marches de l’institution, se laisse apprivoiser avec enchantement.

Enfin, en théorie !

Car la soirée du 1er décembre 2017 restera dans les annales pour avoir permis de découvrir à des collégiens franciliens, à des profanes et même des amateurs du bel canto, que tout est histoire d’interprétation, que l’on peut rejouer la bataille d’Hernani autant d’années plus tard et que la guerre entre les modernes et les classiques est toujours d’actualité.

Nous avions choisi un opéra classique, La Bohème, car quelque part, dans notre imaginaire, il nous restait quelque chose de l’interprétation de Mimi par Barbara Hendricks dans ce film de 1988, réalisé par Luigi Comencini. Heureusement le souvenir était vague et nous venions pour entendre les meilleurs musiciens dirigés par le talentueux chef d’orchestre vénézuélien, Gustavo Dudamel…

Car quelle ne fut pas la surprise du public quand au levé de rideaux, le décor ne nous replaçait pas dans le Paris des années 1830… mais bien ailleurs, très loin ailleurs, dans l’espace… à bord d’un vaisseau en perdition !

D’aucuns évoqueront 2001, l’odyssée de l’espace, ou encore Solaris, pour nous c’était plutôt Gravity, avec Sandra Bullock et George Clooney, perdus, seuls, dans l’espace…

En effet, il faut quelques (longs) instants au public pour s’adapter à cette volonté du metteur en scène, Claus Guth, de nous projeter dans cet espace confiné, loin de tous nos repères dramaturgiques…

Mais l’adaptation se fait, c’est original — trop original pour certains —, il y a par ailleurs quelques libertés prises avec le livret mais on se laisse transporter par l’interprétation, notamment celle de Sonya Yoncheva, dans le rôle de Mimi, et d’Atalla Ayan en Rodolfo. Toutefois, celle que nous avons particulièrement aimé est Aida Garifullina qui joue Musetta dans une joyeuse exubérance. La célèbre scène de Musetta, « Quando men vo soletta per la via » (quand je me promène seule dans la rue) associe ici avec bonheur humour, poésie et charme.

Il faut signaler que cette adaptation qui se base sur les derniers chapitres des Scènes de la vie de bohème d’Henri Murger apporte un regard novateur et inspirant, pourquoi pas.

Le public ne manquera toutefois pas de faire part au metteur en scène de son agacement lors de la reprise après l’entracte, vociférant et criant à la trahison, et lors du tombé de rideaux tous les interprètes, le chœur de l’opéra de Paris, le chef d’orchestre seront acclamés à l’exception du metteur en scène qui courageusement reviendra plusieurs fois sous les huées du public !

Mais quoi de plus génial finalement que de constater qu’un opéra de 1896 peut encore faire vibrer un public averti ou profane…

Vivement la prochaine soirée à l’Opéra…

LPA 28 Déc. 2017, n° 132m6, p.24

Référence : LPA 28 Déc. 2017, n° 132m6, p.24

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