La chose religieuse

La désaffectation des édifices cultuels

Publié le 31/03/2017

Les juristes doivent maîtriser avant tout acte d’aliénation d’un édifice cultuel son statut juridique et les procédures spécifiques le concernant compte tenu des règles contraignantes issues de la loi de 1905.

« Églises françaises à vendre », titrait le journal Aujourd’hui en France, le 12 mars dernier…

Les églises désaffectées cherchent une nouvelle vocation.

Il existe également une évolution des mentalités : 71 % des catholiques seraient prêts à voir des églises devenir des bâtiments civils. Ce mouvement est largement engagé compte tenu du manque de moyens budgétaires pour entretenir environ 50 000 édifices religieux.

La loi de 1905 différencie le statut de la propriété des édifices de culte construits avant 1905 :

  • soit la propriété a été transférée à des associations cultuelles ;

  • soit la propriété a été transférée aux communes.

Quel que soit le propriétaire (commune ou association cultuelle), la loi de 1905 a érigé une affectation cultuelle exclusive et perpétuelle aux besoins du culte.

Pour les communes, on remarque la présence d’un statut public avec une domanialité publique s’appliquant à l’église, à la sacristie, au mobilier, mais pas aux presbytères qui sont considérés comme relevant de la domanialité privée.

Cette domanialité publique est grevée d’une affectation cultuelle de sorte que la collectivité publique propriétaire ne peut en faire un usage autre que celui réservé à la pratique de la religion.

Cependant, nonobstant cette affectation cultuelle perpétuelle, le législateur, dès 1905, a fait preuve de pragmatisme et a envisagé des procédures de désaffectation prévues à l’article 13 de la loi.

Quelles sont ces procédures et quels en sont les effets ?

I – Procédure de désaffectation : les principes

A – Quand le bâtiment appartient à une collectivité publique

Une procédure de déconcentration a été mise en place par un décret du 17 mars 1970 complétant les principes de l’article 13 de la loi de 1905.

La désaffectation peut être prononcée par un arrêté préfectoral sous réserve du consentement écrit de la personne physique ou morale ayant qualité pour représenter le culte affectataire.

La demande adressée au préfet suppose en conséquence :

  • une délibération de la commune ;

  • le consentement écrit de l’affectataire ;

  • l’avis du directeur régional des affaires culturelles.

Le droit canonique peut trouver à s’appliquer par l’intermédiaire du consentement de l’affectataire : est ainsi respectée la procédure d’exécration qui permet de faire perdre le caractère sacré du lieu. La commune peut, à cette occasion, s’engager à ne pas faire une nouvelle affectation inconvenante.

B – Quand le bâtiment appartient à une association cultuelle

L’article 13 suppose également que soient réunies l’une des cinq situations ci-après :

  • l’association bénéficiaire est dissoute ;

  • le culte n’est pas célébré pendant plus de 6 mois consécutifs ;

  • la conservation de l’édifice est compromise par une insuffisance d’entretien ;

  • l’association cesse de remplir son objet ;

  • l’association ne respecte pas les obligations prescrites à l’article 6 de la loi (obligation de financement) relatives aux monuments historiques.

Un décret en Conseil d’État est nécessaire, et si possible une dévolution de l’édifice doit être faite à des associations poursuivant un but similaire à l’association cultuelle originairement propriétaire.

II – Effets juridiques de la procédure

A – La désaffectation

Quand la propriété est publique : le déclassement de l’édifice permet de le faire sortir du domaine public et de l’intégrer au domaine privé communal. Mais par-delà la désaffectation, une décision expresse de déclassement est nécessaire, sinon le bien reste domaine public et une nouvelle affectation de service public ou d’intérêt général est faite, mais autre que cultuel.

Quand l’édifice appartient à une association cultuelle : l’association propriétaire, s’il n’y a pas dévolution à une association similaire, peut disposer librement de l’immeuble.

En général il y a vente, car l’objet de l’association a disparu et la loi sur les associations ne permet pas à l’association de conserver un immeuble qui n’est pas strictement nécessaire à son objet.

B – La gestion de la reconversion

Pour les communes, en définitive, deux issues :

  • le déclassement par passage en domaine privé permettant une location, voire une vente du bien ;

  • le maintien dans le patrimoine public communal avec un usage autre que cultuel.

Les reconversions sont diversifiées.

Selon l’observatoire du patrimoine religieux, depuis 2008, plus de 60 églises désaffectées ont été transformées en habitation, hôtels, ateliers d’art ou salle d’exposition.

Le plus inquiétant reste les démolitions. « Mieux vaut désaffecter et reconvertir que détruire ».

On notera également que des désaffectations peuvent être évitées en trouvant d’éventuels transferts de propriétés entre collectivités, notamment d’une commune à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Une circulaire du 29 juillet 2011 du ministère de l’Intérieur a validé cette possibilité.

LPA 31 Mar. 2017, n° 121h9, p.40

Référence : LPA 31 Mar. 2017, n° 121h9, p.40

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