Covid-19 et aides d’État : les principales dispositions de la communication de la Commission européenne du 19 mars 2020
Dans une communication du 19 mars dernier, la Commission européenne décrit les possibilités offertes par les règles de l’Union aux États membres pour garantir la liquidité et l’accès au financement des entreprises, en particulier des PME confrontées en ce moment à une soudaine pénurie, afin de leur permettre de surmonter la situation actuelle.
À noter. La présente communication est appliquée à partir du 19 mars 2020, compte tenu des répercussions économiques de la flambée de Covid-19, qui exigeaient une action immédiate jusqu’au 31 décembre 2020.
Dans une précédente communication du 13 mars, la commission européenne a déclaré qu’elle utilisera tous les instruments à sa disposition pour atténuer les conséquences de la pandémie, en particulier :
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assurer l’approvisionnement nécessaire de nos systèmes de santé en préservant l’intégrité du marché unique ainsi que celle de la production et de la distribution des chaînes de valeur ;
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soutenir les personnes afin que les revenus et les emplois ne soient pas affectés de manière disproportionnée et éviter les effets permanents de cette crise ;
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soutenir les entreprises et faire en sorte que la liquidité de notre secteur financier puisse continuer à soutenir l’économie ;
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permettre aux États membres d’agir de manière décisive et coordonnée, en utilisant toute la flexibilité de nos cadres instaurés par les aides d’État et le pacte de stabilité et de croissance.
L’article 107 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) interdit en principe les aides octroyées par les personnes publiques aux entreprises. Ainsi, l’alinéa 1 énonce que « sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».
On peut ainsi qualifier une aide d’aide d’État lorsque les 4 critères suivants sont remplis :
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une aide accordée à une entreprise,
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par l’État au moyen de ressources publiques,
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procurant un avantage sélectif, et
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affectant les échanges entre États membres et la concurrence.
Rappel. Les aides publiques aux entreprises sont par principe interdites, sous réserve des exceptions définies par le Traité et la Commission européenne. Lorsqu’elles sont autorisées, les aides doivent en règle générale faire l’objet d’une notification à la Commission européenne et elles ne peuvent être octroyées qu’après approbation de la Commission.
Dans sa communication du 19 mars, la Commission rappelle que compte tenu des circonstances exceptionnelles liées à la flambée de Covid-19, toutes les catégories d’entreprises peuvent être confrontées à une grave insuffisance de liquidités. Les PME sont particulièrement exposées.
Dans ce contexte, estime la commission européenne, il convient que les États membres puissent prendre des mesures pour inciter les établissements de crédit et les autres intermédiaires financiers à continuer à jouer leur rôle de soutien permanent à l’activité économique dans l’Union européenne.
Selon la Commission, une aide publique bien ciblée est nécessaire pour veiller à ce que des liquidités suffisantes restent disponibles sur les marchés, pour neutraliser les dommages infligés aux entreprises en bonne santé et pour préserver la continuité de l’activité économique pendant et après la flambée de Covid-19.
En effet, compte tenu de la taille limitée du budget de l’Union, rappelle la commission, la principale réaction viendra des budgets nationaux des États membres.
Or les règles de l’UE en matière d’aides d’État permettent aux États membres de prendre des mesures rapides et efficaces pour soutenir les citoyens et les entreprises, en particulier les PME, qui sont confrontés à des difficultés économiques en raison de la flambée de Covid-19.
À noter. Les aides de minimis n’excédant pas 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux peuvent être exemptées de notification. La commissaire Vestager a indiqué le 17 mars que les entreprises affectées par l’épidémie de coronavirus seront autorisées à recevoir des subventions publiques allant jusqu’à 500 000 euros.
Pour la Commission, une coordination européenne des mesures d’aide nationales est nécessaire. En outre, une application ciblée et proportionnée du contrôle des aides d’État dans l’UE doit permettre de faire en sorte que les mesures de soutien nationales aident efficacement les entreprises touchées par la flambée de Covid-19.
Les aides sans intervention de la commission
La commission rappelle que les États peuvent prendre un certain nombre de mesures applicables à toutes les entreprises sans aucune intervention de la Commission (voir communication relative à une réaction économique coordonnée à la flambée de COVID-19 du 13 mars 2020) : octroi de subventions salariales, suspension du paiement de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ou des cotisations sociales, soutien financier direct aux consommateurs en cas d’annulation de services ou de billets qui ne sont pas remboursés par les opérateurs concernés.
À noter. Ces mesures ne constituent pas des aides d’État soumises au contrôle de la commission dès lors qu’elles ne visent pas une entreprise ou un secteur spécifiques.
Les États membres peuvent également concevoir des mesures de soutien conformes au règlement général d’exemption par catégorie sans aucune intervention de la Commission (cf le règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (JO L. 187 du 26 juin 2014, p. 1).
Les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun
Sur la base de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE,les États membres peuvent notifier à la Commission des régimes d’aides visant à répondre à des besoins de liquidité pressants et à soutenir les entreprises confrontées à des difficultés financières, et ce également lorsque ces difficultés sont dues à la flambée de COVID-19 ou aggravées par celle-ci.
Cette dérogation constitue le fondement juridique le plus fréquemment utilisé par la Commission pour autoriser des aides. De nombreux encadrements reposent sur cette disposition du traité. Les aides à finalité régionale sont couvertes par les lignes directrices pour la période 2014-2020, et le règlement général d’exemption par catégorie n° 651/201427.
Les aides aux entreprises destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires
L’article 107, paragraphe 2, point b), du TFUE, quant à lui, autorise également les aides aux entreprises en cas d’événements extraordinaires qui sont compatibles avec le marché intérieur.
La pandémie de Covid-19 constitue, selon la Commission, un cas de circonstances extraordinaires. Cette catégorie d’aide n’est pas pour autant dispensée de l’obligation de notification à la Commission européenne.
Néanmoins, la Commission dispose d’une marge de manœuvre réduite car, si elle considère que l’aide est destinée à remédier aux dommages survenus en raison d’événements extraordinaires ou de circonstances exceptionnelles, elle devra la déclarer compatible avec le marché intérieur (Source Fidal).
Ainsi, les États membres peuvent indemniser les entreprises de secteurs particulièrement touchés par la flambée épidémique (transports, tourisme, culture, hôtellerie et restauration, et commerce de détail, par exemple) et/ou les organisateurs d’événements annulés pour les dommages subis qui ont été directement causés par cette flambée épidémique.
À noter. La Commission contrôle la proportionnalité de l’aide afin de s’assurer qu’elle vise uniquement à compenser les dommages ou les pertes en lien direct avec la circonstance extraordinaire identifiée. Ainsi, selon la CJUE, « seuls peuvent être compensés, au sens de cette disposition, les désavantages économiques causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ».
Les aides d’État temporaires compatibles avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, point b TFE (aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre)
À noter. La Commission peut déclarer une aide compatible avec le marché intérieur si cette aide est destinée « à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ».
Les juridictions de l’Union ont établi que la perturbation doit affecter l’ensemble ou une partie importante de l’économie de l’État membre concerné, et pas seulement celle d’une de ses régions ou parties de territoire.
Les aides doivent permettre de remédier au manque de liquidité auquel sont confrontées les entreprises, et de faire en sorte que les perturbations causées par la flambée de Covid-19 ne compromettent pas leur viabilité, en particulier dans le cas des PME.
À noter. Les États sont tenus de démontrer que les mesures sont nécessaires, appropriées et proportionnées pour remédier à une perturbation grave de l’économie et que toutes les conditions énoncées dans la présente communication sont pleinement respectées.
Il peut s’agir d’aides sous forme de subventions directes, d’avances remboursables ou d’avantages fiscaux, d’aides sous forme de garanties sur les prêts, de taux d’intérêt bonifiés pour les prêts, d’aides sous forme de garanties et de prêts acheminées par des établissements de crédit ou d’autres établissements financiers, d’assurance-crédit à l’exportation à court terme.
Pour rappel, ces dispositions avaient été, jusqu’en 2008, assez peu utilisées. La crise économique et financière déclarée en 2008 leur a donné un nouvel intérêt. De nombreuses aides accordées depuis fin 2008, notamment aux établissements financiers et dans le cadre des plans de relance nationaux, ont été autorisées par la Commission sur ce fondement.
Les aides aux entreprises en difficulté ne peuvent relever de l’article 107 § 3 b) TFUE qu’en cas de dégradation grave de la conjoncture économique.
Dans le cas contraire, la compatibilité de ces dispositions est appréciée par la Commission au titre des dérogations sectorielles prévues par l’article 107 § 3 c).