Focus sur la réforme de la CSG

Publié le 11/10/2017

Quel impact pour la réforme annoncée de la CSG ? La hausse programmée de cette imposition devrait frapper inégalement les revenus mobiliers et immobiliers. En revanche, grâce à la baisse des cotisations salariales que cette réforme finance, les actifs devraient sortir gagnants, contrairement aux chômeurs et retraités, à l’exception des retraités les plus modestes qui ne sont pas concernés par la réforme.

« La suppression dès 2018 d’une partie des cotisations salariales, cotisation chômage (soit 2,40 % du salaire) et cotisation maladie (soit 0,75 % du salaire) constitue indéniablement une bonne nouvelle pour l’économie », analyse Thomas Rone, associé responsable du département gestion de patrimoine chez Exco Nexiom. « Contrairement à une mesure indirecte comme le CICE qui bénéficiait essentiellement aux entreprises, la baisse des cotisations sur les revenus des salariés est propre à augmenter le pouvoir d’achat. Certes, les impératifs pesant sur le budget de l’État contraint le gouvernement à reprendre d’une main ce qu’il donne de l’autre. Selon un principe de vase communiquant, on taxe d’autres revenus pour financer cette réforme. Cependant, le choix d’une hausse de 1,7 point du taux normal de contribution sociale généralisée (CSG) s’avère moins pénalisant qu’il n’y paraît au premier abord ». D’après les estimations de campagne des équipes d’Emmanuel Macron, l’augmentation de la CSG devrait rapporter 21,5 milliards d’euros supplémentaires pour les caisses de l’État. Ce montant devrait permettre de financer en totalité la baisse des cotisations salariales qui a été chiffrée à 21,5 milliards d’euros. L’administration fiscale travaille actuellement à affiner ces premières estimations.

Une assiette très large

Destinée à participer au financement de la protection sociale, la CSG a été créée par la loi de finances pour 1991, dans le but de diversifier le mode de financement de la protection sociale qui, avant la création de cet impôt, reposait essentiellement sur les cotisations sociales. Ce système était jugé contestable en raison d’un alourdissement du coût du travail. Le mécanisme de prélèvements qui ne pesaient que sur les revenus du travail était perçu comme injuste et insuffisamment efficace. Seuls les salariés cotisaient alors même que la protection assurée par la Sécurité sociale s’était généralisée à tous les résidents en France.

L’assiette de la CSG englobe l’ensemble des revenus des personnes résidant en France. Elle concerne en effet :

  • les revenus d’activité (salaires, primes et indemnités diverses…) ;

  • les revenus de remplacement (pensions de retraite, allocations chômage, indemnités journalières…) ;

  • les revenus du patrimoine (revenus fonciers, rentes viagères…) ;

  • les revenus de placement (revenus mobiliers, plus-values immobilières…) ;

  • les sommes engagées ou redistribuées par les jeux.

La CSG est prélevée à la source sur la plupart des revenus, à l’exception des prestations sociales et familiales. Elle est recouvrée par l’Urssaf pour la partie revenus d’activité et par l’administration fiscale pour la partie revenus du patrimoine.

Initialement fixé à 1,1 %, son taux est passé à 2,4 % en 1993, à 3,4 % en 1996 et à 7,5 % en 1998.

En 2015, les principaux taux applicables sont de :

  • 7,5 % sur les revenus d’activité et assimilés ;

  • 6,6 % sur les pensions de retraite et de préretraite ;

  • 6,2 % sur les revenus de remplacement ;

  • 8,2 % sur les revenus du patrimoine et de placement (rentes viagères, plus-values…).

« On a peu d’exemples d’une imposition, qui ait connu une augmentation aussi importante sur une courte période, analyse Thomas Rone. Progressivement son assiette s’élargit et son taux augmente ». Son produit est supérieur à celui de l’impôt sur le revenu depuis 1998. Son rendement est important (91,5 milliards d’euros en 2013, soit plus que l’impôt sur le revenu) et représente plus des deux tiers des impôts et taxes affectés à la protection sociale. Cependant un certain nombre de personnes en sont exonérées ou bien se voient appliquer une CSG à taux réduit. Ainsi, en 2008, 4,5 millions de retraités étaient exonérés de CSG, 1,7 millions bénéficiaient d’un taux réduit, sur les 11,7 millions de personnes percevant une pension de retraite en France1. Son produit est affecté à hauteur de 83 % au régime général et au Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de 9 % aux autres régimes de base d’assurance maladie, de 6,5 % à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et de 1,5 % à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Des gagnants…

Avec cette réforme, les salariés du secteur privé devraient globalement être gagnants. « Seuls les actifs sont concernés par la baisse des cotisations maladie et chômage. Même si la hausse de la CSG les impacte, au final, elle sera moins importante que le gain occasionné par la suppression des cotisations chômage et maladie. Ainsi, un salarié qui perçoit le SMIC soit 1 466,62 € bruts par mois, la suppression des cotisations maladie et chômage occasionne un gain d’environ 46 € mensuel tandis que l’augmentation de hausse de la CSG augmente son imposition d’environ 25 €. Au final, il sort donc gagnant de cette réforme avec un gain d’environ 21 € par mois. Pour les revenus élevés le gain est encore plus important. Le mécanisme de déductibilité de la CSG leur est en effet favorable », explique Thomas Rone. En place depuis 1997, la déductibilité partielle de la CSG du revenu a pour effet de réduire la base imposable. Cet avantage fiscal va croissant au fur et à mesure que les revenus s’élèvent. Ce mécanisme ne bénéficie que peu aux ménages modestes et pas du tout à ceux qui ne paient pas l’impôt sur le revenu. Sur la base d’une simulation basée sur des données 2014, il apparaît que la généralisation de la non-déductibilité de la CSG aurait accru le rendement de l’ensemble de l’imposition sur le revenu de 11,2 milliards d’euros, avec des effets positifs pour les revenus modestes et moyens et un alourdissement pour les ménages situés dans les déciles de revenus les plus élevés. « Pour les très hauts revenus qui perçoivent plus de 13 076 € bruts par mois, le mécanisme de plafonnement des cotisations déductibles réduit l’économie d’impôt. Pour les très hauts salaires, au-delà de 33 000 € mensuels, les actifs sont perdants car la hausse de CSG est supérieure à la baisse des cotisations sociales », ajoute Thomas Rone. Quid des indépendants et des fonctionnaires qui ne sont pas dans le viseur ? De la baisse des cotisations sociales ? « Un dispositif devrait être mis en place afin de compenser la hausse de CSG qu’ils vont subir. Le gouvernement Philippe a annoncé que les indépendants devraient également bénéficier d’une réduction du montant de leurs cotisations sociales : -2,15 points de cotisations familles et -1,5 points de cotisation maladie. Pour les fonctionnaires, un dispositif de compensation devrait également être mis en place mais nous n’en connaissons pas encore les contours », ajoute Thomas Rone.

…et des perdants

Les chômeurs et les retraités devraient sortir perdants de cette réforme, puisque le gain ne concerne que les revenus d’activité. « Cependant, par définition le chômage ne correspond pas à un statut. Lorsqu’ils retrouveront du travail, ces chômeurs bénéficieront naturellement de la réforme », relativise Thomas Rone. Les retraités qui perçoivent une pension annuelle égale ou inférieure à 14 375 €, c’est-à-dire les retraités qui bénéficient déjà d’un taux réduit de CSG ou en sont exonérés, ne sont pas concernés par cette mesure. En revanche, tous les autres, soit environ quelque 8 à 9 millions de personnes sur les 14 millions de retraités français seront touchés par la réforme. « Certes les retraités devront acquitter plus de CSG mais la mesure n’impactera pas les petites retraites, rassure Thomas Rone. Pour les autres, je pense notamment aux retraités aisés pour qui jouent souvent pleinement les mécanismes de solidarité intergénérationnelle, savoir qu’ils contribuent à financer un gain de pouvoir d’achat pour leurs enfants ou leurs petits-enfants peut être assez satisfaisant ».

Le sort contrasté des revenus de capitaux

Pour les bénéficiaires de revenus du capital, la situation est un peu plus nuancée. « Avec cette réforme, on passe de 15,5 % de cotisations sociales sur les revenus immobiliers et patrimoniaux à 17,2 %, c’est loin de constituer un épiphénomène », rappelle Thomas Rone. « Pour les revenus du patrimoine, intérêts, dividendes, plus-values mobilières, le projet de Flat Tax devrait cependant largement contrebalancer les effets de la réforme ». Le gouvernement envisage en effet également d’appliquer un taux de prélèvement forfaitaire de 30 % sur l’ensemble des revenus de capitaux mobiliers y compris les revenus des contrats d’assurance-vie. Pour de nombreux contribuables, un prélèvement forfaitaire unique de 30 %, sera vraisemblablement avantageux. Les autres devraient garder la possibilité de rester au barème s’ils estiment que cette solution leur est plus profitable. « Ainsi, pour les contribuables imposables à la tranche marginale d’imposition de 30 % et percevant des dividendes, la Flat Tax sera plus favorable que le dispositif d’imposition actuel. Même raisonnement pour les tranches marginales d’imposition de 41 % et 45 % », explique Thomas Rone. Qu’en est-il pour les revenus immobiliers ? « Rien de tel pour les revenus fonciers qui subiront de plein fouet l’impact de la réforme sans aucun mécanisme de compensation. Certes, ces régimes bénéficient déjà de mécanisme spécifique qui ne devraient pas être revus : exonération des plus-values sur les résidences principales, abattements spécifiques pour durée de détention pour les autres biens immobiliers… Seul bémol, il faut attendre 30 ans pour bénéficier d’une exonération des prélèvements sociaux. Dans la mesure où le patrimoine immobilier va désormais constituer la seule assiette de l’ISF, il s’agit d’un signal fort adressé aux détenteurs de propriété immobilière », précise Thomas Rone.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Conseil des prélèvements obligatoires, « Impôt sur le revenu, CSG : quelles réformes ? », févr. 2015.