Le point sur la réforme de l’IFI

Publié le 06/11/2019

Un rapport parlementaire fait le point sur la réforme de l’IFI. Au bilan de cette première année de mise en application, les recettes sont supérieures aux attentes. On note un effet plus limité du mécanisme du plafonnement et une moindre utilisation de la réduction d’impôt pour dons et de la réduction pour investissement dans une PME.

Un rapport parlementaire, rendu par le député Joël Giraud, sur l’application des mesures fiscales fait le point sur la réforme de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). À l’issue de sa première année d’application, les premiers éléments chiffrés de l’IFI sont désormais connus. L’impôt a rapporté 1,3 Mds€ en 2018, un chiffre supérieur aux prévisions du gouvernement lors du vote de la réforme puisque Bercy avait initialement estimé ces recettes à 850 M€.

Le mécanisme de l’IFI

En 2018, l’impôt sur la fortune (ISF) a fait place à l’IFI. Le seuil d’entrée dans l’IFI est identique à celui d’entrée dans l’ISF : 1,3 M€ de patrimoine net taxable. Tous les actifs immobiliers entrent dans ce patrimoine taxable, y compris la résidence principale. En revanche, celle-ci bénéficie, comme sous l’ISF, d’un abattement de 30 %.

L’IFI est calculé en appliquant le barème suivant :

– Jusqu’à 800 000 € : 0% ;

– Entre 800 001 € et 1 300 000 € : 0,5 % ;

– Entre 1 300 001 € et 2 570 000 € : 0,7 % ;

– Entre 2 570 001 € et 5 000 000 € : 1 % ;

– Entre  5 000 001 € et 10 000 000 € : 1,25 % ;

– Supérieur à 10 000 000 € : 1,5 %.

Radiographie des redevables de l’IFI

D’après ce rapport parlementaire, 132 722 redevables ont été soumis à l’IFI (contre 358 000 avant la réforme) avec un patrimoine moyen taxable de 2,33 M€ et une cotisation d’IFI moyenne de 9 730 €. À titre de comparaison, le patrimoine moyen des contribuables concernés par l’ISF était de 2,8 M€ en 2016. L’IFI moyen s’échelonne de 1 777 € à 43 697 € selon les différents déciles de patrimoine taxable. Parmi les 132 722 foyers redevables de l’IFI, seuls 130 277 foyers ont déposé une déclaration de revenus n° 2042 et ont donc un revenu fiscal de référence connu de l’administration. Le revenu fiscal de référence moyen pour l’IFI est chiffré à 234 000 € annuels. En 2017, lorsque l’ISF était encore appliqué, il était de 165 000 €. Il est à noter que ce revenu fiscal de référence se révèle plus élevé que ce qui avait été anticipé. On observe en outre que le patrimoine taxable évolue proportionnellement au revenu fiscal de référence. 102 648 foyers, soit trois foyers redevables de l’IFI sur quatre, ont un revenu fiscal de référence moyen de 182 582 €. Pour un foyer sur quatre, il est plus élevé.

Le rapport apporte également des précisions sur la répartition de l’impôt entre les différents redevables de l’IFI. Les 10 % d’assujettis à l’IFI qui possèdent un patrimoine supérieur à 3,6 M€ représentent 45 % du total des recettes fiscales. Ces chiffres sont assez semblables à la situation observée lors de l’application de l’ISF où les contribuables les plus aisés,  propriétaires d’un patrimoine supérieur à 4,3 M€, représentaient 48 % du total des recettes fiscales. Cette année, les contribuables les moins aisés, qui possèdent un patrimoine inférieur à 1,6 M€ ne représentent que 7 % des recettes de l’impôt. Le total du patrimoine taxé à l’IFI est de 309,5 Mds€. Il était, avant la réforme, chiffré à 1 028 Mds€. Le rendement brut de l’IFI, avant réduction d’impôt et plafonnement, est de 1 523 M€. En net (après, notamment, imputation des impôts similaires acquittés à l’étranger, de la réduction d’impôt pour don ou de la réduction pour investissement dans une PME), l’IFI a rapporté 1 291 M€. En 2017, le produit net de l’ISF était de 4,23 Mds€.

Le plafonnement moins utilisé

Le mécanisme de plafonnement a été maintenu. En 2019, l’IFI est plafonné en fonction du montant cumulé des impôts dus par le contribuable. L’impôt sur les revenus de 2018 (prélèvements sociaux et contribution exceptionnelle sur les hauts revenus inclus) ajouté à l’IFI 2019 ne doit pas dépasser 75 % des revenus perçus en 2018. En cas de dépassement, la différence est déduite du montant de l’IFI. Pour l’IFI 2018, le rapport parlementaire met en évidence une baisse d’utilisation du plafonnement. Son coût fiscal a été de 91 M€ pour cette année, contre 1,3 Mds€ l’année précédente.

Le dispositif IFI-Don

Recentré sur les seuls actifs immobiliers, l’IFI peut, comme l’était l’ISF, être diminué grâce aux dons versés aux organismes d’intérêt général (CGI, art. 978). Les redevables de l’IFI ont la possibilité de réduire leur impôt à hauteur de 75 % du montant de l’ensemble des dons qu’ils ont effectués, dans une limite fixée à 50 000 € par redevable et par année d’imposition. Dans le cas où le montant de la réduction d’impôt excède cette limite, la fraction non imputée de cette réduction ne peut donner lieu ni à remboursement au titre de la même année, ni à report sur l’impôt dû au titre des années suivantes. Il en va de même lorsque le montant de la réduction d’impôt excède celui de la cotisation d’IFI. La réduction d’impôt est appliquée sur le montant d’IFI déterminé avant application, le cas échéant, des règles relatives au plafonnement de l’imposition prévues à l’article 979 du CGI.

Exemple A

Le 20 décembre N, un redevable de l’IFI donne à une entreprise d’insertion 80 000 € en numéraire. Sa cotisation d’IFI est de 70 000 €. L’assiette de la réduction d’IFI est égale à 80 000 €. La réduction d’IFI est théoriquement égale à : 80 000 € x 75 % = 60 000 €. Le montant de la réduction d’impôt étant supérieur au plafond de 50 000 €, le redevable bénéficie d’une réduction d’impôt de 50 000 € sur l’IFI dû en N+1. Les 10 000 € de réduction d’IFI non imputés ne sont ni remboursés, ni reportés.

Exemple B

Le 15 février N, un redevable de l’IFI donne à un établissement public de recherche 20 000 € en numéraire. Sa cotisation d’IFI est de 12 000 €. L’assiette de la réduction d’IFI est égale à 20 000 €. La réduction d’IFI est égale à : 20 000 € x 75 % = 15 000 €. La cotisation d’IFI étant inférieure au montant de la réduction d’impôt, le redevable bénéficie en définitive d’une réduction d’impôt égale à sa cotisation, soit 12 000 €. Les 3 000 € non imputés ne sont ni remboursés, ni reportés.

Pour le calcul de la réduction d’impôt, les dons pris en compte sont ceux effectués à compter du jour suivant la date limite de dépôt de la déclaration d’impôt au titre de l’année précédant celle de l’imposition et jusqu’à la date limite de dépôt de cette même déclaration au titre de l’année d’imposition. Au titre de l’année 2018, les dons pris en compte pour le calcul de la réduction « IFI-dons » sont en principe ceux effectués à compter du 1er janvier 2018, date d’entrée en vigueur des dispositions législatives relatives à l’IFI, jusqu’à la date limite de dépôt de la déclaration de l’année d’imposition. Toutefois, en application de l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, les dons effectués entre la date limite de dépôt des déclarations d’ISF dû au titre de l’année 2017, et le 31 décembre 2017, sont imputables, sur l’IFI dû au titre de l’année 2018.

L’articulation avec le dispositif IR-Don

S’il ne leur est pas possible d’utiliser l’intégralité de leurs dons à la réduction IFI, les contribuable peuvent affecter la fraction non utilisée pour réduire leur impôt sur le revenu (Dispositif IR–Don, prévu à l’article 200 du CGI). Si les deux réductions d’impôt ne sont pas pleinement cumulables, ils peuvent décider de la part de ses dons qui sera affectée à l’IFI ou à l’impôt sur le revenu.

Exemple A

M. et Mme X sont mariés et soumis à une imposition commune au titre de l’IFI et de l’impôt sur le revenu. Le 5 janvier N, M. et Mme X donnent 30 000 € à un établissement d’enseignement supérieur. L’assiette de la réduction d’IFI est égale à 30 000 €. Le contribuable peut bénéficier, sur l’IFI dû en N, d’une réduction d’impôt égale à : 30 000 € x 75 % = 22 500 €.

Le versement de 30 000 € donne lieu en totalité à la réduction d’IFI. Il ne peut par conséquent ouvrir droit à la réduction d’impôt sur le revenu.

Exemple B

M. et Mme X sont mariés et soumis à une imposition commune au titre de l’IFI et de l’impôt sur le revenu. Le 5 janvier N, M. et Mme X donnent 80 000 € à un établissement public de recherche. L’assiette de la réduction d’IFI est égale à 80 000 €. Le contribuable peut bénéficier, sur l’IFI dû en N, d’une réduction d’impôt égale à : 80 000 € x 75 % = 60 000 €, plafonnée à 50 000 €.

La fraction du versement qui n’a pas donné lieu à la réduction d’IFI peut éventuellement ouvrir droit à la réduction d’impôt sur le revenu (80 000 – 66 667 = 13 333 €).

Exemple C

M. et Mme X sont mariés et soumis à une imposition commune au titre de l’IFI et de l’impôt sur le revenu. Le 5 janvier N, M. et Mme X donnent 100 000 € à un établissement d’enseignement supérieur. Ils souhaitent affecter 40 000 € à la réduction d’IFI et 60 000 € à la réduction d’IR. L’assiette de la réduction d’IFI est égale à 40 000 €. Le contribuable peut bénéficier, sur l’IFI dû en N, d’une réduction d’impôt égale à : 40 000 € x 75 % = 30 000 €. Le versement de 40 000 € donne lieu en totalité à la réduction d’IFI. Il ne peut par conséquent ouvrir droit à la réduction d’impôt sur le revenu. La réduction d’impôt sur le revenu est calculée sur une assiette de 60 000 €.

Le point sur la réforme de l'IFI
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Une baisse des dons ?

Si le mécanisme de réduction d’impôt du don a été sauvegardé, la baisse mécanique du nombre de foyers concernés par le nouvel impôt constituait une source d’inquiétude pour les OSBL. La loi TEPA et son mécanisme de réduction d’impôt du don ISF avaient permis d’encourager un véritable élan de générosité, et créé un effet de levier sur le montant des dons. Les donateurs s’étaient appropriés ce dispositif pour participer plus largement qu’avant à l’intérêt général, et les acteurs du secteur affichaient  leur crainte que la réforme ne pèse sur les dons et l’activité des fondations. La réduction d’ISF était en effet massivement utilisée. D’après le baromètre Dons ISF 2017 réalisé par Apprentis d’Auteuil, 91 % des donateurs avaient déduit une partie du montant de leurs dons de leur impôt sur le revenu et 50 % de leur impôt de solidarité sur la fortune en 2017. L’attachement des personnes assujetties à l’ISF à ces dispositifs était marqué.  Ils étaient 87 % à considérer ce mécanisme utile. Ils étaient également nombreux à le trouver facile à mettre en œuvre (83 %) et surtout financièrement intéressant (74 %). Pour 93 %, ce dispositif constituait une opportunité de reprendre la main sur leur impôt et de décider de son affectation. Ces dispositifs étaient également bien connus. 88 % des personnes interrogées connaissaient le dispositif ISF-Don.

Sans surprise les dons se sont révélés moins nombreux. D’après le rapport parlementaire, pour cette première application de l’IFI, au total, 19 861 foyers ont déclaré en 2018 des dons réalisés au profit d’organismes d’intérêt général établis en France pour un montant total de 136,8 M€. Le montant cumulé de la réduction d’impôt finalement imputée à ce titre sur le montant de l’IFI à payer s’élève à 78,2 M€. Par ailleurs, 218 foyers ont déclaré en 2018 des dons réalisés au profit d’organismes d’intérêt général établis dans un État européen pour un montant total de 1,4 M€. Le montant cumulé de la réduction d’impôt finalement imputée à ce titre sur le montant de l’IFI à payer s’élève à 0,9 M€.

Dernière utilisation de l’ISF PME

Instauré par la loi Tepa du 21 août 2007, codifié à l’article 885-0- V bis du CGI, le dispositif ISF-Don permet aux contribuables concernés de déduire de leur impôt 50 % du montant des sommes investies dans des PME, avec un plafond  de réduction de 45 000 €, en cas d’investissement direct ou via des sociétés holdings et à 18 000 € en cas de souscriptions de parts de fond d’investissement. À compter du 1er janvier 2016, le dispositif ISF-PME a été recentré sur les jeunes entreprises innovantes… D’après l’Association française des investisseurs en capital (Afic), près de 516 M€ dédiés au financement des PME ont été levés grâce à ce dispositif en 2016. Cette réduction d’impôt pouvait être utilisée conjointement à la réduction ISF-Don. D’après le baromètre Dons ISF 2015 publié par Apprentis d’Auteuil, 17 % des contribuables recouraient exclusivement au dispositif ISF Don. 18 % d’entre eux recouraient exclusivement au dispositif ISF PME. 24 % des contribuables recouraient à la fois au dispositif ISF PME et au dispositif ISF Don. 41 % d’entre eux n’utilisaient aucun de ces dispositifs de réduction d’impôt. Ce dispositif n’a pas été reconduit dans le cadre de la réforme de l’IFI, le gouvernement anticipant que les entreprises vont largement bénéficier de la libération et de la réorientation de l’épargne vers l’économie productive générée par la réforme fiscale de l’ISF. Il a toutefois été prévu que les versements réalisés entre la date limite de dépôt de la déclaration d’ISF 2017 et le 31 décembre 2017, puissent être utilisés pour le calcul de l’IFI 2018.

Baisse des investissements dans les PME

Au final, s’agissant de la réduction d’impôt pour des investissements dans les PME ou dans les entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS), seuls 2 988 foyers ont déclaré des investissements directs pour un montant total de 77,8 M€, soit une réduction d’impôt effective de 26,1 M€. 922 foyers ont déclaré des investissements par une société interposée pour un montant total de 23,7 M€, soit une réduction d’impôt effective de 8,5 M€. 1 769 foyers ont déclaré des investissements par le biais de Fonds d’investissement de proximité (FIP) pour un montant total de 24 M€, soit une réduction d’impôt effective de 10,6 M€. Et 2 302 foyers ont déclaré des investissements par le biais de Fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI) pour un montant total de 34,6 M€, soit une réduction d’impôt effective de 13,7 M€.

LPA 06 Nov. 2019, n° 148a5, p.3

Référence : LPA 06 Nov. 2019, n° 148a5, p.3

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