Procédures de régularisation fiscale : la nouvelle édition de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié

Publié le 15/01/2021
Procédures de régularisation fiscale : la nouvelle édition de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié
Jérôme Rommé / AdobeStock

La charte des droits et obligations du contribuable vérifié, opposable à l’administration fiscale, constitue pour le contribuable une protection essentielle en cas de contrôle fiscal. Sa dernière version précise l’application de la procédure de régularisation en cours de contrôle, à ne pas confondre avec la régularisation spontanée, ainsi que celle de la procédure spécifique à effectuer dans le cadre de transferts de bénéfices à l’étranger ou de paiements à des bénéficiaires installés à l’étranger et soumis à un régime fiscal privilégié.

En cas de contrôle fiscal externe, le contribuable doit se reporter à la charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Ce document permet au contribuable vérifié d’être informé du déroulement du contrôle et de ses grandes étapes, qu’il s’agisse d’une vérification de comptabilité, d’un examen de comptabilité ou d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle et surtout de ses obligations ainsi que des garanties dont il bénéficie. Il s’agit par exemple du recours hiérarchique, c’est-à-dire la possibilité de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l’interlocuteur départemental. Les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l’administration.

La charte Copé

La charte des droits et obligations du contribuable vérifié ne doit pas être confondue avec la charte du contribuable (dite charte Copé). Cette dernière doit en principe être remise à chaque contribuable et chaque agent des impôts. Elle expose les droits et obligations réciproques du contribuable et de l’administration fiscale et peut être remise au contribuable, à toutes occasions (envoi de courrier, réception, etc.). Elle est également disponible sur le site de l’administration fiscale. Si un contribuable peut se prévaloir des mentions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, ses mentions étant opposables à l’administration en application des dispositions de l’article L. 10 du Livre des procédures fiscales, il n’en est pas de même des mentions contenues dans la charte du contribuable. La jurisprudence administrative est constante sur ce point (CAA Paris, 29 mai 2012, n°10PA05558 ; CAA Bordeaux 1er juil. 2013, n° 12BX01912 ; CAA Marseille 25 nov. 2014, n° 11MA02180 ; TA Versailles 17 avr. 2015, n° 1101252). Cette jurisprudence consacre ce principe de non-opposabilité, tant à l’égard de cette charte, prise dans son ensemble, qu’à l’égard de certaines de ses dispositions, comme celles relatives au délai préconisé de réponse aux observations du contribuable. Ce principe a été confirmé dans une espèce où le contribuable avançait comme argument qu’il est fait mention de la charte du contribuable dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié (TA Versailles 15 déc. 2015, n° 1206291). Cette mention dans une charte opposable à l’administration n’a pas pour effet de rendre la charte du contribuable opposable à l’administration tant sur le fondement de l’article L. 10 du Livre des procédures fiscales que sur celui de l’article L. 80 A du Livre des procédures fiscales. En particulier, les prescriptions de la charte du contribuable prévoyant que, lors d’un contrôle, le contribuable est informé dans un délai en principe de deux mois de la suite réservée à son dossier et que l’absence de réaction de l’administration signifie que le dossier est clos, ne sont pas opposables à l’administration fiscale. Et le non-respect de ce délai n’entraîne pas l’irrégularité de la procédure suivie.

Une nouvelle version datée de juillet 2020…

Précédemment, ce document était remis au contribuable au début du contrôle fiscal. Depuis le 1er janvier 2016, le contribuable est simplement informé de la mise à la disposition de ce document sous format électronique sur le site www.economie.gouv.fr. Ce document, consultable en ligne sous format dématérialisé par l’ensemble des contribuables vérifiés, est mis à jour annuellement. Sa dernière actualisation date de juillet dernier. Précisons qu’il reste cependant possible pour le contribuable vérifié d’obtenir la remise d’une charte sous format papier sur simple demande de sa part. Une telle demande n’obéit à aucun formalisme et peut intervenir à tout moment au cours du contrôle, jusqu’à la mise en recouvrement des impositions. En cas de contrôle inopiné, la charte est remise en main propre lors de la première intervention sur place. Le service doit alors porter en marge de la copie de l’avis qu’il conserve la mention suivante : « un exemplaire de la charte des droits et obligations du contribuable vous a été remis le… » et demander au contribuable d’apposer sa signature à la suite de cette mention. Le défaut de respect de cette obligation prive le contribuable d’une garantie substantielle qui est susceptible d’entraîner la nullité de la procédure de vérification et, par suite, l’abandon des rehaussements effectués ou des rappels d’imposition établis.

… qui intègre des nouvelles procédures de régularisation

La loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite loi ESSOC, a modifié plusieurs dispositions fiscales afin d’encourager l’exercice du droit pour les usagers de bonne foi à se mettre en conformité avec leurs obligations déclaratives. La version de mai 2020 de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié reprend notamment les dispositions applicables aux régularisations fiscales en cas d’erreur. Ces dispositions témoignent de la volonté de l’administration fiscale de bâtir une nouvelle relation avec les usagers. Celle-ci se traduit notamment dans les différents volets de « la nouvelle relation de confiance », annoncés le 14 mars 2019 par le ministre de l’Action et des Comptes publics comprenant notamment la création du service partenaire des entreprises (SPE) et du service de mise en conformité fiscale (SMEC), placés tous deux au sein de la direction des grandes entreprises, et de l’accompagnement fiscal des PME par une équipe dédiée au sein de chaque direction régionale.

Le service partenaire des entreprises permet aux grandes entreprises et celles de taille intermédiaire d’engager un dialogue en continu avec un interlocuteur dédié au sein de la DGFiP, sur des problématiques fiscales présentant des risques et/ou des enjeux stratégiques. Ce dispositif permet d’alléger les contrôles fiscaux en prévenant les erreurs et désaccords sur l’application de la loi. Les entreprises, si elles utilisent pleinement le potentiel de ce service et se conforment à l’opinion de l’administration, préviennent le risque financier associé à des rehaussements.

Par ailleurs, le SMEC doté d’une compétence nationale traite les déclarations rectificatives déposées spontanément par toutes les entreprises et leurs dirigeants dans des situations limitativement énumérées. Dans ce cadre, le principe de bienveillance et de confiance avec le contribuable de bonne foi a été réaffirmé. Le droit à l’erreur permet à l’administration de s’inscrire dans une démarche d’accompagnement à l’égard des contribuables. Le site www.oups.gouv.fr, lancé le 4 juin 2019, est une illustration de cette nouvelle culture administrative, basée sur l’explication et le conseil. La DGFiP s’emploie dans ce cadre à sensibiliser les contribuables particuliers et professionnels aux erreurs les plus courantes en établissant une liste de cas concrets et en indiquant les démarches à effectuer pour les rectifier.

Régularisation en cours de contrôle

La version en date de juillet dernier de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié porte notamment sur les dispositions relatives à la régularisation en cours de contrôle prévue à l’article L. 62 du Livre des procédures fiscales. Cette procédure permet de régulariser, sous conditions, la majorité des erreurs relevées au cours d’un contrôle fiscal. Initialement réservée aux professionnels, dans le cadre d’une vérification de comptabilité ou d’un examen de comptabilité, elle a été généralisée par la loi ESSOC, à toutes les procédures de contrôle fiscal afin d’inciter l’ensemble des contribuables de bonne foi à se saisir davantage de cette faculté pour corriger leurs erreurs. En 2019, la procédure de régularisation en cours de contrôle a concerné 36 000 dossiers au cours desquels le contribuable a accepté de rectifier son impôt en cas d’erreur, d’après le dernier rapport de la DGFiP. La régularisation en cours de contrôle a pour effet de réduire de 30 % les intérêts de retard mis à la charge du contribuable (CGI, art. 1727). Afin de faciliter le recours à cette procédure, la loi ESSOC a prévu que les contribuables qui n’ont pas la capacité financière de s’acquitter immédiatement des sommes dues à raison de la régularisation aient la faculté de demander un plan de règlement auprès du comptable public compétent.

Pour bénéficier de la procédure de régularisation en cours de contrôle, le contribuable doit respecter cinq conditions cumulatives. Il doit tout d’abord effectuer une demande expresse de régularisation dans les délais prévus, qui diffèrent selon le type de contrôle dont il fait l’objet. Ainsi, en cas de vérification de comptabilité ou d’examen de la situation fiscale personnelle, le contribuable peut effectuer sa demande à tout moment du débat oral et contradictoire, mais, en tout état de cause, avant l’envoi d’une proposition de rectification. En cas de contrôle sur pièces ou d’examen de comptabilité, le contribuable peut demander à régulariser sa situation au plus tard dans les 30 jours suivant la réception de la proposition de rectification ou du courrier d’information. En application des dispositions prises du fait de l’état d’urgence sanitaire, précise la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, « le cours de ce délai de 30 jours est temporairement suspendu du 12 mars 2020 au 23 août 2020 inclus, ce qui n’efface pas, le cas échéant le délai déjà couru avant le 12 mars 2020. Le délai de 30 jours qui aurait dû commencer à courir au cours de la période de suspension, ne commencera à courir qu’après la fin de celle-ci, c’est-à-dire à compter du 24 août 2020 ». Il doit en outre avoir souscrit dans les délais la déclaration qu’il souhaite corriger. Il doit demander à corriger des erreurs, omissions ou insuffisances commises de bonne foi, c’est-à-dire de manière non intentionnelle. À cet effet, il doit déposer une déclaration complémentaire de régularisation dans les délais prévus cités plus haut. Il doit également s’acquitter, dans les délais prévus, de l’intégralité des droits supplémentaires et des intérêts de retard au taux réduit, ou demander à bénéficier d’un plan de règlement. Le bénéfice de cette procédure de régularisation est subordonné à une demande du contribuable. Celui-ci doit donc en être informé préalablement. Les demandes d’informations adressées par l’administration fiscale, les avis d’engagement d’un contrôle fiscal externe ainsi que les propositions de rectification mentionnent cette possibilité. Dans le cadre des procédures de contrôle fiscal externe, la procédure de régularisation en cours de contrôle est présentée dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié et la procédure est évoquée lors du débat oral et contradictoire. En pratique, le vérificateur peut notamment évoquer la procédure lors de la première intervention sur place en cas de vérification de comptabilité, lors du premier entretien dans le cadre d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) ou au cours de ses échanges avec le contribuable dans l’hypothèse d’un examen de comptabilité. Dans le cadre des procédures de contrôle sur pièces ou d’examen de comptabilité, le service informe le contribuable des rectifications et rappels qui peuvent faire l’objet d’une procédure de régularisation dans la proposition de rectification. La demande de régularisation doit être formulée par écrit, datée et signée puis adressée au service en charge du contrôle et non au service gestionnaire. Le contribuable doit utiliser de préférence le document établi par l’administration (imprimé n° 3964) pour effectuer sa demande de régularisation. Toutefois, sa demande est recevable, qu’elle qu’en soit sa forme, dans la mesure où il mentionne de façon précise la nature et le montant des irrégularités dont il demande la régularisation. Elle peut donc être rédigée sur papier libre, insérée dans le courrier présentant les observations du contribuable à la proposition de rectification, adressée par messagerie électronique, etc.

Régularisation spontanée

Le contribuable peut également régulariser des erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances concernant d’autres impôts ou d’autres périodes que ceux visés par le contrôle. Dans ce cas, ce n’est pas la procédure de régularisation en cours de contrôle prévue par l’article L. 62 du LPF qui s’applique mais la procédure de régularisation spontanée. Afin d’inciter les contribuables à régulariser spontanément leur situation, l’article 5 de la loi ESSOC a institué une réduction de moitié du montant de l’intérêt de retard en cas de dépôt spontané par le contribuable de bonne foi d’une déclaration rectificative accompagnée du paiement des droits correspondants.

Le bénéfice de cette mesure est subordonné au respect de trois conditions cumulatives. La régularisation par le contribuable doit être spontanée. Le contribuable doit corriger une erreur ou une omission commise de bonne foi, c’est-à-dire commise de façon non intentionnelle. Le paiement des droits correspondants est effectué lors du dépôt de la déclaration rectificative ou selon l’échéancier accordé par le comptable public lorsque le contribuable sollicite un étalement des paiements. Si ces trois conditions sont réunies, la réduction de moitié du montant de l’intérêt de retard s’applique sans qu’il soit nécessaire que le contribuable en demande le bénéfice. Le dépôt d’une déclaration rectificative est considéré comme spontané lorsqu’il intervient avant tout acte de l’administration fiscale, c’est-à-dire avant réception d’une mise en demeure, d’un ESFP, d’un avis de vérification ou d’examen de comptabilité, d’une demande d’éclaircissements, de justifications ou de renseignements ou d’une proposition de rectification. Il en est de même si elle déposée après un acte de l’administration portant sur un impôt différent de celui visé par ledit acte. Le dépôt d’une déclaration rectificative doit intervenir avant l’expiration du délai prévu pour l’exercice par l’administration de son droit de reprise. Lorsqu’une partie seulement des droits objets de la régularisation est immédiatement payée lors du dépôt de la déclaration rectificative et qu’aucun plan de règlement n’est autorisé pour le solde, seuls les intérêts de retard dus à raison des droits payés lors du dépôt bénéficient de la réduction de l’intérêt de retard. De même, lorsque le contribuable obtient du comptable public un plan de règlement des droits dus à raison de la déclaration rectificative souscrite mais qu’il ne respecte pas l’échéancier prévu, la réduction de moitié est appliquée à la seule fraction des droits acquittée dans les délais prévus par le plan de règlement.

La régularisation des transferts de bénéfices à l’étranger

La procédure de régularisation des transferts de bénéfices à l’étranger est prévue à l’article L. 62 A du Livre de procédures fiscales. Lorsque les rectifications portent sur des transferts de bénéfices à l’étranger au sens de l’article 57 du Code général des impôts (prix de transfert) ou sur la remise en cause de la déductibilité d’une charge sur le fondement de l’article 238 A du CGI (paiement effectué par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à une personne physique ou morale domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France et qui y est soumise à un régime fiscal privilégié), une procédure spécifique de régularisation s’applique. Cette procédure permet au contribuable de bénéficier, sous conditions, de la non-application de la retenue à la source prélevée sur les montants transférés à l’étranger et réputés distribués au sens du 1° ou 2° du 1. de l’article 109 du CGI ou du c. de l’article 111 du CGI. « Cette demande peut intervenir dès réception de la proposition de rectification et impérativement avant la mise en recouvrement des rappels concernés par la demande », précise la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.

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