Récupération des prestations sociales et assurance-vie
Le législateur a renforcé le dispositif de récupération des aides sociales au décès de celui qui a bénéficié de ces prestations en l’étendant aux contrats d’assurance-vie que le défunt a pu souscrire.
Depuis le 1er janvier 2016, la procédure de récupération des aides sociales qui prévoit qu’à l’ouverture de la succession du défunt, une partie des prestations sociales dont il a bénéficié de son vivant peut être récupérée par l’État ou les collectivités territoriales s’applique également aux contrats d’assurance-vie1. La récupération des prestations versées s’effectue à titre subsidiaire, à concurrence de la fraction des sommes versées sur le contrat après les 70 ans de l’assuré. Retour sur cette nouvelle règle issue de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.
Le principe de récupération des aides sociales
Les allocations ou aides, non contributives, c’est-à-dire versées sans cotisations préalables, doivent, dans certains cas, être remboursées. Ce remboursement peut être effectué par les bénéficiaires eux-mêmes de ces aides, lorsqu’ils voient leur niveau de vie augmenter soit, après leur décès, par leurs héritiers ou encore leurs donataires. Les recours sont exercés généralement par le département qui a financé l’aide. Certaines aides ne sont pas récupérables. Il s’agit de la prestation de compensation pour les personnes handicapées, du revenu de solidarité active (RSA) et de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Ces aides ne peuvent faire l’objet d’aucun recours en récupération ni à l’encontre de la succession du bénéficiaire décédé, ni à l’encontre du légataire ou du donataire. Les sommes versées au titre de ces prestations ne peuvent pas non plus être réclamées au bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune.
Le cas des aides indûment versées
Cependant, si ces prestations ne sont pas récupérables en tant que telles, leur remboursement peut cependant être réclamés aux héritiers si elles ont été versées indûment ou par erreur. Cette règle a été posée par le Conseil d’État en 20102 à propos de prestations d’allocation personnalisée d’autonomie dont le remboursement était demandé à des héritiers au motif qu’elles avaient été indûment versées à leur mère. Dans la mesure où conformément à l’article L. 232-19 du Code de l’action sociale et des familles, les sommes servies au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie ne font pas l’objet d’un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire, ces dispositions font obstacle à ce que soient récupérées des prestations d’allocation personnalisée d’autonomie versées à bon droit, précise le Conseil d’État. « Elles n’interdisent pas en revanche la récupération, sur la succession du bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie, de dettes contractées du vivant de ce dernier à l’égard du département payeur, en raison de versements indûment effectués à son profit », conclut le juge administratif. Toutefois, ajoute le Conseil d’État, conformément au principe figurant à l’article 870 du Code civil, la somme globalement due par le défunt ne peut, après le règlement de sa succession, être réclamée par le département à ses différents héritiers qu’à proportion de leur part héréditaire. En l’espèce, la succession de la défunte ayant fait l’objet d’un partage, la requérante ne pouvait être regardée comme débitrice de la dette d’allocation personnalisée d’autonomie contractée par sa mère « qu’à proportion de sa propre part successorale et dans la limite du montant de celle-ci ».
Les hypothèses de récupération des aides sociales
Les aides sociales peuvent tout d’abord être récupérées auprès de leur bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune, ce qui correspond à une augmentation significative du patrimoine du bénéficiaire. C’est le cas par exemple d’un bénéficiaire qui verrait son patrimoine augmenter parce qu’il a reçu des biens par succession. En revanche, la vente d’un bien n’augmente pas le patrimoine du bénéficiaire et ne justifie pas la mise en œuvre de la procédure de récupération. La procédure de récupération est engagée par le département et la décision de récupérer les sommes versées est prise par la commission d’aide sociale, décision qui peut être contestée devant les tribunaux administratifs. Le montant total des sommes versées au titre de l’aide sociale à domicile, de l’aide médicale à domicile, de la prestation spécifique dépendance ou de la prise en charge du forfait journalier peut également être récupéré sur la succession si l’actif successoral est supérieur à 46 000 €. Il s’agit de l’actif net de la succession. Pour ce calcul, les dettes à retenir sont les dettes personnelles du défunt, les dettes nées à l’occasion de son décès, comme les frais funéraires ou encore les dettes attachées aux biens composant la succession, un crédit en cours par exemple. Seules les dépenses supérieures à 760 €, et pour la part excédant ce montant, peuvent donner lieu à recouvrement. La récupération est limitée au montant des prestations allouées et s’effectue à hauteur de l’actif net successoral. L’administration fiscale admet que la récupération des prestations sociales soit considérée comme un passif déductible pour le calcul des droits de succession. Le processus de récupération peut également intervenir auprès d’un donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. Le recours en récupération est alors exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de l’aide sociale, appréciée au jour de l’introduction du recours, déduction faite, le cas échéant, des plus-values résultant des dépenses ou du travail du donataire. Cette procédure de récupération peut également être exercée auprès du légataire. Dans ce cas, il convient de distinguer entre légataire à titre universel et légataire particulier. Le légataire universel ou à titre universel qui peut recevoir la totalité de la succession ou une certaine quote-part de ces biens est assimilé aux héritiers et est donc tenu de payer les dettes de la succession. Il est donc soumis aux mêmes règles de récupération sur succession (seuils de 46 000 € et 760 €). Le légataire particulier qui reçoit un bien déterminé n’est pas tenu de payer les dettes de la succession. Le recours en récupération peut donc être exercé à son encontre jusqu’à concurrence de la valeur du ou des biens qui lui ont été légués au jour de l’ouverture de la succession.
La récupération sur assurance-vie
Désormais, depuis le 1er janvier 2016, la procédure de récupération s’applique également au bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie. La récupération des prestations versées s’effectue à titre subsidiaire, à concurrence de la fraction des sommes versées sur le contrat après les 70 ans de l’assuré. Quand la récupération concerne plusieurs bénéficiaires, celle-ci s’effectue au prorata des sommes versées à chacun de ceux-ci. Cette règle constitue une nouvelle atteinte au principe suivant lequel le dénouement d’un contrat d’assurance-vie et le versement du capital au bénéficiaire interviennent hors succession. En effet, conformément à l’article L. 132-12 du Code des assurances, « le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l’assuré ». L’assurance-vie permet ainsi de contourner la règle de la réserve héréditaire selon laquelle une fraction de patrimoine revient obligatoirement aux héritiers réservataires : les descendants de l’intéressé ou le conjoint survivant si le défunt ne laisse pas de descendants. Les capitaux peuvent librement être transmis à un tiers indépendamment du lien de parenté avec le souscripteur (concubin, enfants du conjoint, etc.), ne constituent pas une libéralité successorale, ne font pas partie de la masse à partager pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible, ni ne sont soumises au rapport à succession, à moins que les primes aient été manifestement exagérées eu égard aux facultés du défunt.
Le processus de récupération des allocations vieillesse
L’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) peuvent également être récupérées sur la succession du bénéficiaire sous certaines conditions. Ces allocations peuvent être récupérées sur la succession de l’allocataire quand l’actif net successoral dépasse la somme de 39 000 €. Le recouvrement s’exerce sur la partie de l’actif excédant cette somme et ne peut avoir pour conséquence d’abaisser l’actif net de la succession en dessous de ce montant. Afin de limiter l’effet dissuasif du dispositif de recouvrement sur succession et accroître ainsi le recours à l’ASPA des retraités du monde rural, le capital d’exploitation agricole (terres, cheptel mort ou vif, bâtiments d’exploitation, éléments végétaux constituant le support permanent de la production, tels que arbres fruitiers et vigne, etc. ainsi que l’ensemble des bâtiments indissociables de ce capital) est exclu totalement du champ de ce recouvrement. Le calcul de l’actif net successoral peut être revu à la hausse par les organismes qui ont versé ces allocations. En effet, il est possible d’ajouter à l’actif de la succession les libéralités consenties par l’allocataire de son vivant et les legs qu’il a pu prévoir par testament quelle qu’en soit la forme ainsi que les primes versées par celui-ci au titre d’un contrat d’assurance-vie.
Pour être réintégrées dans l’actif successoral, les libéralités doivent avoir été accordées postérieurement à la demande d’allocation. Il en est de même pour la date de souscription du ou des contrats d’assurance-vie qui doit être postérieure à la demande d’allocation. Pour qu’une réintégration soit possible, il faut démontrer que les libéralités accordées ou les primes versées sont manifestement incompatibles avec les ressources ou les biens déclarés par l’allocataire et qu’en minorant l’actif net successoral, elles ont pour effet d’empêcher le recouvrement de l’allocation sur la succession. L’action en recouvrement se prescrit par cinq ans, non pas à compter du décès mais à compter du moment où la caisse a pu avoir connaissance du décès de l’allocataire, à l’occasion de l’enregistrement d’un écrit ou d’une déclaration, par exemple l’enregistrement d’un testament ou la déclaration de succession mentionnant la date et le lieu du décès du défunt ainsi que le nom et l’adresse de l’un au moins des héritiers.