Cession de parts de sociétés de personnes : le Conseil d’État confirme la neutralité fiscale
Confirmant sa jurisprudence Quemener de 2000 sur la neutralité fiscale dans les cessions de parts de sociétés de personnes, le Conseil d’État rappelle, dans un arrêt du 8 novembre 2017, que le prix de revient des parts doit être corrigé pour le calcul de la plus-value de cession.
Pour calculer la plus-value sur cession de parts d’une société civile immobilière (SCI) réalisée lors de la liquidation-partage, le prix de revient des parts doit être majoré de la quote-part revenant à l’associé d’une plus-value non imposable réalisée par la société. C’est ce qui ressort d’un arrêt du Conseil d’État du 8 novembre 2017 (CE, 8 nov. 2017, n° 389990), confirmant le principe de neutralité fiscale déjà affirmé dans ses arrêts Quemener de 2000 et Baradé de 2005.
Liquidation de SCI
La SCI J dont Monsieur A détenait la moitié des parts sociales, avait cédé le 30 décembre 2003, la moitié des biens immobiliers qu’elle détenait et avait réalisé à cette occasion une plus-value d’un montant non contesté de 116 502,66 euros. Compte tenu de la durée de détention des biens cédés, la plus-value n’avait pas donné lieu à imposition conformément à l’article 150 M du Code général des impôts (CGI) alors en vigueur. Début janvier 2004, les associés avaient décidé la dissolution anticipée de la SCI. Aux termes de la liquidation-partage, Monsieur A a alors perçu, le produit de la vente immobilière réalisée, son associé se voyant attribuer la moitié restante de l’immeuble.
À l’issue d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a estimé que Monsieur A avait cédé ses parts en contrepartie de biens sociaux et réalisé ainsi une plus-value égale à la différence entre la valeur des biens qui lui ont été attribués suite à la dissolution de la société et le prix d’acquisition de ses parts d’un montant de 114 960 euros, qu’elle a imposée sur le fondement de l’article 150 UB du CGI.
Le juge de première instance avait confirmé cette imposition. Monsieur A avait fait appel et obtenu gain de cause devant la cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 8 déc. 2011, n° 10NC01337). Le Conseil d’État avait cassé cette décision (CE, 30 déc. 2013, n° 356551) sur un moyen d’erreur matérielle, renvoyant de nouveau à la cour administrative d’appel de Nancy. En renvoi, celle-ci avait pourtant refusé de corriger le prix d’acquisition des parts, au motif que les plus-values réalisées par la SCI lors de la cession des biens immobiliers qu’elle détenait, n’avaient pas, compte tenu de la durée de détention des biens par la société, donnée lieu à imposition entre les mains du contribuable. Celui-ci n’avait donc pas subi de double imposition. Ce fut au tour du contribuable de se pourvoir en cassation.
Détermination de la plus ou moins-value
Confirmant le premier arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 8 décembre 2011, le Conseil d’État juge que, pour le calcul de la plus-value sur cession de parts d’une SCI, il y a lieu de majorer la valeur d’acquisition des parts par l’associé de la quote-part lui revenant d’une plus-value immobilière non imposable réalisée par la SCI. En l’espèce, la valeur d’acquisition des parts sociales par Monsieur A étant supérieure à la valeur qui lui a été attribuée à l’occasion de la dissolution de la SCI, la liquidation de cette société n’a pas donné lieu à la détermination de gains imposables au nom du contribuable.
Pour éviter que la cession se traduise par une double imposition ou une double déduction des résultats, la plus ou moins-value réalisée lors de la cession de parts d’une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes doit être calculée en ajustant le prix de revient des parts. Le Conseil d’État a posé ce principe de ce mécanisme de correction dans son arrêt du 16 février 2000, Quemener (CE, 16 fév. 2000, n° 133296), rendu dans le cadre d’une plus-value de cession de parts réalisée par un associé professionnel. En 2005, le Conseil d’État étendait ce principe aux plus-values de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière réalisées sous le régime en vigueur avant 2004 (CE, 9 nov. 2005, n° 248825) dans son arrêt Baradé.
Les correctifs à apporter
Dans son analyse (paragraphe 8), le Conseil d’État livre sa position de principe : « Dans le cas où un associé cède les parts qu’il détient dans une société ou un groupement relevant ou ayant relevé de l’un des régimes prévus aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du Code général des impôts, le résultat de cette opération doit être calculé, pour assurer la neutralité de l’application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique de ces sociétés, en retenant, comme prix d’acquisition de ces parts, leur valeur d’acquisition majorée, d’une part, de la quote-part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l’associé qui a été ajoutée aux revenus imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d’application de ce régime et, d’autre part, des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l’associé à un versement en vue de les combler.
Le prix d’acquisition des parts doit également être majoré de la quote-part des bénéfices de la société ou du groupement revenant à l’associé, qui n’ont pas fait l’objet d’une imposition effective en application d’une disposition par laquelle le législateur a entendu accorder un avantage fiscal définitif. Ce prix d’acquisition doit être par ailleurs minoré, d’une part, des déficits que l’associé a déduits pendant cette même période, à l’exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu octroyer un avantage fiscal définitif, et, d’autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l’associé ».
Une neutralité complète fiscale commande en effet que l’administration ne reprenne pas, à l’occasion de la cession des titres de la société fiscalement transparente, l’avantage définitif accordé par la loi par l’exonération de la plus-value réalisée par la société.
La position de l’administration
L’administration avait intégré les jurisprudences Quemener et Baradé dans deux réponses ministérielles du 31 janvier 2006 (BOI-RFPI-SPI-20 n° 30). Mais dans l’affaire, elle avait refusé d’étendre le dispositif de correction aux plus-values non imposables réalisées par une société à prépondérance immobilière. Or compte tenu de la position de principe de Conseil d’État, il est clair que cette correction doit désormais être appliquée aux plus-values sur cession de titres de toutes les sociétés de personnes, y compris au régime des plus ou moins-values de cession de titres de sociétés de personnes à prépondérance immobilière en vigueur à compter de 2004.
Tel est le second enseignement de l’arrêt. En effet, l’arrêt Baradé de 2005 avait été rendu dans le cadre du régime de taxation des plus et moins-values en vigueur jusqu’en 2003. Sa solution est désormais confirmée par le Conseil d’État pour le régime fiscal en vigueur depuis 2004, comme l’administration l’avait d’ailleurs admis dans ses réponses ministérielles de 2006.