Le legs, une technique pour prolonger son action philanthropique
Transmettre son patrimoine à un OSBL permet d’avoir la certitude de donner du sens à sa succession. Ce geste généreux prend la forme d’un legs, une technique juridique parfaitement maîtrisée. Le point sur les legs en France avec le 1er baromètre français sur le legs, réalisé par Gustave Roussy auprès des séniors.
Gustave Roussy vient de dévoiler les résultats du 1er baromètre français sur le legs, réalisé en collaboration avec l’Ifop. « Environ 20 à 25 % des libéralités que nous recevons chaque années sont constituées par des legs, explique Mariano Capuano, responsable des relations Donateur de Gustave Roussy. Pour nous il est essentiel de connaître les générations actuelles et nouvelles de futurs testateurs ». L’enquête porte sur la perception qu’ont les Français de ce type de transmission. Réalisé par l’Ifop, ce baromètre porte sur la notoriété et la destination de cette forme de générosité chez les Français de 55 ans et plus. Il analyse leur perception face au legs, leurs connaissances sur ce mode d’engagement personnel et permet de dresser un portrait-type du testateur. Bien qu’il n’existe pas aujourd’hui de recensement centralisé des legs, l’Association française de fundraising (AFF) estime que le montant total annuel des legs au profit d’organismes d’utilité publique atteindrait 1 milliard d’euros. À titre de comparaison, le montant des dons ouvrant droit à des réductions fiscales se monte environ à 2,4 milliards d’euros par an. Pour ces organismes, c’est un enjeu important car les legs portent souvent sur des sommes plus élevées qu’un don classique et leur permettent de sécuriser des financements pour organiser des actions dans la durée.
Un instrument patrimonial
Le legs est un outil patrimonial grâce auquel un testateur peut prendre des dispositions pour transmettre tout ou partie de son patrimoine à l’OSBL de son choix. La baromètre montre que la possibilité de faire un legs à un organisme d’utilité publique (institut, association, fondation, etc.) ou encore de le faire désigner comme bénéficiaire d’une assurance-vie est connue par le grand public (86 %). « Ainsi près d’un senior sur sept est prêt à faire un legs à une organisation caritative. Ce chiffre monte à 22 % quand les seniors n’ont pas de descendance, soit près d’un quart des interviewés », précise Mariano Capuano. 1 % ont déjà effectué des démarches en ce sens. Les raisons qui incitent à réaliser un legs en faveur d’un organisme d’utilité publique sont bien connues. Il s’agit tout d’abord du soutien à une cause (recherche contre la maladie, aide aux plus démunis, etc.), plébiscitée par 67 % des sondés. Suit la sensibilité à la notion d’intérêt collectif, le sentiment d’être utile à la société dans son ensemble, revendiquée par 36 % des sondés. L’absence de descendants est mise en avant pour 30 % des répondants. 24 % souhaitent partager leur patrimoine entre leur famille et un organisme d’utilité publique. « La recherche médicale, la santé, constitue la première cause à soutenir pour 55 % des répondants, devant l’aide aux personnes malades, handicapées ou âgées revendiquée par 30 % des sondés. Cette décision a le plus souvent un lien précis avec l’histoire personnelle des testateurs ou de leurs proches », analyse Mariano Capuano. Arrivent après quasiment à égalité la lutte contre l’exclusion et la pauvreté en France (21 %), l’aide, la protection et l’éducation de l’enfance en France (20 %), l’aide, la protection et l’éducation de l’enfance dans le monde (20 %) et la défense des animaux (19 %). Le soutien aux organisations confessionnelles ne recueille en revanche que 5 % des intentions de soutien, juste après la défense des droits de l’Homme (13 %).
Rédiger un testament
La connaissance des démarches à suivre pour effectuer un legs est encore limitée. Même si 40 % des seniors affirment les connaître, ils ne sont que 9 % à être bien au fait. « L’expert incontournable en la matière reste le notaire. Il est avant tout la référence juridique dans le domaine des successions. Les seniors ne s’y trompent pas puisque 93 % d’entre eux jugent son rôle très important », précise Mariano Capuano. Pour 77 % des sondés, il est très important d’avoir rédigé un testament. La rédaction d’un testament est en effet obligatoire car il s’agit du seul écrit reconnu et valable pour faire un legs. Ces dispositions testamentaires prendront effet après son décès. « Il s’écoule en moyenne sept ans entre le moment où le donateur rédige ses dispositions testamentaires et le moment où ces disposition prennent effet », précise Mariano Capuano. Ce testament peut être olographe ou notarié. S’il est olographe, il est rédigé à la main, daté avec l’indication du jour, mois et année, et signé à la main. Pour sécuriser ce document, il est préconisé de le faire relire au service « Legs » des OBSL choisi afin de s’assurer de sa validité. Une clause de legs mal rédigée peut en effet être annulée. Pour être efficace, la clause de legs doit comporter plusieurs précisions. La désignation de l’OBSL gratifié doit être précise avec son nom et son adresse. Dans le cas ou plusieurs donataires coexistent, la répartition des différents legs doit être précisée. Afin d’éviter tout risque de perte ou de destruction, il est conseillé de confier ce testament à un notaire, qui le fera enregistrer au Fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV). Autre solution, opter pour un testament notarié, rédigé par un notaire conformément aux volontés du testateur, en présence de deux témoins ou d’un deuxième notaire. Cet acte est conservé au sein de l’étude notariale. Ces deux types de testament sont modifiables à tout moment. Selon maître Jacques Benhamou, notaire honoraire : « Au cours de ma carrière, j’ai eu l’occasion à de nombreuses reprises de conseiller et d’accompagner les personnes qui souhaitaient faire un legs au profit d’une structure d’utilité publique. Ce conseil est technique tout d’abord. Nous accompagnons la rédaction du testament et l’enregistrons par exemple. D’un point de vue humain, nous apportons aussi notre expérience mais il s’agit là d’un conseil impartial, nous ne sommes pas inféodés à telle ou telle association. C’est surtout en fonction de causes chères à nos clients que nous pouvons éventuellement les conseiller. Ces questions sont bien sûr liées à la relation de confiance que nous entretenons avec les testateurs ».
Mettre en place une assurance-vie
Autre solution alternative au legs, pour transmettre une partie de son patrimoine à une association ou une fondation, utiliser un contrat d’assurance-vie. Il suffit d’inscrire un ou plusieurs OBSL comme bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie. La transmission du legs ne s’effectuera qu’à l’ouverture de la succession. Dans cette attente, le souscripteur du contrat d’assurance-vie peut bien entendu changer de bénéficiaire et effectuer des retraits sur son contrat d’assurance-vie. À l’ouverture de la succession, les capitaux figurant au contrat sont transmis à l’OBSL en franchise de droit de succession.
Différents types de legs
Contrairement aux idées reçues, il ne faut pas avoir un patrimoine important pour faire un legs. Il n’existe aucun montant minimum pour un legs. « Actuellement le legs moyen est de 50 000 euros. Mais la tendance est à multiplier les bénéficiaires de ces legs, jusqu’à deux à trois légataires par succession. Nous recevons plus de legs, mais leur montant individuel tend à diminuer, même si aucune année ne se ressemble et qu’un seul grand legs peut complètement inverser la donne », explique Mariano Capuano. Portefeuilles de valeurs mobilières, assurance-vie, sommes d’argent, meubles, bijoux, œuvres d’art, maison, appartement, terrain, tous les biens peuvent être légué. Il convient cependant de vérifier la capacité de l’OSBL envisagé à recevoir un legs. En effet, certains OSBL n’en ont pas la capacité. C’est le cas par exemple des fondations d’entreprises qui ne peuvent recevoir de legs. Il en est de même pour les associations déclarées en préfecture depuis une durée de moins de trois ans ou pour les associations qui ne sont pas des association d’intérêt général.
Les charges
Il est possible de prévoir un certain nombre de charges qui pèseront sur l’OSBL. « Très souvent il s’agit de l’entretien d’une sépulture, de s’occuper d’un animal de compagnie, sur cette charge particulière nous faisons appel à des associations pour nous en acquitter. Nous avons eu aussi des demandes pour donner par exemple le nom d’un testateur à une salle de conférence », explique Mariano Capuano. Le testateur peut exprimer dans son testament que l’actif transmis soit utilisé par son bénéficiaire pour une affectation précise. Le respect de ces charges sont une obligation pour accepter le legs. Ce type de clause ne permet pas à l’OSBL d’affecter librement le patrimoine transmis aux programmes de son choix. « Il nous est facile d’affecter un legs à un projet donné : il peut s’agir en général de la recherche contre les cancers menée à Gustave Roussy mais aussi pour l’achat de matériels médicaux ou pour un service en particulier. Mais ces demandes d’affectations ne sont pas si nombreuses. En revanche, lorsque nous recevons un immeuble, nous n’avons pas pour vocation de le conserver. Le bien est vendu et renforce ainsi les ressources collectées pour financer recherche et investissements », commente Mariano Capuano. Il convient donc que le testateur veille à ne pas rédiger une charge qui limitera la liberté d’action et l’application de celle-ci réduisant ainsi l’efficacité de l’action de l’OSBL choisi. Si la charge ne peut être exécutée, l’OSBL peut renoncer au legs. l’OSBL peut également exercer une action judiciaire en interprétation du testament afin d’adapter la charge prévue ou une action judiciaire en révision de la condition la charge si elle est impossible à réaliser. Si les charges ne sont pas exécutées, le legs peut également être révoqué. Cette action peut être exercées par les héritiers du testateur pendant une période de 30 ans à partir du jour où ils ont connaissance de l’inexécution de la charge.
Une fiscalité ad hoc
Les legs transmis aux OBSL jouissent d’une fiscalité spécifique. Les legs de droit commun sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit, au taux de 35 % pour la fraction de leur part nette taxable inférieure à 24 430 € et au taux de 45 % pour la fraction au-delà de 24 430 €. Seuls les legs effectués à des OSBL entrant dans les critères de l’article 795 du CGI sont exonérés de ces droits de mutation à titre gratuit : établissements publics charitables, mutuelles, sociétés reconnues d’utilité publique ou assimilées dont les ressources sont affectées à des œuvres d’assistance, à la défense de l’environnement naturel ou à la protection des animaux, associations ou fondations reconnues d’utilité publique ou assimilées dont les ressources sont exclusivement affectées à des œuvres scientifiques culturelles ou artistiques à caractère désintéressé, aux associations d’enseignement supérieur reconnues d’utilité publique, sociétés d’éducation populaire gratuite reconnues d’utilité publique et subventionnées par l’État, associations cultuelles, unions d’associations cultuelles et aux congrégations autorisées, associations affectant les dons à l’édification de monuments aux morts ou encore fonds de dotation. Les legs effectués à des OSBL présentant les mêmes caractéristiques et situés dans l’EEE peuvent également bénéficier de cette exonération fiscale.
Sécuriser les dons
Bien que le monde associatif et les fondations développent de nombreuses campagnes concernant le legs et son incitation, 90 % des seniors considèrent que ces démarches sont encore insuffisantes. Ils appellent de leurs vœux une communication par ces divers organismes sur les actions réalisées grâce aux legs des particuliers. « Cette réponse coïncide d’ailleurs avec le souhait majoritaire qu’ont les donateurs de bien connaître la destination de leur geste de grande générosité », analyse Mariano Capuano. D’après le Baromètre de la confiance de septembre 2015, plusieurs critères permettent de fiabiliser un don ou un legs. Pour 77 % des sondés le contrôle exercé sur les organismes faisant appel au don constitue un critère essentiel. Les organismes faisant appel à la générosité publique peuvent être contrôlés par la Cour des comptes, l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et l’IGAENR (Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche). Les OSBL se sont également dotés de processus internes et n’hésitent pas à faire appel à des tiers pour des audits. Fonctionnement statutaire et gestion désintéressée, rigueur de la gestion, qualité de la communication et des actions de collecte de fonds et la transparence financière : les labels comme celui du Comité de la charte du don en confiance ou celui d’IDEAS, ainsi que les certifications garantissent l’exigence des processus mis en place par l’OSBL. Pour plus d’un donateur sur deux il s’agit d’un levier incitatif que ce soit pour déclencher le don ou pour accorder sa confiance à un organisme.
Un portrait type ?
« Les personnes qui font le choix de léguer leur patrimoine ou une partie de celui-ci à un organisme d’utilité publique sont pour la majorité sans descendance directe. Dans ce cas, près d’un quart des interviewés sont prêts à effectuer un tel geste. Il n’en reste pas moins que lorsqu’elles ont des enfants, certaines personnes font aussi le choix de léguer la quotité disponible à un organisme d’utilité publique », explique Mariano Capuano.
Les personnes qui désirent effectuer un legs à un OSBL doivent calculer le montant qui peut être librement légué : la quotité disponible. En l’absence d’enfant et de conjoint, cette quotité disponible correspond à l’intégralité du patrimoine. En présence d’enfants ou de conjoints, le donateur doit calculer la réserve héréditaire. Il s’agit de la fraction du patrimoine dont il ne peut disposer car elle doit obligatoirement revenir à ses descendants ou au conjoint survivant en l’absence de descendant. Si le donateur a un enfant, la réserve héréditaire est égale à 50 % de la réserve héréditaire. La quotité disponible est égale à 50 % du patrimoine. Si le donateur a deux enfants, la réserve héréditaire est égale à 66,67 % de la réserve héréditaire. La quotité disponible est égale à 33,33 % du patrimoine. Si le donateur a trois enfants ou plus, la réserve héréditaire est égale à 75 % de la réserve héréditaire. La quotité disponible est égale à 25 % du patrimoine. En l’absence d’enfant mais avec la présence d’un conjoint, la réserve héréditaire est égale à 25 % de la réserve héréditaire. La quotité disponible est égale à 75 % du patrimoine.
À l’instar du donateur, on peut dresser un profil-type du testateur. Il s’agit généralement d’une femme de plus de 70 ans, vivant seule et n’ayant pas d’enfant. Ce choix trouve son évidence dans la cohérence à donner un sens à sa fin de vie et une destination à ses biens pour les générations futures.