Précisions sur les droits de mutation exigibles lors d’une distribution de dividendes en nature

Publié le 31/10/2018

La Cour de cassation précise que les droits de mutation ne sont pas exigibles lors d’une distribution de dividendes effectuée sous la forme d’une remise de biens immobiliers.

La décision de distribution des dividendes étant constitutive d’un acte juridique unilatéral et non d’un contrat de cession, la remise d’un immeuble en paiement du dividende dû à une société n’opère pas transmission de propriété du bien immobilier à titre onéreux. Les droits de mutation exigibles en cas de transfert de propriété n’ont donc pas lieu de s’appliquer, d’après la jurisprudence de la Cour de cassation. Dans le cadre d’une récente réponse ministérielle, le sujet de la taxation de la remise de biens immobiliers en guise de distribution de dividendes vient de ressurgir (Rep. min, JOAN 15 mai 2018, p 4063). Cette question avait été notamment tranchée en 2008 par une jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. com., 12 févr. 2008, n° 05-17085). C’est le député La République en Marche de la première circonscription des Pyrénées-Orientales à l’Assemblée nationale, Romain Grau, qui a attiré l’attention du ministre de l’Action et des Comptes publics sur les droits de mutation à titre onéreux portant sur certains transferts de propriété. En effet, si le paiement des dividendes par une société à ses actionnaires s’effectue normalement via des transferts monétaires, les associés peuvent décider de verser les dividendes par la remise d’actifs sociaux, notamment des biens immobiliers. Dans cette dernière hypothèse, la Cour de cassation a jugé que ce type de transferts ne pouvait se rattacher aucunement aux articles 682 et 683 du Code général des impôts dès lors que ces textes ne visaient exclusivement que les mutations à titre onéreux. Par suite, si la collectivité d’associés décide de payer les dividendes par la remise d’un bien immobilier, ce type d’opération ne doit pas être assujetti aux droits de mutation à titre onéreux. Cette opération constitue cependant une mutation et elle ne peut être considérée comme étant effectuée à titre gratuit puisqu’elle vient en paiement de dividendes dûs. Le droit applicable ne permet donc pas d’assujettir aux droits de mutation à titre onéreux, une opération qui n’est pourtant pas une mutation à titre gratuit, analyse le député.

La solution de la Cour de cassation

Dans l’affaire à l’origine de l’arrêt de la Cour de cassation de 2008, la société Garage de l’Étoile a remis à son actionnaire, la société HF participation, à titre de dividendes, un ensemble immobilier. À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale, considérant que cette remise constituait une cession à titre onéreux d’immeuble, a procédé à un redressement tendant au paiement des droits d’enregistrement correspondant à cette opération. Après avoir contesté le redressement et formé une réclamation contentieuse, laquelle a été rejetée, la société a assigné l’administration pour obtenir la décharge de ces impositions. La cour d’appel de Metz a accueilli favorablement cette demande (CA Metz, 19 avr. 2005). L’administration fiscale s’est pourvu en cassation contre cet arrêt au motif que les dispositions de l’article 683-I du Code général des impôts ont vocation à s’appliquer largement à tout acte translatif de propriété de biens immobiliers à titre onéreux. En l’espèce, la société HF participation ayant opté pour le paiement du dividende sous forme de remise de biens immobiliers, la société Garage de l’Étoile s’est trouvée débitrice à son égard d’une obligation en nature de lui transférer la propriété d’un de ses immeubles inscrits à l’actif social. Pour l’administration fiscale, cette forme de paiement du dividende constituait un acte translatif de propriété d’un bien immobilier à titre onéreux. Après avoir relevé que l’article 683-I du Code général des impôts vise les actes translatifs de propriété à titre onéreux, la cour d’appel a néanmoins considéré que les dispositions de ce texte ne s’appliquent pas en l’espèce dès lors que l’opération litigieuse ne constitue pas une cession. Pour l’administration fiscale, ce faisant, la cour d’appel assimilait à tort la notion d’acte translatif de propriété à titre onéreux à celle beaucoup plus restrictive de cession, réduisant ainsi la portée de l’article 683-I du Code général des impôts. Pour la Cour de cassation, après avoir relevé que les articles 682 et 683 du Code général des impôts visaient exclusivement les mutations à titre onéreux, la cour d’appel a, dès lors que la décision de distribution de dividendes constitue un acte juridique unilatéral et non un contrat, décidé, à bon droit, qu’il n’y avait pas eu transmission de propriété de bien immobilier à titre onéreux, la remise de l’immeuble en paiement du dividende dû à la société HF participation ne constituant pas une cession.

La réponse ministérielle

Conformément aux dispositions de l’article 682 du Code général des impôts, à défaut d’acte, les mutations à titre onéreux d’immeubles ou de droits immobiliers sont soumises aux droits d’enregistrement selon le taux prévu pour les opérations de même nature donnant lieu au paiement de la taxe de publicité foncière. L’article 683 du même code précise que les actes civils et judiciaires translatifs de propriété ou d’usufruit de biens immeubles à titre onéreux sont assujettis à une taxe de publicité foncière ou à un droit d’enregistrement au taux prévu à l’article 1594 D, soit 3,80 % avec modulation possible par les conseils départementaux sans que ces modifications puissent avoir pour effet de le réduire à moins de 1,20 % ou de le relever au-delà de 4,50 %. « En application d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la décision de distribution de dividendes constitue un acte juridique unilatéral et non un contrat », précise le ministre de l’Action et des Comptes publics. Le versement de dividendes par la remise de biens immobiliers ne constitue pas une transmission de propriété de bien immobilier à titre onéreux et dès lors n’est pas taxable aux droits de mutation à titre onéreux. « Il n’en demeure pas moins qu’une telle opération n’échappe pas à toute fiscalité, poursuit le ministre. En effet, l’attribution aux associés de produits en nature, telle que par exemple la remise d’un immeuble gratuitement ou à prix réduit, constitue une distribution imposable à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l’article 109 du Code général des impôts ».