L’avis de la Cour de justice de l’Union européenne rendu le 16 mai 2017 à propos de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et Singapour

Publié le 20/07/2017

Dans son avis 2/15 du 16 mai 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et Singapour (ALEUES) ne peut pas, dans sa forme actuelle, être conclu par l’Union seule, du fait que certaines des dispositions envisagées « relèvent de la compétence partagée entre l’Union et les États membres ». Il s’ensuit que l’accord ne peut être conclu que par l’Union et les États membres agissant de concert. Cet avis de la CJUE est important car la solution qu’il propose a vocation à s’appliquer à l’ensemble des accords de libre-échange actuellement en négociation.

En décembre 2009, le Conseil a autorisé la Commission à négocier un accord commercial avec Singapour1. Ces négociations ont commencé en mars 2010 et se sont terminées en octobre 2014. Le 20 septembre 2013, l’Union européenne et Singapour ont paraphé le texte de l’ALEUES, à l’exception du chapitre relatif à la protection des investissements. Les négociations sur ce chapitre investissements ont été clôturées en octobre 2014.

L’ALEUES qui se compose d’un préambule, de 17 chapitres, d’un protocole et de cinq clauses interprétatives est l’un des premiers accords de libre-échange bilatéraux dits de « nouvelle génération ». En effet, il s’agit d’un accord de commerce qui contient, outre les dispositions traditionnelles relatives à la réduction des droits de douane, des dispositions dans diverses matières liées au commerce, telles que la protection de la propriété intellectuelle, les investissements, les marchés publics, la concurrence et le développement durable.

Après la conclusion des négociations de l’ALEUES en octobre 20142, l’idée que les accords commerciaux relèvent de la compétence exclusive de l’UE a été remise en question3. Dans un souci de clarification, la Commission de Bruxelles a été amenée à solliciter l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la nature de l’accord euro-singapourien.

En effet, conformément à l’article 218, paragraphe 11, TFUE, la Commission a saisi en juillet 2015 la CJUE d’une demande d’avis sur la répartition des compétences entre l’Union et les États membres au sujet de l’accord de libre-échange conclu entre l’UE et Singapour. La CJUE était invitée à déterminer ce qui dans l’ALEUES relevait de la compétence exclusive de l’Union, d’une compétence partagée entre l’UE et ses États membres et enfin, de la compétence exclusive des États membres.

La Commission et le Parlement européen ont soutenu que l’Union disposait de la compétence exclusive pour signer et conclure seule l’accord envisagé. En revanche, le Conseil et les gouvernements de tous les États membres qui ont soumis des observations devant la CJUE ont affirmé que l’Union ne pouvait pas conclure l’accord seule parce que certaines de ses parties relevaient d’une compétence partagée entre l’Union et les États membres, voire de la compétence exclusive des États membres.

Ainsi, selon le Conseil, les dispositions en matière de protection de l’environnement, de protection sociale et de protection de la propriété intellectuelle, figurant aux chapitres 7, 11 et 13 de l’accord envisagé, relevaient des compétences partagées entre l’Union et les États membres. Le Conseil a également soutenu que les dispositions du chapitre 14 de cet accord, qui établissent des règles en matière de transparence, ainsi que les dispositions du chapitre 9 de celui-ci, dans la mesure où celles-ci portent sur des investissements étrangers autres que directs, relevaient de compétences appartenant aux seuls États membres.

L’avis rendu le 16 mai 2017 par la CJUE4 donne raison au Conseil qui soutenait que l’accord présentait les caractéristiques d’un « accord mixte »5, un accord devant être approuvé à la fois par l’Union et ses États membres. L’avis de la CJUE présente l’intérêt de clarifier les compétences de l’Union et des États membres dans le cadre des accords commerciaux de « nouvelle génération ». Il devrait avoir une forte influence sur la future politique commerciale de l’UE.

I – La clarification des compétences de l’UE et des États membres

L’avis de la CJUE, qui était très attendu, permet de trancher le désaccord qui opposait d’une part, la Commission européenne et le Parlement européen et, d’autre part, le Conseil sur la nature de l’accord de libre-échange UE-Singapour. Comme l’avocat général Eleanor Sharpston, la CJUE a considéré qu’il s’agit d’un accord mixte.

Elle a confirmé la compétence exclusive de l’UE pour toute une série de dispositions de l’accord UE-Singapour. Elle vient du reste élargir le domaine des compétences exclusives de l’UE par rapport aux conclusions de l’avocat général Eleanor Sharpston. Mais elle retient également que certaines catégories de dispositions figurant dans l’accord relèvent d’une compétence partagée entre l’UE et ses États membres. Ce faisant, « l’accord de libre-échange ne peut être conclu, en l’état actuel, que conjointement par l’UE et les États membres ».

A – Les dispositions de l’accord de libre-échange relevant de la compétence exclusive de l’UE

La CJUE rappelle tout d’abord que l’UE dispose d’une compétence exclusive dans le domaine de la politique commerciale commune conformément à l’article 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Cette politique, qui s’inscrit dans le cadre de « l’action extérieure de l’UE », est « relative aux échanges commerciaux avec les États tiers »6.

Elle est fondée sur des principes uniformes, notamment en ce qui concerne les modifications tarifaires, la conclusion d’accords tarifaires et commerciaux, les investissements étrangers directs, l’uniformisation des mesures de libéralisation, la politique d’exportation, ainsi que les mesures de défense commerciale (TFUE, art. 207).

Selon une jurisprudence constante de la CJUE, un accord relève de la politique commerciale commune si « les engagements contenus dans ledit accord sont destinés à promouvoir, à faciliter ou à régir (les) échanges et ont des effets directs et immédiats sur ceux-ci »7.

Le chapitre 11 de l’accord relatif à la propriété intellectuelle, qui a notamment pour objet de faciliter et de régir les échanges commerciaux entre l’UE et Singapour, relève de la compétence exclusive de l’UE. La CJUE vient préciser que la politique commerciale commune inclut les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle.

Les dispositions du chapitre 12 relatives à la concurrence, qui portent spécifiquement sur la lutte contre les activités anticoncurrentielles et contre les concentrations, relèvent également de la compétence exclusive de l’UE. « Elles s’inscrivent sans équivoque dans le cadre de la libéralisation des échanges entre l’UE et la République de Singapour ».

La Cour déclare que l’UE bénéficie d’une compétence exclusive en ce qui concerne les dispositions en matière de protection des investissements étrangers directs de ressortissants singapouriens dans l’Union et inversement.

Il en va de même pour les dispositions en matière de développement durable figurant dans le chapitre 13 de l’accord. La CJUE souligne que « l’objectif de développement durable fait désormais partie intégrante de la politique commerciale commune ».

La CJUE indique que l’UE est dotée d’une compétence exclusive s’agissant des règles relatives à l’échange d’informations et aux obligations de notification, de vérification, de coopération, de médiation, de transparence et de règlement des différends entre les parties, à moins que ces règles ne se rapportent au domaine des investissements étrangers autres que directs.

Enfin, l’UE dispose d’une compétence exclusive s’agissant de l’accès au marché de l’UE et au marché singapourien en ce qui concerne les marchandises et les services (y compris l’intégralité des services de transport), ainsi que dans le secteur des marchés publics.

Force est de constater que plusieurs matières ont été reconnues comme relevant de la compétence exclusive de l’UE alors que l’avocat général Eleanor Sharpston les avait considérées comme étant des compétences partagées entre l’UE et les États membres.

Dans ses conclusions rendues le 21 décembre 2016, l’avocat général avait considéré que les dispositions relatives aux marchés publics dans la mesure où elles s’appliquent aux services de transport et aux services intrinsèquement liés aux services de transport relevaient des compétences partagées entre l’UE et les États membres.

Il avait aussi estimé que la compétence externe de l’UE était partagée avec les États membres en ce qui concerne les dispositions qui fixent des normes de base en matière de travail et d’environnement et qui relèvent du champ d’application soit de la politique sociale soit de la politique de l’environnement.

D’une manière générale, l’avis de la CJUE interprète de manière assez large le champ de la politique commerciale de l’UE. Ainsi, la Cour de justice soutient que l’objectif de développement durable fait partie intégrante de la politique commerciale commune et non de la seule politique environnementale de l’UE, laquelle relève d’une compétence partagée entre l’Union et les États membres aux termes de l’article 4 du TFUE. La CJUE prend soin de préciser que l’accord envisagé vise à subordonner la libéralisation des échanges commerciaux entre l’UE et la République de Singapour « à la condition que les parties respectent leurs obligations internationales en matière (…) de protection de l’environnement »8.

B – Les dispositions de l’accord de libre-échange relevant d’une compétence partagée entre l’UE et ses États membres

S’agissant de la protection des investissements, la Cour opère une distinction entre les investissements directs qui relèvent de la compétence exclusive de l’UE et les autres types d’investissements.

Selon une jurisprudence bien établie, la notion d’investissement direct concerne les « investissements auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l’entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l’exercice d’une activité économique »9. Les investissements directs donnent « la possibilité de participer effectivement à la gestion ou au contrôle d’une société exerçant une activité économique ».

La CJUE a retenu que le domaine des investissements étrangers « autres que directs » (investissements « de portefeuille » opérés sans intention d’influer sur la gestion et le contrôle d’une entreprise) relève d’une compétence partagée entre l’UE et ses États membres10.

Pour que l’UE ait la compétence exclusive dans le domaine des investissements étrangers autres que directs, il aurait fallu, selon la CJUE, que la conclusion de l’accord soit de nature à affecter des actes de l’Union ou d’en altérer la portée.

La CJUE a également considéré que le régime de règlement des différends entre investisseurs et États relève de la compétence partagée entre l’UE et les États membres11. En effet, selon la Cour, un tel régime, qui soustrait des différends à la compétence juridictionnelle des États membres, implique le consentement de ces derniers12.

La CJUE « semble suggérer que si l’accord avait intégré des dispositions rendant obligatoire le recours aux juridictions nationales avant la saisine du mécanisme international, la compétence de celles-ci aurait été préservée et, dès lors, l’accord des États membres n’aurait pas été nécessaire »13.

Les investissements étrangers « autres que directs » et le régime de règlement des différends État/investisseur sont deux volets très sensibles de l’accord UE-Singapour.

Les investissements étrangers peuvent concerner l’achat de technologies jugées essentielles (défense, drones…) à propos desquelles certains États membres ont déjà mis en place une législation restrictive14.

Les mécanismes de résolution des différends entre États et entreprises, qui sont prévus dans la plupart des accords conclus depuis 2009 comme dans ceux en cours de négociation, font l’objet de controverses. Ces mécanismes d’arbitrage risquent de porter atteinte à la capacité à légiférer des États selon les mouvements anti-CETA (traité de libre-échange UE-Canada) ou anti-TTIP15 (traité de libre-échange euro-américain).

Les opposants à ces traités de libre- échange se sont d’ailleurs félicités de l’avis rendu par la juridiction européenne qui a pour effet d’inclure les États membres et leurs organes parlementaires dans le processus d’approbation de ces accords. Mais, comme le remarque Marianne Dony, l’avis de la CJUE peut aussi créer « l’illusion d’un droit de regard des parlements nationaux sur les accords commerciaux »16. En effet, ces parlements nationaux ne pourront se prononcer que sur les chapitres liés aux investissements, lesquels « ne représentent qu’une petite partie des accords »17. Sur le reste, ils ne seront pas consultés puisque cela relève de la compétence exclusive de l’UE.

Enfin, la Cour de Luxembourg a précisé que les dispositions de l’ALEUES concernant la transparence relèvent de la compétence partagée entre l’UE et les États membres dans la mesure où elles imposent à l’Union et aux États membres de respecter les principes généraux et les droits fondamentaux de l’Union.

II – Les conséquences de l’avis 2/15 rendu par la CJUE le 16 mai 2017

Le multilatéralisme qui est en crise depuis le milieu des années 2000 a laissé le champ libre à un bilatéralisme « conquérant »18. Les échecs des négociations multilatérales menées dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont incité l’UE à multiplier les accords bilatéraux de libre-échange avec des États tiers. L’avis 2/15 de la CJUE aura un impact significatif sur les accords de libre-échange en négociation (avec le Japon, le Mexique…) sans oublier l’accord de libre-échange qui sera négocié entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, une fois le Brexit finalisé.

A – L’avis de la CJUE et les accords de libre-échange de l’UE

L’avis 2/15 de la CJUE est d’une importance capitale pour la politique de libre-échange de l’Union européenne. Les accords commerciaux dits de « nouvelle génération » que conclura à l’avenir l’UE, par l’intermédiaire de la Commission, devront pour entrer en vigueur être validés par le Conseil et le Parlement européen ainsi que par l’ensemble des États membres de l’UE selon leurs règles constitutionnelles respectives, soit, en pratique, par les 38 parlements nationaux et régionaux de l’UE (dont l’Assemblée nationale et le Sénat en France).

Même si on peut y voir un renforcement de la transparence, la reconnaissance par les juges de Luxembourg du caractère mixte de ce type d’accord n’est pas de nature à renforcer la position internationale de l’UE. Elle est susceptible d’affaiblir la politique commerciale de l’UE. Elle risque également de la politiser dans un contexte où le libre-échange est de plus en plus critiqué. Comme on le sait, les accords de libre-échange négociés par l’UE ont fait l’objet ces dernières années de critiques fréquentes de la part de certains États membres et ont rencontré une forte opposition dans la société civile19.

Il convient de rappeler que la signature du traité de libre-échange entre le Canada et l’UE (CETA) a failli ne jamais avoir lieu compte tenu de l’opposition de l’un des sept parlements du Royaume de Belgique, celui de la Wallonie. Le CETA qui a été déclaré accord mixte par la Commission en juillet 2016 a finalement été signé le 30 octobre 2016 par le Premier ministre canadien et le président du Conseil européen20.

La procédure d’approbation d’un accord commercial « mixte », qui donne à chaque État un pouvoir de veto, est longue et fastidieuse. « Le processus de ratification s’apparente à un parcours du combattant »21. La possibilité d’un blocage au niveau de la ratification, après des années de négociations, par l’un quelconque des parlements des États membres de l’UE ne peut jamais être écartée. Cette lourdeur de la procédure est d’ailleurs de nature à remettre en cause la crédibilité de l’UE face aux États tiers.

Il a fallu quatre ans et demi pour que l’accord UE-Corée du Sud négocié en 2011, qui est le premier exemple d’accord de libre-échange de nouvelle génération entre l’UE et un pays tiers, soit ratifié par l’intégralité des parlements des États membres. Appliqué à titre provisoire depuis juillet 2011, il est définitivement entré en vigueur le 13 décembre 2015.

Par ailleurs, l’avis de la CJUE est venu conforter la position du gouvernement wallon. Le ministre-président wallon, le socialiste Paul Magnette, qui s’était opposé, en octobre 2016, à la signature du CETA, n’a pas manqué de faire part de sa satisfaction à l’égard de l’avis rendu par la CJUE : « la Cour européenne confirme que la Wallonie a bien son mot à dire sur les conflits multinationales-États dans les accords commerciaux »22. « C’est une très grande satisfaction pour nous puisque nous avons toujours défendu cette thèse selon laquelle les traités de la nouvelle génération comme le CETA, qui vont beaucoup plus loin que le commerce classique, relèvent en partie de la compétence des États membres »23. Le Parlement de Wallonie avait notamment contesté le mécanisme d’arbitrage pour les différends entre investisseurs et États figurant dans le CETA.

Le gouvernement belge a quant à lui annoncé qu’il allait saisir la CJUE d’une demande d’avis pour savoir si le règlement des différends État/investisseur tel que prévu dans l’accord UE-Canada était bien conforme aux traités européens. On observera à cet égard que l’avis 2/15 rendu par la CJUE le 16 mai 2017 porte uniquement sur la question de la compétence exclusive ou non de l’UE et non sur la compatibilité du contenu de l’accord avec le droit de l’UE.

Enfin, la Commission pourrait être tentée de contourner à l’avenir les difficultés liées à la ratification des accords de libre-échange de « nouvelle génération ». Elle va devoir, selon Marianne Dony, « évaluer les coûts et avantages d’introduire des chapitres sur l’investissement dans les accords commerciaux de nouvelle génération »24.

Elle pourrait décider de scinder les futurs accords de libre-échange en deux. Les questions commerciales seraient traitées indépendamment des mécanismes d’arbitrage des différends États/investisseur.

Le volet commercial relèverait de la compétence exclusive de l’Union européenne tandis qu’un accord distinct sur les investissements serait lui soumis à la ratification des États membres de l’UE. Ainsi, pour Charles de Marcilly, la Commission « pourrait choisir de ne pas introduire dans l’accord commercial principal les règlements des différends (entre États et investisseurs) afin de n’avoir que ces derniers à présenter à la ratification des parlements nationaux »25.

Mais, si l’UE « décide de négocier en parallèle des accords duaux », l’un sur les matières où sa compétence est exclusive, et l’autre sur les investissements, le risque est, selon Nicolas de Sadeleer, que « les interlocuteurs des pays tiers n’y comprennent plus rien »26 .

B – L’avis de la CJUE et le Brexit

Compte tenu du Brexit27, le Royaume-Uni devra conclure un accord de libre-échange avec l’UE afin de compenser sa future exclusion du marché intérieur.

L’adoption d’un tel accord pourrait être facilitée dans un premier temps eu égard à l’interprétation large de la notion de politique commerciale commune retenue par la CJUE dans son avis.

Le 29 avril 2017, les dirigeants des « 27 », qui ont adopté à l’unanimité les « orientations » en vue des négociations sur le Brexit, ont fait valoir qu’il convient de régler au préalable les questions du divorce avec le Royaume-Uni avant de négocier un accord commercial bien que Londres aurait souhaité que cela se fasse en parallèle.

On notera que le Royaume-Uni a abordé la question sensible du règlement des différends État/investisseur dans le cadre de son Livre blanc sur le Brexit28 qui a été publié le 2 février 2017.

Il est permis de penser que l’UE et le Royaume-Uni seront amenés à négocier un accord commercial comparable à celui que l’UE a conclu avec Singapour, c’est-à-dire un accord « mixte » qui devra être soumis pour approbation aux parlements des vingt-sept pays membres de l’UE. Force est de reconnaître que ce type d’accord sera de nature à limiter la marge de manœuvre du gouvernement britannique. La ratification de l’accord pourrait s’avérer délicate dans l’hypothèse où les négociations se passeraient mal.

En conclusion, il apparaît que l’avis de la Cour de justice, qui a parfois été présenté comme un « sérieux revers » pour l’exécutif européen, présente un intérêt évident pour l’adoption des futurs accords de libre-échange bilatéraux dits de nouvelle génération. Il vient préciser l’étendue de la politique commerciale de l’UE, une politique que certains souhaitent aujourd’hui refonder29.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L’UE est le troisième partenaire commercial de Singapour et son premier investisseur.
  • 2.
    Commission européenne, « Conclusion des négociations sur les investissements entre l’UE et Singapour », 17 oct. 2014.
  • 3.
    De Marcilly C., « La politique commerciale de l’Union européenne au risque des défis internes », Question d’Europe– Fondation Robert Schuman, n° 407, http://www.robert-schuman.eu/fr.
  • 4.
    CJUE, 16 mai 2017, avis n° 2/15, ECLI:EU:C:2017:376.
  • 5.
    Un accord international est qualifié de « mixte » lorsqu’il concerne un des secteurs dans lequel l’UE partage ses compétences avec les États membres (TFUE, art. 4). Dans ce cas de figure, l’accord est alors conclu à la fois par l’UE et par les États membres qui doivent donner leur assentiment.
  • 6.
    CJUE, 18 juill. 2013, n° C-414/11 : RTD eur. 2013, p. 903, obs. Treppoz E.
  • 7.
    Ibid.
  • 8.
    CJUE, 16 mai 2017, préc., point 166.
  • 9.
    CJUE, 17 oct. 2013, n° C-181/12, Yvon Welte.
  • 10.
    CJUE, 16 mai 2017, préc., points 225 et s.
  • 11.
    Notons que la création d’une juridiction internationale permanente chargée du règlement des différends investisseur-État a été proposée. Dans sa déclaration du 27 octobre 2016, le conseil a apporté son soutien à la commission « dans sa volonté d’œuvrer en vue de l’établissement d’une cour multilatérale d’investissement ».
  • 12.
    CJUE, 16 mai 2017, préc., points 285 et s.
  • 13.
    V. 3 questions à Régis Bismuth sur l’avis 2/15 rendu par la CJUE sur le traité commercial conclu entre l’UE et Singapour, http://www.leclubdesjuristes.com.
  • 14.
    V. Ducourtieux C., « Libre-échange : le rôle des parlements reconnu », Le Monde 17 mai 2017.
  • 15.
    Le président des États-Unis, Donald Trump, qui a multiplié les déclarations favorables au protectionnisme, s’est prononcé contre ce traité, aussi appelé TAFTA.
  • 16.
    V. Le Bussy O., « Les États membres ont un mot à dire sur les accords commerciaux passés par l’Union », La Libre Belgique, 17 mai 2017.
  • 17.
    Ibid.
  • 18.
    V. Ghérari H., « Organisation mondiale du commerce et accords commerciaux régionaux. Le bilatéralisme conquérant ou le nouveau visage du commerce international », RGDIP 2008, n° 2, p. 255-293.
  • 19.
    On notera que dans un arrêt rendu le 10 mai 2017, le Tribunal de l’UE a annulé la décision de la Commission européenne ayant refusé l’enregistrement de la proposition d’initiative citoyenne « Stop TTIP » (aff. n° T-754/14). Cette initiative appelait les institutions de l’UE et les États membres à arrêter les négociations avec les États-Unis sur le partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP) et à ne pas ratifier l’accord économique et commercial global (CETA) avec le Canada.
  • 20.
    Il devra être ratifié par tous les États membres de l’UE avant d’entrer définitivement en vigueur. Le 22 février 2017, une centaine de parlementaires ont saisi le Conseil constitutionnel à propos de ce traité qu’ils jugent incompatible avec la Constitution (aff. n° 2017-749 DC).
  • 21.
    V. De Marcilly C., préc.
  • 22.
    https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_ceta-la-cjue-nous-donne-raison-contre-la-commission-dit-paul-magnette?id=9607110.
  • 23.
    Ibid.
  • 24.
    V. Le Bussy O., préc.
  • 25.
    V. Ducourtieux C., préc.
  • 26.
    V. Le Bussy O., préc.
  • 27.
    Les britanniques ont décidé, par référendum intervenu le 23 juin 2016, de quitter l’UE. Le 29 mars 2017, le gouvernement britannique a activé l’article 50 du TUE, lançant ainsi officiellement son divorce avec l’UE. Dans sa lettre d’activation de l’article 50 du TUE, qui a été remise au président du conseil européen, la Première ministre du Royaume-Uni Theresa May a réclamé un « partenariat étroit et spécial ».
  • 28.
    V. The United Kingdom’s exit from and new partnership with the European Union, févr. 2017, https://www.gov.uk/government/publications/the-united-kingdoms-exit-from-and-new-partnership-with-the-european-union-white-paper.
  • 29.
    Ainsi, par exemple, la « déclaration de Namur » initiée par Paul Magnette et cosignée par 40 universitaires a proposé de changer la manière dont l’UE négocie les traités commerciaux. Elle a été rendue publique le 5 décembre 2016.