Le monde judiciaire manifeste dans toute la France pour sauver la PJ
À Paris, mais aussi dans plusieurs grandes villes de France, policiers, magistrats et avocats ont manifesté ce jour contre la réforme de la police judiciaire censée entrer en application le 1er juillet prochain.
La révolte continue contre la réforme de la police judiciaire. Alors que son entrée en application approche, l’Association nationale de la police judiciaire (ANPJ), créée en réaction à ce projet, a appelé à manifester dans toute la France ce jeudi.
Jeudi 16 mars 2023 !
Mouvement national, partout en France !
Suivez les villes où vous pouvez nous rejoindre 😉https://t.co/SpQxNAookB#stopreformeDDPN #sauvezlaPJdeCLEMENCEAU#sauvezlaPJ#sauvezlinvestigation— ANPJ-ASSO (@ANPJ_ASSO) March 14, 2023
Elle a été rejointe notamment par l’Union syndicale des magistrats qui a mobilisé ses troupes au soutien des policiers.
Pourquoi cette mobilisation ?
Nous avons besoin d'enquêteurs spécialisés, efficaces, pour résoudre des enquêtes complexes à dimension nationale/internationale, pour lutter contre la délinquance de haut spectre (criminalité organisée, délinquance financière…) https://t.co/GWhYNeJjKt
— Union syndicale des magistrats USM (@USM_magistrats) March 14, 2023
Ainsi que l’association Anticor, pour qui « la lutte contre la criminalité la plus grave, les atteintes à la probité, la traite des êtres humains, la criminalité économique et financière, la cybercriminalité requièrent des moyens et des policiers spécialisés et non la dilution des moyens et des hommes ».
Depuis octobre, Anticor alerte sur le projet de la #réformePJ. L’association a été auditionnée en janvier dans le cadre de la mission d’information du Sénat sur cette réforme. #AnticorPropose
Pourquoi Anticor soutient les policiers qui refusent la réforme de la PJ ? 🧵[1/10]— Anticor (@anticor_org) March 14, 2023
L’investigation menacée d’être diluée dans les fonctions de sécurité
Très contesté depuis des mois, le projet consiste à rassembler au sein de nouvelles « directions départementales de la police nationale » (DDPN) la sécurité publique, la police judiciaire, et la police aux frontières et du renseignement. Sur le papier, il s’agit de mettre fin à une organisation en silo dans un objectif d’efficacité, mais aussi de répondre à une inquiétante crise des vocations (lire à ce sujet l’analyse du commissaire divisionnaire honoraire Julien Sapori)
En pratique, la PJ craint d’être diluée dans les fonctions de sécurité, au préjudice de l’investigation, de perdre son indépendance en étant rattachée au préfet, mais aussi ses compétences dans le traitement de la grande délinquance financière. Des craintes partagées tant par les magistrats que par les avocats, au point que la réforme a suscité une alliance totalement inédite des trois professions contre elle.
Les magistrats redoutent de perdre la possibilité de choisir leurs enquêteurs et surtout de voir disparaître, à terme, ce corps d’élite qui est actuellement le mieux outillé pour lutter contre la très grande délinquance. Côté avocats, on s’émeut de cette extension du périmètre de l’Intérieur (rattachement au Préfet) au détriment du judiciaire et de ses garanties en termes de droits et libertés, sous le contrôle d’un juge.
Le Sénat demande un moratoire jusqu’aux Jeux olympiques
Les opposants au projet ont reçu le soutien du Sénat qui a publié le 1er mars un rapport d’information au nom de la commission des lois très documenté sur le sujet et demande au gouvernement un moratoire jusqu’aux Jeux olympiques de 2024. Mais cela sera-t-il suffisant pour sauver un corps professionnel de 5 600 personnes au sein de la police qui compte 180 000 fonctionnaires ?
9 – Prévoir un moratoire de la réforme jusqu’aux jeux Olympiques et Paralympiques de @Paris2024, afin de pouvoir préparer son entrée en vigueur dans de bonnes conditions sans mettre en difficulté la sécurité des grands évènements à venir. pic.twitter.com/RWusxQcrGi
— Sénat (@Senat) March 10, 2023
À Paris, quelques centaines de personnes se sont rassemblées ce jeudi midi devant l’entrée des locaux de la police judiciaire Porte de Clichy. Beaucoup de policiers, mais aussi des magistrats, dont le président de l’Union syndicale des magistrats, Ludovic Friat, ainsi que des juges du tribunal judiciaire de Paris et de la cour d’appel.
Parmi les manifestants, on reconnaissait aussi quelques avocats notamment le célèbre blogueur Eolas.
#TouchePasMaPJ pic.twitter.com/ihSWdQayPo
— Maitre Eolas (@Maitre_Eolas) March 16, 2023
D’autres mobilisations ont eu lieu à :
Nantes
Les avocats @barreaunantes apportent leur soutien à la mobilisation @ANPJ_ASSO @USM_magistrats @SMagistrature contre la réforme de la police judiciaire pic.twitter.com/D5y1IiO4K3
— Barreau de Nantes (@barreaunantes) March 16, 2023
Montpellier
Réforme contestée de la police nationale : à #Montpellier, policiers, magistrats et avocats réunis pour dénoncer la disparition de la #PJ @ANPJ_ASSO @TontonGeorgesC @USM_magistrats @SMagistrature https://t.co/BHWsxRHfUI
— FRANÇOIS BARRERE (@FB_Midilibre) March 16, 2023
Bordeaux
#E1 #Police #PJ A l’appel de @ANPJ_ASSO Nouvelle mobilisation devant le Tribunal judiciaire de Bordeaux pour dénoncer la réforme de « départementalisation » des services de police, voulue par @GDarmanin pic.twitter.com/qJkMssMWL5
— Stéphane Place 🎙 (@StephanePlace) March 16, 2023
Angers
Nouvelle mobilisation à #Angers de la PJ mais aussi de l’union syndicale de la magistrature et des avocats contre la réforme de la police judiciaire @ANPJ_ASSO @USM_magistrats pic.twitter.com/dnTplpPWcW
— Maël Fabre (@maelfabre) March 16, 2023
Nancy
ANPJ contre la RÉFORME DDPN devant le TJ NANCY, avec le soutien des magistrats du Parquet, magistrats instructeurs, JIRS, greffiers, avocats et ANTICOR. Tous crient #stopreformeDDPN et sanctuarisation de la Police Judiciaire 👍✊ pic.twitter.com/qskLdw8nyb
— Bip Bip (@54zouz) March 16, 2023
Meaux, où le vice-bâtonnier Jean-Christophe Ramadier avait appelé à manifester en soutien de la police judiciaire, devant le tribunal. Trois magistrats du parquet et trois juges d’instruction étaient présents aux côtés d’une vingtaine de « PJistes ».
etc…
Dans un long communiqué de trois pages, l’ANPJ prédit la fin de la police judiciaire en raison du choix du projet « le plus catastrophique » par le ministre. Certes, on est passé de directions départementales à interdépartementales, mais l’association dénonce un effet purement cosmétique.
Un taux de résolution des affaires de…87% !
La PJ en profite pour rappeler ses excellents résultats en 2022 : 5483 personnes déférées, 3948 « malfaiteurs de haut vol » écroués, 332 millions d’avoirs criminels, 67 tonnes de cannabis, 21 tonnes de cocaïne saisis et un taux de résolution des affaires de …87% « sans équivalent en Europe ». En novembre dernier, Thierry Renault, vice-président de l’ANPJ confiait dans nos colonnes que l’association n’était pas opposée à une réforme, mais pas comme ça. « Contrairement à ce qu’il dit (NDLR : le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin), on ne fait pas un caprice de diva, on n’est pas des seigneurs campés sur notre pré carré. Il faut réformer, créer une filière investigation en intégrant des effectifs de sûreté départementale avec la PJ à sa tête. Une filière indépendante, comme la DGSI (3), avec un budget à part. Il faut aussi réformer le code de procédure, trier les plaintes, ne pas ouvrir un dossier pour le gamin qui pique au supermarché quand le produit n’en est même pas sorti. Donner plus de responsabilités à la police municipale, aux services territoriaux, ne plus encombrer les niveaux 1 et 2 de la police nationale ».
Jusqu’ici, le gouvernement fait la sourde oreille et poursuit la mise en oeuvre de son projet. Pour l’ANPJ, rejointe par une large partie du monde judiciaire, si la réforme est menée à son terme dans son organisation actuelle, « le PJ n’existera plus qu’au travers de vieilles affaires emblématiques, de polars haletants, et de films noirs tels « 36 », « scène de crime », « le petit lieutenant », « les brigades du tigre », Novembre », ou plus récemment « la nuit du 12 ».
La fiction, qui sait ce qu’elle doit à la légendaire PJ, était également présente à la manifestation, sous les traits de la comédienne Caroline Proust, alias capitaine Laure Berthaud dans la série française Engrenages…
Référence : AJU356779