Les amendements de suppression des CCD doivent être discutés !

Publié le 06/07/2023

Trois amendements portant sur la suppression des cours criminelles départementales (CCD) devaient être discutés dans le cadre du projet de loi de programmation de la justice, mais une correction technique effectuée par le député Erwan Balanant, rapporteur du texte, les a fait tomber. Benjamin Fiorini, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université Paris 8, demande à l’intéressé de trouver un moyen pour que l’accident de procédure puisse être corrigé et les amendements examinés. 

Les amendements de suppression des CCD doivent être discutés  !
Photo : Sophie Cottin-Bouzat/Adobe

Le combat contre les cours criminelles départementales (CCD), juridictions exclusivement composées de cinq magistrats professionnels qui remplacent désormais les cours d’assises et le jury populaire dans près de 60% des affaires criminelles (essentiellement les viols) devait connaître son point d’orgue ce matin du 6 juillet à l’Assemblée nationale. En effet, trois amendements de suppression des CCD devaient être discutés en séance publique dans le cadre des débats portant sur le projet de loi d’orientation et de programmation de la justice 2023-2027. Il s’agissait  des amendements n° 417n° 917 et n° 712 déposés respectivement par les députés Francesca Pasquini (EELV), Ugo Bernalicis (LFI) et Elsa Faucillon (GDR) (voir notre article du 12 décembre sur le soutien des parlementaires).

Ces amendements, qui reçoivent également le soutien de certains députés situés à droite de l’échiquier politique, avait quelques chances de succès, notamment au regard de l’incapacité des CCD à atteindre les objectifs qui leur avaient été assigné, et du fort risque d’inconstitutionnalité qui pèse désormais sur elles.

Accident rédactionnel

D’ailleurs, dans une tribune récemment publiée dans le journal Le Monde initiée par le collectif #NousToutes, une centaine de responsables associatifs (collectifs féministes, associations de protection des droits des victimes, associations de promotion de la démocratie participative) et de membres des professions du droit et du monde judiciaire, ont appelé l’ensemble des députés à voter ces amendements de suppression des CCD.

Hélas, le 5 juillet dans la soirée, il s’est produit à l’Assemblée nationale un évènement absolument improbable… Le rapporteur du projet de loi, le député Erwan Balanant (MoDem, soutien du gouvernement) a fait voter un amendement n°893, purement rédactionnel, modifiant à la marge l’un des articles relatifs aux CCD que les amendements précités proposaient de supprimer (pour être concret, un « V bis » figurant dans l’article 380-17 du Code de procédure pénale s’est transformé en « V« ).

Or le règlement de l’Assemblée nationale prévoit que lorsqu’un texte est modifié en séance par voie d’amendement, aucun amendement ultérieur ne peut venir le supprimer. Autrement dit, les amendements de suppression des CCD sont tombés. En principe, ils ne pourront même pas être discutés !

Cette situation est totalement anormale, puisque le règlement de l’Assemblée nationale prévoit, en son article 100, alinéa 6, que lorsque des amendements visent à modifier des textes dans un sens contraire, ils doivent être discutés simultanément, pour éviter que le vote de l’un n’empêche celui de l’autre. Malheureusement, cette disposition du règlement n’a pas été appliquée, faisant subséquemment tomber les amendements, ce que le député Balanant a qualifié d’ « effet de bord » involontaire… Voici la vidéo de la séquence où tout cela s’est passé, de 02’28 »34 »’ à 02’31 »02′‘.

Trop tard pour corriger ?

A la fin de la séquence, le député Balanant promet qu’il essaiera de trouver une solution pour que la discussion ait lieu, car elle « aurait dû avoir lieu« . Mais ce matin, son discours a été très différent – conséquence probable d’un contre-ordre du gouvernement… -, puisqu’il a indiqué qu’il était « trop tard » pour agir. Pourtant, en sa qualité de rapporteur à la commission, il est le seul – avec le gouvernement – à pouvoir impulser une réouverture du dépôt d’amendement ou à permettre le dépôt d’un sous-amendement.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, les députés sont en train s’activer pour qu’une solution soit trouvée, mais une issue favorable est désormais très incertaine, tant que le rapporteur Balanant et le gouvernement camperont sur leurs positions. Au déni démocratique de l’effacement du jury populaire, s’ajouterait donc le déni de la démocratie parlementaire, ce qui serait profondément inadmissible. A cet égard, il faut rappeler que la question de la généralisation des cours criminelles départementales est âprement débattue depuis plusieurs mois, que ce questionnement a largement été relayé dans les médias, et qu’à ce titre, la survenance d’un débat sur cette question dans l’Hémicycle serait la moindre des choses.

C’est la raison pour laquelle, au nom de l’association « Sauvons les assises ! » dont j’assure la présidence, et fort du soutien des milliers de personnes qui se retrouvent dans ce combat, je demande au débuté Balanant et au gouvernement de faire en sorte que le sujet de la suppression des CCD puisse être discuté à l’occasion des débats portant sur le projet de loi d’orientation et de programmation de la justice 2023-2027.

Le respect des exigences démocratiques les plus élémentaires est à ce prix.

 

 

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