Réforme des assises : une pétition est déposée au Sénat pour sauver le jury populaire

Publié le 10/01/2023

Alors que la généralisation des cours criminelles départementales (CCD) est entrée en application le 1er janvier, la mobilisation contre cette réforme et pour la préservation des cours d’assises ne faiblit pas. Benjamin Fiorini, l’universitaire qui mène depuis des mois la bataille pour préserver le jury populaire, vient de déposer une pétition au Sénat. Il nous explique les raisons de sa démarche. 

Réforme des assises : une pétition est déposée au Sénat pour sauver le jury populaire
Entrée de la salle des Assises (Photo : ©O. Dufour)

Actu-Juridique : Vous venez de déposer une pétition au Sénat pour défendre les jurys d’assises, de quoi s’agit-il ?

 Benjamin Fiorini : A l’initiative de Gérard Larcher qui voulait « revivifier le droit de pétition » le Sénat a créé en janvier 2020 un site dénommé e-petitions sur lequel n’importe quel citoyen peut déposer une pétition pour proposer soit un texte législatif, soit une mission de contrôle. Si la pétition recueille 100 000 signatures dans les six mois, elle est transmise à la conférence des présidents qui peut y donner suite. La pétition que j’ai déposée le 6 janvier sollicite l’inscription d’un texte législatif à l’ordre du jour.

Actu-Juridique : Pourquoi ce choix ? Est-ce la même pétition que celle que vous avez déjà lancée ?

BF : C’est une nouvelle pétition, toutes les personnes qui ont signé la première doivent donc, si elles continuent de vouloir défendre les assises, signer celle du Sénat. L’idée est de créer un mouvement citoyen le plus large possible, de maintenir l’attention du public et des médias, mais aussi de venir au soutien de la proposition de loi préparée par la députée EELV Francesca Pasquini. Théoriquement, celle-ci doit être déposée lors de la prochaine fenêtre parlementaire au printemps, mais s’il advenait qu’EELV choisisse de défendre un autre sujet, nous nous réservons ainsi une nouvelle voie parlementaire. Par ailleurs, le texte de la proposition liée à la pétition du Sénat intègre les conclusions très critiques de l’expérimentation des cours criminelles départementales, ce qui n’est pas le cas de la première pétition ni de la première proposition de loi car le rapport n’était pas encore sorti. C’est aussi une possibilité de fédérer un mouvement transpartisan au sein du Parlement grâce à un texte sans couleur politique.

Actu-Juridique : Voilà des mois que vous mobilisez sur cette question, où en est-on ?

BF : S’agissant du garde des Sceaux, il apparaît clairement pour l’instant qu’il n’entend pas revenir sur la généralisation des cours criminelles départementales. Au contraire, le ministre continue de défendre la réforme, en se prévalant des conclusions de deux rapports d’étape pourtant invalidés par le dernier rapport d’évaluation publié en novembre dernier. Or, c’est le seul qui a pu s’appuyer sur des données statistiques et donc le plus pertinent. Le sénateur EELV Guy Benarroche, membre du comité d’évaluation des CCD, se prépare d’ailleurs à questionner Éric Dupond-Moretti sur le décalage entre son discours public et les conclusions de la mission d’évaluation des CCD sur lesquelles il prétend se fonder. Concernant la mobilisation, plus de 43 barreaux ont déjà adopté des motions sur le sujet. Le Conseil national des barreaux va examiner la question en assemblée générale ce vendredi. Le Syndicat de la magistrature s’est officiellement prononcé contre les CCD. Nous attendons la position de l’USM dont plusieurs membres ont déjà exprimé sur les réseaux sociaux leur soutien à notre combat. Côté Parlement, des députés républicains seraient partants pour soutenir la démarche, et même des députés Renaissance ! Les associations féministes commencent à se mobiliser. Et pour cause ! La quasi-totalité des dossiers examinés par les CCD sont des affaires de crimes sexuels, ce qui revient à créer une juridiction spéciale pour les viols. Cela choque d’ailleurs les Britanniques, comme je l’ai découvert à l’occasion d’une interview à un journal anglais. Enfin, je signale la création du site Sauvons les assises où l’on retrouve toutes les interventions dans les médias et où il est surtout possible de signer la nouvelle pétition.

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