Chronique autorités administratives indépendantes et libertés n° 9

(Premier semestre 2017 et un peu plus…)
Publié le 19/04/2018

Depuis l’adoption des lois du 20 janvier 2017 relatives à leur nouveau statut (v. chronique précédente), les autorités administratives indépendantes (AAI) et les autorités publiques indépendantes (API) ont poursuivi leur œuvre de protection des droits et libertés, en déployant leurs possibilités d’action.

Elles ont d’une part, affirmé leurs prérogatives, élargi leur mission et renouvelé leurs méthodes de travail, en se saisissant de sujets sensibles et d’actualité, tout en rencontrant parfois des limites à leur déploiement (I).

En intervenant sur la scène politique, médiatique et judiciaire, elles ont d’autre part, croisé leurs actions pour défendre les droits et libertés des personnes vulnérables et lutter contre les discriminations. La mise en œuvre des politiques sécuritaires, notamment, a donné l’occasion aux AAI de se saisir de nombreuses situations d’atteinte aux droits et libertés qu’elles sont chargées de protéger. Si la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) ne figure pas parmi la liste des 26 AAI et API retenues par le législateur, elle démontre une nouvelle fois son indépendance dans sa mission de défense de l’État de droit et des libertés en s’intéressant à la question de l’effectivité des droits en Outre-mer (II).

I – Les actualités institutionnelles des AAI : le déploiement des prérogatives, des missions et des méthodes de travail

A – La mise en œuvre des prérogatives et l’élargissement des missions des AAI

CNCTR – Premier rapport d’activité.

La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) a rendu son premier rapport annuel d’activité le 13 décembre 20161 dans un climat de menace terroriste exacerbée et du vote subséquent du nouvel arsenal législatif, la loi Renseignement, limitant la protection des libertés individuelles au profit d’une surveillance étendue et généralisée.

Ce rapport est scindé en six parties et une centaine de pages d’annexes comprenant des délibérations de la commission, son règlement intérieur, le décret arrêtant sa composition, la liste de ses homologues et de nombreuses décisions du Conseil constitutionnel. La commission revient d’abord sur l’instauration progressive du contrôle de l’activité des services de renseignement, puis sur sa propre création, ses missions, son organisation, son fonctionnement, son intégration institutionnelle, et ses perspectives tant en termes de compétence que de dialogue et d’information avec le public, les services de renseignement, le Parlement, ses homologues étrangers et encore les institutions internationales chargées de la protection des droits fondamentaux. C’est le premier rapport rendu par cette autorité qui fait donc office à la fois de synthèse du travail de sa première année d’activité, de transition avec l’ancienne Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) et d’exposé des enjeux intrinsèques à ses missions.

Si elle commence par se féliciter de l’amélioration de l’encadrement de l’activité des services de renseignement par rapport à l’activité antérieure aux lois du 24 juillet et du 30 novembre 2015, elle souligne néanmoins une difficulté relative à la censure de l’« exception hertzienne » par le Conseil constitutionnel. Cette exception laisse les interceptions de communication par voie hertzienne hors de tout contrôle. Dans l’attente d’une nouvelle loi ou de l’abrogation différée de la loi en vigueur le 31 décembre 2017, la CNCTR doit être informée des diverses mesures de surveillance menées dans le cadre de cette exception.

Ce rapport marque également la naissance d’un nouvel indicateur de mesure de l’impact des techniques de renseignement sur les libertés individuelles, censé permettre d’étudier tous les ans l’évolution de cet impact. Cependant, l’effectivité du contrôle par ce biais doit être relativisée dans la mesure où n’est pas pris en compte l’accès aux données de connexion en temps différé.

La commission note également l’effectivité de son contrôle puisque la procédure d’urgence absolue n’a été utilisée qu’une fois par le Premier ministre, ce qui a permis à ce dernier d’autoriser une surveillance sans l’avis préalable de la commission en matière de prévention du terrorisme.

Notons, en conclusion, la volonté de la commission, outre la publication de ce rapport, de promouvoir au mieux la connaissance et la diffusion de ses travaux, tant en direction des professionnels du droit et du monde universitaire que du grand public. Elle envisage donc la création d’un site internet sur lequel devraient être publiés ses avis et recommandations non couverts par le secret défense.

Pierre Juston et Zakia Mestari

Cnil et APB

En 2017, 852 262 lycéens ont formulé des vœux concernant leurs études supérieures. Face à la massification de l’accès aux études post-bac, un traitement de données a été créé par un arrêté du 8 avril 2011 qui vise à permettre à l’ensemble des lycéens d’avoir une affectation dans le supérieur. Cet algorithme d’admission post-bac (APB) s’est retrouvé sous le feu des critiques à l’été 2017 car plusieurs milliers de bacheliers se sont retrouvés sans possibilité d’études supérieures. En parallèle, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) s’est intéressée non pas aux résultats mais au fonctionnement de cet algorithme. Dans cette affaire, la Cnil n’a pas hésité à utiliser ses pouvoirs de constatation et d’enquête en se rendant le 21 mars 2017 à l’Institut national Polytechnique de Toulouse.

Par la suite, le 30 août 2017, la Cnil a mis en demeure le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation de cesser de prendre des décisions concernant des personnes sur le seul fondement d’un algorithme dans l’orientation post-bac des lycéens et de faire preuve de plus de transparence dans son utilisation2.

En l’espèce, le système admission post-bac (APB) déterminait, par le biais d’un algorithme, des propositions d’affectation des candidats en violation de l’article 10 de la loi Informatique et libertés qui prohibe la prise de décision automatique sans intervention humaine.

Indépendamment de cette violation, qui conduit actuellement le gouvernement à imaginer un nouveau procédé de sélection, la Cnil a relevé que l’information relative à l’identité du responsable du traitement ainsi qu’à la finalité du traitement était insuffisante. De plus, elle a considéré que la procédure d’accès aux informations est en contradiction avec l’article 39 de la loi Informatique et libertés relatif à la possibilité de « connaître et de contester la logique qui sous-tend le traitement automatisé ».

Face à ces violations de la loi Informatique et libertés, la Cnil a rendu publique le 28 septembre 2017 une délibération de son bureau mettant en demeure le gouvernement de les faire cesser dans un délai de 3 mois3.

Marc Sztulman

CSA – Affirmation des pouvoirs de contrôle et de sanction

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ne cache plus ses ambitions. Il souhaite s’affirmer comme un « régulateur indépendant puissant »4, afin de remplir au mieux les missions que lui assigne le législateur sous le contrôle contentieux du Conseil d’État. C’est tout d’abord ce qui ressort de son rapport annuel adopté le 24 mai 2017, conformément aux exigences de l’article 21 de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des AAI et des API, où il appelle à une « réforme de grande ampleur ». La loi de 1986 sur l’audiovisuel, modifiée à 83 reprises doit, aux yeux du CSA, faire l’objet d’une « refonte d’ensemble ». Il s’agirait, principalement, d’adapter une loi pensée dans le cadre du « schéma hertzien » aux nouvelles modalités de diffusion des contenus audiovisuels.

Par ailleurs, le CSA assied son autorité en durcissant ses sanctions. Le régulateur a été forcé de constater l’inefficacité des trois mises en garde et des deux mises en demeure prononcées à l’encontre de la chaîne C8 diffusant l’émission Touche pas à mon poste, en réponse aux 47 000 plaintes reçues contre cette émission. Après la diffusion au sein de cette émission de séquences humiliantes, homophobes et sexistes, trois lourdes sanctions financières ont été prononcées à l’encontre de la chaîne C8. Par deux décisions du 7 juin 2017, le CSA a interdit la diffusion de messages publicitaires au sein de cette émission pendant une durée cumulée de 3 semaines. Le 26 juillet 2017, la société C8 s’est même vu infliger une amende de trois millions d’euros.

Ces sanctions ont évidemment fait l’objet d’une réaction contentieuse. Plusieurs affaires sont actuellement pendantes devant le Conseil d’État. La société C8 a tout d’abord demandé à la haute juridiction d’annuler les deux décisions interdisant la diffusion de messages publicitaires pendant 3 semaines. La société a ensuite demandé l’annulation de la décision implicite par laquelle le CSA refusait la demande formulée par la société C8 visant à obtenir l’indemnisation des pertes financières découlant de cette sanction. Le 22 septembre 2017, la société C8 a saisi le Conseil d’État d’une demande d’annulation de la décision lui infligeant une amende de 3 millions d’euros. Il appartient donc au Conseil d’État d’apprécier, de nouveau, la conformité d’une régulation affermie.

Sebastiaan van Ouwerkerk

CGLPL – Rapport thématique sur le personnel des lieux de privation de liberté.

« Fier de servir la justice », c’est ce slogan que l’administration pénitentiaire a adopté depuis 2 ans pour sa campagne nationale de recrutement. Les nouvelles et nouveaux agents ainsi recrutés devraient remédier aux difficultés de recrutement et de « fidélisation » du personnel pénitentiaire que connaît cette administration. Les causes structurelles d’une telle désaffection et ses conséquences sur les droits fondamentaux des personnes détenues sont largement développées dans le rapport rendu par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) durant l’été 2017, qui constitue un développement majeur de son avis du 17 juin 2011 relatif à la supervision des personnels de surveillance et de sécurité5.

On peut être étonné, ou exprimer des réserves, quant à ce qui pourrait être analysé comme une extension des compétences traditionnelles du CGLPL chargé de garantir les droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Or, ce serait oublier la méthode téléologique du contrôleur qui a été à l’origine de la vitalité de son activité. En l’occurrence, le CGLPL refuse de souscrire à un antagonisme des intérêts entre personnel et personnes privées de liberté et préfère souligner la communauté d’intérêts qui lie le sort de l’ensemble des personnes destinées à évoluer dans les lieux de privations de liberté : les conditions de travail des premières pèsent sur la protection qui peut être assurée aux droits des secondes.

Pour l’autorité de contrôle des lieux de privation de liberté, trois facteurs d’organisation du personnel pèsent lourd dans les conditions de travail de ce dernier. D’abord un organigramme de référence défini de manière insuffisante par manque de moyens ou confiance excessive dans l’architecture prétendument optimisée ou l’usage de matériel électronique. Ensuite, nombre de postes de cet organigramme sont vacants en raison de la mauvaise réputation de l’établissement ou de sa mauvaise localisation. Enfin, les conditions de travail dégradées provoquent une rotation excessive des agents, renforçant la présence d’agents inexpérimentés, alimentant une image socialement dévalorisée des agents chargés des tâches de surveillance. Il en résulte une croissance des vacances de postes et une fatigue qui produit de l’absentéisme.

Le CGLPL propose par conséquent que soit assurée une formation continue du personnel, que le personnel encadrant soit renforcé, que les tâches des agents soient plus claires, diversifiées et adaptées à la réalité des établissements, que des groupes d’analyse de la pratique soient créés ou encore que les agents puissent être constamment identifiés (a minima par leur matricule). Autant de recommandations visant tout à la fois à améliorer les conditions de travail du personnel des lieux d’enfermement et à favoriser la protection des droits fondamentaux des personnes qui sont privées de liberté.

Hugo Avvenire

Arcep – Nouvelle mission : la « neutralité de l’internet »

La loi pour une République numérique insérait, en octobre 2016, le principe de neutralité de l’internet et confiait à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) le soin d’en assurer le respect6. Rappelons que la neutralité de l’internet doit permettre aux utilisateurs finaux d’accéder aux informations et aux contenus, de les diffuser, de les utiliser et de fournir les applications et les services sans discrimination ni censure, par l’intermédiaire de leurs fournisseurs d’accès à internet7. C’est dans cette optique que l’Arcep qualifie l’internet de « bien commun », d’« infrastructure de libertés », notamment d’expression et de communication.

Au cours du premier semestre 2017, l’Arcep a mis en avant cette nouvelle mission notamment dans son rapport sur l’état de l’internet en France8. Cette publication, la première, répond à une obligation faite à l’Arcep de rendre compte de son action de surveillance de la neutralité de l’internet. L’Arcep se conforme d’une part à la loi pour une République numérique et d’autre part au règlement européen pour un internet ouvert.

L’occasion pour l’Arcep de rappeler la genèse de la neutralité de l’internet. Le rapport précise ensuite la feuille de route lui permettant d’assurer la neutralité. Aux côtés de la coopération internationale et de la veille qu’elle assure9, l’Arcep a déployé en octobre 2017 une plate-forme de détection et un espace de signalement permettant aux particuliers, élus, entreprises ou collectivités d’alerter des dysfonctionnements rencontrés dans leurs relations avec les opérateurs internet. Ces outils, venant s’ajouter aux pouvoirs d’enquête prévus par le cadre réglementaire, relèvent selon l’Arcep d’une phase de diagnostic. À la suite de celle-ci, les pratiques identifiées comme portant atteinte à la neutralité de l’internet font l’objet d’une instruction et d’un dialogue en vue d’une mise en conformité. Ce n’est qu’à l’issue de ces étapes que l’Arcep met en avant la possibilité de sanctionner lesdites pratiques. En complément de ce rapport annuel, le Berec (Body of european regulators for electronic cCommunications) publiera un rapport sur les outils et méthodes de supervision des régulateurs nationaux européens pouvant enrichir ceux de l’Arcep.

Quentin Alliez

HATVP – Les limites au renforcement des pouvoirs et à l’élargissement des missions

Depuis sa récente création, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a vu ses pouvoirs régulièrement renforcés et élargis10, devenant ainsi un acteur incontournable des politiques publiques de transparence et de prévention des conflits d’intérêts. Les lois organique et ordinaire du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique poursuivent cette évolution souhaitée par la HATVP elle-même dans ses deux premiers rapports annuels. Cette évolution doit cependant se concilier, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel11, avec les droits et principes de valeur constitutionnelle.

S’agissant du renforcement de ses pouvoirs existants, ces lois prévoyaient l’accès de la HATVP aux données de connexion détenues par les opérateurs de communications électroniques afin de lui permettre d’obtenir directement la communication des informations nécessaires à l’exercice de sa mission de contrôle12. Cependant, comme le Conseil l’a déjà jugé à plusieurs reprises13, la communication de telles données porte, en l’absence de garanties suffisantes, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

S’agissant de l’élargissement de ses pouvoirs, ces lois confiaient à la HATVP de nouvelles missions dans le cadre de l’interdiction des emplois familiaux. Si, pour le Conseil constitutionnel, cette interdiction ne porte atteinte ni à la séparation des pouvoirs, ni au principe d’égal accès aux emplois publics, ni à la liberté contractuelle, les dispositions qui habilitaient la HATVP à adresser aux membres du gouvernement, aux élus locaux et à leurs collaborateurs respectifs une injonction de mettre fin à une situation d’emploi interdite méconnaissent le principe de séparation des pouvoirs.

Malgré ces censures, les pouvoirs de la HATVP ont ponctuellement été étendus. Par exemple, la HATVP est désormais compétente pour informer le président de la République et le Premier ministre sur la nomination des membres du gouvernement14.

Au-delà de son contrôle sur les situations personnelles, la HATVP participe ainsi directement à l’élaboration des réformes en matière de transparence et de prévention des conflits d’intérêts, certaines réformes suggérées, telle celle sur la publication des déclarations de patrimoine des parlementaires sur le site internet de la HATVP15, demandant encore à être concrétisées.

Émilie Debaets

Cnil-Cada – Le lancement du service public de la donnée

Rejetant le principe d’une fusion Cnil-Cada (Commission d’accès aux documents administratifs) dans un service public de la donnée, la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a prévu la création d’une nouvelle mission de service public relevant directement de l’État. Ses contours ont été précisés par le décret d’application n° 2017-331 du 14 mars 2017, l’objectif étant de « faciliter la réutilisation de données publiques d’un type particulier que la loi désigne comme des « données de référence »16 en garantissant un niveau de qualité de service. Ces données de référence sont, aux termes du I de l’article L. 321-4 du Code des relations entre le public et l’Administration (CRPA), celles qui « constituent une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes », qui « sont réutilisées fréquemment par des personnes publiques ou privées autres que l’administration qui les détient » ou dont la « réutilisation nécessite qu’elles soient mises à disposition avec un niveau élevé de qualité ». Le décret du 14 mars 2017 fixe dans son article 1er – devenu l’article R. 321-5 du Code des relations entre le public et l’Administration – la liste des neuf bases de données de référence ; la base SIRENE des entreprises, détenue par l’Insee ; le répertoire national des associations (RNA), géré par le ministère de l’Intérieur ; le plan cadastral informatisé, produit par la Direction générale des finances publiques ; le registre parcellaire graphique (RPG) de l’Agence des services et de paiement ; le référentiel à grande échelle (RGE) de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) ; la base adresse nationale (BAN) coproduite par l’Institut national de l’information géographique et forestière, la Poste et l’association OpenStreetMap France ; le référentiel de l’organisation administrative de l’État produite par la Direction de l’information légale et administrative (DILA) à partir du recensement des coordonnées des services publics nationaux et locaux figurant sur service-public.fr ; le répertoire opérationnel des métiers et des emplois (ROME) de Pôle emploi ; le Code officiel géographique (COG) de l’Insee.

Le 7 avril 2017, le service public de la donnée a été officiellement lancé dans un espace dédié sur la plate-forme data.gouv.fr. La mission Etalab – qui fait partie de la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC) – en assure la gestion17.

Le service public de la donnée ne vise à mettre à disposition pour le moment, en vue de faciliter leur réutilisation, que « les jeux de données de référence qui présentent le plus fort impact économique et social »18. On peut penser qu’à l’avenir ce service public sera amené à dépasser « les données à vocation économique, il puisera dans les autres données identifiantes issues d’autres producteurs tels que la DGFiP, les douanes, la culture, l’éducation nationale… »19.

Marie-Pierre Lapeyre

B – Le renouvellement des méthodes de travail des AAI

Hadopi – Un rôle d’observation

La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) assure trois missions20 : encouragement au développement de l’offre légale et observation de l’utilisation licite et illicite d’œuvres et objets protégés ; protection du droit d’auteur ; régulation et veille. Trois illustrations viennent marquer l’actualité récente de son rôle d’observation.

Tout d’abord, dans son rapport annuel, l’Hadopi publie depuis plus de 3 ans une « veille internationale portant sur les différents dispositifs de lutte contre le piratage et la contrefaçon existants à l’étranger », qui a fait l’objet, en juillet 2017, d’une publication dédiée21.

D’une part, il ressort que les dispositifs de lutte contre le piratage mis en œuvre dans les modèles étrangers étudiés22 se déploient dans un éventail allant de la sensibilisation à la répression des internautes. Il s’agit d’actions visant à sensibiliser le public sur les risques encourus et à l’accompagner vers l’offre légale au moyen, le plus souvent, de campagnes de communication grand public. D’autres dispositifs s’efforcent de cibler les internautes qui mettent à disposition des œuvres sur les réseaux de pair-à-pair. Le rapport met en lumière des dispositifs d’avertissement (qui vont du simple dispositif pédagogique à un préalable à des sanctions) et des dispositifs d’indemnisation de toute personne lésée en cas d’atteinte à ses droits par des tiers.

D’autre part, la veille offre une synthèse des nouveaux axes de lutte contre le piratage à destination des sites massivement contrefaisants23. Deux moyens d’action sont décrits et évalués : « frapper au portefeuille » en asséchant financièrement lesdits sites (identifiés préalablement par les ayants-droit) via une rupture des relations commerciales entre ces premiers et les acteurs de la publicité ou du paiement en ligne, ou bloquer lesdits sites.

Ensuite, l’Hadopi a publié en septembre 2017 ses baromètres annuels « Usages » et « Offre légale »24. Elle relève une progression de la consommation culturelle dématérialisée (environ quatre internautes sur cinq) et une hausse des pratiques illicites (plus d’un tiers des consommateurs) – qui coexistent avec des pratiques légales – qui est entraînée, notamment, par les séries télévisuelles consultées principalement en streaming. Le prix demeure le principal prétexte au recours à l’offre illicite, quand la volonté de respecter la loi (suivie par le respect des auteurs et la sécurité) est la première motivation à consommer légalement. Aussi, l’accès et l’utilisation de l’offre légale ne sont pas perçus comme plus faciles. Ainsi l’Hadopi a-t-elle procédé à un référencement d’offres légales et a mis en place un service de signalement des œuvres introuvables.

Enfin, l’Hadopi a livré une étude en octobre 201725 portant sur les différentes étapes de la réplication d’un site très populaire dédié au téléchargement illégal, Zone Téléchargement, qui a été fermé fin 2016. L’Hadopi a souhaité en particulier étudier comment et à quelle vitesse cette réplique s’est développée, quels sont les contenus disponibles et comment ils ont été mis en ligne. Il en ressort qu’il ne s’agit pas d’un « site miroir »26, mais d’une « re-création ex nihilo du site original », financée par deux sources de revenus publicitaires et nourrie en contenus par un faible nombre de contributeurs. De surcroît, la rapidité de réplication a permis à la copie de parasiter la notoriété de l’original.

Thomas Bertrand

Cnil – Nouvelle collection « Point Cnil » sur les données génétiques

Au début de l’année universitaire, la Cnil a publié le premier titre de sa nouvelle collection Point Cnil sur « les données génétiques »27. Indépendamment du fonds de cet ouvrage, qui porte de manière globale sur les enjeux éthiques de la collecte et du traitement de données génétiques, il est possible de constater que la Cnil se positionne par le biais de cette première publication comme une autorité doctrinale ou a minima comme une autorité de réflexion, tant sur le droit positif que sur ses évolutions.

La Cnil se veut ainsi au service d’une « pédagogie de la donnée personnelle » pour reprendre l’expression de sa présidente, Isabelle Falque-Pierrotin. Cette pédagogie vaut tant vis-à-vis du grand public, puisque cette publication a vocation à satisfaire l’intérêt du grand public pour le droit des nouvelles technologies, que pour les étudiants et les enseignants-chercheurs qui souhaitent approfondir, dans des domaines déterminés, leurs connaissances.

En outre, cette publication a aussi vocation à servir de fil conducteur à la doctrine de la Cnil, notamment en ce qui concerne des questions aujourd’hui virtuelles et qui pourraient se poser très rapidement. À cet égard, loin de ne présenter que l’état du droit positif applicable aujourd’hui en matière de données génétiques, cet ouvrage se propose d’envisager aussi les perspectives frankensteiniennes de la biologie contemporaine, et notamment les risques de manipulations génétiques, de discriminations, ainsi que des questions relatives à la maîtrise par la personne des données portant sur le patrimoine génétique.

Marc Sztulman

Défenseur des droits – Rapport sur la lutte contre la fraude aux prestations sociales et campagne de communication pour lutter contre le non-recours aux droits

Alors que la lutte contre la fraude aux prestations sociales pousse les organismes prestataires à durcir leurs modalités de contrôle, le Défenseur des droits entend bien distinguer les situations des allocataires ou des assurés qui ne connaissent pas ou mal leurs droits de ceux qui les connaissent trop bien.

Effectivement, dans son rapport de septembre 2017, « Lutte contre la fraude aux prestations sociales : à quel prix pour les droits des usagers ? », le Défenseur des droits dénonce diverses atteintes aux droits des usagers découlant des dérives et excès de cette politique.

D’une part, le Défenseur des droits déplore l’absence de définition univoque de la fraude. Ainsi, la qualification d’une fraude ne passe pas nécessairement par la caractérisation de l’élément intentionnel conduisant parfois à une assimilation de la fraude à l’oubli ou à l’erreur. Par ailleurs, du fait de ce vide juridique, les agents de contrôle se voient conférer des pouvoirs de contrôle et d’appréciation accrus dans le cadre des enquêtes menées auprès des bénéficiaires. Cependant, il apparaît que le risque d’arbitraire qui en découle et certains des critères utilisés pour sélectionner les populations à contrôler – comme la nationalité et la fortune – s’avèrent discriminatoires et attentatoires au principe de l’égalité de traitement.

D’autre part, au stade de l’opération de qualification de la fraude, le Défenseur des droits constate que le pouvoir conféré aux organismes prestataires d’infliger des sanctions administratives immédiatement exécutoires conduit parfois à prononcer des pénalités prématurées et à un fichage précoce des usagers considérés comme fraudeurs. Ces mesures de sanction sont jugées contraires au principe du contradictoire. Enfin, il est rappelé aux organismes que le fraudeur conserve le droit à un recours juridictionnel effectif ; ce dernier étant parfois entravé par des notifications de sanction non motivées et sur lesquelles les voies et délais de recours ne sont pas mentionnés.

Ainsi, le Défenseur des droits émet plusieurs recommandations dans le cadre de cette politique de lutte contre la fraude aux prestations sociales, à savoir, la mise en place de règles et de pratiques plus cohérentes, le renforcement des droits de la défense, la préservation de la dignité des personnes et une meilleure information des allocataires.

Suivant ses propres recommandations et après avoir relevé que la fraude aux prestations sociales apparaît également moins importante que ne l’est le non-recours aux droits, le Défenseur des droits se montre pédagogue et lance une campagne de communication pour lutter contre ce phénomène. Ainsi, du 16 octobre au 6 novembre, il diffuse quatre spots radiophoniques et audiovisuels à la radio et sur les réseaux sociaux qui mettent l’accent sur trois de ses missions : les relations avec les services publics, la lutte contre les discriminations et les droits de l’enfant.

Au travers de ces deux actions, le Défenseur des droits questionne l’effectivité du droit aux prestations sociales et la notion de fraude. Il invite ainsi à repenser la politique de lutte contre la fraude aux prestations sociales non plus dans une logique répressive mais de protection des usagers et de leurs droits.

France Daumarie

Défenseur des droits – Actions contre le harcèlement sexuel

Depuis quelques années déjà, au titre de sa mission de lutte contre les discriminations, le Défenseur des droits entend à la fois rendre accessible la législation qui réprime le harcèlement sexuel et servir lui-même de voie institutionnelle de dénonciation de tels agissements. Dans un communiqué de presse du 17 octobre 2017, il annonce un programme d’action pour 2018. La loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (article 1er) qualifie en effet de discrimination « tout agissement à connotation sexuelle subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

Le harcèlement sexuel est un délit passible de 2 ans de prison et de 30 000 € d’amende et se trouve constitué28 soit par « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créent une situation intimidante, hostile ou offensante », soit par « le fait, même non répété, d’user de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ». Cette alternative a été ouverte par le législateur à la suite de l’abrogation par le Conseil constitutionnel d’une précédente version jugée trop imprécise au regard des divergences de jurisprudence29. La double incrimination actuellement en vigueur nécessite également un travail complexe de qualification. Les notions de dignité, d’offense ou d’intimidation ne sont en effet pas aisément analysables tant elles dépendent dans les faits des « habitudes et cultures d’entreprise ». Le ressenti de la victime est alors déterminant, à la fois dans le constat de l’infraction et dans le déclenchement des poursuites. C’est là que le Défenseur des droits entend inscrire son action. Au-delà des opérations de sensibilisation, il peut en effet être un témoin des faits concrets et un administrateur de la preuve. D’autant que la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale a porté à 6 ans le délai de prescription des délits, notamment de harcèlement.

Le Défenseur des droits avait diligenté en 2014 une enquête auprès de l’Ifop qui mettait en valeur le fait que près d’une femme sur cinq s’est déjà sentie victime de harcèlement (gestes et propos à connotation sexuelle répétés malgré une absence de consentement, le chantage sexuel, l’envoi de messages à caractère sexuel ou pornographique ou encore l’affichage d’images à caractère sexuel ou pornographique) mais l’enquête révèle aussi le fait que peu d’entre elles dénoncent les faits (30 %), même auprès de leur hiérarchie (dans la mesure où le plus souvent ce sont les collègues qui harcèlent). L’enquête établissait en outre un sentiment général de sous-information sur ces questions ainsi que le fait que la dénonciation se retourne dans un cas sur trois contre la victime qui se voit discriminée au travail30.

Le Défenseur des droits fait état également de sa capacité à aider de telles victimes comme il le fit en 2016 à propos de blagues grivoises fondées sur le sexe, accompagnées d’insultes, de la circulation de vidéos suggestives (« harcèlement d’ambiance ») que la cour d’appel d’Orléans, dans une décision du 7 février 2017, a effectivement condamnées (« le harcèlement sexuel peut consister en un harcèlement environnemental ou d’ambiance, où, sans être directement visée, la victime subit les provocations et blagues obscènes et vulgaires qui lui deviennent insupportables »). Dans une interview au Huffington Post31, Jacques Toubon souhaiterait que la jurisprudence permette d’utiliser comme élément de preuve les enregistrements effectués à l’insu des auteurs présumés.

Xavier Bioy

CCNE – L’assistance médicale à la procréation en question avant la révision de la loi de bioéthique

À quelques mois de la révision de la loi de bioéthique prévue pour 2018, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu un avis le 15 juin 2017 sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP).

En l’état actuel du droit, le recours à l’AMP n’est possible que dans les situations où une infertilité liée à une pathologie a été constatée ou s’il existe un risque de transmission d’une maladie grave à l’enfant32. Sensible aux nouvelles aspirations procréatives d’une partie de la société rendues possibles par les progrès techniques réalisés dans le champ de l’AMP, le CCNE s’est interrogé sur les problèmes éthiques posés par une ouverture de l’AMP dans trois situations.

Sur la possibilité de consacrer un droit à l’autoconservation ovocytaire de précaution chez les femmes jeunes en vue d’une utilisation future, le CCNE se montre réticent. Si une telle conservation favorise les grossesses tardives avec les risques qui y sont inhérents, le comité ajoute que le caractère hypothétique de l’utilisation des ovocytes, sans garantie de succès, auquel s’ajoute le coût élevé pour la collectivité de telles conservations n’ayant aucune justification médicale, ne sauraient conduire à généraliser ce droit.

Sur les demandes d’accès à l’AMP formulées par des couples de femmes ou des femmes seules, le CCNE se dit favorable à cette ouverture « sous réserve de la prise en compte des conditions d’accès et de faisabilité »33. Conscient qu’une telle ouverture, en instituant ab initio l’absence de père, conduit à repenser les relations de l’enfant à son environnement familial et à sa filiation et qu’elle risque d’accentuer la pénurie de gamètes que connaît la France avec les dérives commerciales et l’allongement des délais qui en découleraient, le CCNE considère que l’accès à la parentalité pour ces femmes relève de leur autonomie personnelle, l’AMP dans ces conditions ne les soumettant à aucune forme de violence ni de pression extérieure. Il relèverait alors de l’injustice que leur situation ne soit pas mise en conformité avec le droit applicable aux couples hétérosexuels.

Sur les demandes tendant à l’autorisation de la gestation pour autrui (GPA), le comité, bien que confronté à des situations nouvelles relatives notamment à la transcription des actes d’état civil d’enfants nés par GPA à l’étranger ou les revendications de demandeurs pour lesquels aucune infertilité n’a été constatée, conserve la position émise dans son précédent avis34 en « estimant qu’il ne peut (…) y avoir de GPA éthique »35.

Thibaut Coussens-Barre

II – La protection des droits et libertés fondamentaux par les AAI : des décisions et réflexions convergentes

A – La protection des personnes vulnérables

1 – Étrangers-migrants

Défenseur des droits – Les recommandations du Défenseur des droits en matière de droit des étrangers : une portée non négligeable

Le Défenseur des droits a réitéré ses recommandations générales en matière de droits des étrangers aux pouvoirs publics qui ont notamment trouvé écho dans une décision récente du Conseil d’État36, car bien qu’agissant principalement dans le cadre de situations individuelles, les actes du Défenseur des droits ont une portée notable (Parlement, Conseil d’État, ministère de la Justice). Il regrette que le « degré d’exigence que [la France] entend se fixer en matière de respect des droits fondamentaux des ressortissants étrangers »37 diminue en raison du contexte de pénurie de moyens financiers de l’État et du risque d’« appel d’air ». C’est bien de la nécessité de ne pas faire prévaloir les nombreuses contraintes notamment budgétaires au détriment de la préservation essentielle de droits fondamentaux qu’il s’agit. En 2017, il a rappelé l’importance de la protection des droits des étrangers tout au long de leur séjour en France, en particulier des personnes protégées et s’est à nouveau prononcé sur la situation particulière de Calais.

Le souci du respect des libertés fondamentales tout au long du séjour. Le Défenseur des droits est soucieux du respect des libertés tout au long du « parcours » de l’étranger sur le territoire français, de son arrivée à son intégration ou, le cas échéant, à son éloignement. Il invite l’État à prendre en charge les étrangers dès leur arrivée et ne pas laisser cette tâche aux seules associations. Il dénonce la saturation des dispositifs d’hébergement ainsi que les conditions de vie des personnes vivant dans la rue38. Il a aussi constaté de nombreuses défaillances dans l’accueil en préfecture entraînant de graves conséquences et dénonce les pratiques illégales développées qui résultent parfois directement du manque de moyens.

Par ailleurs, il s’était autosaisi en mai 2017 de la question de l’ouverture d’une annexe du TGI de Bobigny près de l’aéroport de Roissy pour la présentation des étrangers maintenus en zone d’attente devant le juge des libertés et de la détention (JLD). Il a considéré que les garanties procédurales étaient « gravement compromises » par le dispositif actuel et a recommandé le report de l’ouverture39.

S’agissant du contrôle de légalité des mesures de rétention et d’éloignement, le Défenseur des droits déplore que le transfert de compétence au juge des libertés et de la détention ait été fait à moyens constants, ce qui nuit directement à l’effectivité des garanties procédurales40.

La nécessaire prise en compte des personnes en situation de vulnérabilité. Le Défenseur des droits rappelle son attachement à ce que soit prise en compte la situation de particulière vulnérabilité des mineurs, des personnes gravement malades et des demandeurs d’asile. Il relève un certain nombre de carences pour l’accès à la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) et dans la prise en charge elle-même, ainsi que des atteintes à leurs droits41. Il réitère son opposition à l’enfermement des mineurs accompagnés en centre de rétention administrative et en zone d’attente. Il rappelle la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme qui a jugé que la « situation d’extrême vulnérabilité des enfants est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal »42.

Il recommande la mise en œuvre de moyens suffisants pour parvenir à réduire les délais d’accès à la procédure pour les demandes d’asile qui conduisent à maintenir en situation irrégulière des personnes cherchant une protection internationale43. Récemment, il a dénoncé l’intensification des mesures d’éloignement en particulier à l’égard des Afghans dont « les renvois se multiplient (…) en application du règlement Dublin III » et des étrangers malades, dont des personnes séropositives renvoyées dans des pays « où elles ne pourront accéder aux traitements nécessaires à leur survie »44.

La situation « d’une exceptionnelle et inédite gravité » des exilés de Calais. La situation des exilés de Calais a fait l’objet d’une récente décision du Conseil d’État45 qui avait sollicité les observations du Défenseur des droits. Le tribunal administratif a enjoint aux pouvoirs publics de mettre en place un dispositif de maraude à destination des mineurs non accompagnés, de créer des points d’eau et d’organiser des départs vers les Centres d’accueil et d’orientation (CAO). Le Conseil d’État a confirmé l’ordonnance de référé46 considérant que ces carences relevaient de l’existence de traitements inhumains et dégradants47. Le Défenseur des droits a formulé des recommandations au ministre de l’Intérieur allant au-delà de ce que le juge administratif pouvait ordonner dans le cadre d’un référé-liberté48.

Nana-Fatouma Askofare

CGLPL – Projet de codification européenne des règles relatives à la rétention administrative des migrants

À la suite de la conférence organisée à Strasbourg au printemps 2017, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), en association avec les mécanismes nationaux de prévention de la torture des États membres du Conseil de l’Europe, a publié une déclaration conjointe à propos du projet de codification des règles relatives à la rétention administrative des migrants.

Bien que le CGLPL et alii saluent l’initiative et notamment l’idée de codifier les règles relatives à la rétention administrative des migrants, ils se montrent préoccupés par les « mécanismes nationaux de prévention » notamment sur la question des destinataires de la règle ainsi que sur la définition même de la rétention administrative49.

En effet, un rapport émis par le Conseil de l’Europe50 et consécutif à la conférence met en lumière un certain nombre de critiques émises – entre autres – par le CGLPL.

L’une des critiques les plus vives concerne la définition même de la rétention administrative, dont l’approche est jugée « fondamentalement pénale »51, alors qu’il est nécessaire de distinguer entre détention pénale et rétention administrative. Le rapport précise aussi que « la rétention administrative des migrants ne devrait jamais avoir lieu dans un environnement de type carcéral » et qu’il est essentiel de ne pas assimiler migrants et délinquants52.

Il est par ailleurs fait mention de la nécessité de centrer les débats sur les droits fondamentaux53, de garantir un « niveau suffisant de protection »54, et de préciser la notion de personnes en situation de vulnérabilité, jugée trop vague et « ouverte » par les participants, sans qu’un consensus puisse être trouvé quant au contenu de la notion55.

Gaëlle Lichardos

CNCDH – Pour un meilleur traitement des personnes migrantes et des personnes solidaires

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) se prononce sur les questions migratoires à nouveau, à travers un avis et une déclaration56. En ce qui concerne le traitement des personnes migrantes, la CNCDH insiste sur plusieurs points. Elle note l’ambivalence du discours politique avec d’un côté le discours prônant une mise à l’abri d’urgence en ce qui concerne les migrants vivant dans la rue, et sa traduction factuelle par une politique d’évacuation sans solution d’hébergement. Elle souligne la réticence de l’État et des institutions à appliquer les lois et les décisions de justice au détriment des migrants, avec notamment l’affaire de la création des points d’eau dans la commune de Calais, ainsi que le fait que les instructions du ministère de l’Intérieur se traduisent sur le terrain par un harcèlement tant des migrants que des personnes leur venant en aide, avec des cas de violence dans la répression. Enfin, elle note les grandes difficultés rencontrées par les migrants mineurs isolés, tant dans la reconnaissance même de leur minorité que dans leur prise en charge effective.

La CNCDH appelle les pouvoirs publics à respecter les droits fondamentaux des migrants sans distinguer leur statut de demandeur d’asile ou non. Elle en profite pour critiquer le projet de loi pour un droit d’asile garanti et une immigration maîtrisée en demandant officiellement sa saisine à propos de ce texte, menaçant implicitement d’une autosaisine le cas échéant.

La CNCDH se concentre également spécifiquement sur le sort des personnes aidant les migrants. Elle note d’abord l’augmentation du nombre de poursuites, critiquant également le caractère trop flou de l’incrimination, les exemptions de l’article 622-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) étant trop limitées, mais aussi trop ouvertes aux interprétations divergentes des juridictions. Notamment, elle souligne que ces exemptions ne concernent que l’aide au séjour, et non l’entrée ou la circulation sur le territoire, mais également que les prestations exemptées sont trop limitées, et ne couvrent pas toutes les situations d’aide désintéressée. La CNCDH note également que cette infraction serait contraire à la directive 2002-90 du 28 novembre 2002, comme rappelé par la résolution 2059 du Conseil de l’Europe du 22 mai 201557.

Dans son avis, la CNCDH préconise trois recommandations, qui sont d’abord la suppression totale du délit d’aide aux migrants en incriminant uniquement les réseaux, ensuite la cessation d’utilisation de délits annexes comme l’outrage ou la rébellion pour faire pression sur les personnes aidant, et enfin, la concentration des moyens d’action sur le renforcement de la capacité d’accueil et d’aide des migrants par l’État lui-même.

Sacha Sydoryk

2 – Mineurs

Défenseur des droits – La prise en charge des mineurs isolés

Dans son avis n° 17-03 du 7 février 2017 sur la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA), rendu à la suite de l’audition par la mission d’information de la commission des affaires sociales du Sénat, le Défenseur des droits dresse un bilan globalement négatif des conditions de la prise en charge des mineurs non accompagnés.

Normalement, chaque jeune doit être accueilli, mis à l’abri et avoir un entretien avec les services mandatés dans les départements. Or, certains d’entre eux, sans motifs ou « au faciès », se heurtent à un refus, attendent trop longtemps un entretien sans bénéficier d’aucune mise à l’abri. D’après la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 une évaluation de leur minorité et de leur isolement doit être réalisée (entretien socio-éducatif, examen des documents d’identité avec examen médical si nécessaire). Or, les conditions de l’examen socio-éducatif en vue de cette évaluation sont trop disparates selon les départements (rupture d’égalité de traitement) et certains mineurs isolés étrangers (MIE) sont éconduits en raison de la saturation des services. Suite au rapport d’évaluation, l’Aide sociale à l’enfance (ASE) prend une décision trop souvent mal motivée et non notifiée au mineur isolé étranger. Les saisines directes croissantes du juge des enfants allongent les délais d’audiencement, laissant ceux qui n’ont pas été pris en charge sans solution ; par ailleurs, la diversité de ces délais engendre une rupture d’égalité. Du point de vue de la procédure judiciaire, le droit à être entendu pour un enfant doué de discernement prévu par le Code de procédure civile n’est pas toujours respecté, la présence d’un avocat n’est pas systématique, l’Aide sociale à l’enfance ne transmet pas toujours le dossier du jeune (atteinte au principe du contradictoire), les pratiques dans l’instruction des dossiers sont trop diverses, la procédure de tutelle pour désigner un représentant légal de l’enfant n’est pas toujours ouverte (absence de saisine par l’Aide sociale à l’enfance du juge aux affaires familiales ou son absence d’information par le juge d’instruction). Les défauts dans l’accueil obèrent le début du travail éducatif et hypothèquent à terme la régularisation de la situation administrative à 18 ans. Le Défenseur des droits rappelle à ce propos la difficile délivrance d’autorisations de travail à des mineurs non accompagnés désirant conclure un contrat d’apprentissage58. Enfin, le Défenseur des droits se dit inquiet du manque de moyens mis à la disposition des départements pour la mise en œuvre de la répartition nationale des mineurs non accompagnés.

Hélène Simonian

CNCDH – La dénonciation de la pérennisation des Centres d’accueil et d’orientation des mineurs isolés

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), se fondant notamment sur les constats du Défenseur des droits59, exprime sa profonde préoccupation quant aux conditions de prise en charge des mineurs isolés étrangers assurée au sein des Centres d’accueil et d’orientation des mineurs isolés60. Elle dénonce la pérennisation de ce dispositif dérogatoire au droit commun justifié à l’origine par une situation d’urgence, et qui tend à s’installer dans la durée alors qu’il était présenté comme une solution temporaire (de 3 mois). Il s’agit là d’une atteinte au droit des mineurs isolés étrangers d’accéder au régime de droit commun de la protection de l’enfance de façon effective. Le maintien de ces mineurs étrangers isolés dans les Centres d’accueil et d’orientation des mineurs isolés est constitutif aujourd’hui d’une violation de l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant car contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant.

La CNCDH souligne également l’existence d’une atteinte au droit à une information claire et concrète de ces mineurs isolés étrangers en raison de l’insuffisance des informations qui leur sont délivrées. Ainsi, les décisions individuelles les concernant ne mentionnent que les recours gracieux mis à leur disposition, les recours juridictionnels et toute référence au règlement Dublin III y sont omis. Elle soulève encore la question de l’inégalité de traitement des mineurs isolés étrangers selon les départements en raison d’une insuffisance de moyens, notamment en interprètes et en psychologues. S’agissant des évaluations sociales réalisées à la suite des décisions prises par le Home Office, la CNCDH s’interroge sur la façon dont elles sont menées, en particulier sur la formation suffisante des évaluateurs au regard de la spécificité de ces jeunes. Enfin, l’absence de prise en compte de leur projet de vie se manifeste par la très faible information qui leur est délivrée sur le système de protection de l’enfance français qui pourrait peut-être les détourner de leur volonté de rejoindre l’Angleterre.

Hélène Simonian

3 – Détenus

CGLPL – Avis sur le travail en prison

Selon les statistiques émises en 2014, environ un tiers des détenus ont une activité rémunérée en milieu carcéral soit un peu plus de 23 000 personnes. Ce chiffre, jugé insuffisant par le CGLPL61, est pourtant significatif et donne l’occasion de s’interroger sur le statut général de ces détenus.

Le thème n’est pas nouveau, puisqu’il avait déjà été étudié en 2011, mettant en évidence un certain nombre de dysfonctionnements : insuffisance du nombre de postes, logistique mal adaptée et opacité de la rémunération62. 5 ans plus tard, le constat est sensiblement le même, comme le note le CGLPL dès les premières lignes de l’avis, précisant que « travailler en détention demeure encore trop souvent perçu comme un privilège et non comme un droit ». En effet, au-delà de la question de la rémunération, l’accès à des activités rémunérées reste un point « essentiel de réinsertion, de responsabilisation et d’autonomisation des personnes privées de liberté »63.

Il développe alors une argumentation en deux temps : sur la nécessité d’une part d’un « encadrement de l’exercice et des conditions du travail pénitentiaire » et d’autre part de développer la formation professionnelle.

Le premier pan de raisonnement est ainsi tourné vers le travail et la nécessité de construire un droit social des détenus avec la mise en évidence de sérieuses lacunes en matière de protection des droits fondamentaux : disparité des pratiques en fonction des établissements pénitentiaires, mises à l’épreuve des détenus, abus sur les temps de repos, faiblesse de la rémunération, etc.64

Un second pan de raisonnement concerne la question de la formation professionnelle, jugée insatisfaisante par le CGLPL en raison notamment d’« obstacles persistants à l’accès à la formation »65 et d’absence d’adaptation de ladite formation au système carcéral.

En conclusion, le CGLPL appelle à un renforcement de l’encadrement juridique et à une revalorisation du travail en détention ainsi qu’au « développement et l’ouverture de la formation professionnelle vers l’extérieur » avec une référence explicite aux « dispositifs innovants »66 : une façon, en somme, de réellement se saisir du thème du travail en détention comme d’un outil humain et efficace pour « permettre aux personnes détenues d’acquérir ou de maintenir des chances réelles de réinsertion professionnelle à leur sortie ou de leur assurer des conditions de détention dignes »67.

Gaëlle Lichardos

B – La lutte contre les discriminations

Défenseur des droits – Discrimination en raison du lieu de résidence

Le terme No-Go Zones que l’on pourrait traduire comme « zones de non-droit » fut utilisé par Nolan Peterson sur la chaîne Fox News le 10 janvier 2015, quelques jours après les attentats du même mois touchant Paris. Il croyait pouvoir indiquer que plusieurs zones parisiennes n’étaient pas accessibles aux forces de l’ordre. Dans le contexte actuel de violences et d’attentats, certaines entreprises ne souhaitent plus s’aventurer dans certains quartiers. C’est le cas notamment d’une entreprise qui devait livrer un réfrigérateur et un congélateur commandés sur un site internet par un client. Alors que la commande prévoyait même l’installation à domicile gratuite, l’acheteur était contacté par le livreur qui annulait la livraison le jour même au motif de « la dangerosité du quartier ». L’enquête a pu démontrer que cet acte, loin d’être isolé, illustrait une pratique qui s’était peu à peu généralisée dans l’entreprise.

La décision du Défenseur des droits du 21 juillet 201768 rappelle la discrimination en raison de l’adresse ajoutée dans le Code pénal par la loi n° 2014-173 et fait suite au refus d’une entreprise de suivre la décision du Défenseur du 29 septembre 2016. Cette interdiction de discrimination prévoit une exception au troisième alinéa du même article et en précise la condition : « lorsque la personne chargée de la fourniture d’un bien ou service se trouve en situation de danger manifeste ». L’entreprise tentait de se prévaloir de cette exception en raison de vols de marchandises et de nombreuses violences et agressions à l’encontre de plusieurs de ses livreurs dans cette zone. Le Défenseur, dans sa décision MLD-2016-246, rappelant que la loi pénale est d’interprétation stricte, que la notion de danger manifeste n’a fait l’objet d’aucune définition légale, estimait qu’en raison de faute de preuve matérielle circonstanciée, la société ne démontrait pas que ses salariés étaient dans une situation de danger manifeste. Il lui recommandait d’indemniser le client pour le préjudice matériel, financier et moral ainsi que de modifier ses pratiques de livraison.

L’entreprise faisait alors parvenir au Défenseur une lettre manuscrite d’un livreur qui aurait été agressé en 2015, pour justifier son refus d’indemnisation. Estimant que cette seule lettre n’est pas accompagnée de dépôt de plainte et qu’elle apparaît tardivement, plusieurs mois après l’enquête et la décision, le Défenseur adresse ce rapport spécial à la société et l’enjoint de suivre ses recommandations avant de le rendre public 1 mois plus tard.

Pierre Juston

Défenseur des droits – Avis n° 17-04 relatif aux discriminations liées à l’intersexualité

La distinction sexuée des individus tient, pour une large partie de la doctrine, de l’évidence, résultante d’une simple reconnaissance de la « summa divisio du genre humain »69. Il y a une tendance générale depuis une vingtaine d’années, à sortir le sexe d’une réalité biologique pour l’établir dans une réalité sociale. S’il existe des modèles anatomiques pour identifier le sexe des individus, ils ne sont plus révélateurs du genre. Le Défenseur des droits se rapproche, dans cet avis, de la tendance juridique à faire du sexe non plus une donnée intrinsèque de l’identité de l’individu, dont il ne dispose pas, mais un choix.

L’intersexuation touche les individus dont l’ensemble des modèles anatomiques, mâle ou femelle – génital, hormonal ou chromosomique – ne coïncident pas. Considérée comme une pathologie pendant des décennies, la pratique médicale courante consistait à traiter les enfants, dès l’identification de l’intersexuation, en leur imposant un sexe. L’opération était alors considérée nécessaire, et les conséquences le plus souvent irréversibles. L’intersexuation n’est plus médicalement considérée comme une pathologie mais comme une « variation du développement sexuel » ou une « différence du développement sexuel », ce qui, pour le Défenseur, remet en cause le caractère nécessaire des opérations. Se référant à l’article 16-3 du Code civil, il considère que la nécessité thérapeutique ne peut se baser que sur un enjeu vital pour l’enfant, les raisons psychologiques et sociales du développement de l’enfant ne sont pas suffisantes pour justifier des opérations ou traitements irréversibles.

Le Défenseur recommande donc, si le pronostic vital de l’enfant n’en dépend pas, que ce dernier donne son consentement. Dans les cas où le pronostic vital de l’enfant est en jeu, son consentement ne devient plus nécessaire, mais le Défenseur rappelle que les opérations doivent être proportionnées. Il recommande donc un travail important d’information auprès du personnel de santé et des parents concernés.

Conscient des enjeux de discrimination relatifs à l’établissement d’un état civil pour les personnes intersexuées, le Défenseur réitère plusieurs de ses recommandations de sa décision-cadre du 24 juin 2016 relative à l’état civil des transsexuels. Il y recommandait, notamment, l’ouverture d’une procédure déclarative pour la modification du sexe à l’état civil. Pourtant, la loi du 18 novembre 201670 ne comblera pas les espérances du Défenseur des droits sur la procédure de changement de sexe mais assouplira les conditions de modification. En effet, la loi démédicalise la procédure71 et propose un ensemble de critères non exhaustifs pour le juge qui, à la lumière d’un faisceau d’indices, prendra sa décision.

Sans pour autant proposer la fin de l’identité sexuelle dans l’état civil, le Défenseur recommande un certain nombre de palliatifs aux discriminations subies par les intersexes. Notamment que ne soit plus demandé le sexe sur les documents de la vie courante, d’allonger le délai de déclaration des noms, prénoms et sexe à la naissance, qu’aucune trace de modification ou rectification de sexe à l’état civil ne soit rajoutée à l’acte de naissance, et enfin que toutes les procédures de changement de sexe soient ouvertes aux mineurs.

Jean-Philippe Suraud

Défenseur des droits – Discriminations dans l’emploi et dans l’accès au crédit bancaire

Le 18 juillet 2017, le Défenseur des droits a publié un guide à destination des employeurs en vue de les aider à prévenir les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre dans l’emploi et créer un « climat inclusif » pour les personnes LGBT. Le Défenseur des droits a privilégié l’expression « LGBT phobies » pour inclure « gayphobie, lesphobie, biphobie et transphobie » et a opté pour l’écriture « inclusive » des genres. Le guide fait état du ressenti quant à des discriminations et des répercussions sur leur insertion, voire leur stress au travail. Mais sont aussi mentionnés des exemples de discriminations constatées : entretien d’embauche fructueux mais sans suite après mention d’un changement de sexe72 ; période d’essai écourtée pour des motifs dévoilés par un sms hasardeux évoquant l’homosexualité du salarié73 ; propos et comportements agressifs homophobes74 ; absence de promotion75 ; marginalisation et réduction de rémunération76. L’identité de genre n’est que peu incluse dans les politiques des entreprises de promotion de la diversité (20 %). Le Défenseur des droits préconise ainsi que l’employeur rédige une charte éthique, voire signe un accord-cadre sous l’égide de l’article L. 2242-8, 3°, du Code du travail qui impose aux entreprises de plus de 300 salariés une obligation de négociation annuelle sur la qualité de vie au travail incluant les mesures de lutte contre les discriminations, mette en place un plan d’action en informant et facilitant les recours, établisse un diagnostic interne, sanctionne au besoin, s’assure de la confidentialité des procédures RH.

De même, le Défenseur des droits a été suivi par le Conseil des prud’hommes de Bobigny qui a condamné la SNCF à verser plus de 40 000 € de dommages et intérêts à un agent d’origine maghrébine « au titre du préjudice moral qu’il a subi et du fait de la discrimination dont il a été victime », des dommages et intérêts « en réparation des préjudices moral et physique subis en raison de l’agression dont il a été victime ». À l’issue de son enquête, le Défenseur des droits a établi qu’il a été le seul parmi 16 personnes au profil comparable à ne pas avoir accédé au statut de maîtrise et subi des propos à connotation raciste dégradant à la fois ses conditions de travail et son état de santé.

Dans le même sens, le Défenseur des droits a soutenu, en septembre 2016, la démarche de la municipalité de Villeurbanne qui a fait procéder à un testing sur les discriminations liées à l’origine ou au sexe dans l’accès au crédit bancaire qui a montré que des différences de taux et de durée existent selon les origines et que des différences ont cours, eu égard au sexe, quant aux modalités.

Xavier Bioy

CNCDH – Pour la fin de la restriction du droit de vote aux personnes handicapées intellectuellement ou psychiquement

C’est sur une question relativement peu traitée des discriminations que se penche ici la CNCDH : celle du droit de vote des personnes souffrant d’un handicap intellectuel ou psychologique77. Ainsi, dans son avis sur le droit de vote des personnes handicapées, rendu à l’unanimité en assemblée plénière le 26 janvier 2017, la CNCDH dénonce la situation d’inégalité dans laquelle sont placées les personnes en situation de handicap intellectuel ou psychologique par rapport au droit de vote.

La CNCDH note d’abord la possibilité pure et simple d’exclusion du corps électoral des adultes sous tutelle prévue par l’article L. 5 du Code électoral, en soulignant l’absence de fondement rationnel de cette limitation dans la mesure où il est impossible de dresser une limite objective à la capacité électorale des individus. Elle note également l’inconventionnalité de cette interdiction, qu’elle juge contraire à l’article 29 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006. Elle souligne in fine, en se basant tant sur une réflexion politique que scientifique, que l’exclusion des personnes dont la capacité intellectuelle est jugée inférieure est ce qui justifiait autrefois l’exclusion des femmes du corps électoral, et qu’en outre les différentes études de psychologie n’arrivent pas à déterminer un « seuil » scientifique en ce qui concerne la capacité de voter.

La CNCDH argumente ainsi en faveur de l’ouverture du droit de vote à ces personnes, tant sur le plan strictement juridique que sur le plan de l’inclusion citoyenne au corps électoral, notamment par une formation continue en milieu scolaire à la citoyenneté, par l’obligation de fournir une information électorale simplifiée à l’usage de ce public, et enfin par la possibilité d’un accompagnement dans l’isoloir au moment du vote.

Sacha Sydoryk

Haute autorité de santé – Contribution à l’homogénéisation de l’accès à l’information en matière de santé

Définition et genèse de l’interprétariat en matière de santé. L’interprétariat linguistique en matière de santé est « la fonction d’interface (…) par des techniques de traduction »78 entre patients et professionnels de santé. Plus largement, cette problématique répond à l’instauration du service public d’information en santé79, qui habilite la Haute autorité de santé (HAS) à « élaborer ou valider des référentiels de compétences, de formation et de déontologie dans le domaine de la médiation sanitaire et de l’interprétariat linguistique »80. Cette disposition est le fruit d’un amendement déposé par le gouvernement et dont la défense révèle deux éléments : la Haute autorité de santé devra contrer les « pratiques hétérogènes » en matière d’accès à l’information « au bénéfice des usagers les plus éloignés du système de santé ».

Contenu ordinaire des référentiels de la Haute autorité de santé. Les référentiels ont été validés par la Haute autorité de santé et trouvent leur source dans divers textes81. Ils s’expriment sur le plan des compétences et de la déontologie. Dans le cadre déontologique, l’interprète est tenu au devoir de fidélité de la traduction, de confidentialité, d’impartialité et de respect de l’autonomie des personnes. Puis, se déploient quatre domaines de compétences : le cadre professionnel ; l’interprétation de liaison (fidélité à l’intention) ; la distanciation ; l’attention interculturelle garantissant une compréhension dynamique des enjeux). C’est une mission paradoxale de l’interprète qui se dégage ici. Il doit être l’acteur impartial (déontologie) qui réussit à s’impliquer suffisamment dans le cas pour en dégager une interprétation culturellement contextualisée (compétences).

Finalement, dans un cadre où l’enjeu est de reconnaître plus d’autonomie au patient dans la détermination de son parcours de santé82, le rapport vise la « meilleure adhésion [par le patient] à un projet thérapeutique » par une traduction adaptée. Ici, l’interprétariat ne sert-il pas de canal de persuasion au médecin ?

En tout état de cause, « la responsabilité d’accès aux soins pour tous est une responsabilité nationale »83, ce qui inscrit dans une certaine pérennité la lutte contre les discriminations. S’il est difficile de situer le public visé, c’est parce que le renvoi est fait à la définition du « public vulnérable » du Comité pour la santé des exilés (COMEDE).

Marie Glinel

C – Le contrôle des politiques sécuritaires

Défenseur des droits – La leçon du Défenseur des droits sur la législation antiterroriste française et la sauvegarde des libertés

Le Défenseur des droits rappelle, une nouvelle fois84, dans deux avis de juillet 201785, la modération et la réflexion qui doivent accompagner toute réforme législative antiterroriste. Ainsi, à propos du projet de loi n° 587, il indique spécialement la nécessité de préciser le champ d’application des mesures énoncées et d’assurer un contrôle juridictionnel efficace comme effectif au nom d’une protection réelle des droits et libertés.

L’imprécision du champ d’application des mesures énoncées. L’imprécision qui entoure ce projet de loi est de nature à perturber le standard traditionnel de protection, et cela à cause d’une volonté de flexibilisation de la lutte antiterroriste. En réalité, l’utilisation de la rhétorique de l’état d’urgence et l’indétermination sémantique qui la caractérise rendent difficiles l’appréhension des comportements susceptibles d’entraîner l’application de mesures restrictives de libertés (art. 1, 3 et 10). Ces mesures portent donc, selon le Défenseur, une atteinte sincère au principe de légalité et à l’exigence de sécurité juridique. Surtout lorsque l’on sait qu’elles s’appuient explicitement sur le phénomène protéiforme du terrorisme.

Concomitamment, cette imprécision occasionne l’absence d’un lien strict de causalité entre les mesures administratives et la menace terroriste. C’est ce qu’il note à propos du périmètre de protection et des mesures qui sont autorisées à l’intérieur de celui-ci, ainsi que pour les mesures des articles 2, 3 et 4. En effet, en développant des critères toujours plus flous au nom d’une pseudo-efficacité de la lutte, le risque est de voir ces mesures utilisées contre des personnes sans liens réels avec le terrorisme. En l’état, l’autorité administrative conserve un pouvoir d’appréciation important et il n’existe aucune garantie que les mesures administratives ne soient pas utilisées de façon abusive, c’est-à-dire pour des motifs étrangers au risque de la commission d’actions terroristes. Par conséquent, il est important, selon lui, de cantonner l’utilisation de ces mesures à des situations et des comportements précis et circonstanciés, particulièrement lorsqu’aucune limitation spatiale et temporelle de ces mesures n’est envisagée.

Au final, le Défenseur relève l’importance, pour la protection des droits et libertés, d’un encadrement juridique satisfaisant ainsi que la présence de garanties. Dès lors, il est clair que le contrôle86, et surtout celui du pouvoir juridictionnel, doit être reconsidéré.

L’absence d’un contrôle juridictionnel efficace et effectif. Il s’avère que seules les mesures relatives aux visites et aux saisies font l’objet d’un contrôle juridictionnel préalable, celui-ci étant le fait du juge des libertés et de la détention. Les autres mesures feront l’objet, soit d’une information au procureur de la République, soit d’un recours devant le juge administratif a posteriori, c’est-à-dire à l’initiative du requérant, et seulement en cas de renouvellement (art. 2 et 3). Le Défenseur des droits s’interroge donc légitimement sur l’efficacité et l’effectivité de ces interventions juridictionnelles. En effet, le délai du recours pour excès de pouvoir contre ces mesures a été étonnamment abrégé, celui-ci ne pouvant être exercé que dans un délai de 1 mois. Dans le même temps, en matière de référé, la condition d’urgence ne sera plus présumée au sortir de la loi relative à l’état d’urgence. C’est pourquoi il recommande un contrôle juridictionnel préalable de l’ensemble des mesures inspirées de l’état d’urgence.

En outre, il est clair que ce projet de loi modifie profondément l’articulation entre les autorités administratives et judiciaires. Le Défenseur s’en émeut, la dispersion des compétences ne favorisant pas l’intelligibilité et la prévisibilité du droit au recours juridictionnel pour les justiciables. Une articulation incohérente entre les ordres de juridiction pourrait être contraire au droit à un procès équitable. Aussi, tout en rappelant qu’au regard de l’article 66 de la Constitution, le juge judiciaire est compétent en cas de haut degré d’atteinte à la liberté individuelle, le Défenseur des droits préconise qu’un unique ordre juridictionnel soit compétent à tous les stades de la procédure.

Enfin, il s’intéresse aux conditions matérielles de ce contrôle juridictionnel, l’effectivité de ce dernier dépend en réalité de l’encadrement par le législateur de l’objet et des modalités du contrôle. Il apparaît alors essentiel de protéger le champ de compétence du juge afin que celui-ci puisse exercer un véritable contrôle de proportionnalité. Mais le Défenseur attire surtout l’attention des parlementaires sur le fait que l’exigence du secret propre aux activités de renseignement et les notes blanches tendent à rendre « formel » le contrôle du juge, ainsi qu’à mettre en danger les principes inhérents au droit à un procès équitable. Il est donc nécessaire de transformer ce dispositif.

Ces quelques recommandations nous montrent combien la forme moderne de la lutte contre le terrorisme est dangereuse pour les droits et libertés, et combien l’existence d’un rempart institutionnel est fondamentale. À cet égard, l’on peut légitimement se poser la question suivante : le Défenseur des droits, porté par une ambition de protéger assidûment l’État de droit et de toujours renforcer les standards de protection87, ne vient-il pas nous montrer encore une fois qu’il est désormais, face à la destitution des remparts juridictionnels, le vrai et seul bouclier démocratique de la sauvegarde des droits et libertés ? Quand bien même son influence sur le législateur a été ici relativement modeste…

Thomas Escach-Dubourg et Jonas Guilbert

Cnil – Le contrôle a priori des politiques sécuritaires

Les politiques sécuritaires se poursuivent, voire s’accélèrent, si l’on en juge par le nombre de demandes d’avis adressées à la Cnil par le ministère de l’Intérieur intéressant la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique ou concernant la prévention et la répression des infractions pénales88. Depuis le 1er janvier 2017, la Cnil a ainsi eu à examiner plusieurs modifications de fichiers de police existants89 afin notamment d’étendre les cas d’enregistrement des données. Durant cette même période, la Cnil a également eu à se prononcer sur la création de fichiers de police nouveaux90 venant s’additionner à une liste déjà bien longue.

L’absence de saisine de la Cnil par le gouvernement sur le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme participe aussi de cette amplification des politiques sécuritaires. Pour pallier cette absence de saisine – à laquelle elle a déjà été confrontée par le passé91 –, la Cnil s’est autosaisie du projet et a rendu des observations intéressantes tant sur sa mission que sur les dispositifs envisagés92. S’agissant de sa mission, la Cnil ne la conçoit pas uniquement d’un point de vue juridique, elle l’appréhende aussi d’un point de vue éthique et sociétal. La Cnil aurait dû être consultée certes car la loi l’impose93, mais aussi car elle est l’institution susceptible de véritablement assurer la protection de la vie privée et des données personnelles. S’agissant des dispositifs envisagés, la Cnil a appelé, avec une résonance variée, au renforcement des garanties entourant certaines mesures particulièrement intrusives (obligation de déclarer les numéros d’abonnement et les identifiants d’usagers ; traitement des données PNR) et à la mise en place d’un contrôle global sur les fichiers de renseignement soustraits par le législateur à son propre contrôle.

Émilie Debaets

CNCDH – La défense de l’État de droit et des libertés

À la faveur d’une triste actualité, le législateur a cherché de nombreuses fois à renforcer la législation visant globalement à lutter contre le terrorisme, notamment par le maintien puis la « sécularisation » de l’état d’urgence, emportant en cela d’incompressibles atteintes aux droits fondamentaux. Soucieuse du maintien de ces derniers, la CNCDH n’a eu de cesse d’alerter, voire de condamner tous azimuts ces percées, faisant ainsi montre de la plus grande indépendance.

Lors du premier semestre 2017, la CNCDH a ainsi rendu plusieurs avis convergents afin d’alerter l’opinion sur les dérives possibles d’une pérennisation de cet état d’exception et de la banalisation de ses mesures extraordinaires par leur incorporation au droit commun.

Tout d’abord, dans un avis du 26 janvier sur le « suivi de l’état d’urgence et les mesures antiterroristes de la loi du 21 juillet 2016 », elle revient sur « l’inefficacité, les excès et les défauts de l’état d’urgence depuis 2015 ». Ayant fait sienne la mission de veille et de suivi de l’état d’urgence, son jugement sur la situation est sans nuance : « des conséquences dévastatrices pour des résultats médiocres ». Sont ici contestées les prorogations tout à la fois de l’état d’urgence lui-même (cinq fois) et des décisions prises dans ce cadre (comme certaines assignations à résidence).

Un avis du 23 février porte ensuite sur la loi relative à la sécurité publique. Souvent critique de la qualité et des modalités du débat parlementaire (jugé trop hâtif dans bien des avis, notamment par le déclenchement de la procédure accélérée), la commission cherche à lui opposer les débats que connaîtrait la société civile. En l’occurrence, elle conteste l’angle de la loi qui serait par trop guidé par la satisfaction des revendications des forces de l’ordre : protection de leur identité ou aggravation de la répression des délits visant les forces de l’ordre. Elle regrette la banalisation latente de la présence de personnes armées dans l’espace public, avec la création d’une filière de sécurité privée armée. Enfin, elle critique vertement « l’incorporation des services pénitentiaires dans la communauté du renseignement ».

Le 18 mai, la CNCDH emboîtait le pas à la mission d’information du Sénat sur le désendoctrinement et la réinsertion des djihadistes pour critiquer les processus de déradicalisation mis en place ces dernières années. La méthode de détection par indices des personnes radicalisées ne trouve grâce à ses yeux, du fait du risque de dérive vers un contrôle social généralisé. Les réponses institutionnelles ne seraient pas davantage pertinentes puisque les programmes de déradicalisation y sont présentés comme « attentatoires aux libertés et contre-productifs » tandis que les réponses administratives et judiciaires seraient « disproportionnées ». Si la critique est dure, la CNCDH tente d’apporter sa pierre à l’édifice en proposant au débat quelques recommandations. Elles visent tant la détection des personnes radicalisées que les réponses pouvant y être apportées.

Après l’élection d’Emmanuel Macron, la charge n’a pas faibli dans un avis du 6 juillet sur le projet de loi visant à renforcer la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, censée permettre la fin de l’état d’urgence en contrepartie de l’inclusion de certaines mesures dérogatoires dans le droit commun. Soucieuse de contribuer aux débats, la CNCDH a rendu son avis sitôt le projet déposé sur le bureau du Sénat, avant même l’examen du texte en commission le 12 juillet, permettant ainsi au rapporteur de l’avis d’être auditionné par la commission. Une fois ce projet de loi adopté au Sénat, la mobilisation de la CNCDH s’est poursuivie, puisqu’elle a cherché à influer sur les débats à l’Assemblée nationale lors d’une conférence de presse le 25 septembre. Pour l’occasion, était mobilisé le réseau « État d’urgence – Antiterrorisme » pour dénoncer les dangers graves et les violations des droits fondamentaux dont cette loi était porteuse. Les conclusions de ce réseau, composé d’organisations diverses issues de la société civile, de syndicats professionnels, d’avocats et d’universitaires, étaient par ailleurs rejointes par celles du rapporteur spécial sur les Défenseurs des droits de l’Homme et de la rapporteuse spéciale des Nations-uUnies sur la protection des droits de l’Homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Cette dernière a même rendu publique une lettre envoyée aux autorités françaises pour leur faire part de sa préoccupation et leur demandant de fournir quelque réponse au regard des droits fondamentaux vis-à-vis des mesures prises ces dernières années.

Si la CNCDH n’a pas été retenue dans la liste des AAI, en raison du fait qu’elle ne détient pas de pouvoir de décision ou de sanction, son rôle d’aiguillon politique – qu’elle assume par la formulation même de ses avis et qu’elle doit à sa composition – et de garant infatigable des libertés, demeure nécessaire au débat public.

Romain Vaillant

D – La CNCDH et l’effectivité des droits en Outre-mer

Avis sur « l’accès au droit et à la justice dans les Outre-mer ». Le présent avis de la CNCDH (22 juin 2017) est vraisemblablement, pour tout juriste, l’un des plus alarmants actuellement mis en avant par la haute institution. Il est un « cri d’alerte sur la non-effectivité de l’accès au droit et à une justice de qualité dans les Outre-mer, en particulier en Guyane et à Mayotte » qui ne peut laisser, après sa lecture, indifférent. La situation décrite par l’avis est effectivement scandaleuse alors qu’est censé se matérialiser le service public national de la justice en tous lieux. Or le désert ou la tempête judiciaire ici exposés font froid dans le dos. L’avis ne se contente pas de constater une situation désastreuse (discontinuité des services publics à la suite d’une rotation incessante des personnels, manque de personnels et de moyens, notamment en interprètes, non ou mauvaise prise en compte des situations locales et/ou coutumières, etc.). Partant, la CNCDH ne se contente pas d’alerter s’agissant d’un déplorable accès au droit mais aussi à la justice (et notamment à une justice de qualité), elle propose, au moyen de 24 recommandations, la mise en place d’une importante étude d’impact pour confirmer ses premiers constats de non-adéquation du service public aux circonstances locales impliquant un redécoupage plus pertinent des juridictions. « L’accès au droit et à la justice » (connaître ses droits et être en mesure de les défendre) est effectivement « un préalable essentiel à l’exercice des droits fondamentaux ». Il faut donc espérer que l’État s’y attelle rapidement afin que cette inégalité ultramarine cesse au plus vite.

Avis sur la situation pénitentiaire en Outre-mer. Le 18 avril 2017 la CNCDH a rendu un avis concernant la situation alarmante des 5 204 personnes détenues des établissements pénitentiaires des territoires français d’Outre-mer eu égard à la surpopulation (le taux moyen d’occupation en Outre-mer est de 128 %) et aux conditions de détention (faible taux de travail et de rémunération, promiscuité, violences, conditions sanitaires dégradantes…). La commission rappelle que c’est l’activité jurisprudentielle de la Cour européenne des droits de l’Homme94 et des juridictions administratives95 qui ont permis de médiatiser les conditions de détention en Outre-mer et de reconnaître que celles-ci constituent un préjudice indemnisable, bien que faiblement indemnisé, par les juridictions nationales. Rappelons également le rôle du juge administratif saisi en référé-liberté dans la mise aux normes de certains établissements pénitentiaires96. Cet avis ne semble pas considérer que la lutte contre les atteintes aux droits fondamentaux dans les prisons d’Outre-mer peut passer par la rénovation ou la construction de nouveaux établissements, c’est là sa principale qualité. Dans une perspective plus large, la CNCDH semble défendre que c’est la politique pénale qui doit connaître une série de refontes : suppression des courtes peines, mise en place d’un contrat de travail en prison, moindre recours à la détention provisoire (les prévenus sont surreprésentés en Outre-mer par rapport à la métropole), ouverture de nouveaux postes de juge d’application des peines… autant de changements de cap des politiques publiques en rupture avec la tradition pénale et pénitentiaire française en métropole et en Outre-mer97.

Avis sur la « pauvreté et exclusion sociale dans les départements d’Outre-mer ». Adopté à l’unanimité lors de l’assemblée plénière de la CNCDH du 26 septembre 2017, cet autre avis s’inscrit également dans le cadre d’une étude plus générale de la CNCDH sur l’effectivité des droits de l’Homme dans les Outre-mer (dont le rapport global sera publié en 2018) dont il sera question lors de la prochaine chronique. Retenons déjà que cet avis témoigne lui aussi des lourdes inégalités sociales qui frappent les territoires ultramarins y compris dans leur accès à des services publics dits nationaux mais dont la matérialisation locale entraîne de manifestes disparités. Il en est ainsi de l’accès à l’emploi (avec des taux de chômage explosifs), de la pauvreté que le coût de la vie, objectivement plus cher qu’en métropole sur de nombreux éléments, nourrit, ainsi que l’accès concret et difficile à de nombreux services publics tels que la santé, la culture, le logement ou encore à de nombreuses prestations sociales. Rappelant le législateur (qui avait consacré la loi Égalité réelle Outre-mer (EROM) n° 2017-256) et le gouvernement à leurs obligations et à leurs promesses politiques, la CNCDH appuie son avis sur une vingtaine de recommandations parmi lesquelles – et comme pour le service public de la justice dans l’avis précité du 22 juin 2017 – la demande d’une plus grande stabilité des personnels que traduirait – enfin – le principe pourtant dit constitutionnel de continuité des services publics en Outre-mer. Par ailleurs, insiste la commission, la situation ne s’améliorera que si la puissance publique accepte de s’appuyer tant sur les institutions publiques locales que sur les initiatives et les partenariats privés déjà existants et particulièrement demandeurs. Enfin, en matière de logement, la CNCDH engage à revoir, dès maintenant, l’article 3 de la loi EROM précitée. La recommandation finale est sans appel mais malheureusement si réaliste : « la CNCDH conseille au gouvernement de prévoir une campagne de sensibilisation en vue de rappeler que l’accès à la solidarité nationale est un droit et le socle de la Nation, et qu’elle n’a pas pour fonction de stigmatiser ». Il n’y a effectivement pas que lorsque souffle un ouragan sur une île française lointaine de Paris qu’il faut songer aux territoires ultramarins : l’Outre-mer est la France et la France est constituée des Outre-mer.

Avis sur « la place des peuples autochtones en Outre-mer ». Le 23 février 2017 la CNCDH a rendu un avis concernant la situation des peuples autochtones dans les territoires d’Outre-mer qui a été l’occasion pour elle de rappeler des pistes encore inexplorées pour prendre en compte les spécificités des territoires d’Outre-mer. Après avoir rappelé l’absence de définition en droit international de l’autochtonie, la CNCDH fait sienne la définition retenue par l’ONU (le peuple autochtone étant celui habitant un territoire avant que celui-ci ait fait l’objet d’une colonisation, n’est pas aujourd’hui en situation de dominance et porte des revendications identitaires). La CNCDH soulève immédiatement la difficulté que recèle l’évaluation quantitative du phénomène de l’autochtonie en l’absence de statistiques dites ethniques (interdites en France car jugées contraires à la Constitution). Elle reconnaît cependant que les Amérindiens de Guyane et les Kanaks de Nouvelle-Calédonie sont susceptibles d’entrer dans cette catégorie. Les recommandations de la CNCDH s’inscrivent alors dans une double perspective : d’une part le développement d’une politique de reconnaissance des peuples autochtones en Guyane et en Nouvelle-Calédonie, ainsi que de leurs représentants (tels que le Conseil coutumier en Guyane), d’autre part l’exercice renouvelé des instruments juridiques français concernant la propriété foncière sur ces territoires ou encore l’exercice de droits collectifs en rupture avec la tradition juridique française. Enfin, l’avis de la CNCDH se démarque non seulement par ses recommandations, mais également par la méthode employée dans son rapport puisque la commission exprime la volonté de prendre en compte les atteintes sexospécifiques, touchant spécifiquement les femmes autochtones, dans une démarche intersectionnelle nouvelle en France.

Mathieu Touzeil-Divina et Hugo Avvenire

Notes de bas de pages

  • 1.
    Rapport disponible sur : https://cdn2.nextinpact.com/medias/cnctr-premier-rapport-annuel-2015-2016.pdf.
  • 2.
    Cnil, déc. n° MED-2017-053, 30 août 2017.
  • 3.
    Cnil, délibération n° 2017-233, 28 sept. 2017.
  • 4.
    CSA, rapp. ann. 2016, p. 8, disponible en ligne sur le site du CSA.
  • 5.
    CGLPL, Le personnel des lieux de privation de liberté. Deuxième rapport thématique, Dalloz, 2017.
  • 6.
    V. en ce sens notre chronique précédente, LPA 19 juin 2017, n° 126j6, p. 7.
  • 7.
    Règl. n° 2015/2120, 25 nov. 2015, cons. 6.
  • 8.
    Arcep, rapp. ann. mai 2017, disponible en ligne sur le site internet de l’Arcep.
  • 9.
    Analyse des conditions générales de vente, revue de presse et des réseaux sociaux.
  • 10.
    L. n° 2016-483, 20 avr. 2016, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ; L. n° 2016-1691, 9 déc. 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
  • 11.
    Cons. const., 8 sept. 2017, nos 2017-752 DC et 2017-753 DC.
  • 12.
    HATVP, 2e rapp. d’activité 2016, prop. n° 6.
  • 13.
    Cons. const., 5 août 2015, n° 2015-715 DC ; Cons. const., 21 juill. 2017, nos 2017-646 QPC et 2017-647 QPC.
  • 14.
    HATVP, 1er rapp. d’activité 2015, prop. n° 4.
  • 15.
    HATVP, 2e rapp. d’activité 2016, prop. n° 2.
  • 16.
    Cada, rapp. d’activité 2016, p. 26.
  • 17.
    CRPA, art. R. 321-8.
  • 18.
    « Service public de la donnée : des données sur lesquelles vous pouvez compter » : https ://www.data.gouv.fr/fr/reference.
  • 19.
    Berthault D., « Le service public de la donnée », JCP A 2017, act. 315.
  • 20.
    CPI, art. L. 331-13.
  • 21.
    Veille internationale de l’Hadopi, « Analyse des différents modèles étrangers de lutte contre la contrefaçon en matière de droits d’auteur et de droits voisins sur internet », juill. 2017.
  • 22.
    Allemagne, Australie, Canada, Corée du Sud, Danemark, Espagne, États-Unis, Irlande, Italie, Japon, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Russie, Suède, Suisse, Taïwan.
  • 23.
    La « contrefaçon commerciale » étant définie dans le rapport comme le « fait de professionnels qui tirent des revenus en facilitant ou en induisant des actes de contrefaçon sur internet ».
  • 24.
    Hadopi, L’essentiel n° 3, « Baromètre des usages et de l’offre légale », sept. 2017.
  • 25.
    Hadopi, L’essentiel n° 4, « Zone téléchargement. Le processus de réplication d’un site pirate », oct. 2017.
  • 26.
    Réactivation d’un site original avec un nouveau nom de domaine.
  • 27.
    Cnil, Les données génétiques, 2017, La Documentation française, coll. Point Cnil.
  • 28.
    C. pén., art. 222-33 ; C. trav., art. L. 1153-1.
  • 29.
    Cons. const., 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC.
  • 30.
    L’article 225-1-1 du Code pénal précise que toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel ou témoigné de tels faits constitue une discrimination.
  • 31.
    Daté du 24 octobre 2017.
  • 32.
    CSP, art. 152-2.
  • 33.
    CCNE, avis n° 126, 15 juin 2017, p. 28.
  • 34.
    CCNE, avis n° 110, 1er avril 2010, « Problèmes éthiques soulevés par la gestation pour autrui ».
  • 35.
    CCNE, avis n° 126, 15 juin 2017, p. 40.
  • 36.
    CE, 31 juill. 2017, n° 412125, Cne de Calais, min. de l’Int.
  • 37.
    Défenseur des droits, avis n° 17-09, 25 sept. 2017, en ligne.
  • 38.
    Ibid.
  • 39.
    Défenseur des droits, déc., MSP n° 2017-211, 6 oct. 2017.
  • 40.
    Défenseur des droits, avis n° 17-09, op. cit.
  • 41.
    Ibid.
  • 42.
    CEDH, 12 juill. 2016, n° 68264/14, R. K. c/France.
  • 43.
    Défenseur des droits, avis n° 17-09, op. cit.
  • 44.
    Défenseur des droits, communiqué de presse, « Le Défenseur des droits s’inquiète du respect des droits fondamentaux des étrangers à l’occasion des procédures d’éloignement », 16 oct. 2017.
  • 45.
    CE, 31 juill. 2017, n° 412125, Cne de Calais, min. de l’Int.
  • 46.
    TA Lille, 26 juin 2017, n° 1705379.
  • 47.
    Conv. EDH, art. 3.
  • 48.
    Défenseur des droits, déc. n° 2017-206, 21 juin 2017.
  • 49.
    CGLPL, « Préoccupations de MNP européens sur un projet de codification des règles relatives à la rétention administrative des migrants », 2017.
  • 50.
    Conseil de l’Europe, Achermann A. et a., « Analyse des résultats de la consultation écrite sur le 1er projet d’instrument de codification des règles européennes relatives à la rétention administrative des migrants », 12 sept. 2017.
  • 51.
    Ibid., § 17.
  • 52.
    Ibid., § 18.
  • 53.
    Ibid., § 19.
  • 54.
    Ibid., § 20.
  • 55.
    Ibid., § 27-29.
  • 56.
    CNCDH, avis, « Mettre fin au délit de solidarité », 18 mai 2017 ; CNCDH, décl., « Alerte sur le traitement des personnes migrantes », 17 oct. 2017.
  • 57.
    Aux termes de la directive, cette affirmation nous apparaît cependant comme très discutable.
  • 58.
    Le Défenseur des droits réclamait une interprétation des textes dans le sens d’une délivrance de plein droit des autorisations de travail aux mineurs non accompagnés désireux de suivre une formation professionnelle, que ces derniers aient été pris en charge avant ou après leur 16 ans. Observations suivies d’effet devant le tribunal administratif de Toulouse (TA Toulouse, 25 janv. 2017) : DDD, déc. MDE nos 2017-039, 2017-040, 2017-041, 23 janv. 2017 ; et devant le Conseil d’État (CE, 15 févr. 2017, n° 407355) : DDD, déc., n° 2017-069, 6 févr. 2017.
  • 59.
    Défenseur des droits, rapp. d’obs., « Démantèlement des campements et prise en charge des exilés. Calais – Stalingrad », déc. 2016.
  • 60.
    CNCDH, ass. plén., « Déclaration sur la situation des mineurs isolés placés en CAOMI à l’issue du démantèlement du bidonville de Calais », 26 janv. 2017. À la suite du démantèlement de la lande de Calais le 24 octobre 2016, plus de 5 000 migrants devaient être orientés vers des centres d’accueil et d’orientation (CAO). Les CAOMI sont leur équivalent pour les mineurs.
  • 61.
    CGLPL, résumé de l’avis relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires, disponible en ligne. Ce chiffre est par ailleurs stable, comme l’implique la réponse de M. le ministre au CGLPL qui en fournit des plus récent (2016), v. CGLPL, avis relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires, p. 12, publié au JO, 9 février 2017.
  • 62.
    CGLPL, rapport d’activité, 2011, Dalloz, p. 121-200.
  • 63.
    « Avis relatif au travail et à la formation professionnelle », op. cit., p. 1.
  • 64.
    Ibid., p. 1-6.
  • 65.
    Ibid., p. 8.
  • 66.
    Ibid., p. 11.
  • 67.
    CGLPL, Résumé de l’avis relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires, op. cit.
  • 68.
    Défenseur des droits, déc., n° 2017-230, 21 juill. 2017, relative au refus discriminatoire d’une entreprise de livrer et de mettre en service des produits électroménagers en raison du lieu de résidence.
  • 69.
    Bui-Xuan O., Le droit public français entre universalisme et différencialisme, 2003, Economica, p. 10.
  • 70.
    L. n° 2016-1547, de modernisation de la justice.
  • 71.
    La circulaire du 10 mai 2017 vient appuyer cette démédicalisation à la suite de la condamnation de la France par la CEDH (CEDH, 6 avr. 2017, nos 79885/12, 52471/13 et 52596/13, A. P., Nicot et Garçon c/France).
  • 72.
    Défenseur des droits, déc., MLD-2013-203, 4 nov. 2013.
  • 73.
    Défenseur des droits, déc., MLD-2015-195, 24 juill. 2015.
  • 74.
    Défenseur des droits, déc., MLD-2014-049, 7 janv. 2015.
  • 75.
    Cass. soc., 24 avr. 2013, n° 11-15204.
  • 76.
    Défenseur des droits, déc., MLD-2016-171, 21 juin 2016.
  • 77.
    V. cependant Défenseur des droits, « Rapport sur la protection juridique des majeurs vulnérables », sept. 2016.
  • 78.
    Référentiel de compétences pour la médiation en matière d’accès à la santé, oct. 2017, p. 10.
  • 79.
    Le « service public d’information en santé » est inauguré par l’article 21 de la loi Santé de 2016.
  • 80.
    CSS, art. L. 161-37, 5°, issu de la loi de modernisation de notre système de santé.
  • 81.
    Le rapport recense les sources recommandant l’interprétariat en matière de santé. Globalement, l’information doit être « communiquée au patient sous une forme adaptée à sa faculté de compréhension » allant jusqu’à la mise à disposition d’interprètes professionnels : « La charte de l’interprétariat médical et social professionnel en France », 2012 ; « Le référentiel de compétences de l’interprète médical et social professionnel », 2016.
  • 82.
    Cadre consacré par la loi du 4 mars 2002.
  • 83.
    Référentiel, op. cit., p. 63.
  • 84.
    Défenseur des droits, avis, nos 15-04 et 16-08.
  • 85.
    Défenseur des droits, avis, n° 17-05, 7 juill. 2017 et Défenseur des droits, avis, n° 17-07, 27 juill. 2017 relatifs au projet de loi n° 587 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
  • 86.
    IPCAN (Independent police complaints authorities’ network), réseau des institutions de déontologie de la sécurité, déclaration de Strasbourg, 15 sept. 2017, p. 2-3, disponible en ligne.
  • 87.
    Cela est d’autant plus visible ici qu’il est à l’origine de la réunion IPCAN, décl. Strasbourg, op. cit., p. 2-3.
  • 88.
    L. n° 78-17, 6 janv. 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 26.
  • 89.
    Délibération n° 2017-154, 18 mai 2017 (fichier des personnes recherchées) ; délibération n° 2017-156, 18 mai 2017 (CRISTINA) ; délibération n° 2017-155, 18 mai 2017 (fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste) ; délibération n° 2017-153, 18 mai 2017 (projet de décret modifiant plusieurs traitements automatisés de données à caractère personnel du Code de la sécurité intérieure) ; délibération n° 2017-180, 15 juin 2017 (traitement d’antécédents judiciaires).
  • 90.
    Délibération n° 2017-229, 20 juill. 2017 (traitement de données à caractère personnel relatif à l’instruction et au suivi des interdictions de sortie du territoire) ; délibération n° 2017-158, 18 mai 2017 (fichier des objets et des véhicules signalés) ; délibération n° 2017-152, 18 mai 2017 (ACCRED) ; délibération n° 2017-157, 18 mai 2017 (GESTEREXT).
  • 91.
    Cnil, « Observations relatives à certaines dispositions du projet de loi d’orientation et de programmation de la performance de la sécurité intérieure », 6 mai 2010 ; Cnil, « Observations concernant la proposition de loi relative à la protection de l’identité », 25 oct. 2011.
  • 92.
    Cnil, « Observations sur le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme », 6 juill. 2017.
  • 93.
    Cette obligation juridique, prévue par l’article 11, 4°, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ne peut cependant pas faire l’objet de sanction en cas de non-respect.
  • 94.
    CEDH, 25 avr. 2013, n° 40119/09, Canalic c/ France ; CEDH, 21 mai 2015, n° 50494/12, Yengoc c/ France.
  • 95.
    TA Rouen, 27 mars 2008, n° 0602590, Donatreq.
  • 96.
    TA Melun, ord., 6 oct. 2016, n° 160816 ; CE, ord., 30 juill. 2015, nos 392043 et 392044, section française de l’Observatoire international des prisons (OIP-SF) et irdre des avocats au barreau de Nîmes.
  • 97.
    La hausse de 38,8 % des crédits immobiliers accordés au ministère de la Justice dans la loi de finances pour 2018 ne semble pas annoncer ces changements de cap.