Cette semaine chez les Surligneurs : a-t-on le droit de se promener avec sa casserole ?

Publié le 28/04/2023

Même rebaptisée « dispositif sonore portatif », la casserole dans la rue reste légale. Les Surligneurs vous expliquent pourquoi. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent également sur la pétition visant à destituer le président de la République, ainsi que sur la validation partielle de la réforme des retraites par le Conseil constitutionnel. 

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Le préfet de l’Hérault interdit par arrêté les “dispositifs sonores portatifs” à l’occasion de la visite du Président Macron à Ganges

En vue de la visite du Président à Ganges le 20 avril 2023, le préfet du département a pris un arrêté interdisant, dans un périmètre de protection, “le port, le transport et l’utilisation des artifices de divertissement, des articles pyrotechniques, des armes à feu, y compris factice (…) ainsi que tous objets susceptibles de constituer une arme à feu”… ainsi que “l’usage de dispositifs sonores portatifs ou émanant de véhicules non dûment autorisés”. Cet arrêté est critiqué et attaqué devant le juge par des associations qui ne contestent pas l’instauration d’un périmètre, mais le fondement juridique de l’arrêté et la proportionnalité de la mesure en ce qu’il interdit les dispositifs sonores.

C’est d’abord la base de cet arrêté, l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure, qui ne semble pas appropriée : elle vise à “assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement exposé à un risque d’actes de terrorisme”. Le préfet justifie ainsi son arrêté par le “niveau maximal de menace terroriste” et par le fait que le Président “représente de fait une cible symbolique extrêmement forte compte tenu notamment du contexte social actuel”. Il n’est certes pas exclu que le contexte ait pu alimenter une haine à l’égard du Président. S’agirait-il pour autant de terrorisme ? Le code pénal définit cette notion : “Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur”. Pour autant, il est peu probable qu’un juge annule l’arrêté sur ce seul motif : d’abord car il refuse de se substituer à l’appréciation de l’administration sur la réalité de la menace terroriste ; ensuite parce que le préfet aurait pu prendre la même mesure sur un autre fondement, notamment dans la crainte de manifestations non déclarées. Or dans le cas d’une visite officielle, il ne s’agit pas seulement d’empêcher une manifestation non déclarée, mais aussi de protéger le chef de l’État.

Il semblerait que l’interdiction dans le périmètre de protection, de “l’usage de dispositifs sonores portatifs ou émanant de véhicules non dûment autorisés” vise en réalité les casseroles dans le contexte actuel. Or, toute mesure de police, pour être légale, doit répondre à une triple exigence : 1/ la nécessité de la mesure : l’interdiction des casseroles était-elle nécessaire à la protection physique du chef de l’État ? 2/ Son adéquation: l’interdiction des casseroles était-elle de nature à éviter le risque terroriste invoqué par le préfet ? 3/ Sa proportionnalité : les casseroles avaient vocation, aux yeux de ceux qui souhaitaient faire du bruit au passage du Président, à servir de moyen d’expression contre la réforme des retraites, et aucun moyen d’expression ne peut être interdit tant qu’il ne crée pas de trouble à l’ordre public (qui n’a pas été invoqué par le préfet).  L’interdiction est donc illégale.

(Ndlr : Cette analyse, réalisée le 24 avril, a été confirmée par un jugement du tribunal administratif d’Orléans du 25 avril qui a annulé l’arrêté du préfet créant un périmètre de protection pour la visite du Président de la République à Vendôme, sur le fondement de la loi antiterroriste).

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Le député LFI-NUPES Antoine Léaument partage « Une pétition pour la destitution de Macron »

Une pétition a été lancée par un citoyen sur le site de l’Assemblée nationale pour demander la destitution du Président de la République. Le député LFI-NUPES Antoine Léaument l’a partagée en fixant des objectifs quantifiés de signatures, dans les termes suivants : “Si elle passe les 100 000, on en parle en commission des Lois. Si elle passe 500 000, on en parle en hémicycle”. Mais la procédure de destitution du Président de la République relève d’un autre régime juridique…

Cette pétition sera traitée par la commission des Lois. Un rapporteur sera désigné pour décider, soit de la fin de la procédure, soit de lui donner suite en organisant un débat en commission. Si elle dépasse 500 000 signatures, elle peut être débattue dans l’hémicycle, mais cela reste à la discrétion de la Conférence des présidents.

En cas de débat en hémicycle, un rapport parlementaire est rédigé, qui est alors inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée afin d’être discuté, mais sans pour autant donner lieu à un vote. Libre aux parlementaires ou au gouvernement de déposer respectivement une proposition de loi ou un projet de loi reprenant les termes de la pétition.

De façon générale, les citoyens peuvent déposer et signer des pétitions devant l’Assemblée nationale et le Sénat. Dans la mesure où elles ne créent aucune obligation pour les parlementaires, elles reflètent simplement une demande ou une opinion émanant de certaines personnes.

Il existe bien une procédure de destitution du Président de la République prévue par la Constitution. Le Président peut être destitué “en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat” par le Parlement réuni en Haute Cour. Pour cela, une des deux assemblées doit au préalable adopter à la majorité des deux tiers une proposition de réunion en Haute Cour et la soumettre à l’autre assemblée, qui doit aussi l’adopter. Si les deux chambres s’entendent, elles se constituent en Haute Cour, puis celle-ci statue sur le sort du Président de la République.

Cette procédure est à distinguer de celle devant la Cour de justice de la République dont le rôle est de juger les membres du gouvernement pour des infractions (délits ou crimes) commises dans l’exercice de leurs fonctions.

Cela signifie que la pétition mise en ligne sur le site de l’Assemblée nationale et relayée par n’a d’autre objet, si les objectifs de signatures sont atteints, que de demander aux députés de proposer la réunion du Parlement en Haute Cour, afin de prononcer la destitution du Président. À bon entendeur donc : il y a une bonne distance à parcourir entre la signature et la destitution du Président.

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Réforme des retraites : le texte validé partiellement par le Conseil constitutionnel

Le vendredi 14 avril, le Conseil constitutionnel a statué sur les quatre saisines relatives à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale qui porte réforme des retraites. Les juges ont validé partiellement la réforme et censuré six de ses dispositions, comme le CDI et l’index senior qualifiés de “cavaliers sociaux”. La proposition de loi référendaire déposée par la gauche parlementaire a également été censurée.

Si le Conseil a reconnu que “l’utilisation combinée des procédures mise en œuvre a revêtu un caractère inhabituel”, il estime qu‘“aucune exigence constitutionnelle n’a été méconnue par l’exécutif”.

Le principal moyen de saisine était le recours de l’exécutif à l’article 47-1 de la Constitution, puisque le gouvernement a présenté un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif (PLFSSR), destiné à actualiser – en théorie – la loi de financement de la sécurité sociale annuelle. Or, les oppositions ont estimé que ce véhicule législatif ne pouvait être emprunté pour réaliser une réforme sociale majeure – et par ailleurs, “sans qu’aucune urgence de légiférer ne soit caractérisée”. Le Conseil a ainsi précisé que “le recours à un tel véhicule législatif n’est pas subordonné à l’urgence, à des circonstances exceptionnelles ou à un déséquilibre majeur des comptes sociaux” et “écarte le grief tiré de ce que le législateur aurait irrégulièrement eu recours à une loi de financement rectificative de la sécurité sociale”.

De plus, selon le Conseil constitutionnel, l’application cumulative de plusieurs procédures prévues par la Constitution et par les règlements des assemblées n’a pas porté d’atteinte substantielle aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

Il était aussi demandé au Conseil de se prononcer sur le fond. Les députés estimaient que le texte contrevenait au préambule de la Constitution  de 1946. En cause, l’article 10 de la réforme qui prévoit le report de l’âge légal de 62 à 64 ans et l’accélération du calendrier de relèvement de la durée d’assurance requise pour l’obtention d’une retraite à taux plein. Ce dernier contiendrait des “dispositions ayant pour conséquence d’annuler les effets compensatoires de mesures préexistantes destinées à corriger les inégalités entre les femmes et les hommes”. Il y aurait un lien direct entre celui-ci et la hausse du chômage parmi les séniors, qui résulterait en une violation de l’article 1er de la Constitution.

Or, selon le Conseil, il est loisible au législateur de “choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées”. Il a estimé que le gouvernement “a entendu assurer l’équilibre financier du système de retraite par répartition” pour “en garantir la pérennité”. Le Conseil constitutionnel se justifie ainsi par la liberté du Parlement, tant que ses mesures sont cohérentes avec l’objectif qu’il s’est fixé.

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