Cette semaine chez les Surligneurs : L’agression de l’Ukraine par la Russie est-elle légale ?

Publié le 04/03/2022

L’agression de l’Ukraine est-elle légale ? Le président ukrainien Volodymyr Zelinsky a décidé de saisir la Cour internationale de justice contre la Russie, dans quel but ? Sa demande officielle d’adhésion à l’Union européenne a-t-elle une chance d’aboutir ? C’est à un numéro spécial Ukraine que vous convient cette semaine les spécialistes du legal checking. Parce que le droit est partout, y compris dans la guerre. 

Cette semaine chez les Surligneurs : L’agression de l’Ukraine par la Russie est-elle légale ?

L’agression de l’Ukraine par la Russie est illégale en droit international

 L’invasion russe est contraire au droit international, qui repose sur le principe de souveraineté des États. Celui-ci implique que les États ont la capacité de jouir librement de leur territoire, sous réserve d’engagements juridiques volontaires. La conséquence de cette pleine souveraineté est l’interdiction du recours à la force entre États, consacré à l’article 2 § 4 de la Charte des Nations Unies, signée à San Francisco en 1945. Trois exceptions sont prévues à cette interdiction mais qui ne correspondent pas à la situation actuelle entre la Russie et l’Ukraine.

Première exception : un État consent à l’intervention qui a lieu sur son territoire parce qu’il appelle à l’aide la communauté internationale par exemple. C’est le cas du Mali en 2013 et de l’Ukraine actuellement mais pas à l’égard de la Russie. Cette dernière invoque d’ailleurs un prétendu appel à l’aide des républiques populaires auto-proclamées de Lougansk et Donetsk, qui ne fonderaient  qu’une intervention sur ces territoires et non au-delà.

Deuxième exception : le Conseil de sécurité autorise l’intervention car il peut adopter des mesures coercitives contre des États qui menacent de rompre la paix internationale. C’était le cas pour l’intervention terrestre en Irak en 1990 ou l’intervention aérienne en Libye en 2011. Cette solution de dernier ressort doit être validée par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, ce qui pose des difficultés en l’occurrence, la Russie faisant partie des membres permanents.

Enfin, la troisième exception est la légitime défense, droit coutumier prévu à l’article 51 de la Charte des Nations Unies. Ce qui suppose que la Russie aurait subi en amont une “agression”, qui ne peut pas être caractérisée par la volonté ukrainienne de rejoindre l’OTAN, comme l’a suggéré Vladimir Poutine avant d’envahir l’Ukraine. De plus, il aurait dû notifier sa démarche au Conseil de sécurité des Nations Unies s’il souhaite utiliser l’article 51 de la Charte.

L’attaque russe ne correspondant à aucune exception, l’agression constitue un fait internationalement illicite, qui engage la responsabilité internationale de la Russie.

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Anne Hidalgo réclame un blocage des prix du gaz et de l’électricité : la guerre en Ukraine le rend possible

 Le blocage des prix est en principe, selon la législation, difficilement justifiable. En effet, l’article 410-2 du Code du Commerce précise que les biens, produits et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence, ce que les Surligneurs avaient pu rappeler à l’encontre de propos notamment de Jean-Luc Mélenchon sur le sujet.

Ce blocage paraît dorénavant possible en raison des exceptions à cette libre concurrence, ce qui explique la proposition d’Anne Hidalgo formulée le 24 février 2022. Le gouvernement peut prendre “des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé”, “contre des hausses ou des baisses excessives de prix”. L’invasion de l’Ukraine par la Russie constitue clairement une situation de crise ou une circonstance exceptionnelle, qui entraînera très probablement une hausse des matières premières, avec des conséquences sur l’électricité et le gaz.

Ce blocage ciblé remplirait également le critère du “secteur déterminé” et serait prononcé pour une durée de 6 mois renouvelables. Il a déjà été pratiqué en 1990 pour faire face à la forte hausse des prix du carburant, en lien avec la première guerre du Golfe.

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La saisine de la Cour internationale de justice : une action intéressante entreprise par le président Ukrainien

 Le dimanche 27 février 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelinsky a décidé de saisir la Cour internationale de justice contre la Russie. La Cour internationale de justice a pour rôle de régler pacifiquement des différends entre des États, conformément à la Charte des Nations Unies de 1945.

Face aux affirmations de Vladimir Poutine, de réaction face à une potentielle agression qui correspondrait à l’article 51 de la Charte des Nations Unies, le Président ukrainien répond également par du droit. Il sollicite d’ailleurs des mesures conservatoires (article 41 du Statut de la Cour), pour que le conflit cesse et que les troupes russes se retirent. Ces mesures sont fréquemment demandées mais la Cour ne les accorde pas systématiquement ou peut prononcer des mesures conservatoires différentes de celles demandées. Lorsqu’elles sont ordonnées, elles sont obligatoires et leur méconnaissance peut engager la responsabilité de l’État.

La Cour internationale de justice devrait pouvoir se reconnaître compétente pour le conflit, sur le fondement de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, un traité ratifié par les deux États sans réserve. L’Ukraine utilise cette convention car la Russie considère que la prétendue commission d’un crime de génocide lui permet d’agresser l’Ukraine. Si la Cour s’estimait convaincue prima facie, elle pourrait prononcer rapidement des mesures conservatoires. En revanche, même si la Russie doit respecter les mesures, il n’existe pas de mécanisme contraignant physiquement l’État à se conformer à la décision de la Cour internationale de justice.

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Jean-Luc Mélenchon se demande quand le Parlement français a décidé que l’Union européenne fournirait des armes à l’Ukraine tout en plaidant la neutralité : beaucoup de contradictions juridiques

Lors d’un discours à l’Assemblée nationale le 1er mars 2022, Jean-Luc Mélenchon mélange plusieurs arguments juridiques, aboutissant à des contradictions flagrantes. D’un côté, il regrette l’engagement de l’Union européenne à fournir des armes. Il estime que cela emporte des conséquences sur la France, qui devient “cobelligérant”. Selon lui, il faudrait préserver la souveraineté française sur la question en respectant l’article 35 de la Constitution qui prévoit que “La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement”. De l’autre côté, il souhaite la neutralité de l’Ukraine, ce qui semble difficile à prononcer pour le Parlement français. Cette volonté d’avoir une Ukraine neutre devrait également relever du Parlement ukrainien, pour respecter le principe de souveraineté, comme pour la France. Cette différence de traitement entre le Parlement français et le Parlement ukrainien n’est juridiquement pas claire.

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Une intégration immédiate de l’Ukraine à l’Union européenne : le voeu de Volodymyr Zelensky, difficile mais pas impossible

 Le Président ukrainien Volodomyr Zelensky a signé, le 28 février, une demande officielle d’adhésion à l’Union européenne en la souhaitant immédiate, par une procédure spéciale. Actuellement, la première étape d’une adhésion est le dépôt de la candidature. L’Ukraine pourrait se voir reconnaître le statut de candidat, après un vote positif du Parlement européen à la majorité des membres et une approbation à l’unanimité du Conseil européen, sachant qu’il existe un accord d’association depuis 2014. Un statut qui n’engage pas pour autant vers une adhésion rapide.

Il faut ensuite que le Conseil européen valide le respect des “critères de Copenhague” définis en 1993. En plus des conditions de l’article 49 TUE (être situé en Europe et respecter les valeurs de l’Union européenne), l’État doit avoir des institutions démocratiques stables, une économie de marché viable et la capacité à assurer ses engagements européens. Pour cette dernière condition, 35 chapitres doivent être validés : l’État candidat doit intégrer “l’acquis communautaire”. Lorsque ces éléments sont assimilés, il faut que les 27 membres actuels de l’Union européenne ratifient un accord d’adhésion. Un seul État peut donc encore bloquer l’adhésion.

Pour une adhésion immédiate, il faudrait donc revoir les critères permettant à l’Ukraine d’adhérer à l’Union européenne mais également la procédure de ratification de l’accord d’adhésion. Deux options qui semblent difficiles à mettre en place.

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