Cette semaine chez les Surligneurs : l’erreur d’E. Macron sur l’illégalité de l’agression russe

Publié le 07/10/2022

La Cour internationale de justice a-t-elle réellement déclaré l’agression russe illégale et exigé le retrait de la Russie, comme le soutient Emmanuel Macron ? En réalité non, les Surligneurs, spécialistes de legal checking, vous expliquent pourquoi. Avec cette semaine, on aborde également la possibilité pour la Commission européenne d’agir en cas d’évolution non-démocratique de l’Italie, le vrai pouvoir des référendums en Russie et la faculté pour un maire de résilier le contrat de gaz de sa commune. 

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Selon le Président Emmanuel Macron, “la Cour internationale de justice a déclaré l’agression russe illégale et a exigé le retrait de la Russie”

Le Président est intervenu lors de la 77e session de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies en dénonçant l’agression russe. Il a ensuite cherché à convaincre les pays qui adoptent une position neutre face à un ordre international proche de la rupture. Ce faisant, le président Macron, se référant à la décision de la Cour du 16 mars 2022, a indiqué que “la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, a rompu par un acte d’agression, d’invasion et d’annexion, notre sécurité collective. Elle a délibérément violé la Charte des Nations unies et le principe d’égalité souveraine des États. Dès le 16 mars, la Cour internationale de justice a déclaré l’agression russe illégale et a exigé le retrait de la Russie”.

Or, la Cour n’a en réalité fait qu’indiquer, comme le permet son Statut en cas d’urgence, trois “mesures conservatoires” (c’est-à-dire des mesures provisoires) par son ordonnance du 16 mars dernier. Ces mesures sont en substance : la Russie doit immédiatement suspendre les opérations militaires débutées le 24 février 2022 sur le territoire de l’Ukraine (unanimité moins deux voix), veiller à ce qu’aucune entité militaire régulière ou irrégulière qui serait sous son contrôle ou bénéficierait de son appui ne poursuive l’opération militaire (unanimité moins deux voix), et l’Ukraine comme la Russie doivent “s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile” (unanimité).

La Russie, certes, se défend : elle invoque des “exceptions préliminaires”, c’est-à-dire des arguments visant à montrer soit que la Cour n’est pas compétente pour trancher le litige, soit que la demande de l’Ukraine n’est pas recevable pour des raisons par exemple procédurales. En l’occurrence, l’Ukraine invoque devant la Cour de La Haye le fait que l’offensive russe est une violation de la Convention sur le génocide de 1948.

L’agression russe est certes à l’évidence illicite, par rapport à la Charte des Nations Unies qui prohibe l’usage de la force entre les Nations ; mais la Cour ne peut statuer que sur la base de la Convention sur le génocide. Au nom du principe de consentement des parties à être jugé, corollaire de la souveraineté des États, la compétence de la Cour est en effet toujours limitée par l’instrument (c’est-à-dire le traité en l’occurrence) invoqué dans chaque affaire, par les États qui se présentent devant elle. Or seule la Convention sur le génocide a été invoquée.

Ainsi, à moins que de nouvelles mesures conservatoires soient demandées, obligeant la Cour à se prononcer, il faudra attendre la suite de la procédure avant qu’elle se prononce sur la légalité de l’agression.

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Ursula von der Leyen avertit le futur gouvernement italien : l’Union européenne “dispose d’outils” si les choses prennent une “tournure difficile”

Adressés à la probable future coalition italienne menée par Giorgia Meloni, la leader du parti post-fasciste Fratelli d’Italia, ces propos de la présidente de la Commission européenne ont déclenché la colère d’une partie de la classe politique et de l’opinion publique italienne, et plus largement européenne. Ursula von der Leyen voulait ici mettre en garde contre une évolution non démocratique de l’Italie, en la menaçant de suspendre le versement de fonds européens.

Si l’Union européenne dispose effectivement d’instruments pour peser sur la politique menée par les États membres, leur mise en œuvre n’est pas si aisée. Il y a certes l’article 7 du Traité sur l’Union européenne, qui est une procédure visant à faire face aux cas de non-respect des valeurs fondamentales de l’Union européenne par un État membre. Mais la procédure, qui peut aboutir à une suspension des droits de vote au Conseil, n’a jamais passé le premier stade, en raison de la règle de l’unanimité qui prévaut.

Il y a aussi le règlement européen sur la conditionnalité, adopté en décembre 2020, et qui permet de ne pas verser des fonds européens dans le cas où un État membre violerait les règles de l’État de droit. Mais encore faut-il que ces violations soient susceptibles de mettre en danger le budget de l’Union européenne – non-recouvrement de la TVA, défaillance dans la lutte contre la corruption, etc. –, ce qui n’est pas du tout évident. Au demeurant, ce ne serait pas la Commission qui prendrait la décision de suspendre, mais le Conseil composé des États membres. Mais toujours dans le domaine financier, c’est sans doute la suspension du versement des certaines tranches des aides du plan de relance européen, dont l’Italie est le premier bénéficiaire avec 143 milliards d’euros. Mais là encore, c’est difficile à imaginer si l’Italie respecte bien son programme de réformes. En somme, la Commission européenne dispose bien d’outils, mais dont la décision relève souvent en dernier ressort du Conseil, et qui nécessitent de réunir des conditions strictes pour pouvoir être utilisés.

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Référendum en Russie : Vladimir Poutine veut ‘’quatre nouvelles régions russes” puisque “c’est la volonté de millions de personnes”

Le choix des habitants de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson ne sera pas discuté” : c’est ce qu’a annoncé Vladimir Poutine le 30 septembre 2022 à la télévision russe. Dans un discours de 45 minutes, le président russe a officiellement signé l’annexion de ces quatre territoires ukrainiens. Une revendication illégale aux yeux du droit international et aussitôt condamnée par les chefs d’États étrangers.

Mais derrière l’argument des référendums largement favorables à l’annexion, inspiré du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes invoqué par Poutine se cache un moyen de légitimer son “opération spéciale” en Ukraine. Le principe d’autodétermination est ici légalement irrecevable pour les pays de la scène internationale pour plusieurs raisons. “Juridiquement parlant, un État X ne peut pas annexer une portion de territoire d’un État Y, même au motif qu’un référendum aurait été organisé auprès de la portion de territoire concernée” explique Denys-Sacha Robin, maître de conférences en droit international à l’Université Paris-Nanterre. Pressions soumises aux votants, contexte de guerre, contrôle de l’information et surtout une décision de référendum unilatérale, c’est-à-dire sans l’accord de l’Ukraine : aucune condition ne permet à la communauté internationale de valider l’issue de ce référendum.

L’annexion de ces territoires ukrainiens par la Russie ne change rien au droit international dans la mesure où “l’issue de ce référendum n’est absolument pas opposable aux autres États” affirme Denys-Sacha Robin. Ces conditions font que l’Ukraine, telle qu’elle est reconnue aujourd’hui par le droit international, inclut les territoires revendiqués par la Russie (la Crimée depuis 2014 puis les régions de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson revendiquées depuis la semaine dernière).

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Philippe Rio (Maire de Grigny) souhaite résilier le contrat de fourniture de gaz de sa commune pour passer à la géothermie

Le renchérissement du coût de l’énergie suscite bien des idées destinées à échapper à cette inflation. Ainsi, Philippe Rio, maire de Grigny et membre du parti communiste français, souhaite déployer sur toute sa ville un réseau public de chauffage par géothermie et distribuer une énergie moins chère à ses administrés. Pour cela, il devra sortir du contrat qui lie sa commune jusqu’en 2029 à Engie, son fournisseur d’énergie. C’est possible, mais sous conditions.

En vertu du Code de la commande publique, une personne publique a le droit de résilier unilatéralement un marché pour un motif d’intérêt général et ce, même lorsque le contrat ne le prévoit pas. La maire de Grigny peut donc sortir du contrat avec Engie, car l’intérêt général ne fait pas de doute, dans un contexte de crise de l’énergie. Mais il existe une contrepartie à ce droit : l’indemnisation de ce qu’on appelle le cocontractant (ici, Engie en tant que fournisseur), et cela dès lors que ce dernier n’a commis aucune faute. La jurisprudence protège ainsi les cocontractants des personnes publiques (en l’occurrence la commune de Grigny).

C’est logique : si les personnes publiques ont le droit de modifier les contrats pour des raisons d’intérêt général, il faut bien protéger leurs fournisseurs contre ces modifications, par l’indemnisation. Sans quoi, les personnes publiques seraient également perdantes, car elles ne trouveraient plus d’entreprises pour satisfaire leurs besoins : aucune entreprise ne prendrait le risque de fournir une personne publique en sachant qu’à la première occasion le contrat peut être résilié sans indemnisation.

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