Cette semaine chez les Surligneurs : Le “permis de faire” annoncé par A. Hidalgo existe déjà

Publié le 21/01/2022

Les Surligneurs, spécialisés dans le legal checking,  passent cette semaine au crible du droit  le « permis de faire »et le « budget climat et biodiversité » d’Anne Hidalgo, mais aussi la fin de la gratuité de l’université d’Emmanuel Macron et les quartiers mixtes et verts de Yannick Jadot. 

Cette semaine chez les Surligneurs : Le “permis de faire” annoncé par A. Hidalgo existe déjà

 

Anne Hidalgo veut donner aux collectivités locales un “permis de faire”

On comprend le projet de la candidate à l’élection présidentielle : il s’agit de conférer plus d’autonomie aux collectivités territoriales en leur permettant de s’affranchir de certaines règles nationales au profit d’autres, jugées plus efficaces ou plus adaptées à certaines réalités locales. Mais cela s’appelle l’expérimentation, et cela existe déjà, même si les débuts ont été poussifs.

En réponse à l’échec de la réforme constitutionnelle de 2003 qui prévoyait déjà la possibilité d’expérimenter, le législateur a permis à toute collectivité d’adopter un régime dérogatoire par une simple délibération de l’organe délibérant (conseil municipal ou conseil régional par exemple). Des comités d’appui technique ont également été mis en place pour aider les collectivités modestes à réaliser des expérimentations. Par cet assouplissement, le législateur espère susciter plus d’initiatives expérimentales.

La future loi dite 3DS (en cours de vote final au Parlement) prévoit de conforter le droit à l’expérimentation des collectivités territoriales, notamment en leur permettant de garder les acquis de cette expérimentation, même si les autres collectivités n’en veulent pas. Une autre option existera avec la loi 3DS : pérenniser l’expérimentation dans les seules collectivités concernées et y inclure les autres collectivités volontaires. Le Conseil constitutionnel a validé ce type de différenciation concernant la Corse.

Cette évolution de vingt ans tend à sortir du centralisme en libérant les collectivités territoriales du carcan juridique national qui consistait, sauf quelques exceptions, à imposer le même régime juridique pour toutes les collectivités territoriales alors même qu’elles peuvent être très différentes. Le projet présenté par Anne Hidalgo ne semble pas proposer autre chose, du moins tel qu’il est formulé.

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Emmanuel Macron souhaite mettre fin à la “quasi-gratuité” de l’enseignement supérieur public

Dans son discours de clôture du congrès de la Conférence des présidents d’université (CPU), devenue France Universités, le 13 janvier, Emmanuel Macron a annoncé une “transformation systématique” de l’Université, dont l’objectif est d’améliorer la visibilité des universités françaises à l’international dans la lignée des propos de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur. Cette réforme passerait notamment par la fin de la “quasi-gratuité” selon les termes du Président, de l’enseignement supérieur public. Une proposition à nuancer au regard de la protection constitutionnelle de la gratuité de l’enseignement supérieur public.

La gratuité de l’enseignement public garantie par le Préambule de la Constitution de 1946, s’accommode de frais de scolarité “modiques” selon le Conseil constitutionnel, qui se calculent en tenant compte du montant de ces frais au regard du coût de la formation par étudiants, et des aides dont ces derniers peuvent bénéficier. Une marge d’augmentation existe bel et bien, mais pas au point de se caler sur les tarifs anglo-américains. Toute la question étant de déterminer ce que représentent des frais “modiques”.

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Yannick Jadot entend permettre aux intercommunalités de réquisitionner des constructions existantes pour les convertir en quartiers mixtes et verts

Le candidat écologiste veut diminuer l’artificialisation des sols par la reconversion de constructions existantes en logements : friches, mais aussi zones commerciales ou d’activités et “logements vides” seront donc “réquisitionnés”. La réquisition, selon le dictionnaire juridique Cornu que tout juriste possède dans sa bibliothèque, est une “opération unilatérale” (donc forcée) par laquelle une autorité civile ou militaire exige d’une personne une prestation de service, un bien mobilier ou immobilier, en vue d’assurer soit directement le fonctionnement d’un service public, soit la satisfaction d’un besoin pour le service public. Sauf que la réquisition est temporaire, et que ce que veut le candidat écologiste est une réquisition permanente, donc une expropriation.

Or l’expropriation doit répondre à une utilité publique (dont on ne doute pas ici) ; elle obéit à une procédure complexe, avec tout un code obligeant à effectuer une enquête d’utilité publique. Surtout, elle coûte bien plus cher : indépendamment d’une procédure longue et coûteuse, il faut indemniser le propriétaire, en lui rachetant la friche en question ou la zone d’activité, le logement, etc. Une promesse, donc, à préciser.

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Anne Hidalgo promet un “budget climat et biodiversité” fixant la “réduction d’émission de CO2 et de décarbonation de la production d’énergie”.

Pour montrer l’importance qu’elle accorde à l’écologie, Anne Hidalgo, candidate du Parti socialiste à l’élection présidentielle, entend créer un grand “ministère du Climat, de la Biodiversité et de l’Économie”, avec un “Budget Climat et biodiversité qui fixera les programmations de réduction d’émission de CO2 et de décarbonation de la production d’énergie”. Ce “budget” serait voté chaque année “par le Parlement en même temps que les lois de finances et de financement de la Sécurité sociale”, et “ouvrirait les crédits d’investissements publics nécessaires pour décarboner notre économie (énergies renouvelables, mobilités, logement, etc.)”. Les outils juridiques existent déjà pour cela, d’autant que la Constitution interdit de multiplier les budgets.

Comme la Constitution ne permet pas de multiplier les lois de finances, et sauf à la modifier, le « budget climat et biodiversité” pourrait bien se résumer à une énième loi de programmation dont la valeur symbolique serait certes forte, mais dont les effets sont souvent décevants. Les lois de programmation budgétaire ne sont pas contraignantes du fait du principe d’annualité du budget, et les lois de programmation qui n’ont pas été respectées sont plus le principe que l’exception.

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