Cette semaine chez les Surligneurs : Quand Valérie Pécresse propose…ce qui existe déjà
Les Surligneurs, spécialistes du legal checking, passent au crible du droit les propositions de réforme des politiques. Les épinglés de la semaine sont Valérie Pécresse et la primauté de la loi commune, Philippe Ballard et la mise à l’écart du droit européen, mais aussi Emmanuel Macron à propos de l’indépendance de l’audiovisuel. Sans oublier Eric Zemmour qui risque d’avoir du mal à trier les réfugiés d’Ukraine.
Pour lutter contre ceux qui veulent échapper à la loi au nom de leur foi, Valérie Pécresse veut rajouter le principe d’égalité dans la Constitution… un principe qui y figure déjà
Pour Valérie Pécresse : “il y aura dans la Constitution le fait que nul ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour échapper à la loi commune”.
Candidate LR à l’élection présidentielle, Valérie Pécresse a longtemps siégé au Conseil d’État, et sait probablement mieux que d’autres combien sa proposition n’a aucune utilité juridique, puisque la Constitution lui donne déjà raison. À titre de révision salutaire, citons plusieurs articles de notre Déclaration des droits de l’homme :
Article 1er : “Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »
Article 4 : “La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits”.
Article 6 : “La Loi (…) doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents”.
Article 10 : ”Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi”.
Nul besoin de périphrases. Valérie Pécresse peut déjà faire son marché parmi ces textes, pour exclure tout privilège au nom de la religion.
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Un conseiller régional de la région Île-de-France veut restaurer la primauté du droit national sur le droit de l’Union européenne
Philippe Ballard, conseiller régional Rassemblement national (RN) d’Île-de-France, déclare pouvoir faire en sorte que le droit national devienne supérieur au droit européen, tout en maintenant la France au sein des organisations européennes. Contacté, l’élu répond aux Surligneurs que d’autres comme Michel Barnier ou des candidats comme Valérie Pécresse font des propositions “pas si éloignées”. Or, pour que le droit national prime sur le droit européen, il faut soit réformer l’Union européenne, soit la quitter.
Selon Philippe Ballard, une simple modification de la Constitution, en particulier l’article 55 qui prévoit la primauté des traités sur les lois nationales, suffirait à renverser cette primauté. Mais la Constitution, à son article 88-1, prévoit également que le respect des normes européennes par la France est obligatoire. C’est d’ailleurs une exigence constitutionnelle depuis une décision du Conseil constitutionnel de 2004.
La modification de l’article 55 de la Constitution doit donc s’accompagner de celle de l’article 88-1 pour avoir un véritable effet. Ainsi, les juridictions nationales ne pourraient plus faire prévaloir le droit européen (et de façon générale le droit international) sur la loi nationale, alors qu’elles le font actuellement.
On ne peut cependant pas avoir le beurre et l’argent du beurre.
Rester au sein de l’Union européenne sans faire primer les textes européens qui en découlent est incompatible en l’état du droit européen.
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Une loi de programmation pour assurer l’indépendance de l’audiovisuel public après la suppression de la redevance TV : l’idée de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron
Emmanuel Macron, pour pallier les effets de la suppression de la redevance TV, envisagerait une loi de programmation annuelle pour assurer son indépendance à l’audiovisuel public.
C’est à vrai dire “dans l’équipe de campagne du président”, précise le quotidien Le Monde, que se “souffle l’idée d’une loi de programmation pluriannuelle “qui permettrait de pérenniser le budget de l’audiovisuel public et donc son indépendance par la même occasion. Le contexte, bien entendu, est celui d’une promesse de suppression de la redevance en tant que taxe affectée à l’audiovisuel, qui inspire bien des craintes, notamment aux syndicats, mais aussi au monde du spectacle, quant à la pérennité et à la diversité de l’audiovisuel public français. Or une loi de programmation n’aurait qu’une portée symbolique.
Car en réalité, les lois de programmation se bornent à prévoir des budgets sur plusieurs années. Mais juridiquement, elles n’ouvrent aucun crédit, c’est-à-dire qu’elles ne permettent aucune dépense.
Pour obtenir cette garantie, il faudrait par exemple inscrire l’existence d’un audiovisuel public dans la Constitution, comme l’enseignement public gratuit et laïc par exemple. Et pour sanctuariser son budget – car l’indépendance sans budget n’est que virtuelle –, une autorité indépendante serait probablement la mieux placée.
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Éric Zemmour veut bien accueillir les réfugiés fuyant l’Ukraine, mais seulement s’ils sont ukrainiens
Au cours d’un débat entre Eric Zemmour et Yannick Jadot, le candidat Eric Zemmour a affirmé que parmi les réfugiés ukrainiens se cachent d’autres exilés qui ne devraient pas bénéficier de la protection temporaire. Depuis plusieurs jours déjà, il estime qu’il “faut faire très attention, parce qu’on découvre déjà que dans ces réfugiés dits ‘ukrainiens’, il y a un tiers d’Algériens, de Marocains, d’Africains, qui se sont faufilés dans cette ouverture du couloir Schengen. […] Moi je veux bien accueillir temporairement les réfugiés ukrainiens parce qu’ils sont nos frères européens et chrétiens. Je ne veux pas que profitent de cela des immigrés africains”.
La directive du Conseil du 20 juillet 2001 oblige à protéger les personnes qui fuient leur pays d’origine, dès qu’est constatée officiellement l’existence d’un afflux massif de personnes, qui nécessite une réaction rapide de la part de l’Union européenne, pour “supporter les conséquences de cet accueil” et équilibrer les efforts consentis par les États membres. C’est le Conseil qui, après constat de la situation d’afflux massif, déclenche l’obligation d’accueil, à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission
Problème, la protection temporaire s’applique à toute personne présente sur le territoire ukrainien à partir du 24 février 2022 (le début de l’invasion russe) et ayant dû fuir. Peu importe qu’elle ne soit pas de nationalité ukrainienne. Par conséquent, le mécanisme de protection temporaire ne permet pas de distinguer, parmi les personnes fuyant un pays en guerre, celles qui ont la nationalité de ce pays, et les autres.
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Référence : AJU282981