Cette semaine chez Les Surligneurs : l’erreur de Gabriel Attal sur le passe sanitaire
On peut exiger le passe sanitaire pour entrer dans une boite de nuit, mais pas dans un meeting politique. Les Surligneurs, spécialisés dans le legal checking, vous expliquent pourquoi. Parmi les autres approximations juridiques relevées dans les discours politiques cette semaine, l’interdiction du voile dans l’espace public et à l’université ou encore la création d’une police formée d’habitants bénévoles.
Peut-on exiger un passe sanitaire à l’entrée des meetings politiques ? L’erreur du porte-parole du Gouvernement
Les grandes réunions politiques s’annoncent, et avec elles leurs candidats à l’élection présidentielle prêts à enflammer les salles dans toute la France. En pleine épidémie, certains ont quand même quelques scrupules. Le porte-parole du Gouvernement, Gabriel Attal a ainsi affirmé que le passe sanitaire pouvait être exigé lors des meetings politiques, même si la loi ne le prévoit pas. Marc Fesneau, ministre chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne a enfoncé le clou en disant que le passe sanitaire serait demandé lors du meeting de lancement de la campagne de soutien à Emmanuel Macron à Paris, et que l’entrée serait refusée à ceux qui n’en présenteraient pas.
Mais, peut-on exiger le passe sanitaire lors des réunions politiques ? C’est la loi du 31 mai 2021 qui répond à cette question. Adoptée pour amorcer la sortie de la crise sanitaire, elle fait la liste des moments où un passe sanitaire doit être exigé. Quand on va au restaurant, dans un établissement de santé ou pour les activités de loisirs, etc. Les meetings politiques sont-ils des activités de loisir ? Non, pas d’après le Conseil constitutionnel. Pour lui, les « activités de loisirs » ne comprennent pas les activités politiques, ni d’ailleurs les activités syndicales ou cultuelles. Autrement dit, il n’est pas possible d’exiger un passe sanitaire pour des meetings politiques.
Même s’il reste possible de demander le passe sanitaire à l’entrée des meetings politiques, il est impossible de l’exiger, c’est-à-dire d’interdire l’accès à une personne qui ne présenterait pas de passe. Une personne peut donc refuser de le présenter et entrer dans la salle malgré tout. Mais si les organisateurs lui barrent la route au motif qu’elle n’avait pas de passe sanitaire, ils risquent une sanction pénale : un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
La morale de cette histoire : En pleine crise sanitaire, il est plus facile de rentrer dans un meeting politique au Zenith de Paris qu’en boîte de nuit.
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Selon Stéphane Séjourné, député européen LREM, « en Europe, c’est l’unanimité qui prévaut au Conseil de l’Union européenne »
Interrogé à propos des enjeux de la présidence tournante que la France exercera au Conseil de l’Union, Stéphane Séjourné, président du groupe Renew Europe au Parlement européen, a affirmé que l’unanimité prévalait au Conseil. Il a ajouté craindre, de la part de la Pologne, une politique de la chaise vide, destinée à bloquer toute initiative européenne. Seulement, la réalité de son fonctionnement est bien plus nuancée. En vérité, il existe trois modes de votation et l’unanimité n’est en rien la règle générale.
Contrairement à ce que le député affirme, l’unanimité est l’exception. Elle n’est réservée qu’aux sujets politiques sensibles (fiscalité, sécurité, protection sociale, adhésion de nouveaux Etats membres, politique étrangère et de sécurité commune, etc.). C’est, en réalité, le vote à la majorité qualifiée qui est le mode de prise de décision ordinaire du Conseil, puisqu’il concerne quatre-vingt domaines.
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Michel Barnier veut interdire le port du voile dans l’espace public et les universités
Le candidat malheureux au Congrès Les Républicains, s’était déclaré favorable à l’interdiction du voile dans l’espace public et dans les universités. Seulement, cette interdiction aurait porté atteinte à la liberté de conscience et de religion, garantie par la Constitution et les textes européens.
Si une loi du 15 mars 2004 sur la laïcité interdit le port de signes ou de tenues à caractère religieux dans les écoles publiques, les collèges et les lycées publics, cette loi ne s’applique pas dans les établissements publics de l’enseignement supérieur. La raison ? Cette différence s’explique davantage par la nécessité de protéger les mineurs de tout prosélytisme, que par une volonté d’interdire les manifestations d’appartenance religieuse dans les lieux d’enseignement. Or, à l’université, les étudiants sont pour la quasi-totalité majeurs et nécessitent donc moins de protection. Dans les autres espaces publics, le principe constitutionnel de liberté de conscience prévaut, sauf s’il est démontré qu’il crée une menace pour l’ordre public.
Si Michel Barnier avait voulu interdire spécifiquement le port du voile, il aurait dû justifier cette atteinte aux libertés et le fait que seul le voile fût visé, et pas la croix, le turban ou d’autres signes d’appartenance religieuse. Une loi du 11 octobre 2010 a bien interdit le port du voile dit « intégral » dans l’espace public, les transports et les services publics, sans méconnaître la Constitution. Mais, c’est parce que cette interdiction était justifiée au regard de l’impératif d’ordre public. Tel ne pourrait pas être le cas pour le voile dit « traditionnel » qui, ne recouvrant pas le visage, ne pourrait pas être interdit en raison d’un risque sécuritaire.
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Jean-Luc Mélenchon ne voit pas sur quel fondement juridique repose la décision du préfet de la Guadeloupe d’instaurer un couvre-feu
Les événements actuels en Guadeloupe (attaques de casernes de pompiers et de postes de police, pillages de commerces, ou encore blocage de la voie publique) ont provoqué une réaction forte des autorités pour restaurer l’ordre républicain. Le préfet de Guadeloupe a ainsi décidé d’instaurer un couvre-feu sur toute l’île. Dans ce contexte, Jean-Luc Mélenchon a remis en cause la légalité de ce couvre-feu et s’est dit « curieux de connaître la décision du tribunal administratif [de Guadeloupe] s’il était saisi par un référé »
Lorsque les services de sécurité et de secours sont débordés et que les arrestations ne suffisent pas à ramener le calme, le couvre-feu fait partie des mesures que peut prendre le préfet, sous condition que cette mesure soit motivée par la gravité et l’urgence des circonstances, et proportionnée aux troubles. Le juge administratif qui contrôle l’action du préfet, considère de longue date que « la liberté est la règle et la mesure de police l’exception ». Or, la gravité des troubles secouant l’île dépasse largement d’autres situations qui avaient déjà motivé l’instauration d’un couvre-feu auparavant.
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Le maire de Royaumeix, près de Toul, veut créer une police formée d’habitants pour lutter contre les incivilités
Pour soulager les forces de l’ordre de certaines missions et appuyer les élus chargés de la sécurité publique, Tony Chenot, maire de Royaumeix en Meurthe-et-Moselle, a proposé la création d’une police composée de citoyens bénévoles qui seraient « assermentés » pour lutter contre les incivilités (notamment les dépôts sauvages de déchets), qui sont en réalité des infractions.
S’il se défend de vouloir créer une milice – ce qui est interdit –, le maire marche sur des œufs. Son homologue de Béziers, Robert Ménard, s’est déjà heurté au juge en 2016 , à propos de ce qu’on avait appelé la « garde biterroise », des gardes statiques devant les bâtiments publics et aussi des groupes de citoyens qui déambuleraient sur la voie publique et qui alerteraient les forces de l’ordre en cas de troubles à l’ordre public ou de comportements délictueux.
Par ailleurs, à supposer même que le maire veuille assermenter les personnes en question, il n’a pas ce pouvoir.
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Référence : AJU259366