Cette semaine chez les Surligneurs : Quand le burkini crée la surprise chez les juristes

Publié le 03/06/2022

La semaine dernière, les juristes prédisaient que le déféré-liberté contre la délibération de la ville de Grenoble autorisant le burkini serait vraisemblablement rejeté. Les Surligneurs le pensaient aussi. Il l’aurait été sur le terrain de l’atteinte à la laïcité par les usagers. Mais le tribunal a découvert une autre atteinte à la laïcité. On vous explique laquelle. On aborde aussi cette semaine le parquet vert européen, la trajectoire climatique et le Festival de Cannes. 

Cette semaine chez les Surligneurs : Quand le burkini crée la surprise chez les juristes

 

Alain Carignon et le burkini dans les piscines grenobloises : “le tribunal vient de donner un coup d’arrêt aux dérives d’Eric Piolle et à son désir de favoriser l’islamisme politique”

Alain Carignon, ancien maire de Grenoble et désormais opposant municipal, a salué la décision du tribunal administratif de Grenoble qui suspend la modification du règlement des principes de la ville, qui tendait à autoriser le port du burkini. Bien des juristes, tout comme nous aux Surligneurs, prévoyaient le rejet du déféré-laïcité du préfet de l’Isère contre la délibération du conseil municipal modifiant ce règlement. Or, le tribunal l’a suspendu, c’est-à-dire que ce règlement ne peut s’appliquer que dans son ancienne version, qui interdisait le burkini. Cette décision du 25 mai, publiée sur le site du tribunal, est selon les termes mêmes de l’avocat Patrice Spinosi “assez créative“.

En effet, le juge a inversé les perspectives. La plupart des juristes l’attendaient sur le thème “burkini et laïcité”, centré sur le baigneur : ce type de tenue de bain porte-t-il atteinte au principe de laïcité des services publics ? Et on sait que d’une part, les usagers des services publics ne sont pas concernés par ce principe (sauf exception légale et ordre public), et d’autre part que le burkini n’est pas en soi contraire à ce principe selon le Conseil d’État lui-même.

Or, en examinant attentivement le règlement de la piscine dans sa version modifiée, le juge s’est rendu compte que la modification était millimétrée pour autoriser le burkini et aucune autre tenue de bain.

En somme, selon le tribunal, le conseil municipal a rédigé un règlement qui, sous des aspects généraux, a en réalité pour seul objectif d’autoriser un vêtement religieux bien déterminé : pas les turbans, pas les kippas ou autres foulards, mais bien les burkinis. Le conseil municipal a donc enfreint le principe de neutralité du service public, en créant une dérogation à l’obligation de porter des vêtements de bain “près du corps” en faveur des seuls burkinis, donc pour des raisons religieuses.

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Frédéric Baab, procureur européen : “Il faut passer d’un niveau de réponse purement national à un niveau de réponse européen en créant un Parquet “vert” européen”

La lutte contre le réchauffement climatique et contre les atteintes à l’environnement s’intensifie de toutes parts, et la justice n’est pas en reste. Mais les procès climatiques comme l’ « Affaire du siècle » en France ne sont sans doute pas suffisants pour obliger les gouvernements à respecter leurs engagements. D’où l’idée, défendue par Frédéric Baab, procureur au sein du nouveau Parquet européen, de créer un Parquet « vert » européen, dans un entretien pour Les Surligneurs.

Selon le procureur, “Aujourd’hui la réponse pénale dans le domaine environnemental est très faible, si vous reprenez les statistiques dont on dispose dans ce domaine, celle du ministère français de la Justice, pour la période 2015-2019, les infractions environnementales représentent moins d’1 % des affaires pénales traitées. On retrouve le même taux (moins de 1%) au niveau d’Eurojust dont l’activité de coordination est le reflet de l’activité judiciaire au niveau national”.

Et Frédéric Baab de poursuivre : “Or si vous transférez la compétence au Parquet européen, la protection de l’environnement par le droit pénal devient une priorité d’action publique. Quand on a créé le Parquet européen actuel, c’est-à-dire spécialisé dans la protection des intérêts financiers de l’UE, on a multiplié par dix l’activité opérationnelle dans ce domaine en quelques mois. Au 31 décembre dernier, le Parquet européen avait ouvert, depuis sa création le 1er juin 2021, plus de 500 dossiers, représentant un préjudice au budget européen de 5,4 milliards d’euros. Il faut comparer ce chiffre à l’activité de l’OLAF, qui dans ses rapports annuels recommande des poursuites judiciaires dans un certain nombre de dossiers représentant en moyenne un préjudice au budget européen compris entre 300 et 500 millions d’euros. L’écart est considérable. En 7 mois nous avons multiplié par dix l’activité opérationnelle de l’OLAF en un an”.

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Streaming vidéo et Festival de Cannes : le spectre grandissant de la chronologie des médias

Mardi 17 mai 2022, coup d’envoi du Festival de Cannes. Son tapis rouge, ses stars et ses films vont faire pendant près de dix jours l’objet de toutes les attentions. Ce festival de cinéma, l’un des plus importants au monde, est également une aubaine pour la promotion et le rayonnement du cinéma, enjeu de taille pour l’Union européenne qui voit en l’industrie du cinéma la promotion de la culture européenne. C’est à ce titre que le festival effectue sa sélection officielle en fonction des règles françaises mais qui sont issues du droit de l’Union européenne d’exploitation, production et diffusion de films. Or ces règles sont formelles sur le fait qu’un film ne peut être sélectionné que s’il a fait l’objet au départ d’une exploitation en salles. Mais l’Italie avec la Mostra de Venise qui aura lieu en août 2022 fait de la rébellion. Même son de cloche à Berlin. La Berlinale lors de son édition 2019 avait permis au film espagnol Elisa y Marcela produit par Netflix de concourir pour l’Ours d’Or.

Ce nouvel épisode entre Netflix et le Festival de Cannes montre la montée en puissance des plateformes de streaming qui profitent des différences réglementaires dans l’Union européenne. Et elles nous posent cette question : en Europe, le cinéma doit-il encore passer au cinéma ?

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Agnès Pannier-Runacher : Le gouvernement sous François Hollande a été “condamné pour ne pas avoir respecté sa trajectoire climatique”

Agnès Pannier-Runacher, la nouvelle ministre de la Transition énergétique, a déclaré que le gouvernement Hollande avait été “condamné (par le Conseil d’Etat) pour ne pas avoir respecté sa trajectoire climatique”. Mais ce qu’elle oublie de dire, c’est que le gouvernement sous la présidence d’Emmanuel Macron aussi.

Petit retour en arrière : en 2018, la commune de Grande Synthe et des associations environnementales comme Greenpeace ou Notre Affaire à tous, saisissent le Conseil d’État afin de faire condamner l’État, pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour réduire de 40 % d’ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre, ce qu’il a admis dans sa décision de 2019.

Mais le même Conseil d’Etat a aussi donné trois mois au gouvernement d’Edouard Philippe pour prendre des mesures permettant de redresser la barre, ce qui n’avait pas été fait au moment où, en juillet 2021, les juges du Palais royal rendent leur décision.

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