Chez les Surligneurs : Karl Olive peut-il interdire les huées lors des matchs ?

Publié le 15/09/2023

Le député Karl Olive souhaite interdire les manifestations lors de grands évènements. Ça va être difficile, préviennent Les Surligneurs, on vous explique pourquoi. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur la possibilité ou non de baisser la TVA sur le carburant, le gaz et l’électricité,  comme le souhaite Jordan Bardella (RN).

Chez les Surligneurs : Karl Olive peut-il interdire les huées lors des matchs ?

 

En réaction aux huées contre Emmanuel Macron au Stade de France, le député Karl Olive souhaite interdire les manifestations lors de grands évènements.

Karl Olive, député des Yvelines, est revenu sur le premier match de la Coupe du monde de rugby et l’allocution d’ouverture d’Emmanuel Macron, perturbée par des huées et des sifflements. Pour éviter qu’une telle scène ne se reproduise, il propose d’interdire les manifestations et les grèves lors de “grands moments”. Cette proposition est aussi vague que dangereuse pour les libertés…

Pour interdire de manifester et de faire grève lors de “grands moments”, il faut d’abord pouvoir définir ce qu’est un “grand moment”. Cette incertitude pose un gros problème de sécurité juridique, puisque l’autorité compétente pour interdire une manifestation déciderait seule de ce qu’est un “grand moment”. Assurément, une loi devrait préciser cette notion.

De plus, le droit de manifester est protégé en France par l’article 10 de la  Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Cette liberté ne peut être limitée que par la nécessité de préserver l’ordre public en prévenant les troubles ou en y mettant fin. Le juge vérifie le cas échéant si cet équilibre est respecté (Conseil d’État, 19 mai 1933, Benjamin).

Selon le juge, l’interdiction de manifester ne peut être prononcée que si trois conditions sont réunies : la nécessité, l’adéquation et la proportionnalité de la mesure. Chaque situation doit être étudiée au cas par cas. Interdire de façon générale les manifestations aux abords des grands événements paraît dès lors démesuré.

Autre problème, Karl Olive semble considérer que les huées dirigées contre Emmanuel Macron lors de la cérémonie d’inauguration nuisent à l’image de la France. Certainement, mais il ne semble pas qu’il s’agisse d’un trouble à l’ordre public justifiant de limiter la liberté de manifester.

Enfin, dernière confusion du député, les supporters n’ont pas manifesté au sens juridique du terme (à savoir une réunion organisée dans un lieu public ou sur la voie publique pour exprimer une conviction collective). Ils étaient assis dans les gradins, attendaient un match, n’ont pas sorti de banderole anti-réforme des retraites, et ont hué le président. En réalité, ils n’ont fait que s’exprimer.

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Une « loi d’exception » pour interdire les manifestations lors de grands évènements : qu’est-ce qu’une “loi d’exception”?

Après les sifflements et huées dont Emmanuel Macron a été la cible lors de son allocution d’ouverture de la Coupe du monde de rugby, le député Karl Olive a proposé des “lois d’exception” pour interdire les manifestations lors de grands événements sportifs. Que sont ces lois assez particulières ?

Les “lois d’exception” sont des lois votées par le Parlement dans des conditions de procédure tout à fait normales mais leur particularité se situe sur le fond. Elles mettent en place une règle qui déroge très largement au droit en vigueur sans le modifier ou peu : elles en écartent provisoirement l’application, notamment en raison de circonstances qui impliquent des actions de l’autorité, totalement incompatibles avec de nombreuses règles de droit en vigueur.

Il existe toutefois des limites : ces lois doivent être temporaires et cibler un domaine particulier.

Par exemple, une loi d’exception a été adoptée le 26 mars 2018 pour faciliter l’organisation des Jeux Olympiques de 2024. La loi a adapté les règles d’urbanisme et les contraintes environnementales pour accélérer la construction et la livraison des infrastructures pour les Jeux. La loi du 25 juillet 2023 qui facilite la reconstruction des bâtiments dégradés lors des émeutes de cet été en est un autre exemple. Elle permet de déroger à certaines règles d’urbanisme pour reconstruire, et elle simplifie les règles concernant les marchés publics pour accélérer leurs passations.

Les lois d’exception entravent souvent des libertés, et cela doit rester provisoire… en principe.

Bien que les lois d’exception soient considérées comme temporaires pour régler des situations particulières, certaines de ces lois sont en vigueur depuis plusieurs décennies, comme la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite de substances vénéneuses.

Cette loi, instrument de la “guerre” contre la drogue, sanctionne les personnes qui consomment des stupéfiants dans la sphère privée, alors même que cela va à l’encontre du droit au respect à la vie privée. Elle devait rester en vigueur le temps d’éradiquer le trafic de drogue. Elle est aujourd’hui toujours en vigueur, plus d’un demi-siècle après son adoption.

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Jordan Bardella propose d’abaisser la TVA sur l’électricité, le gaz et le carburant de 20 % à 5,5 %

Jordan Bardella, député européen et président du Rassemblement national (RN), propose de modifier la TVA sur l’électricité, le gaz et le carburant et de la fixer à 5,5 %. Est-ce possible ?

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un impôt indirect sur la consommation. Elle n’est pas collectée par l’État directement mais par le vendeur, qui la reversera ensuite à l’État. C’est donc le consommateur qui paie la TVA, avec un taux assis sur le prix du produit ou du service, ce qui fait que mécaniquement, plus le prix augmente avec l’inflation, plus la TVA augmente.

Chaque État membre de l’Union européenne détermine son taux de TVA sur les biens et services, avec tout de même un taux minimal de 15 %. En France, le taux est fixé par la loi à 20 % depuis 2014. Il existe donc une marge pour baisser ce taux comme le souhaite l’eurodéputé, mais pas jusqu’à 5 %.

Selon la directive européenne sur la TVA, tout État membre peut choisir d’appliquer un taux réduit d’un minimum de 5 % aux fournitures de gaz naturel, d’électricité et de chauffage urbain. Il n’y a donc pas d’obstacle à la réforme proposée pour l’électricité.

Toutefois, le fioul et le carburant ne figurent pas dans la directive, ce qui signifie qu’un taux de TVA inférieur à 15 % appliqué à ces produits serait contraire à la législation européenne. Surtout, lorsque les États membres se sont mis d’accord fin 2022 pour ajouter à cette directive une liste de nouveaux produits pouvant bénéficier d’un taux réduit, voire d’une exonération totale de TVA, ils ont refusé d’ajouter les produits néfastes pour l’environnement : il serait contraire à l’objectif de transition énergétique d’appliquer des taux réduits de TVA aux biens et services polluants (voir l’annexe de la directive TVA).

Jordan Bardella devra donc négocier une nouvelle modification de la directive TVA pour y inclure les carburants, ce qui ne sera pas facile compte tenu de ce qui précède. À défaut, le RN ne pourra que proposer une baisse générale de la TVA de 20 à 15 %, ou encore la mise en place d’aides ciblées pour les plus démunis.

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