« Plaine de l’Ourcq : les territoires populaires ont le plus fort potentiel de développement »

Publié le 15/11/2019

C’est le territoire de la métropole du Grand Paris qui devrait changer le plus dans les années qui viennent. Située sur cinq communes de la Seine-Saint-Denis, la plaine de l’Ourcq est un territoire de plus d’un million de mètres carrés en pleine mutation. Gérard Cosme, ancien maire du Pré-Saint-Gervais et président de l’établissement public territorial, Est Ensemble, parle avec un enthousiasme communicatif des projets d’aménagement de ce territoire qui devrait booster le développement économique de la Seine-Saint-Denis.

Les Petites Affiches : Que représente pour vous ce territoire de la plaine de l’Ourcq ?

Gérard Cosme : C’est incontestablement le projet d’aménagement le plus structurant de la collectivité. En dix ans, nous allons tout simplement faire naître une ville de 30 000 habitants ! Cela a débuté il y a 5 ans, et va se poursuivre pendant 5 ans encore. La plaine de l’Ourcq, c’est, dans son axe central, une bande de terrain qui fait entre 80 et 250 mètres de large sur 11 kilomètres de long. Elle traverse toutes les villes d’Est Ensemble, depuis la Porte de Pantin jusqu’aux limites des Pavillons-sous-Bois. À cet endroit-là, l’ex-route nationale 3 et le canal s’écartent et offrent un territoire d’aménagement complètement différent. Cela représente, en tout, plus d’un million de mètres carrés à aménager à la porte de Paris. Une telle surface n’existe nulle part ailleurs ! Dix mille logements vont y être construits, avec des zones d’attractivité qui vont aller bien au-delà.

LPA : À quoi ressemble cette plaine de l’Ourcq aujourd’hui ?

G.C. : C’est une zone en mutation, l’aménagement est réalisé dans certaines parties et dans d’autres non. Les secteurs d’aménagement suivent la gentrification. Les zones limitrophes de Paris sont plus avancées. Les 300 logements de Pantin ont déjà été livrés avec notamment l’installation des « magasins généraux » de l’agence de publicité BETC à la place des docks.

Nous avons déjà construit des passerelles, comme celle de Pierre-Simon Girard à Bobigny, qui relie les deux rives de l’Ourcq et permet d’accéder au parc de la Bergère. Trois cents logements et une crèche sont en cours de construction à Bobigny, pour une livraison prévue début 2020.

À Noisy-le-Sec, ce sont 600 logements qui vont être livrés d’ici la fin de l’année.

Enfin, à Romainville, nous allons ouvrir « le paddock », un ensemble de 100 boutiques sur un site d’anciennes écuries réhabilitées. Ce sera le premier village des marques, il sera accessible en métro, grâce à la station Raymond Queneau.

LPA : Comment ont été pensé ces aménagements ?

G.C. : Les chantiers ne sont pas terminés mais on peut déjà y voir un exemple manifeste d’une nouvelle pensée de l’aménagement. On détruit des espaces juxtaposés pour l’activité, le loisir, le logement pour passer à un territoire multifonctionnel mêlant ville de loisir et d’habitat, avec une prépondérance particulière à l’aménagement des espaces publics qui sont le lien entre toutes ces thématiques d’aménagement. C’est le contraire de l’aménagement du territoire par zones tel qu’il avait été fait dans les années soixante.

Nous voulons en faire un lieu de vie complet où les attentes de chacun en matière de loisirs, emplois, commerces de proximité seront satisfaits. Le soutien de l’État est un enjeu majeur. L’État demande à une collectivité comme la nôtre de construire 2 800 logements par an sur 15 ans. Nous allons au-delà, puisque nous en produisons plus de 4 000 par an. Nous avons par conséquent des besoins en terme de scolarité, de bâtiment public. C’est un combat quotidien pour que l’État développe les services publics. Sans cela, la ville n’a plus de sens. On a du développement économique, du développement de logements, mais pour le moment pas assez d’équipements publics !

LPA : Comment envisagez-vous le Canal, au cœur de cette plaine de l’Ourcq ?

G.C. : Nous portons des réflexions avancées sur la mixité des usages du canal. Il doit représenter des lieux de loisirs et de promenade fluviale, permettre du transport de matériaux nécessaires au développement de l’activité économique. Nous souhaiterions qu’il soit aussi un moyen de transport pour les personnes. Cela n’est pas encore acté mais nous y réfléchissons très sérieusement. De même que nous envisageons d’installer un téléphérique pour relier la plaine de l’Ourcq et le plateau et mettre fin aux disparités du territoire. Nous portons des projets très innovants.

LPA : Quel rôle joue Est Ensemble ?

G.C. : Le territoire d’Est Ensemble a été un vecteur d’accélération et de cohérence dans les projets. Avant cela, chaque ville – Bobigny, Pantin, Noisy-le-Sec, Romainville et Bondy – avaient leurs propres politiques d’aménagement. Nous avons fait un travail de mise en cohérence en établissant des chartes opposables qui contraignent l’ensemble des opérateurs sur chaque chantier. Nous avons été très loin dans l’intégration car toutes les compétences d’aménagement ont été transférées à Est Ensemble. C’est très important de le dire.

Le territoire d’Est Ensemble porte l’ensemble de ces 5 opérations d’aménagements. Ce qui a permis d’avoir une cohérence. Est Ensemble a cette grande richesse de former un bassin de vie. C’est un fait reconnu par les villes qui ont décidé d’elles-mêmes de créer cette collectivité. Grâce à cet ensemble de 9 villes et de 450 000 habitants capables de parler d’une seule voix, nous sommes en capacité de porter des politiques publiques puissantes parce qu’on offre un regard interterritorial. Il y a beaucoup de sujets qu’il est beaucoup plus intéressant de traiter au niveau du territoire. Sans Est ensemble, jamais nous n’aurions été aussi loin dans nos projets.

LPA : Comment sera desservi ce territoire ?

G.C. : Il est déjà bien desservi, avec la ligne 5, le RER E, le T1, les voies cyclables. Nous avons trois combats sur le projet pour améliorer encore l’offre de transports. D’abord, la mise en route du T zen 3, un bus en cycle propre qui partira de la Porte de Pantin et ira jusqu’à Livry-Gargan. Nous attendons beaucoup de l’arrivée de la ligne 15 qui sera essentielle. Le tram T1 y passera aussi, les travaux ont pris du retard mais ont finalement commencé après que les maires des différentes communes ont réussi à se mettre d’accord. Le prolongement de la ligne 11 devrait aussi nous servir, même s’il ne concerne pas directement la plaine de l’Ourcq.

LPA : Vous avez bataillé pour obtenir ces transports ?

G.C. : En 2010, Nicolas Sarkozy avait nommé Christian Blanc, secrétaire d’État à l’Aménagement de la Métropole du Grand Paris. Il était venu sur notre territoire et avait fait un rapport dans lequel il disait qu’il y avait peu de choses à y faire, estimant qu’il s’agissait d’un territoire aride ! Il n’y avait pas une seule station de la ligne 15 prévue sur ce territoire. Nous avons créé Est Ensemble pour peser dans ces débats. Deux ans après, nous avions obtenu 5 stations sur notre territoire. J’ai l’habitude de dire à l’État : « Donnez-nous les transports, nous nous occuperons de l’aménagement ! ». Chaque fois qu’il y aura une station c’est un pôle de développement qui se créera. Il faut que ce soit un pôle d’entraînement pour les territoires avoisinant.

LPA : Quelles entreprises voulez-vous attirer ?

G.C. : Quand on vise le développement économique, on est attentifs à être attractifs pour les entreprises qui donneraient un gisement d’emploi à celles et ceux qui habitent le territoire. Aujourd’hui, 75 % des personnes qui travaillent à Est Ensemble habitent à l’extérieur et vice versa. Cela va changer. Quand on voit l’arrivée de BNP Paribas à Pantin, d’Hermès et Chanel, d’une école de mode, on voit bien qu’il y a une attractivité pour ce territoire. Toutes ces entreprises sont là depuis une petite dizaine d’années. Que l’on soit un particulier ou une entreprise, à budget constant, on trouve des espaces et des conditions d’accueil meilleurs.

LPA : Vous dites que la plaine de l’Ourcq est la ville de demain… Que faites-vous en matière de développement durable ?

G.C. : La mixité fonctionnelle répond à des enjeux majeurs en matière de développement durable.

La question de l’occupation du sol est centrale. Dans notre PLU on exige a minima 15 % de pleine terre. C’est beaucoup par rapport à la moyenne des villes urbaines. Nous limitons les dépenses en eau, privilégions les circuits courts sur les chantiers. Nous tenons à être une collectivité responsable et nous refusons d’envoyer nos déchets à traiter dans les territoires à l’extérieur de Paris. Nous tenons à en assumer le retraitement sur notre territoire, après avoir mené un combat pour qu’ils soient réduits à la source. Nous avons également beaucoup d’exigences en termes d’isolation lors des nouvelles constructions.

LPA : Avec tous ces chantiers, le territoire est en cours de gentrification. Quelles réflexions cela vous inspire ?

G.C. : Nous sommes un territoire d’accueil mais nous ne voulons pas que cela nuise aux populations qui y sont établies depuis longtemps. Ces territoires ont connu une ère agricole puis une ère industrielle. Aujourd’hui, nous sommes dans un autre schéma de l’aménagement, mais il faut tenir compte de cette histoire-là. C’est pour cela que la protection du patrimoine est au cœur des projets d’aménagement. Ainsi que l’agriculture en ville. Parmi les valeurs fondatrices d’Est Ensemble, la toute première d’entre elles est de prendre acte que c’est un territoire de gentrification, et qu’il faut que les populations qui ont fait la richesse du territoire y gardent toute leur place. Avant Est ensemble, j’ai présidé 18 mois l’association de préfiguration de cette collectivité et je suis donc bien placé pour dire que c’était une préoccupation première. La seule réponse pertinente à cette problématique est celle du logement social. Dans chaque opération de construction, on est face à une exigence de 30 % de logements sociaux.

LPA : Que représente la Plaine de l’Ourcq pour la métropole ?

G.C. : Le projet le plus dense d’aménagement dans la métropole. Avant la création de la métropole et d’Est Ensemble, nous étions une banlieue parisienne. Aujourd’hui, nous sommes une centralité métropolitaine. C’est dans les territoires qui accueillent les populations les plus populaires que les potentiels de développement sont les plus forts. C’est là, avant d’autres lieux, que se construira l’espace métropolitain.

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