Contrats

Rupture de relations commerciales établies – caractère commercial de la relation – non

Publié le 13/04/2018

T. com. Paris, 27 juin 2017, no 2015049782

La société de droit anglais Glaxosmithkline (GSK) a racheté en 2004 à Sanofi l’ensemble des activités afférentes au développement d’un médicament, la Franxiparine, y compris son usine de fabrication à Notre-Dame de Bondeville.

La société Hépartex, ayant pour activité l’achat, le vente et la distribution de matières premières pour l’industrie pharmaceutique, s’est rapprochée de GSK pour lui présenter la société espagnole Bioiberica, fabricante d’héparine sodique, principe actif de la Franxiparine.

En 2005 et 2007 deux contrats ont été signés : un contrat de distribution exclusive entre Hépartex et Bioiberica, fixant l’ensemble des modalités techniques et financières de la fourniture d’héparine à GSK, et un contrat entre Bioiberica et GSK Export déterminant les modalités de livraison et de facturation.

Fin 2013 GSK cède la Franxiparine et l’usine de Notre-Dame de Bondeville à la société Aspen et, début 2014, Hépartex constate que les livraisons d’héparine par Bioiberica se poursuivent mais sans son intervention.

Estimant que GSK a rompu sa relation avec elle au mépris de ses droits, Hépartex demande au tribunal, sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5°du Code de commerce, 1 019 793 € de dommages intérêts outre 100 000 € en réparation de son préjudice d’image.

Le tribunal rejette les demandes d’Hépartex aux motifs suivants :

« Sur la demande au titre d’une rupture brutale de relation commerciale établie :

Attendu que l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dispose qu’« engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, (…) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels » ;

Attendu que le respect combiné de la liberté contractuelle et des prescriptions de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce impose d’en limiter le domaine d’application aux cas où la relation commerciale revêt, avant la rupture, un caractère suivi, stable et habituel et où la partie qui s’en estime victime pouvait légitimement croire à la pérennité de la relation en anticipant raisonnablement pour l’avenir une certaine continuité de flux d’affaires avec son partenaire commercial, justifiant que l’intention de rompre soit précédée d’un délai de prévenance lui permettant d’organiser la recherche d’autres partenaires afin de maintenir l’activité de l’entreprise ;

Attendu qu’il convient donc de rechercher, en premier lieu, si des relations commerciales établies existaient bien entre Hépartex et GSK avant que celles-ci ne cessent ;

Attendu que la relation entre Hépartex et GSK trouve sa traduction juridique et conventionnelle dans deux contrats distincts, le premier entre Bioiberica et Hépartex et le second entre Bioiberica et GSK ;

Attendu qu’il n’est pas contesté qu’ Hépartex a bien été à l’origine de la fourniture de matières premières par BioibericA à GSK, cet élément étant formalisé dans un contrat de distribution exclusive signé le 1er décembre 2005 ;

Attendu que ce premier contrat entre Bioiberica et Hépartex est celui qui fixe la rémunération d’ Hépartex à 5 % du montant des produits commandés par GSK ;

Attendu que ce premier contrat fixe bien le cadre d’une relation commerciale entre Hépartex et Bioiberica dont l’un des aspects est la fourniture de matières premières à GSK, fourniture qui implique une rémunération et donc une marge pour Hépartex ;

Attendu que le deuxième contrat qui concerne GSK et Bioiberica met en œuvre des modalités de livraison et de facturation qui sont confiées à Hépartex, sans que cette dernière soit présente au contrat ;

Attendu qu’il ressort clairement des termes de ce deuxième contrat que le choix d’Hepartex par Bioiberica pour les prestations de livraison et de facturation de GSK est bien celui de Bioiberica qui en assume le coût, ce qui est logique compte tenu de ses engagements contractuels envers Hépartex ;

Attendu que ces éléments montrent que la relation entre GSK et Hépartex n’est pas une relation commerciale mais la simple conséquence des modalités pratiques de distribution choisies par Bioiberica ;

Attendu qu’ Hépartex n’est pas en mesure de définir la marge brute qu’elle dégageait de cette relation sans faire référence à la rémunération fixée par son contrat avec Bioiberica, contrat auquel GSK n’est pas partie ;

Attendu par ailleurs qu’ Hépartex a effectivement obtenu une indemnisation de la part de Bioiberica ;

Attendu que dans ces conditions la relation entre Hépartex et GSK n’a pas le caractère de relation commerciale qu’elle allègue ».

Le tribunal déboutera Hépartex de l’ensemble de ses demandes à ce titre.