L’affaire du Levothyrox devant la Cour de cassation
La nouvelle formule du Levothyrox (Levothyrox NF) étant mise sur le marché, l’ancienne formule ne bénéficiait plus d’une autorisation de mise sur le marché sur le territoire national.
De nombreux patients traités au moyen du Levothyrox NF ayant fait état d’effets indésirables, l’importation temporaire de Levothyrox AF et la mise sur le marché en France d’autres spécialités pharmaceutiques à titre d’alternatives thérapeutiques ont été autorisées.
Le laboratoire pharmaceutique est assigné en indemnisation, à titre principal, sur le fondement d’une responsabilité pour faute et, à titre subsidiaire, sur celui de la responsabilité du fait des produits défectueux.
La notice et l’emballage d’un médicament doivent comporter différentes informations.
Ainsi, l’article R. 5121-138 du Code de la santé publique, relatif à l’étiquetage du conditionnement, exige que soient portées certaines mentions, de manière lisible, clairement compréhensible et indélébile, parmi lesquelles la liste des excipients et une mise en garde spéciale si elle s’impose pour ce médicament.
Les articles R. 5121-148 et R. 5121-149 du même code, relatifs à la notice, imposent que soient portées certaines mentions, selon le même mode, parmi lesquelles une liste des excipients dont la connaissance est nécessaire pour une utilisation efficace et sans risque du médicament, une description des effets indésirables observés lors de l’usage normal du médicament et, le cas échéant, la conduite à tenir, ou encore la composition qualitative complète en substances actives et excipients, ainsi que la composition quantitative en substances actives, en utilisant les dénominations communes pour chaque présentation du médicament ou du produit.
Selon l’article L. 5121-8 du même code, l’accomplissement des formalités ayant permis d’obtenir une autorisation de mise sur le marché n’a pas pour effet d’exonérer le fabricant et, s’il est distinct, le titulaire de cette autorisation, de la responsabilité que l’un ou l’autre peut encourir dans les conditions du droit commun en raison de la fabrication ou de la mise sur le marché du médicament ou produit.
Il s’en déduit que la validation par l’autorité de santé de la notice et de l’étiquetage du produit ne fait pas, à elle seule, obstacle à une responsabilité pour faute du fabricant.
La cour d’appel de Lyon énonce que les fabricant a eu connaissance d’un nombre non négligeable de personnes sujettes à un déséquilibre thérapeutique dans le cas d’un changement de formule du Levothyrox et, à la suite de celui déjà intervenu dans d’autres pays, d’un risque important de réactions négatives chez une fraction de patients non spécifiquement identifiables, que l’impossibilité de substituer le produit en cause devait les conduire à être particulièrement attentives à l’information individuelle des patients, que l’information relative à ce changement et délivrée aux professionnels de santé n’était pas de nature à assurer celle des patients, que l’information de ceux-ci leur offrait la possibilité, lors de la survenance éventuelle de troubles, d’appréhender leur origine et mieux envisager la suite à donner avec leur médecin traitant et que, dès lors, la modification de l’excipient justifiait une mise en garde spéciale.
Elle retient que le changement de formule n’a pas été indiqué sur les boîtes et que, si la notice répondait aux exigences réglementaires en ce qu’elle mentionnait le mannitol et l’acide citrique dans la composition du nouveau médicament, cette seule mention, dans un texte dense et imprimé en petits caractères, était insuffisante, alors que ce changement aurait pu être présenté de manière positive au regard de sa finalité de stabilisation du principe actif et signalé efficacement sur les boîtes et par des mentions apparentes dans la notice ou un document supplémentaire joint à celle-ci.
Elle peut en déduire qu’en ne procédant pas, dans ces circonstances, à une telle information le fabricant a commis une faute.
Elle retient que les requérants ont justifié de la prise du Levothyrox NF et ressenti différents troubles concomitamment à celle-ci, qu’en l’absence de toute information sur la modification de sa composition et de possibilité de les rattacher à cette modification, ils se sont trouvés désemparés pour faire face à ces troubles et engager les démarches appropriées auprès des professionnels de santé et qu’ils ont subi un préjudice moral temporaire jusqu’à ce qu’ils aient été informés de cette modification.
Ayant ainsi fait ressortir que ce préjudice a été effectivement éprouvé par chacun des requérants et est imputable au défaut d’information sur la modification de l’excipient, la cour d’appel peut en mettre la réparation à la charge du laboratoire.
Sources :