Le régime des copropriétés et de l’accès aux parties communes d’immeubles collectifs par les huissiers est précisé
Présentation du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 portant diverses mesures relatives au fonctionnement des copropriétés et à l’accès des huissiers de justice aux parties communes d’immeubles.
Avant toute refonte et codification du régime des copropriétés par voie d’ordonnances qu’elle a programmée, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite ELAN1 a réformé quelque peu le droit de la copropriété, dont certaines dispositions nécessitaient des précisions réglementaires.
C’est chose faite avec le décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 portant diverses mesures relatives au fonctionnement des copropriétés et à l’accès des huissiers de justice aux parties communes d’immeubles2 qui, conformément au droit commun, est entré en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 29 juin 2019.
I – État daté (article 2)
Désormais, dans la deuxième partie, le syndic indique, d’une manière même approximative et sous réserve de l’apurement des comptes, les sommes dont le syndicat pourrait être débiteur, pour le lot considéré, à l’égard du copropriétaire cédant, au titre des provisions pour les périodes postérieures à la période en cours et rendues exigibles en raison de la déchéance du terme, sans qu’il soit désormais fait référence au « budget prévisionnel »3.
II – Affichage de la convocation à l’assemblée générale (article 3)
Désormais, le deuxième alinéa de l’article 9 du décret de 1967 prévoit que le syndic indique, par voie d’affichage, aux copropriétaires, la date de la prochaine assemblée générale et la possibilité qui leur est offerte de solliciter l’inscription d’une ou plusieurs questions à l’ordre du jour.
Cet affichage, qui reproduit les dispositions de l’article 10 relatif à la possibilité aux copropriétaires de notifier au syndic la ou les questions dont ils demandent qu’elles soient inscrites à l’ordre du jour d’une assemblée générale, est réalisé dans un délai raisonnable permettant aux copropriétaires de faire inscrire leurs questions à l’ordre du jour.
Toutefois, le texte précise que cette formalité n’est pas prescrite à peine d’irrégularité de la convocation.
III – Mise à disposition des pièces justificatives des charges (article 4)
Pendant le délai s’écoulant entre la convocation de l’assemblée générale appelée à connaître des comptes et la tenue de celle-ci, le syndic doit tenir à disposition les pièces justificatives des charges. Désormais, l’article 9-1 du décret de 1967 autorise que les pièces originales ou les copies soient mises à la disposition de chaque copropriétaire (et non plus de « de tous les copropriétaires »).
Le copropriétaire (et non plus « les copropriétaires ») peut toujours se faire assister par un membre du conseil syndical mais, aussi désormais, il peut également se faire assister par son locataire ou autoriser ce dernier à consulter en ses lieu et place les pièces justificatives de charges récupérables prévues par l’article 23 de la loi de 1989.
Tout copropriétaire (et non plus « les copropriétaires ») peut toujours obtenir une copie des pièces justificatives à ses frais.
IV – Inscription à l’ordre du jour (article 5)
Le décret apporte toute d’abord une modification rédactionnelle à l’article 10 du décret de 1965 pour corriger le décalage de renvoi à l’article 24 de la loi de 1965 depuis sa rédaction issue de la loi ALUR.
Il est confirmé que le copropriétaire demandant l’inscription d’une question à l’ordre du jour portant sur des travaux, à ses frais, d’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble notifie au syndic, le projet de résolution accompagné d’un document précisant l’implantation et la consistance des travaux.
Surtout, désormais le syndic doit rappeler sur les appels de fonds qu’il adresse aux copropriétaires les dispositions de l’article 10 du décret de 1965 qui permet à tout moment, à tout copropriétaire, ou au conseil syndical, de notifier au syndic la ou les questions dont ils demandent qu’elles soient inscrites à l’ordre du jour d’une assemblée générale.
V – La dématérialisation de la participation aux assemblées générales
Depuis la loi ELAN, les copropriétaires peuvent participer à l’assemblée générale par présence physique, mais aussi par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification. Les nouveaux articles 13-1 et 13-2 organisent cette participation dématérialisée et l’article 14 en tire les conséquences en ce qui concerne la feuille de présence.
A – Le principe de la dématérialisation de la participation (article 6)
Ainsi, désormais, l’assemblée générale décide des moyens et supports techniques permettant aux copropriétaires de participer aux assemblées générales par visioconférence, par audioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique ainsi que des garanties permettant de s’assurer de l’identité de chaque participant.
La décision est prise sur la base de devis élaborés à cet effet à l’initiative du syndic ou du conseil syndical. Le syndicat des copropriétaires en supporte les coûts.
Afin de garantir la participation effective des copropriétaires, ces supports doivent, au moins, transmettre leur voix et permettre la retransmission continue et simultanée des délibérations.
Le copropriétaire qui souhaite participer à l’assemblée générale par visioconférence, par audioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique doit en informer le syndic, par tout moyen, 3 jours francs au plus tard avant la réunion de l’assemblée générale.
B – La feuille de présence (article 7)
Objet – Désormais, il est prévu que soit tenue une feuille de présence, pouvant comporter plusieurs feuillets, qui indique les nom et domicile de chaque copropriétaire ou associé :
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présent physiquement ou représenté ;
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participant à l’assemblée générale par visioconférence, par audioconférence ou par un autre moyen de communication électronique.
Représentation – Dans le cas où le copropriétaire ou l’associé est représenté, la feuille de présence mentionne les nom et domicile du mandataire désigné et précise le cas échéant si ce dernier participe par visioconférence, par audioconférence ou par un autre moyen de communication électronique.
Mention du nombre de voix – La feuille de présence indique pour chaque copropriétaire le nombre de voix dont il dispose.
Émargement – Elle est émargée par chaque copropriétaire ou associé présent physiquement, ou par son mandataire. L’émargement n’est pas requis pour les participants à l’assemblée par visioconférence, par audioconférence ou par un moyen électronique de communication.
Certification – Elle est certifiée exacte par le président de séance désigné par l’assemblée générale.
Forme électronique – Elle peut être tenue sous forme électronique conformément aux articles 1366 et 1367 du Code civil.
VI – Mandat de vote (article 8)
Le nouvel article 15-1 du décret de 1965 prévoit que le syndic qui reçoit, un mandat avec délégation de vote sans indication du nom du mandataire, remet ce mandat en début de réunion au président du conseil syndical afin qu’il désigne un mandataire pour exercer cette délégation de vote.
En l’absence du président du conseil syndical ou à défaut de conseil syndical, le syndic remet aux mêmes fins ce mandat au président de séance désigné par l’assemblée générale.
VII – Procès-verbal (article 9)
Mandat de vote – L’article 17 du décret de 1965 prévoit désormais que le procès-verbal doit en sus préciser, le cas échéant, si les mandats de vote ont été distribués par le président du conseil syndical ou par le président de séance.
Incident technique – Les incidents techniques ayant empêché le copropriétaire ou l’associé, qui a eu recours à la visioconférence, à l’audioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique, de faire connaître son vote sont mentionnés dans le procès-verbal.
Feuille de présence – La feuille de présence est annexée au procès-verbal.
Registre – « Les procès-verbaux des assemblées générales sont inscrits, à la suite les uns des autres, sur un registre spécialement ouvert à cet effet ».
Il peut être tenu sous forme électronique conformément à l’article 1366 du Code civil. Dans ce cas, la feuille de présence et les procès-verbaux peuvent être établis sous forme électronique et sont signés conformément au second alinéa de l’article 1367 du Code civil.
VIII – Espace en ligne (article 10)
Accès protégé – Le nouvel article 33-1 du décret de 1965 prévoit que l’espace en ligne sécurisé est accessible aux membres du conseil syndical et aux copropriétaires au moyen d’un code personnel sécurisé garantissant la fiabilité de l’identification des copropriétaires.
Accessibilité des documents – Les documents mis à disposition par le syndic dans cet espace doivent être téléchargeables et imprimables.
Actualisation des documents – Le décret prévoit que l’ensemble des documents relatifs à la gestion de l’immeuble et des lots gérés mis à disposition dans cet espace sont, le cas échéant, actualisés au minimum une fois par an par le syndic, dans les 3 mois précédant l’assemblée générale annuelle.
IX – Appels de fonds (article 11)
Outre que les appels de fonds doivent désormais rappeler la possibilité pour les copropriétaires de notifier une demande d’inscription à l’ordre du jour4, ils peuvent être adressés toujours par lettre simple mais aussi, désormais, sous réserve de l’accord exprès du copropriétaire, par message électronique à l’adresse déclarée par lui à cet effet5.
X – Action en justice (article 12)
Si le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale, l’article 55 du décret de 1967 prévoit désormais que seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir d’une absence d’autorisation du syndic à agir en justice.
Désormais, il est précisé que l’autorisation n’est pas nécessaire pour l’opposition aux travaux permettant la recharge normale des véhicules électriques.
XI – Notifications et mises en demeure dématérialisées (article 13)
Accord express – L’article 42-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que les notifications et mises en demeure, sous réserve de l’accord exprès des copropriétaires, sont valablement faites par voie électronique. L’article 64-1 du décret de 1967 prévoit désormais que cet accord exprès doit préciser s’il porte sur les notifications, les mises en demeure ou les deux. Cet accord exprès peut aussi ne porter que sur les modalités particulières de notification prévues par l’article 64-5 du décret de 1967 par mise à disposition dans un espace dédié.
Lorsqu’il est formulé lors de l’assemblée générale, cet accord doit être mentionné sur le procès-verbal d’assemblée générale. Il peut également être adressé à tout moment au syndic par tout moyen conférant date certaine.
Retrait de l’accord – L’article 64-2 du décret de 1967 prévoit désormais que le copropriétaire peut à tout moment retirer son accord exprès selon les mêmes formes que celles prévues pour donner son accord.
Si cette décision est formulée lors de l’assemblée générale, le syndic en fait mention sur le procès-verbal. La décision du retrait de l’accord prend effet le lendemain du huitième jour suivant la réception par le syndic de l’information.
Notification des documents mis en ligne – Le nouvel article 64-5 du décret de 1967 prévoit que lorsque la copropriété est dotée d’un espace en ligne sécurisé, la notification, au plus tard en même temps que l’ordre du jour, des documents visés par l’article 11 du décret de 1967, peut, sous réserve de l’accord exprès du copropriétaire, valablement résulter d’une mise à disposition dans un espace du site dont l’accès est réservé aux copropriétaires.
La convocation à l’assemblée générale6 doit préciser expressément que ces documents sont accessibles en ligne et la durée de la mise à disposition.
XII – Accès aux parties communes (article 14)
Si le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 novembre 20187, a censuré pour des raisons de procédure législative son article 123 autorisant les huissiers de justice à avoir accès aux boîtes aux lettres particulières dans les parties communes des immeubles et prévoyant la mise en œuvre pratique par décret en Conseil d’État de l’article L. 111-6-6 du Code de la construction et de l’habitation, le présent décret l’a enfin mis en œuvre.
En effet, l’article L. 111-6-6 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que « le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires représentés par le syndic permet aux huissiers de justice d’accéder, pour l’accomplissement de leurs missions de signification ou d’exécution, aux parties communes des immeubles d’habitation ». Il renvoie à un décret en Conseil d’État le soin d’en définir les modalités d’application. C’est chose faite, le présent décret complétant la section II du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du Code de la construction et de l’habitation en créant les articles R. 111-17-1 à 3 du même code.
A – La demande d’accès aux parties communes (CCH, art. R. 111-17-1)
Lorsque les parties communes d’un immeuble d’habitation ne sont pas accessibles librement depuis la voie publique, l’huissier de justice, ou le clerc assermenté, adresse, par tout moyen, une demande d’accès à celles-ci au propriétaire ou, en cas de copropriété, au syndic représentant le syndicat des copropriétaires concerné en justifiant de son identité, de sa qualité professionnelle ainsi que de la mission de signification ou d’exécution qui lui a été confiée.
B – La remise des moyens d’accès (CCH, art. R. 111-17-2, al. 1)
Le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndic, remet à l’huissier de justice ou au clerc assermenté un moyen matériel d’accès aux parties communes ou lui adresse les codes lui permettant d’y accéder pour l’accomplissement de sa mission de signification ou d’exécution.
C – Le délai de remise des moyens d’accès (CCH, art. R. 111-17-2, al. 2)
Cette remise ou la transmission des moyens d’accès à l’immeuble doit intervenir dans un délai maximal de 5 jours ouvrables à compter de la réception de la demande, contre récépissé ou par tout autre moyen propre à établir la preuve de la remise ou de la transmission et la date à laquelle celle-ci a eu lieu.
D – La restitution des moyens d’accès (CCH, art. R. 111-17-3)
Lorsqu’un moyen matériel d’accès aux parties communes lui a été remis, l’huissier de justice ou le clerc assermenté le restitue, sans délai et contre récépissé, au propriétaire ou, en cas de copropriété, au syndic représentant le syndicat des copropriétaires concerné, après accomplissement de sa mission de signification ou d’exécution.
Notes de bas de pages
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1.
Pour une présentation de la loi ELAN, v. Battistini P., La loi ELAN décryptée pour les professionnels de l’immobilier, 2019, Gualino, Droit en Poche, v. les 15 fiches pour appréhender les nouveautés majeures de cette réforme et Battistini P., Logement social, Construction, Urbanisme… Ce que change la loi ELAN, 2019, Gualino, Droit en Poche, v. les 21 fiches pour décrypter la réforme.
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2.
JO n° 0148, 28 juin 2019, texte n° 5.
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3.
D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 5, b.
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4.
D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 10.
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5.
D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 35-2.
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6.
D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 9.
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7.
Cons. const., 15 nov. 2018, n° 2018-772 DC.