Un réseau sur les droits des femmes de plus en plus grand dans les Yvelines
Depuis le Grenelle des violences conjugales de 2019, le travail en commun des acteurs engagés sur ce sujet s’est renforcé. Institutions de l’État, collectivités locales et associations collaborent au quotidien dans la protection des femmes victimes de violences et sur le sujet des droits des femmes. En 2021, près de 1 500 faits de violences conjugales ont été enregistrés et poursuivis par le tribunal judiciaire de Versailles (78). Face à cette situation la prise en charge se renforce à tous les niveaux. Malgré ces progrès, des défis doivent encore être relevés. Marielle Savina, déléguée départementale aux droits des femmes au sein de la direction départementale de l‘emploi, du travail et des solidarités des Yvelines, revient sur l’évolution du sujet des violences conjugales et des droits des femmes dans le département.
Actu-Juridique : Il y a quelques jours on célébrait la Journée internationale des droits des femmes, que représente pour vous et la préfecture des Yvelines le 8 mars ?
Marielle Savina : Cette Journée internationale des droits des femmes permet de faire un zoom particulier sur les actions mises en œuvre, les avancées mais également sur tout ce qui reste encore à mettre en œuvre concernant les droits des femmes. Finalement, le 8 mars est une date internationale importante mais nous travaillons sur le sujet durant toute l’année. Les droits des femmes sont mon quotidien. Mais durant cette journée, nous organisons des événements, présentons et valorisons les initiatives locales. Il y a donc beaucoup de déplacements. Puis les collectivités locales et les associations ont aussi un programme assez riche ce jour-là.
AJ : Quels furent les événements le 8 mars 2022 dans les Yvelines ?
MS : Il y a eu l’inauguration et la visite de l’accueil de jour de l’association La Nouvelle étoile, à Versailles. Cette nouvelle structure dédiée aux femmes victimes de violences va s’appeler NOVA pour Nouer Orienter Valoriser Accompagner. La Nouvelle étoile est le porteur de cet accueil de jour. C’est une association classée centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) qui propose des places d’hébergement pour des femmes victimes de violences et de leurs enfants.
Nous avons également profité de cette journée pour remettre le prix de la prévention dans le cadre d’un concours mené avec le service départemental « à la jeunesse, à l’engagement et aux sports ». Ce prix est décerné cette année à une lycéenne du Lycée Le Corbusier à Poissy. Elle mène un projet sur le thème « Femme et sport ». Elle travaille notamment sur la question de la lutte contre les stéréotypes sexistes et sexuels dans le sport, la question du corps et de l’impact du sport de haut niveau sur le corps des femmes.
Enfin, nous avons inauguré avec la sous-préfète Jehane Bensedira, la première permanence d’aide aux victimes au sein d’une brigade de gendarmerie. C’est celle de Houdan. L’association France Victimes 78 animera ces permanences une fois tous les quinze jours. Enfin, le département et les communes yvelinoises ont organisé de nombreux événements durant la journée du 8 mars comme des ciné-débats avec le film « Debout les femmes ! », des expositions, des échanges avec les jeunes ou encore des concerts d’artistes femmes.
AJ : Dans le département des Yvelines, quelle est la situation globale par rapport aux violences conjugales ?
MS : Les Yvelines ne sont pas plus impactés que d’autres départements. Les violences conjugales sont des phénomènes qui touchent l’ensemble de la France. Depuis les différentes sessions du Grenelle des violences faites aux femmes de septembre 2019 à décembre 2019, nous assurons un suivi tous les trois mois des actions mises en œuvre. Nous avons aujourd’hui une synergie des institutions et des associations à travers un réseau de plus en plus grand. Les acteurs se connaissent et se font confiance. Personnellement, le Grenelle m’a permis de collecter et d’optimiser de nombreux contacts. Pendant la crise sanitaire de 2020, un annuaire qui m’a permis d’aller vite dans la diffusion des informations transmises par les ministères, notamment sur les conditions sanitaires, les permanences d’aide aux victimes dans les commerciaux ou l’accès à l’IVG. Ce réseau est coordonné sous la présidence du préfet délégué à l’égalité des chances et du procureur de la République de Versailles Maryvonne Caillibotte. Il reste encore beaucoup de choses à faire. Mais nous sommes vraiment sur une voie ascendante.
AJ : Vous insistez sur l’existence d’un réseau de plus en plus large, depuis le Grenelle sur les violences faites aux femmes. Qui sont les acteurs de ce réseau ?
MS : Il y a d’abord une gouvernance unique à travers le comité local d’aide aux victimes. Ce comité est présidé par le parquet et par la préfecture. C’est l’instance unique pour établir le bilan des actions et prévoir des feuilles de route. Ce comité local d’aide aux victimes réunit les collectivités territoriales impliquées, les parlementaires et toutes les associations qui œuvrent dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Au total, il existe une quinzaine d’associations dans les Yvelines. Il y a bien l’aide aux victimes avec France Victimes, DIRE (Développement ignymontain de rencontres et d’entraide) et le CIDFF (Centre d’information droit des femmes et des familles). Elles sont parties prenantes notamment dans la mise en œuvre du téléphone grave danger et dans le suivi des femmes victimes de violences. Les centres d’hébergement de réinsertion sociale et d’urgence (CHRS) permettent la mise à l’abri et l’Étincelle, accueil de jour départemental pour les femmes victimes de violences. Dans les Yvelines, nous avons la Nouvelle étoile ou Stuart Mill. Puis, il y a des associations spécialisées qui portent différents types d’accompagnement (santé, parentalité, art-thérapie… ) comme Women Safe, Alternative 78 ou encore IRIS qui s’occupe des bons taxis pour mettre à l’abri des femmes victimes de violences. Enfin, l’éducation nationale, l’Agence régionale de santé ou encore les services pénitenciers interviennent aussi dans ces comités. Nous sommes donc sur un réseau multi-institutionnel, interministériel, entre l’État, les collectivités et le tissu associatif.
AJ : Comment ces acteurs travaillent-ils ensemble au quotidien ?
MS : Nous avons des groupes de travail en commission. Par exemple, c’est le cas pour l’hébergement des femmes victimes de violence. Nous faisons des réunions de suivi et d’échange sur cette thématique spécifique. Nous rencontrons aussi les référents des territoires d’action départemental du conseil départemental. Ce sont des relais en termes d’information. Puis, il y a un travail sur le terrain pour aller rencontrer les acteurs. Avec certaines associations, nous avons une convention pluriannuelle d’objectifs pour les crédits « droits des femmes ». Chaque année, nous faisons des bilans avec ces structures.
AJ : Comment l’activité de la police et de la gendarmerie a-t-elle évolué concernant le sujet des violences faites aux femmes ?
MS : D’abord, la formation a été renforcée pour le repérage et l’accueil de femmes victimes de violences, au sein des commissariats et brigades de gendarmerie. Ce sont des plans de formation nationaux et locaux. À ce titre, le major Fabienne Boulard œuvre à former les policiers et l’adjudante cheffe Virginie Redureau les gendarmes. Dernièrement, le conseil régional d’Île-de-France a lancé un appel à projet pour demander à des associations de former les forces de l’ordre. Dans les Yvelines, l’association Women Safe a été choisie dans l’appel à projet régional. Depuis le début de l’année, elle forme tous les vendredis des policiers sur la question des violences faites aux femmes. Ensuite, il y a eu le renforcement des postes d’intervenantes sociales en commissariat et en gendarmerie. Un nouveau poste a été créé à ce titre au sein de la maison de protection des familles de Bois d’Arcy de la gendarmerie nationale. Aujourd’hui, dans les Yvelines, il y a 11 intervenantes sociales. Enfin, la préfecture a piloté des sessions de formation avec la police nationale et la gendarmerie en direction des policiers municipaux, 233 agents ont suivi ces formations.
AJ : Si une femme est victime de violences, quel est le premier réflexe à avoir ?
MS : Il n’y a pas vraiment de parcours type car chaque situation est individuelle. Après, la violence isole la victime. La victime doit recréer une sphère sociale qui va lui permettre d’être aidée. D’abord, il y a le 39 19, le numéro d’appel pour l’écoute et l’orientation. Il est facile à retenir. Il faut l’avoir pour sortir de l’isolement. Il y a aussi les accueils de jour et lieux d’écoute comme L’Étincelle, Women Safe ou le nouveau centre NOVA inauguré le 8 mars à Versailles. Ces structures permettent d’être aidée, écoutée et orientée vers des associations plus spécialisées.
Puis, en fonction de la problématique, la personne peut être dirigée vers des permanences juridique, psychologique ou encore médicale. Une femme victime de violences peut perdre des années de vie en bonne santé car les violences ont un impact sur la sphère sociale mais aussi sur la santé physique ou psychique. La prise en charge est donc individualisée à travers de multiples domaines. La première démarche est d’aller voir une association ou d’aller porter plainte. En revanche avant de déposer une plainte, il faut savoir préparer la prise de plainte c’est-à-dire être accompagnée. Ce n’est pas anodin de passer les portes d’un commissariat. D’où l’importance des intervenantes sociales auprès des policiers et des gendarmes.
AJ : Quelles sont les perspectives et les évolutions à venir durant l’année 2022 sur le sujet des violences faites aux femmes ?
MS : Cette année, l’idée est de mettre un focus important sur la question de la santé. Il faut notamment renforcer nos collaborations sur ce sujet avec les centres hospitaliers de Mantes-la-Jolie et de Versailles. Des formations de soignants ont commencé à l’hôpital de Mantes, sous l’impulsion du service santé des femmes (maternité et obstétrique). Puis avec l’hôpital André Mignot et le centre commercial Westfield Parly 2, nous travaillons sur l’opportunité d’installation d’une permanence sur les violences conjugales au sein de la zone commerciale ou d’un partenariat pour faciliter les repérages et orientations. Le centre hospitalier versaillais est aussi pilote concernant la maison des femmes baptisée Calypso, qui vient d’ouvrir ses portes à Plaisir. C’est une structure d’accompagnement et de prise en charge globale pour les femmes victimes de violences. Enfin, nous continuons le renforcement des dispositifs déjà mis en œuvre dans le département, avec de nouvelles initiatives qui pourraient voir le jour à travers l’appel à projet « droits des femmes » de 2022.
Référence : AJU004c4