2017 : année charnière pour le Grand Paris

Publié le 03/07/2017

En 2010, la métropole parisienne prenait la décision de lancer la construction de quatre nouvelles lignes de métro automatiques avec le Grand Paris Express. Un chantier titanesque aux 25 milliards d’euros de budget et qui s’étale jusqu’en 2030. Sept ans plus tard, la Société du Grand Paris rentre enfin dans le vif du sujet et commence les grands travaux.

Le Grand Paris, premier chantier d’infrastructure d’Europe, accumule les chiffres record : 108 milliards d’euros consacrés au projet global d’urbanisme dont 25 milliards pour les nouvelles lignes de métro et gares, un plan qui s’étale sur plusieurs décennies, des centaines de milliers d’emplois à la clé ainsi que des centaines de milliards de retombées économiques pour la région. Mais tout reste encore à faire, c’est pourquoi l’année 2017 est particulièrement cruciale pour le Grand Paris : il s’agit de l’entame des premiers grands travaux. Le budget 2017 qui s’élève à 1,76 milliard d’euros (en hausse de 58 % par rapport à 2016) est d’ailleurs le reflet de cette montée en puissance. Au final ce n’est pas moins de 200 km de tunnels à creuser et 68 gares qu’il faudra construire d’ici à 2030. Sans compter le très important volet logement et urbanisme qui va offrir de très belles opportunités au secteur du BTP.

Une bouffée d’air pour le BTP

Car à court et moyen terme, c’est bien le secteur qui va le plus profiter des travaux du Grand Paris. À la suite de la crise financière de 2007, le BTP avait souffert d’une décennie entière de baisse des investissements, ces derniers atteignant un plus bas record en 2015 d’après les chiffres de l’INSEE. Un souvenir qui semble aujourd’hui quasi lointain chez les trois majors françaises : entre la fin 2016 et le premier semestre 2017, Bouygues, Vinci et Eiffage ont remporté 1 milliard d’euros d’appel d’offres pour les chantiers du Grand Paris. D’ici à la fin de l’année, les trois géants du BTP s’affronteront aussi pour le super contrat de la ligne 16, évalué entre 1,5 et 2 milliards d’euros. Avec des appels d’offres qui vont continuer à se multiplier au cours des prochaines années, le secteur voit l’avenir avec sérénité. La nature même des contrats leur permet d’ailleurs d’avoir une visibilité avec des projets qui s’étalent sur 5 à 8 ans dans la majorité des cas et donc de recruter en conséquence.

4 nouvelles lignes de métro

Le projet, qui vise à désaturer les transports en commun franciliens et à « booster » l’économie régionale, prévoit la mise en place de quatre nouvelles grandes lignes de métro. Ces lignes 15, 16, 17 et 18 représentent aussi une solution aux problèmes de liaisons entre les différents pôles de la périphérie parisienne. Découpée en trois tronçons (Sud, Est et Ouest), la ligne 15 sera la première à voir le jour. Cette rocade entièrement souterraine parcourt l’ensemble de la métropole (75 km de longueur) avec 39 gares réparties entre les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis. Le tronçon Sud, qui relie Pont de Sèvres à Noisy-Champs en 35 minutes, sera mis en service en 2022 et les projections anticipent 300 000 voyages quotidiens dès son ouverture. La ligne 16, d’une longueur de 25 kilomètres, reliera Saint-Denis Pleyel à Noisy-Champs en passant par Le Bourget RER. Sa mise en service, prévue pour 2023, contribuera notamment au désenclavement de l’est de la Seine-Saint-Denis. Enfin, les lignes 17 et 18 contribueront à améliorer les correspondances avec les deux grands aéroports parisiens, Orly et Charles-de-Gaulle. Les tronçons reliant les aéroports ont vu leur mise en service avancée à 2024 au lieu de la date de 2027 initialement annoncée. La raison est simple : si Paris remporte ses candidatures aux JO de 2024 et à l’Exposition universelle de 2025, ces deux nouvelles lignes ne seront pas de trop pour proposer de meilleures infrastructures de transports aux millions de visiteurs potentiels. Les comités parisiens des deux événements n’ont en tout cas pas hésité à mettre cet atout en avant dans leur projet de candidature.

Grand Paris Express

Grand Paris Express

Philippe Yvin, président du directoire de la Société du Grand Paris, nous présente les chantiers en cours et à venir.

Les Petites Affiches – 2017 est-elle une année charnière pour le Grand Paris ?

Philippe Yvin – 2017 est en effet une année charnière pour le Grand Paris Express. Toutes les lignes sont désormais déclarées d’utilité publique. Cela signifie que le projet est validé et sera réalisé par la Société du Grand Paris. C’est aussi une année marquée par la montée en puissance des chantiers sur le terrain. D’ici la fin de l’année, 43 chantiers seront déployés sur la ligne 15 Sud du réseau, de Boulogne à Noisy-le-Grand. Les travaux préparatoires sont en cours sur les lignes 14 Sud et 16 et en 2018, la totalité des chantiers du Grand Paris Express auront été entamés. Il s’agit également d’un tournant pour le projet au niveau financier. Comme prévu, la totalité du fonds de roulement de la Société du Grand Paris sera consommée en 2017 et nous aurons pour la première fois recours à un emprunt qui s’élèvera à 700 millions d’euros cette année. Le Grand Paris Express entre donc de plain-pied dans son modèle de financement qui repose sur des emprunts à très long terme.

LPA – Justement, comment le financement de la SGP est-il organisé ?

P. Y. – Au total, le Grand Paris Express représente un investissement de plus de 25 milliards d’euros. C’est le plus grand projet d’infrastructure et d’aménagement d’Europe et son financement repose sur des ressources fiscales franciliennes affectées. La Société du Grand Paris perçoit ainsi les recettes issues de trois taxes. Il s’agit d’une composante de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, de la taxe spéciale d’équipement et d’une fraction de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les surfaces de stationnement. Ces recettes s’élèvent à 570 millions d’euros en 2017 et elles devraient augmenter sur le moyen et long terme. S’y ajoutent des redevances qui seront également perçues une fois le nouveau métro mis en service. Elles viendront compléter les revenus et seront versées à la Société du Grand Paris pour l’exploitation du réseau, les recettes issues de la vente d’espaces publicitaires ou encore de la location de commerces dans les gares et du réseau de fibres optiques. Ces ressources pérennes constituent un financement global solide. Grâce à elles, nous pouvons emprunter et rembourser à très long terme, de la même manière que pour la construction du métro de Paris. Des infrastructures qui durent plus d’un siècle ont en effet vocation à être financées sur plusieurs générations. Nous allons ainsi emprunter sur des durées de 40 ans auprès de la Banque européenne d’investissement (BEI) par exemple. Grâce à ces fortes garanties, l’agence Moody’s a attribué la note AA2/Prime-1 à la Société du Grand Paris, la meilleure possible pour un établissement public en France.

LPA – Un projet d’une telle ampleur a forcément un impact sur l’urbanisme et la façon dont les Franciliens vivront au cours des prochaines décennies. Comment avez-vous inclus cette dimension ?

P. Y. – Avec ses 68 gares, le nouveau métro redessine la métropole autour de nouveaux pôles urbains. Le réseau renforcera l’attractivité des territoires. Chaque nouveau quartier de gare sera une opportunité pour de nouveaux projets d’aménagement, en particulier pour le logement, qui est une priorité pour la métropole. Une multitude de projets représentant déjà plus de 18 millions de mètres carrés de logements, bureaux ou locaux d’activité vont naître aux abords des gares du Grand Paris Express. L’aménagement des espaces publics situés autour des gares doit prendre en compte l’évolution des habitudes des Franciliens pour répondre à leurs besoins. Ces « pôles » font l’objet de toute notre attention. Avec le STIF, nous avons ainsi constitué pour chaque gare, des comités de pôle. Ces comités rassemblent les partenaires concernés (collectivités, opérateurs de transport…) afin d’établir un programme d’intervention sur les espaces publics autour de chaque gare à même d’accueillir la mobilité numérique et électrique du XXIe siècle. En parallèle, nous finançons une étude menée par un groupement piloté par TVK pour définir les grands principes d’aménagement des « places du Grand Paris ». Nous adoptons donc une approche tenant compte des spécificités de chaque territoire et qui s’intègrent dans une démarche globale de cohérence de l’aménagement. Nous anticipons également les nouveaux usages dans plusieurs domaines à travers des appels à projets. Le dernier en date a été lancé en avril et porte sur les « nouvelles mobilités actives, électriques et numériques ». Il vise à expérimenter des modes de déplacement doux qui pourraient être déployés dans les futurs quartiers de gares.

LPA – Quelles seront les retombées planifiées sur l’économie et l’emploi ?

P. Y. – Avec le Grand Paris Express, la France renoue avec les projets stratégiques de long terme. Il n’a pas connu d’équivalent en France depuis les années 70 et je vous l’annonce, ses travaux représentent déjà 9 % de l’activité des entreprises de travaux publics françaises cette année selon la FNTP. Près de 100 entreprises, dont 37 agences d’architecture, des cabinets d’ingénierie et des entreprises de génie civil, travaillent déjà à sa conception. Au plus fort de la construction du réseau, nous mobiliserons 15 000 emplois chaque année. 4 000 personnes travaillent déjà à la réalisation du Grand Paris Express, 2 500 en conception et 1 500 sur les chantiers. Les retombées économiques du nouveau métro s’étendront au-delà de sa construction. Le Grand Paris Express soutient ainsi le développement futur de la métropole et sa mise en service génèrera une augmentation de PIB de 100 milliards d’euros environ sur 25 ans pour la région Île-de-France. Dès 2030, le réseau aura permis de créer au moins 115 000 emplois à ajouter aux 685 000 qui seront créés par la croissance prévisionnelle de la région. Je veux souligner que ces bénéfices économiques s’étendront au-delà de l’Île-de-France et auront un impact national grâce aux mécanismes de redistribution. La région capitale crée en effet au moins 30 % du PIB national et consomme seulement 22 % du revenu disponible.

LPA – Les entreprises régionales ont-elles été associées au Grand Paris ?

P. Y. – Bien entendu et depuis l’origine du projet, nous sommes attentifs à ce que la réalisation du Grand Paris Express profite à tous. Nous imposons ainsi qu’une part d’au moins 20 % des travaux soit exécutée par des PME en sous-traitance ou cotraitance grâce à une clause inscrite dans les marchés. Pour nous assurer du respect de cette clause et favoriser l’implication des PME et TPE dans le projet, nous avons mis en place un Observatoire des PME auquel participent les chambres consulaires, les organisations patronales et des fédérations professionnelles franciliennes. Les données issues de l’Observatoire seront publiées deux fois par an.

LPA – Le Grand Paris est un projet au long cours qui s’étalera sur plusieurs cycles électoraux. Est-ce que cela peut l’exposer à des incertitudes ?

P. Y. – Le Grand Paris Express est un projet d’intérêt national qui dépasse largement les clivages. Il a été lancé par Nicolas Sarkozy en 2008 et François Hollande l’a poursuivi durant son mandat. Avec l’élection d’Emmanuel Macron, nous allons engager l’acte III de sa réalisation. Le projet a aussi fait l’objet d’une vaste concertation avec les Franciliens au cours de réunions publiques, ainsi qu’avec les élus locaux et régionaux.

LPA – Le futur métro verra pour la première fois son ouverture à la concurrence européenne. Cette ouverture ne risque-t-elle pas de nuire aux usagers ?

P. Y. – L’exploitation du nouveau métro va effectivement être ouverte à la concurrence, conformément au droit européen. C’est le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) qui organisera la mise en concurrence et désignera les opérateurs de transport pour l’exploitation des lignes du Grand Paris Express. En tant qu’autorité organisatrice des transports en Île-de-France, le STIF est notamment responsable de la politique tarifaire. Il relève de la compétence des collectivités territoriales d’Île-de-France et son objectif est de renforcer l’offre de transport et la qualité de service pour les voyageurs. Le STIF jouera donc un rôle de garant des intérêts des usagers lors de cette mise en concurrence.

LPA 03 Juil. 2017, n° 127g5, p.4

Référence : LPA 03 Juil. 2017, n° 127g5, p.4

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