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La commission des statuts et règlements de l’université

Publié le 25/08/2021
Sorbonne
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La commission des statuts et règlements permet aux universités d’exercer leur liberté académique. C’est une institution peu étudiée et très originale au service d’une liberté statutaire qui l’est tout autant.

Depuis le XIIIe siècle, l’université s’est affirmée comme une entité collective revendiquant l’autonomie. Avant même que les statuts de la Sorbonne soient adoptés, en 1200, Philippe Auguste reconnaissait déjà une autonomie à la communauté universitaire. Le pouvoir spirituel a suivi cette voie. Dès la création de l’université de Paris en août 1215, Robert de Courçon la dotait de la même autonomie pour régler le différend qui existait alors entre les maîtres et élèves, d’une part, et le chancelier de Notre Dame de Paris, d’autre part. À la suite de l’arbitrage de Hervé de Troyes de 1231, le pape Grégoire IX a confirmé la reconnaissance régulière de cette autonomie dans la bulle Parens Scientiarum de 1231, ouvrant ainsi la voie à l’universalité de la connaissance.

L’universitas est donc née de statuts reconnus aux maîtres et élèves assemblés en communautés qui ne relevaient pas du droit commun. La franchise a, dès l’origine, eu pour fonction de permettre et faciliter l’exercice des libertés académiques nécessaires à la connaissance.

Ce statut a évolué. La communauté universitaire est désormais soumise à la justice régulière, même si le président de l’université dispose toujours d’un pouvoir de police1, récemment réformé, hérité des anciennes franchises universitaires.

Même si, selon certains auteurs, la communauté universitaire devrait être celle des professeurs, elle n’est plus seulement celle des maîtres et élèves2. Désormais, la loi définit cette communauté comme un regroupement des établissements d’enseignement supérieur3, des personnels4 et des étudiants5.

Les universités se sont multipliées. Elles ont conservé la référence à une communauté académique et revendiquent toujours leur autonomie face au pouvoir politique. Le service public de l’enseignement supérieur a été défini comme l’une des composantes traditionnelles du service de l’instruction publique. La logique du service public est celle de l’égalité devant la loi. Elle est entrée en conflit avec la tradition d’autonomie des universités6.

Pour assurer le service public académique dans un cadre républicain, il a donc fallu adapter l’autonomie reconnue traditionnellement aux universités. Ainsi, pour que toutes les universités participent au même service public, il a été décidé de les doter de règles, d’objectifs et de moyens similaires.

Alors qu’au siècle dernier, les facultés puis les universités constituaient de simples lieux d’expression de la liberté des professeurs, elles en sont devenues des instruments beaucoup plus structurés.

En 1961, le doyen Vedel définissait la liberté universitaire comme la liberté d’enseigner et de rechercher. Il y décrivait le professeur d’université avec une formule devenue célèbre : « Il décide de ce qu’il dira et n’aura d’autre critère que le vrai, tel qu’il le voit ». La fin du XXe siècle et le début du XXIe permettront de glisser d’une reconnaissance constitutionnelle de l’indépendance du professeur d’université à celle de l’enseignant-chercheur en général7. La liberté académique qui ne peut être conçue que « du point de vue de l’individu » est évidemment toujours d’actualité. La doctrine relève d’ailleurs régulièrement les dangers d’une réforme du statut des enseignants-chercheurs. Chercheurs d’une vérité scientifique, ils doivent disposer d’une véritable liberté de pensée et de conscience et pouvoir s’affranchir des pouvoirs publics et des institutions. Cette liberté doit être aussi reconnue pour la diffusion des recherches par des publications ou par l’enseignement supérieur.

La liberté de l’enseignement supérieur suppose donc aussi la plus large liberté d’expression.

Tant que les universitaires seront des enseignants-chercheurs, la conception du doyen Vedel et du professeur Beaud de la liberté académique sera juste et devra être défendue.

Mais au-delà de la liberté des enseignants-chercheurs, les universités ont évolué et se sont structurées.

La question de la liberté statutaire des universités n’a pas été posée avant 1968. L’enseignement supérieur se concentrait alors sur le statut des enseignants de rang doctoral (professeurs et maîtres de conférences) et non doctoral (assistants, maîtres assistants et chargés de cours).

Avec la revendication de l’autonomie des universités depuis 1968, les anciennes facultés qui disposaient de statuts traditionnels fondés sur l’existence de statuts d’universitaires ont été profondément modifiées. La création de nouvelles universités en 1968 accompagnée par la reconnaissance de leur liberté statutaire par la loi Faure8 a consacré l’autonomie statutaire des universités. Cette liberté statutaire s’est accompagnée de la possibilité pour les universités de mettre à exécution leurs décisions avant l’intervention de l’autorité de tutelle. L’autonomie des universités est donc née en marge de la liberté des universitaires.

Au XXIe siècle, ce phénomène s’est amplifié.

La recherche est de plus en plus conçue en termes collectifs. L’influence des universités sur le quotidien des enseignants-chercheurs est très importante. La question n’est donc plus aujourd’hui de permettre la mise en œuvre du service public de l’enseignement supérieur, mais plutôt d’assurer la gouvernance de l’université devenue autonome. Les missions des enseignants-chercheurs sont tellement nombreuses que les enseignants-chercheurs ont été qualifiés de « super-héros de l’enseignement supérieur »9. Depuis les réformes de 2007 et de 2013, l’universitaire doit aussi exercer d’importantes responsabilités collectives. L’université n’est plus seulement le lieu de la coordination des facultés. Elle est devenue une personne morale de droit public dotée de larges compétences dans laquelle les universitaires assument les plus larges responsabilités.

L’université est issue d’une tradition d’autonomie d’une communauté tournée vers la liberté académique individuelle de ses membres et dotée de règles propres. Mais elle ne se limite plus à cela. Désormais elle est aussi l’établissement public chargé de la mission collective de l’enseignement supérieur et de la recherche. À ce titre, elle doit assurer l’égalité républicaine et éviter une résurgence du corporatisme ou du communautarisme.

Chaque réforme de l’enseignement supérieur est une recherche de la délicate alchimie entre ces objectifs. L’histoire récente des réformes de l’enseignement supérieur démontre que cette recherche ne réussit pas souvent.

En pratique, l’adaptation de l’université au monde qui l’entoure a été réalisée par l’adoption de lois et de règlements et non par l’évolution des traditions universitaires. Paradoxalement, l’université est une communauté autonome, dont le destin est largement déterminé par des tiers qui ne sont pas universitaires. La loi et le règlement ont remplacé les coutumes et les traditions, et l’intervention administrative censée faciliter le travail académique est perçue régulièrement comme un frein à l’autonomie des universitaires.

Les auteurs s’accordent donc sur le constat qu’au-delà d’une affirmation du principe d’autonomie des universités, il existe de nombreuses limites financières, statutaires, administratives ou réglementaires à l’exercice des libertés académiques.

La doctrine sollicite donc très largement la reconnaissance d’une véritable autonomie pour les universités10. Mais les auteurs ne s’accordent pas sur la façon dont l’université doit pouvoir défendre les libertés académiques et donc garantir son autonomie.

Pour certains, la reconnaissance de libertés universitaires collectives a permis de garantir l’autonomie des universités et doit donc être développée. Ces auteurs considèrent parfois que le rôle et la fonction de l’université ont évolué après 1968 en reconnaissant une « liberté-participation » en plus de la simple « liberté-autonomie » des établissements universitaires11.

Pour d’autres auteurs, la liberté académique est celle des universitaires et ne doit pas se confondre avec celle des universités ou de leurs composantes12. Selon ce courant doctrinal, il est donc nécessaire que le principe d’indépendance soit défendu vis-à-vis de l’État, mais aussi vis-à-vis de la communauté universitaire elle-même13. Il serait même nécessaire de lutter contre la « domination des organes des universités sur les universitaires »14.

Juridiquement, l’autonomie des universités se fonde en particulier sur la liberté qui leur est reconnue d’adopter librement leurs statuts à la majorité absolue des administrateurs. La loi leur reconnaît ainsi une liberté statutaire sous la surveillance étroite de l’autorité administrative15. L’autonomie des universités a donné lieu à de nombreux travaux scientifiques de grande qualité. En revanche, aucune étude scientifique ne paraît avoir été publiée relativement à la liberté statutaire des universités.

Le Code de l’éducation se contente de préciser que les statuts de l’université sont adoptés « par délibérations statutaires du conseil d’administration prises à la majorité absolue des membres en exercice » et que « les statuts sont transmis au ministre chargé de l’Enseignement supérieur »16. En pratique, les universités ont souvent recours à des commissions de statuts et règlements qui leur permettent de préparer collégialement leurs évolutions statutaires.

Paradoxalement, ces institutions paraissent avoir été boudées par les juristes. Elles sont totalement absentes du Code de l’éducation. Elles n’ont été prévues par aucun texte ni législatif ni réglementaire. La commission des statuts et règlements est une institution confidentielle.

Elle accueille pourtant les tourbillons qui agitent l’université française.

Elle paraît juridiquement digne d’intérêt. Examinée au travers du prisme du droit, la commission des statuts et règlements apparaît en effet être un outil académique original (I) dédié à une liberté statutaire limitée (II).

I – La commission des statuts et règlements, un outil académique original

La commission des statuts et règlements peut prendre des formes très diverses (A). Cette diversité révèle l’originalité de l’institution (B).

A – La diversité des formes de la commission des statuts et règlements

Dans la mesure où le Code de l’éducation ne traite pas de la commission des statuts et règlements, sa création et son mode de fonctionnement relèvent de la liberté statutaire des universités17. Cette commission peut être instituée ou ne pas l’être18.

Elle est facultative. Elle peut être permanente ou être constituée au cas par cas, pour les besoins de circonstances particulières19 ou même être un organe constitué à titre facultatif20.

Elle n’est parfois pas prévue au titre des institutions par les statuts de l’université21, mais éventuellement visée dans la procédure de modification du règlement intérieur22, ou qualifiée de « composante de l’université »23, de « commission du Conseil »24, de « commission consultative »25, de « commission des conventions et statuts »26, de « commission de travail »27, de « commission »28, « commission spécialisée »29, de « commission rattachée aux structures centrales »30, de « commission des statuts et structures »31, « d’organe consultatif »32 ou « d’organe de l’université »33.

La composition de la commission est, elle aussi, très variable. Ses membres sont parfois nommés par le président de l’université34 et parfois élus par le conseil d’administration35.

Les options retenues par les universités pour la composition d’une commission des statuts et règlements sont très révélatrices de la culture des universités. Le plus souvent, sa composition est à l’image de celle du conseil d’administration. Elle intègre alors des représentants des enseignants-chercheurs, des enseignants, du personnel administratif et des usagers, voire des personnalités extérieures. Elle reflète ainsi la diversité de la communauté universitaire. C’est le choix le plus habituel.

Ce choix a l’avantage d’associer toute la communauté universitaire au processus d’élaboration des statuts et règlements. Cela facilite la fluidité des échanges entre la commission des statuts et règlements et le conseil d’administration. Il a toutefois pour inconvénient de rendre les travaux de la commission moins techniques, car moins juridiques.

Parfois, les universités font le choix de compositions plus souples. Le président dispose alors d’une grande latitude pour désigner les membres de la commission des statuts et règlements. L’efficacité technique est alors préférée à la fidélité de la représentation.

En pratique, le plus souvent, les commissions des statuts et règlements sont constituées de personnalités pressenties par le président de l’université. Les membres de la commission peuvent émaner des conseils centraux en général ou, le plus souvent, du conseil d’administration, en particulier. Il n’y a toutefois pas de référence à des règles de parités syndicales ou de parités entre hommes et femmes.

Le statut des membres de la commission des statuts et règlements n’est, en général, pas non plus précisé dans les statuts des universités ou dans les règlements intérieurs.

Dans le silence de la loi, à l’occasion des travaux des commissions des statuts et règlements, leurs membres ne bénéficient d’aucune protection statutaire particulière, en dehors de celles qui résultent de l’appartenance au monde académique36, à l’administration37 ou qui résultent de la reconnaissance d’un statut de collaborateur occasionnel du service public38.

L’hypothèse de la mise en œuvre de la protection fonctionnelle à l’occasion des travaux d’une commission des statuts et règlements est assez théorique, en raison de la technicité des débats au sein de cette institution. Toutefois, la liberté de parole y est garantie pour les membres en général par le bénéfice de la protection fonctionnelle et, pour les enseignants-chercheurs, par leur liberté académique.

La commission des statuts et règlements n’a donc pas de statut uniforme. Il y a autant de formes de commissions des statuts et règlements qu’il y a d’universités. Pourtant, ces commissions ont en commun l’originalité de leur statut.

B – Le trait commun des commissions des statuts et règlements : l’originalité de leur statut

Les commissions des statuts et règlements ont en commun de n’être ni un service de l’université, ni un remplaçant des autres institutions universitaires.

L’article L. 714-2 du Code de l’éducation définit les services communs de l’université. Il s’agit de services transversaux créés par une délibération du conseil d’administration39 et visant à organiser les bibliothèques, à promouvoir la formation permanente, à accueillir et orienter les étudiants, à exploiter les activités industrielles et commerciales, à organiser les actions impliquées dans la responsabilité sociale de l’établissement ou à développer l’action culturelle sportive et artistique. Ces services bénéficient d’un régime juridique spécifique.

La commission des statuts et règlements ne remplit aucune de ces fonctions, c’est la raison pour laquelle elle n’est jamais traitée par les statuts des universités comme un service central au sens de l’article L. 714-2 du Code de l’éducation.

La commission des statuts et règlements n’a pas non plus vocation à remplacer les directions des affaires juridiques des universités. Elle n’est même pas nécessairement constituée de juristes. Le plus souvent, les statuts des universités ne prévoient par exemple pas qu’elle soit composée au moins en partie par des juristes ou présidées par un enseignant-chercheur des disciplines juridiques. Il est pourtant évident qu’en pratique, de nombreux juristes participent aux commissions des statuts et règlements. Cela s’explique par une compétence évidente des juristes pour participer à la rédaction de statuts ou de règlements et par une appétence pour la rédaction juridique qui est plus présente au sein des facultés de droit que des autres composantes des universités.

Parfois, les statuts de l’université prévoient que la commission travaille en lien étroit avec la direction des affaires juridiques. Ainsi, le directeur des affaires juridiques de l’université peut être membre de droit40 ou membre invité de droit41 de la commission. Toutefois, le rôle de la commission des statuts et règlements est distinct de celui d’un service juridique. Elle n’est pas une commission d’experts du droit de l’université. Elle est un organe au service du conseil d’administration qui a seul la compétence pour adopter ou modifier les statuts.

La commission des statuts et règlements ne relève pas de la fonction exécutive de l’établissement public et ne constitue donc pas un service juridique dédié au président de l’université ou soumis, en tant que tel, à son autorité. Par nature, la commission des statuts et règlements est liée à la compétence délibérative du conseil d’administration. Il arrive pourtant qu’elle soit placée sous l’autorité du président de l’université, soit parce que les statuts prévoient qu’il en est le président de droit42, soit parce que les statuts prévoient qu’il est seul compétent pour la saisir.

Même dans les hypothèses dans lesquelles la commission des statuts et règlements est la plus proche du conseil d’administration, elle a toujours un lien avec l’équipe de direction de l’université. Elle ne peut pas décider seule de propositions de modifications de statuts ou de règlements universitaires qui seront ensuite soumis au conseil d’administration. Parce qu’elle comprend à la fois le président de l’université et le vice-président en charge du conseil d’administration, l’équipe de direction de l’université maîtrise le plus souvent l’ordre du jour du conseil d’administration43. En pratique, il est difficile d’imaginer que la commission des statuts et règlements soumette les propositions de statuts ou de règlements qu’elle a examinées au conseil d’administration sans l’accord de l’équipe de direction.

Ce lien peut se comprendre en raison du pouvoir d’initiative souvent reconnu au président de l’université pour modifier les statuts de l’université ou son règlement. Cette proximité avec l’équipe de direction de l’université a des conséquences sur le rôle de la commission des statuts et règlements. Si elle est très proche du président de l’université, elle est conçue comme une institution de préparation de la modification des statuts et règlements. Elle est alors une institution de transition entre le pouvoir d’initiative dont dispose le président et le pouvoir d’adoption du projet de statut ou de règlement exercé par le conseil d’administration. En revanche, si elle est éloignée du président de l’université et de son équipe de direction, son rôle sera lié à la fonction délibérante du conseil d’administration. Elle aura alors pour fonction d’en nourrir les débats en apportant un éclairage spécifique sur le projet de modification ou d’adoption des statuts.

La commission des statuts et règlements se distingue du conseil d’administration, des autres conseils centraux, du comité technique ou de la commission de discipline dont les fonctions sont clairement fixées par le Code de l’éducation.

Elle est une sorte de trait d’union entre le président de l’université et son équipe de direction, d’une part, et le conseil d’administration, d’autre part.

Elle peut avoir des formes très diverses qui expriment la diversité académique. Cela se comprend d’autant mieux que son rôle est de permettre l’exercice de la liberté statutaire qui est la manifestation juridique de la diversité académique.

II – La commission des statuts et règlements : instrument d’une liberté statutaire limitée

La commission des statuts et règlements est un instrument de la liberté statutaire des universités. Elle leur permet d’adapter leurs statuts à l’évolution de la société. Elle constitue donc l’instrument institutionnel adapté à la mutabilité du service public de l’enseignement supérieur.

Or la question de la liberté statutaire des universités se pose de façon différente depuis 2007 et 2013. En renforçant les compétences des universités, la loi a renvoyé implicitement aux statuts particuliers des universités pour traiter de questions nouvelles. Ainsi, des questions très diverses telles que les conditions de désignation de membres extérieurs du conseil d’administration, les modalités de désignation du président du conseil académique, la définition du statut des fondations universitaires, des PRES44 ou des COMUE45, peuvent donner lieu à une véritable liberté statutaire de l’université elle-même qui n’était pas imaginable lorsque, dans les années 1960, la liberté académique se confondait avec celle du professeur d’université. Depuis l’adoption de ces lois, les libertés académiques intègrent l’indépendance des enseignants-chercheurs, mais aussi l’autonomie des universités.

Les fonctions de la commission des statuts et règlements illustrent cette évolution. Elle s’est vue confier la mission de préparer et faciliter la mise en œuvre de la liberté statutaire par le conseil d’administration (A). Son rôle est toutefois limité parce que la liberté statutaire des universités est elle-même limitée (B).

A – La commission des statuts et règlements, instrument d’exercice de la liberté statutaire

La commission des statuts et règlements participe à l’exercice de la liberté statutaire des universités.

Elle est le plus souvent investie d’une double mission pour faciliter l’exercice de la liberté statutaire de l’université. Elle peut émettre des avis sur des propositions d’adoption ou de modifications de statuts et émettre des avis juridiques sur des projets susceptibles d’être soumis au conseil d’administration.

Elle a pour mission première d’émettre des avis sur les propositions de réforme des statuts et règlements de l’université, de ses services et de ses composantes.

Ce rôle est à la fois étendu et limité.

Il est étendu quant aux actes susceptibles d’être soumis à la commission.

Les statuts et règlements intérieurs des universités prévoient en effet le plus souvent que les statuts et règlements des universités, de leurs services et de leurs composantes doivent faire l’objet d’un avis de cette commission avant d’être soumis à la délibération du conseil d’administration.

Le rôle de la commission des statuts et règlements est un rôle d’instruction qui ne se limite pas à l’analyse juridique. Elle doit émettre un avis sur l’opportunité des propositions de modifications des statuts et règlements.

Son rôle n’est pas le même si elle est saisie de modification des statuts de l’université, des services centraux ou de ses composantes.

Si ce sont les statuts de l’université ou de ses services centraux qui sont en cause, le rôle de la commission est celui d’une courroie de transmission entre le président de l’université ou les services concernés par la modification, assistés par le service juridique de l’université et le conseil d’administration. La commission des statuts et règlements veille alors à ce que la modification des statuts et règlements envisagés soit la plus transparente possible devant le conseil d’administration. L’avis de la commission vise alors à mettre en lumière les choix juridiques et stratégiques retenus et à permettre ainsi au conseil d’administration de délibérer en connaissance de cause.

En revanche, si la commission est saisie d’une demande de modification du statut de l’une des composantes de l’université, son rôle intègre la reconnaissance de l’autonomie dont disposent les composantes des universités. Juridiquement, les composantes approuvent leur statut et les font approuver par le conseil d’administration46. La commission des statuts et règlements doit donc dans cette hypothèse tenir compte de cette double approbation. Elle a alors pour fonction de présenter au conseil d’administration les choix qui ont été faits par la composante afin que le conseil d’administration puisse délibérer en connaissance de cause, c’est-à-dire en ayant conscience de la modification envisagée, de son contexte juridique, de ses enjeux et des choix qui ont été exprimés par la composante.

Les statuts des universités ou leurs règlements intérieurs ajoutent souvent d’autres missions aux commissions des statuts et règlements. Ainsi, il arrive que les conventions conclues avec des tiers ou les statuts des associations leur soient soumis avant d’être signés47.

Dans toutes ces hypothèses, le rôle de la commission est d’émettre un avis sur l’acte dont l’adoption ou la modification est envisagée. L’avis est à la fois un avis juridique et un avis d’opportunité. En pratique, il fait souvent suite à une instruction importante par le président de la commission des statuts et règlements ou son rapporteur, en lien avec le service juridique de l’université. L’intérêt de l’avis et son autorité sur le conseil d’administration sont évidemment fonction de la qualité des intervenants et de l’importance du travail d’instruction.

Le rôle de la commission des statuts et règlements est en principe limité quant à la portée de l’avis qu’elle rend.

L’avis qu’elle rend est, le plus souvent, un avis obligatoire, c’est-à-dire un avis préalable nécessaire à la poursuite de la procédure d’adoption ou de modification des statuts et règlements48.

Le Code de l’éducation, les statuts des universités et les règlements intérieurs ne précisent pas si l’avis doit être motivé.

Juridiquement, le principe est celui de l’absence d’obligation de motivation des avis de l’Administration, sauf si la loi ou le règlement en disposent autrement49. Les avis des commissions des statuts et règlements sont des actes réglementaires, puisqu’ils visent à modifier les statuts de l’université ou de ses services et composantes. Ils ne sont, le plus souvent, pas individuels et ne peuvent donc, a priori, pas être défavorables. Juridiquement, dans le silence des textes, les commissions des statuts et règlements ne paraissent donc pas avoir à motiver leurs avis.

Pourtant, s’agissant d’une institution consultative, la motivation des avis paraît s’imposer. Un avis non motivé ou mal motivé ne s’exposerait probablement pas à une annulation, mais il n’aurait aucun intérêt.

Les formes de cette motivation sont évidemment libres. Il peut donc être envisagé qu’un avis formel soit rédigé par la commission des statuts et règlements ou qu’il soit rendu compte de ses travaux oralement devant le conseil d’administration, en particulier lorsque le président de la commission est membre du conseil d’administration ou président de l’université.

Ni le Code de l’éducation, ni les actes réglementaires adoptés par les universités ne précisent non plus selon quelle forme l’avis doit être obtenu. Bien qu’il soit évidemment souhaitable, le consensus n’est jamais exigé par les règlements des universités. Les conditions d’un éventuel vote au sein de la commission des statuts et règlements ne sont pas non plus précisées.

Ce silence laisse une très grande marge de manœuvre aux commissions des statuts et règlements et, le cas échéant, à leur président.

Il est par exemple possible d’imaginer qu’une commission des statuts et règlements débatte d’un projet de réforme des statuts de l’université et émette un avis alternatif ou conditionné. Rien ne lui interdit non plus, de faire éventuellement état dans son avis de divergences entre les membres de la commission ou de développer des avis marginaux en annexe de celui de la commission.

L’intérêt de l’avis rendu est alors d’éclairer les débats du conseil d’administration. Il peut aussi éventuellement être l’occasion d’attirer l’attention sur un aspect de la réforme envisagée ou de faire part de positions dissidentes au sein de la commission pour nourrir un débat futur au conseil d’administration.

L’avis de la commission est toujours un avis consultatif. Cela se comprend : le Code de l’éducation retient une compétence exclusive du conseil d’administration pour adopter les statuts de l’université. Si le conseil d’administration était lié par l’avis rendu par la commission des statuts et règlements, cela porterait atteinte non seulement à la compétence d’ordre public du conseil d’administration50 mais aussi au fonctionnement démocratique de l’université51.

Le conseil d’administration peut donc adopter une modification des statuts de l’université malgré un avis contraire de la commission des statuts et règlements. Le rôle de cette dernière est donc limité.

Il arrive parfois que la commission se voit confier une autre mission, celle d’émettre un avis sur une situation administrative donnée. Ainsi, le président de l’université ou le conseil d’administration peut décider de confier une mission spécifique à la commission des statuts et règlements ou à son président. Elle est alors transformée en commission d’instruction d’une problématique juridique complexe.

Malgré ces possibilités d’extension, le rôle de la commission est nécessairement limité parce que la liberté statutaire des universités est loin d’être absolue.

B – Les limites à la liberté statutaire

Le cadre juridique de l’enseignement supérieur et de la recherche pose des limites à la liberté statutaire des universités. L’autonomie reconnue aux universités est limitée. Leur liberté statutaire l’est donc aussi nécessairement.

Par exemple, la reconnaissance de la démocratie universitaire impose que la commission des statuts et règlements n’ait qu’un rôle limité d’auxiliaire pour préparer le vote par le conseil d’administration de l’université.

De même, la multiplication des contraintes juridiques ou financières qui pèsent sur les universités constitue autant de limites de la liberté statutaire des universités.

Les universités doivent assurer un équilibre entre la reconnaissance de l’autonomie des composantes des universités, l’autonomie des universités elles-mêmes, la politique de l’éducation, la tutelle ministérielle, le respect des traditions universitaires et la garantie d’indépendance des enseignants-chercheurs. Les administrateurs de l’université se sont donc vus reconnaître une autonomie sous contrainte. Cette autonomie sous contrainte qui est peut-être nécessaire à l’administration d’une université moderne ne s’est, jusqu’à maintenant, pas accompagnée de la reconnaissance d’une grande liberté statutaire, de sorte que les universités peuvent être autonomes sans être originales.

Quant aux acteurs de cette gouvernance, qui sont heureusement encore en partie des universitaires, ils ne se sont vus reconnaître que des fonctions traditionnelles d’administrateurs. S’ils recherchent la liberté et l’originalité, c’est probablement dans l’enseignement ou dans la recherche qu’ils les trouveront plus que dans l’administration de l’université. Faut-il vraiment s’en étonner ?

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. C. éduc., art. L. 712-2 ; sur le champ d’application de ces pouvoirs de police, v. P. Ricard, « La notion d'“enceinte universitaire” et les compétences de police administrative en matière de voirie à l’épreuve de l’ouverture des campus universitaires sur la ville », RFDA 2020, p. 773.
  • 2.
    Elle est aujourd’hui définie à l’article L. 111-5 du Code de l’éducation, qui dispose : « Le service public de l’enseignement supérieur rassemble les usagers et les personnels qui assurent le fonctionnement des établissements et participent à l’accomplissement des missions de ceux-ci dans une communauté universitaire ».
  • 3.
    Le livre 7 du Code de l’éducation leur est consacré.
  • 4.
    Le livre 8 du Code de l’éducation leur est consacré.
  • 5.
    Le livre 9 du Code de l’éducation traite de la vie universitaire. Il est, en réalité, consacré aux usagers du service public de l’enseignement supérieur.
  • 6.
    C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, à la suite de débats entre Condorcet et les rousseauistes proches de Robespierre, la Convention a supprimé les universités par la loi du 15 septembre 1793. Ce n’est que le 10 juillet 1896 que l’université impériale, qui n’avait aucune autonomie, a été remplacée par les universités à la faveur de la IIIe République. V. L. Thiaw-Po-Une, Les dilemmes de l’État démocratique, thèse, 2007, p. 106 et s. et p. 213 et s. ; J.-J. Bienvenu, « La fabrication d’une loi sur l’université. La loi du 10 juillet 1896 », Revue de droit public 2009, p. 154.
  • 7.
    En particulier avec l’adoption de la décision du Conseil Constitutionnel (Cons. const., 6 juin 2021, n° 2010-20/21 QPC, Jean C. et a. (loi sur l’Université)).
  • 8.
    V. Loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre 1968.
  • 9.
    V. V. Champeil-Desplats, E. Bourdier, S. Hennette Vauchez et S. Slama, « Mon “univer6T” va craquer », La Revue des droits de l’Homme 14/2018.
  • 10.
    Par exemple, L. Vogel, L’université, une chance pour la France, 2010, PUF, p. 55.
  • 11.
    V. B. Toulemonde, Les libertés et franchises universitaires en France, thèse, 1971.
  • 12.
    V. O. Beaud, Les libertés universitaires à l’abandon ?, 2010, Dalloz.
  • 13.
    C’est, par exemple, la position défendue par F. Luchaire, dans son commentaire de la décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984 (D. 1984, p. 583).
  • 14.
    V. O. Beaud, Les libertés universitaires à l’abandon ?, 2010, Dalloz, p. 271.
  • 15.
    V. C. éduc., art. L. 711-7.
  • 16.
    V. C. éduc., art. L. 711-7.
  • 17.
    Seule la procédure d’adoption des statuts par le conseil d’administration est prévue par le Code de l’éducation.
  • 18.
    Par exemple, l’article 60 des statuts de l’université Panthéon-Assas (Paris 2) édicte une procédure de modification des statuts qui ne fait intervenir aucune commission des statuts et règlements.
  • 19.
    L’article 13 des statuts de l’université Panthéon-Assas (Paris 2) énonce par exemple que le conseil d’administration de l’université peut, à la demande du président, constituer des commissions chargées de missions particulières. Même si la modification des statuts n’est pas expressément visée, il est évidemment possible que la compétence du conseil d’administration pour adopter ou modifier des statuts et règlements fasse l’objet de la création de telles commissions.
  • 20.
    Par exemple, la procédure de modification des statuts prévue par les statuts de l’université Paris-Est Créteil (art. 52) ne prévoit aucune intervention de la commission des statuts et règlements. C’est seulement l’annexe 3 aux statuts qui vise la commission des statuts au titre des « commissions d’études ou des commissions techniques à caractère consultatif destinées à assister les conseils et le président de l’université dans leurs tâches respectives ».
  • 21.
    Par exemple, les statuts de l’université Panthéon-Assas (Paris 2) (art. 13) ou ceux de l’université de Nantes font état d’une procédure de modification des statuts sans commission des statuts et règlements (v. art. 65 et 66).
  • 22.
    V. statuts de l’université d’Angers, art. 4.2.
  • 23.
    V. règlement intérieur de l’université Paris Dauphine, art. V-8.
  • 24.
    V. statuts d’Aix-Marseille université, art. 13 et statuts de l’université Picardie Jules Verne, art. 39.
  • 25.
    V. statuts d’Avignon Université, art. 25 ou statuts de l’université Paul-Valéry (Montpellier 3), art. 12.
  • 26.
    V. statuts de l’université de Paris, art. 43.1.
  • 27.
    V. statuts de l’université des Antilles, art. 36 et règlement intérieur de l’université de Franche-Comté, art. 24.
  • 28.
    V. statuts de l’université de Brest, art. 15.2 ou statuts de l’université Jean Moulin (Lyon 3), art. 57.
  • 29.
    V. statuts de l’université de Savoie Mont-Blanc, art. 30.
  • 30.
    V. statuts de l’université de Bretagne-Sud, art. 1.4.
  • 31.
    V. statuts de l'université Paris Nanterre, art. 16.
  • 32.
    V. statuts de l’université Bordeaux-Montaigne, art. 6.
  • 33.
    V. règlement intérieur de CY Cergy Paris université, art. 4.
  • 34.
    Par ex., v. l’article 14 des statuts de l’université de Bretagne Sud, qui permet au président de nommer par arrêté les membres des commissions.
  • 35.
    V. l’article 41 des statuts de l’université de Picardie Jules Verne qui prévoit une composition hybride : des membres de droit et 10 membres du CA élus.
  • 36.
    L’article 32 des statuts de l’université de Bordeaux prévoit une désignation de 10 membres de la commission par le conseil d’administration outre des membres de droit.
  • 37.
    L’article 35 des statuts de l’université de Guyane prévoit une élection de 6 membres par le conseil d’administration en son sein parmi les catégories de personnel.
  • 38.
    L’article 11 des statuts de l’université Claude Bernard (Lyon 1) énonce que le conseil d’administration désigne les membres du groupe de travail Structures.
  • 39.
    L’article 57 du règlement intérieur de l’université Jean Moulin (Lyon 3) prévoit une composition d’au moins 4 membres complétée, le cas échéant, par des experts.
  • 40.
    L’article 12 du règlement intérieur de l’université Paul-Valéry (Montpellier 3) dispose que la composition de la commission Structures est arrêtée par vote du conseil d’administration « sur la composition qui lui est proposée ».
  • 41.
    Les enseignants-chercheurs bénéficient de la garantie constitutionnelle d’indépendance issue des franchises universitaires. Toutefois, l’appartenance à une commission des statuts et règlements ne relève pas des activités d’enseignement ou de recherche.
  • 42.
    Ce qui inclut le bénéfice de la protection fonctionnelle.
  • 43.
    Les collaborateurs occasionnels du service public bénéficient de la protection fonctionnelle (V. CE, 10e-9e ch. réunies, 13 janv. 2017, n° 386799, M. A.). En l’occurrence, la qualification de collaborateur occasionnel du service public sera d’autant plus facilement retenue que la mission de membre de la CSR, qui peut être octroyée à des étudiants ou des experts extérieurs à l’Administration, résulte d’une désignation par l’université.
  • 44.
    V. C. éduc., art. L. 714-3.
  • 45.
    Par ex., v. statuts de l’université de Bordeaux, art. 32.
  • 46.
    L’article 43.1 du règlement intérieur de l’université de Paris doit toutefois être mentionné puisqu’il prévoit la nomination d’un juriste enseignant-chercheur comme invité permanent de la commission des conventions et statuts nommé par le président de l’université.
  • 47.
    Par exemple, le règlement intérieur de l’université Panthéon-Sorbonne (Paris 1) prévoit de façon originale à son article 78 que le président de l’université est président de droit de la commission des statuts et règlements et qu’il désigne un président de la commission des statuts chargé d’instruire les questions inscrites à l’ordre du jour de la commission.
  • 48.
    Il arrive en effet qu’un nombre significatif de membres du conseil d’administration ait la possibilité de faire inscrire un point à l’ordre du jour du conseil d’administration sans l’intervention du président (par ex., v. statuts de l’université Paris Est Créteil, art. 52), mais l’hypothèse n’est pas fréquente en pratique.
  • 49.
    Créés par la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 d’orientation et de programmation de la recherche, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur visent à faciliter l’exercice commun de compétences par plusieurs universités ou à préparer leur fusion.
  • 50.
    Les communautés d’universités ou d’établissements ont été créés par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.
  • 51.
    L’article L. 713-1 du Code de l’éducation dispose : « Les composantes de l’université déterminent leurs statuts, qui sont approuvés par le conseil d’administration de l’université, et leurs structures internes ».
  • 52.
    V. statuts d’Aix Marseille université, art. 13.
  • 53.
    V. l’article 45 des statuts de l’université Panthéon-Sorbonne (Paris 1), par exemple, qui prévoit que le conseil d’administration doit délibérer dans le mois qui suit l’avis de la commission des statuts et règlements. La rédaction fait pencher pour un avis préalable obligatoire.
  • 54.
    V. CRPA, art. L. 211-1 à CRPA, art. L. 211-8.
  • 55.
    V. C. éduc., art. L. 711-7.
  • 56.
    V. C. éduc., art. L. 711-1.